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Le risque de non-observance médicamenteuse

" Médicaments "     
La porte de la pharmacie s’est ouverte. L’infirmier muezzin initie une bien étrange cérémonie. Matin, midi, et soir  ; c’est le même tempo, c’est la même chanson. D’abord arrivent les habitués, ceux que le revolving door ne concernent pas. Ils sont là, rangés de toute éternité devant la porte, pour un des moments clés de leur journée. Ils devancent l’appel. Ils viennent prendre leur apéro, qu’ils avalent avec un commentaire, quasiment le même chaque jour pour chacun. A leur suite, les autres patients se rangent à la queue leu leu et entrent un par un dans la pharmacie où les attend l’infirmier distributeur. D’autres se sont mis en marche et viennent sans se presser comme pour une corvée nécessaire. Il faut insister lourdement auprès d’un ou deux, sous-entendre que le traitement peut aussi être injecté. En dix minutes tout est plié. L’infirmier n’a plus qu’à remplir ses petites cases.
Educative, cette démarche  Peu importe. Elle ne donnera jamais lieu à un protocole. Que les patients soient dépendants, qu’ils n’aient pas réellement d’espace pour interroger les soignants, peu importe.   “ 
Vous verrez ça avec votre médecin    ”. Tout se passe souvent comme si le produit était magique, comme si ce que l’on donne valait mieux que la façon dont on le donne. On pourrait tout aussi bien clamer 
“ 
Thérapeutiques   
L’observance du traitement  “  C’est ça ou la piqûre    ”
Selon les unités la cérémonie est plus ou moins ritualisée. Ici c’est à 18 heures trente qu’a lieu la distribution du soir. Avant le repas en échange du ticket de self. Pas de médicaments, pas de tickets. Peu importe que le patient regarde ou non le film, qu’il fasse ou non une partie de cartes. Les règles asilaires prennent le dessus. Ailleurs, les soignants s’adaptent, vont de chambre en chambre. Avec le risque qu’une entrée de dernière minute perturbe la distribution et l’échange espéré, favorisé.
La non-observance du traitement 
Il est étonnant qu’avec la littérature infirmière que le traitement suscite sur le dossier de soin (identifier qui a préparé, si le traitement a bien été donné et par qui, etc.) sa distribution soit aussi peu pensée, qu’elle s’intègre aussi peu dans un projet de soin.
Et pourtant.
La non-observance du traitement génère un coût élevé, entraîne rechutes et réhospitalisations. Le patient multipliant les séjours devient de plus en plus dépendant de l’institution. Les proches désespèrent et tendent à se détacher de lui. Le malade finit par perdre son travail, s’il en avait un. La désocialisation s’intensifie. Pris dans une tourmente qui se solde constamment par des échecs, il risque de s’installer dans la maladie et d’abandonner tout espoir d’amélioration. La chronicisation est alors proche. Sur un plan individuel, cette réticence vis-à-vis du traitement est désastreuse.
Elle produit des effets sur l’équipe soignante qui ne peut s’investir dans la prise en charge et voir se succéder les réhospitalisations. C’est la motivation même de l’équipe qui est atteinte. Ces rechutes sont considérées comme des échecs dont le patient est rendu responsable. Comment résister au contre-transfert que cette résistance induit  Comment éviter les contre-attitudes 
Les effets de la non-observance retentissent sur l’ensemble des patients hospitalisés dans une unité, voire dans le secteur. Il est difficile de croire aux bienfaits du traitement et de s’inscrire dans une dynamique de soins quand on constate de visu que ce sont toujours les mêmes qui sont hospitalisés, que peu s’en sortent vraiment. Aussi renfermés soient ils les patients d’un même secteur fréquentent les mêmes commerçants, le même supermarché, sont parfois locataires du même immeuble ou du même grand ensemble. Chaque fois qu’un patient réintègre son environnement naturel, c’est un peu d’espoir qui s’injecte dans le bassin de vie. Chaque rechute a l’effet inverse. Leur fréquence tend à diminuer la confiance dans l’équipe de secteur, une confiance jamais vraiment acquise tant est grand le rejet de la folie. Quel que soit le cas de figure, le bouche à oreille remplit son office.
C’est ainsi qu’en bout de course, une famille attendra un peu plus longtemps avant de prendre contact avec le CMP. Ce temps perdu interdit parfois un suivi ambulatoire et oblige l’hospitalisation sous contrainte. Petite cause, grands effets.
A considérer que les personnes hospitalisées doivent prendre passivement leur traitement quasiment à la becquée, on ne facilite ni une prise de conscience de leurs troubles, ni une gestion autonome de leur maladie.

Différentes définitions

La non-observance n’est pas un problème spécifiquement psychiatrique. Les patients psychotiques ne sont pas les moins observants des patients. Toutes pathologies confondues les taux avoisinent les 40 % Ainsi, récemment (novembre 2001), un colloque avait-il pour thème l’observance thérapeutique chez les personnes âgées.
L’intérêt de ce colloque est de nous amener à faire un saut de côté avant d’aborder les définitions spécifiquement infirmières, désespérément simplistes. Trois termes sont habituellement utilisés pour décrire les relations d’un patient donné avec son traitement  observance, compliance et adhésion.
“ 
L’observance se définit comme le degré de concordance entre le comportement d’un individu (en termes de prise médicamenteuse, de suivi de régime ou de changements de style de vie) et les prescriptions ou recommandations médicales. Classiquement, ce terme renvoie dans le cadre d’une pratique ou d’une communauté religieuse à l’obéissance à une règle.  ” (1)
Certains auteurs n’hésitent pas à utiliser les termes de fidélité et d’infidélité pour qualifier l’observance et son non-respect. Le bon patient suivrait à la lettre les prescriptions sans les modifier d’un iota.
“ 
La compliance définit en physique les caractéristiques des corps élastiques  l’élasticité étant le résultat de la force exercée sur le volume de l’objet. ... Ce terme ... désigne la plus ou moins grande obéissance du malade et son désir de se conformer aux directives médicales. Cette transposition de la notion de compliance dans le domaine de la médecine est peu satisfaisante pour plusieurs raisons  : le malade est comparé à un objet, la relation médecin-malade se réduit à un rapport de force et implique la soumission du patient aux directives du médecin.  ” (1)
La non-observance apparaît ainsi davantage comme un problème qui se pose à l’équipe soignante que comme la réaction d’un patient donné à un problème de santé. Le patient se plaindra rarement de ne pas prendre le traitement tel qu’il est prescrit.
“ 
L’adhésion correspond à l’ensemble des conditions (motivation, acceptation, information ...) qui permettent l’observance en reposant sur la participation du patient. C’est sans doute le terme le plus satisfaisant puisqu’il implique activement le patient dans sa prise en charge thérapeutique et implique de sa part un choix volontaire.  ” (1)
La question de l’observance se complexifie côté infirmier dans le sens où l’infirmier prépare, distribue, accompagne un traitement dont il n’est pas l’auteur, le prescripteur. Il doit par ailleurs en tant que de besoin informer le patient et son entourage sur ce traitement. Qu’il soit convaincu de l’inefficacité du traitement ou de l’incompétence du médecin et cet accompagnement risque d’être réduit à sa plus simple expression. Qu’il vive le refus de traitement comme une agression du référent médical du service et ses réactions risquent de ne pas être exemptes de contre-attitudes. Les avatars de la relation infirmier/médecin, et infirmier/patient viennent rajouter de la complexité à ce qui n’était déjà pas simple.
La non-observance du traitement est actuellement considérée comme un problème de soins infirmiers, support à la formalisation d’un diagnostic infirmier. Sa définition a été élaborée par des infirmières anglo-saxonnes dont le pragmatisme les conduit à se méfier de tout ce qui relève du psychisme. L’infirmier qui exerce en psychiatrie ou en santé mentale trouvera donc ces définitions très décalées vis-à-vis de sa pratique.
Que l’on définisse la non-observance comme un en toutes connaissance de cause, d’adhérer au traitement recommandé.  (2) comme une “écision réfléchie de ne pas se soumettre au traitement   ” (3) on considère le patient comme un sujet capable de prendre des décisions légitimes en ce qui concerne sa santé. Si l’on considère ces deux définitions, il n’y a pas de problème pour le patient et donc aucune raison de formaliser un diagnostic infirmier.
Ces définitions apparaissent surréalistes aux soignants de psychiatrie qui considèrent que le patient psychotique hospitalisé contre son gré n’a pas la capacité psychique de traiter l’information donnée sur son traitement. L’élément le plus évident de cette incapacité est évidemment l’absence de consentement aux soins. Si le patient pouvait être observant, s’il pouvait consentir aux soins et/ou à l’hospitalisation, il ne serait pas hospitalisé sous contrainte. De là, à considérer que ce traitement doit lui être infligé quelles que soient ses réserves, il n’y a qu’un pas à franchir. Le patient ne se considère pas comme malade, on ne voit pas comment il pourrait refuser en connaissance de cause de prendre son traitement. Il n’a donc aucune raison de décrire un problème liée à l’observance. Que l’information donnée soit plus ou moins laconique ou partielle ne change rien quant au fond.
Si l’on définit la non-observance comme une “ 
situation où une personne ne suit pas le traitement bien qu’elle en ait manifesté l’intention  ” (4) nous pouvons aller un peu plus loin. Pourquoi l’individu alors qu’il en manifeste l’intention ne peut-il pas prendre régulièrement son traitement  Comment l’aider soit à avoir des actes en rapport avec ses intentions, soit à accorder ses intentions à ses actes ? Mais force est de constater que les situations où un patient vient voir les soignants en leur disant qu’il voudrait bien prendre son traitement mais qu’il ne le peut pas sont assez rares. Elles supposent toutes qu’il ait élaboré autour de sa maladie, qu’il ait accompli un certain chemin. Ce constat est encore plus juste en psychiatrie.
Les façons de concevoir l’observance varient considérablement que l’on exerce en psychiatrie ou dans les soins généraux. Si pour les uns elle est un droit, pour les autres elle est du registre de la transgression. Pendant très longtemps, les témoins de Jéhovah purent refuser la transfusion. Lorsqu’un patient hospitalisé contre son gré en psychiatrie refuse son traitement, il lui est imposé en injection. Et souvent même lorsqu’il est en hospitalisation libre, ce que les textes n’autorisent pas.
Peut-on considérer qu’un patient délirant qui se sent persécuté par son médecin refuse son traitement en toute connaissance de cause ? Le délire, le déni de la pathologie interdisent-ils toute décision réfléchie  Mais au delà, de la psychose et de la schizophrénie peut-on dire avec ce que nous savons de l’inconscient qu’une décision qui met le diagnostic vital en péril est légitime  Peut-on considérer qu’un patiente qui a subi une ablation du sein et qui traverse l’étape de déni de la perte refuse en toute connaissance de cause un traitement chimiothérapique 
Si la loi de 1990 contraint l’hospitalisation elle ne dit rien d’explicite quant à une obligation d’accepter le traitement. Au nom de quoi remettrions nous en cause le refus ou la décision réfléchie d’un patient informé de sa maladie et de ses conséquences  L’agressivité voire la violence de certains patients persécutés obligent parfois à des mesures de contraintes qui visent à protéger l’environnement humain. Est-ce une raison pour ne pas tenir compte d’une volonté clairement exprimée, en dehors de toute situation de violence  Qu’attendons-nous du patient hospitalisé  L’espérons-nous docile, compliant ou au contraire partie prenante, acteur de ses soins 
Ce n’est pas en infligeant au patient un traitement injectable contre son gré que nous lui permettrons d’être observant une fois sorti de l’hôpital. Bien au contraire.
Si le patient hospitalisé énonce parfois clairement son refus  ; son opposition est plus masquée lorsqu’il est suivi en ambulatoire, ne serait-ce que par crainte d’être réhospitalisé.
L’hospitalocentrisme qui sévit en France amène souvent les soignants à se focaliser sur le court terme. L’essentiel, dans les pathologies chroniques n’est pas que le patient prenne son traitement à l’hôpital mais chez lui, une fois sorti. L’organisation hospitalière, ses protocoles, ses tâches, la course effrénée que mènent les infirmières leur interdit souvent de prendre en compte les représentations de la maladie et du traitement, d’expliquer et d’éduquer les patients à une meilleure maîtrise de leur programme thérapeutique. Le bon patient serait celui qui conçoit la relation soignant/soigné dans le registre de la soumission, qui ne nous oblige à pas, à nous arrêter, à penser. Est-ce ainsi que nous concevons le rôle de malade  Dans quelle mesure cette préconception n’interdit-elle pas une adhésion possible au traitement et aux soins 
La non-observance pouvant varier de la non-observance totale à l’observance totale, certains auteurs ont décrit des modèles qui décrivent la compliance et les comportements en matière de santé. Ces travaux peuvent aider à cerner des variables précises et à comprendre la relation de ces variables avec l’observance.
L’expérience montre que la non-observance ne doit pas se penser en tout ou rien. Certains patients acceptent tel ou tel produit dont la couleur, le nom, l’effet présumé leur paraît tolérable (quelles qu’en soient les raisons) mais refusent énergiquement tel autre qui leur semblent avoir sur eux un effet néfaste.
Nous proposons donc de définir la non-observance comme une “ 
résistance plus ou moins marquée, exprimée ou non, vis-à-vis du traitement prescrit, entraînant soit des prises irrégulières soit l’abandon de tout traitement.  ” (5) Cette définition insiste sur la notion de résistance qui est plus relationnelle, davantage liée à l’étape de soin ou d’autonomie du patient. Les soignants doivent travailler non plus sur le refus mais sur une résistance qu’il faudra entendre, comprendre et éventuellement lever. Pour pouvoir considérer la non-observance comme un problème, il faudra en discuter avec le patient, lui permettre d’exprimer ses représentations de la maladie, de son traitement.
La non-observance telle que définie ne peut se penser qu’actuelle, elle n’implique pas de démarche préventive. Aussi avons-nous défini le risque de non-observance : “ 
Situation dans laquelle la réticence exprimée par le patient, ses antécédents, la conscience qu’il a de sa maladie, la sévérité des effets secondaires font craindre à l’équipe soignante des prises irrégulières voire une interruption de traitement.  ” (6)
Nous prenons ainsi en compte le passé proche du patient, et posons le problème dans la bonne temporalité. Il a rechuté parce qu’il avait cessé de prendre son traitement. Hospitalisé aujourd’hui, il le prend, que fera-t-il lorsqu’il sera sorti, lorsque la proximité des soignants n’obligera plus une prise régulière  Prendre en compte le risque de non-observance nous permet de travailler sur ce risque plus précocement. Elle permet également au patient de se responsabiliser, d’être davantage acteur de ses soins.

Approche par la théorie des rôles

La question de l’observance nous rappelle que le malade et sa maladie ne sauraient appartenir au médecin. La maladie est un ressenti individuel, familial, collectif, c’est un enjeu économique, mais aussi culturel, philosophique, éthique. Nombre de sociologues et de psychosociologues ont montré que la maladie est un phénomène qui dépasse largement la seule approche médicale 
Pour nous tous, elle n’est pas seulement l’ensemble des symptômes qui nous amène chez le médecin, elle demeure l’événement malheureux qui menace ou modifie irrémédiablement notre vie individuelle, ou le désastre collectif aux conséquences incalculables. Considérée ainsi la maladie exige toujours une interprétation qui dépasse le corps individuel et l’étiologie spécifique  ”(7)
La maladie nécessite toujours une quête de sens qui va au-delà d’une simple lecture médicale, productrice de catégories diagnostiques. Si l’évolution des connaissances et des techniques médicales rend les diagnostics et les traitements de plus en plus sûrs, on ne peut occulter la question des dimensions sociales et culturelles de la maladie. La maladie est d’abord un fait social qui
l’ensemble des rôles de la personne malade.
Santé et maladie sont donc vécues et pensées par l’individu en référence à ses rapports avec la société  ; par la santé et la maladie, l’individu s’insère dans la société contraignante ou en est exclu.
Ainsi que l’écrit C. Herzlich, la maladie est une forme de déviance motivée par les pressions de la société sur l’individu. Le “
ôle  ” de malade, c’est-à-dire les normes de conduite que la société, en l’occurrence l’entourage du malade, et en premier lieu, son médecin valorisent les “institutionnalisées  ” quant à sa conduite sont un mécanisme qui canalise la “éviance  ” de la maladie.
C’est à travers l’activité du bien-portant et l’inactivité du malade que s’exprime la relation de l’individu à la société  participation ou exclusion, éventuellement conformité ou déviance.
A travers le concept de rôle, théories de soins anglo-saxonnes, marquées par la sociologie et clinique peuvent se trouver quelques points de convergence et cheminer de concert.
Le concept de statut désigne la position qu’occupe un individu dans un groupe ou l’ensemble des relations égalitaires et hiérarchiques qu’un individu entretient avec les autres membres de son groupe. A chaque statut sont liés certains modèles de conduite qui prescrivent aux individus placés dans ces positions comment ils doivent se comporter, notamment envers ceux qui ont des positions complémentaires. Ainsi, le statut d’étudiant en soins infirmiers, implique un certain nombre de rôles. L’étudiant se comporte différemment en stage avec ses infirmiers référents qu’avec ses collègues. On attend de lui une certaine façon d’être à l’écoute de ses formateurs, une certaine manière d’écouter les patients et de rapporter ce qu’ils lui disent. L’évaluation de fin de stage est une façon de valider ou non la façon dont l’étudiant a rempli son rôle.
Pour le sociologue, toute organisation inclut un ensemble de rôles plus ou moins différenciés “ 
Ces rôles peuvent être définis comme des systèmes de contraintes normatives auxquelles sont censés se plier les acteurs qui les détiennent, et de droits corrélatifs à ces contraintes. Le rôle définit ainsi une zone d’obligations et de contraintes corrélative d’une zone d’autonomie conditionnelle.  ” (8)
Si un statut peut être occupé par de nombreux individus, chaque individu se situe dans plusieurs statuts et possède tout un répertoire de rôles. A un moment donné, un seul statut est sollicité et le rôle correspondant est activé. Tous les autres rôles restent latents. On peut être étudiant en soins infirmiers, être père d’un jeune enfant, être fils de sa mère, être adhérent d’un parti politique, d’un cercle d’échecs, etc. Lorsque l’on participe à une réunion du cercle d’échecs, seul le rôle de joueur d’échecs est activé.
Heureusement, les individus n’assument pas totalement leur rôle de la façon dont la société le prescrit. Le rôle joué constitue toujours un compromis entre le modèle social prescrit afférent au statut et la personne qui, cherchant à se conformer à ce modèle, l’interprète évidemment d’une façon unique. Il est donc possible de considérer la notion de rôle selon trois perspectives  : le niveau sociologique, théorique, du rôle lui-même, du modèle étroitement lié au statut  ; le niveau psychologique de la personnalité qui occupe les différents statuts, qui perçoit et joue les divers rôles  ; et, enfin le niveau psychosocial où, dans les interactions de rôle concrètes, viennent se transcrire à la fois les rôles, modèles relativement stables d’action, et les déterminants personnels, multiples, changeant au gré des situations réelles. (9) Pensé selon cette triple perspective, la notion de rôle peut nous permettre d’avancer dans une compréhension de la non-observance du traitement.
Afaf Meleis, une infirmière américaine, qui donne beaucoup d’importance au concept de rôle considère que dès que nous nous intéressons aux dimensions biopsychosociales d’un patient, il est nécessaire de pouvoir repérer la façon dont l’individu joue ses rôles sociaux. Ce repérage est particulièrement important lorsque l’individu est confronté à une situation impliquant des changements et une adaptation. Meleis décrit le rôle comme le résultat de l’interaction des individus dans un système social. Le rôle que l’individu choisit de jouer est motivé par la récompense qu’il en attend et que, en fait il reçoit des autres. Ce rôle est validé par les autres lorsque ceux-ci acceptent le sujet dans le rôle qu’il a choisi. Ainsi, pour cet auteur, les rôles adoptés par le patient sont validés par l’acceptation des personnes importantes qui l’entourent, donc essentiellement par son entourage et par les soignants.
Les rôles ne sont jamais installés une fois pour toutes, de nombreuses circonstances de la vie impliquent un changement de rôle. On peut repérer différentes situations de crise qui impliquent un changement de rôle. Ainsi la croissance et le développement de l’individu l’oblige à découvrir de nouveaux rôles. Le passage de l’enfance à l’adolescence, de l’âge adulte à la vieillesse en sont de bons exemples. Certaines transitions (comme les naissances et les décès dans une famille) modifient les statuts et donc les rôles. La jeune mariée devient mère et doit donc jouer son rôle de mère, son mari devient père et tous deux doivent découvrir une nouvelle façon de vivre ensemble. Le fils aîné devient “de tribu  ” au moment du décès de son père, etc. La maladie, quelle qu’elle soit vient remettre en cause le répertoire des rôles d’un individu. Selon les situations, on ne pourra percevoir de l’individu que le malade, et ce rôle prévaudra sur l’ensemble des autres rôles. Le malade va donc devoir intégrer une nouvelle définition de lui-même, un nouveau statut dans la façon qu’il a de jouer ses rôles sociaux. La maladie implique donc, elle aussi, des changements de rôle, avec toutes les graduations possibles selon la nature de la maladie, sa gravité, son aspect chronique, le handicap qu’elle provoque, etc.
Au moment d’un changement de rôle, des insuffisances peuvent se faire jour. Ainsi une mère qui ne saurait pas baigner son bébé, qui aurait peur de le noyer serait en difficulté dans l’exercice de son rôle de mère. L’infirmière puéricultrice ou de maternité devrait la suppléer jusqu’à ce que la jeune mère ait acquis le savoir (savoir-faire et savoir-être) requis par son nouveau rôle. Mais le rôle de l’infirmière ne peut se limiter à cette suppléance.
Il est inconcevable qu’un rôle existe sans qu’il y ait un contre-rôle qui le renforce et le complète, tout changement de rôle implique donc un changement des contre-rôles : la mère de la jeune mère devient grand-mère, elle doit donc évoluer elle-même pour que sa fille puisse réellement devenir mère. Tous les changements de rôles impliquent une série de changements en chaîne. Prenons l’exemple du jeune père de famille qui devient paraplégique : il passe du rôle de travailleur indépendant, père de famille, époux, fils à celui de personne dépendante, qui doit faire appel à d’autres pour la satisfaction de certains de ses besoins. Son changement de rôle modifie celui de son épouse, de son enfant, de ses parents et de tout son entourage.
Une personne qui change de rôle doit incorporer de nouvelles connaissances, changer son comportement, changer sa définition d’elle-même dans son contexte social. L’insuffisance du rôle peut provenir d’une mauvaise définition de ce rôle. Ainsi demande-t-on à l’adolescent de se comporter en adulte mais également d’obéir à ses parents dont il est dépendant économiquement. Il doit être responsable mais n’a pas les moyens de faire des choix et surtout de les assumer. De tous les rôles, celui de malade mental n’est pas le mieux défini. Celui qui est contraint de le jouer n’est pas confronté à des réactions bienveillantes de l’entourage. Il existe même des entourages qui refusent énergiquement la pathologie mentale de leur enfant. Il peut également y avoir des problèmes de dynamique à l’intérieur des relations entre les rôles. Ainsi en est-il lorsque c’est le patient qui remonte le moral d’un soignant, lorsque c’est l’enfant qui est parent de ses parents. Enfin, l’insuffisance de rôle peut être liée à un manque de connaissance des comportements, des sentiments et des buts qui vont avec ce rôle. C’est le cas, par exemple d’une personne qui devient malade chronique.
Lorsqu’une personne refuse d’assumer un rôle, c’est que pour elle ce qu’il en coûte est plus important que le bénéfice qu’elle en retire. Dans ce cas, l’insuffisance des rôles est volontaire et probablement renforcée par des personnes importantes de l’entourage.
Il existe aussi des causes involontaires aux insuffisances de rôle : anxiété, dépression, apathie, frustrations, deuil, incapacité, douleur, agression, hostilité.
Si nous considérons qu’un patient qui adhère à son traitement est une personne qui donne une définition positive au fait d’être malade (proche de la notion de maladie métier développée par C. Herzlich), travailler l’adhésion au traitement suppose de prendre en compte et de travailler le répertoire des rôles de ce patient.

Quel accompagnement infirmier 

Face à l’insuffisance de rôle, l’infirmier doit essentiellement suppléer le patient ou son entourage dans un premier temps. Il s’agit d’offrir de l’information, de l’expérience en vue d’augmenter la conscience et la connaissance que la personne a de son rôle. L’infirmière qui suit une jeune mère durant sa grossesse l’enseigne, l’informe, l’aide à clarifier son attitude vis à vis de son futur enfant. Elle a un rôle préventif. Si le rôle de mère est bien défini, si les connotations qui s’y attachent sont positives, il n’en va pas de même pour tous les rôles. Ainsi, le rôle de personne âgée solitaire n’est ni très défini, ni très valorisant dans notre société. L’infirmière qui assiste une personne âgée déprimée, en l’invitant à participer à des groupes “émoire  ”, à s’organiser des loisirs, à trouver des occupations intéressantes joue un rôle thérapeutique auprès de cette dame. Cette suppléance suppose que l’infirmière associe à la vieillesse des valeurs positives. Le rôle de malade mental est encore moins défini et moins prestigieux que celui de personne âgée. Quelle représentations avons-nous des malades mentaux et de ce qu’ils devraient être  Comment concevons-nous leur conduite  Quelles attitudes valorisons-nous  Encourageons-nous la passivité des personnes atteintes de schizophrénie  Favorisons-nous leur questionnement, leur compréhension de ce qui leur arrive 
Après avoir collectivement éclairci ces différents points, nous pouvons mettre en place un certain nombre de directions de soin.
Dracup et Meleis, proposent un modèle dans lequel ils font ressortir quatre composantes et décrivent la relation de chacune d’elles avec l’observance et la non-observance 
1.
Exercice du rôle lié à l’observance
Pour observer un traitement, le patient doit adopter les comportements et les activités exigés par le nouveau rôle (faire de l’exercice régulièrement, ne pas manger certains aliments, préparer son semainier)
2.
Image de soi
Pour observer un traitement, le patient doit intégrer son nouveau rôle (celui de personne en cours de traitement) dans l’image qu’il a de lui-même.
3.
Complémentarité des rôles
Pour favoriser l’observance, les soignants, le conjoint et les proches doivent apporter leur soutien à la personne en ajustant leurs rôles avec les siens.
4.
Evaluation
Pour favoriser l’observance, il faut évaluer régulièrement les rôles de la personne (les comportements associés au traitement recommandé) ainsi que les rôles adoptés par l’entourage.
Autrement dit, la personne qui observe son traitement doit :
- Assimiler un nouveau rôle (celui de personne malade ou dont la santé dépend d’un traitement);
- Disposer de l’information et des modèles de comportement qui l’aideront à accepter le nouveau rôle;
- Etre encouragé par son entourage dans cette démarche
- S’évaluer et évaluer les autres par rapport au nouveau rôle.
Ce modèle peut permettre à l’infirmier d’évaluer les chances du patient d’adopter les comportements adopter les comportements associés à l’observance et de les maintenir Il permet aussi et surtout d’en déduire des actions infirmières.
La
clarification de rôle consiste à offrir des connaissances et de l’information spécifique à propos du rôle et de ce qui le sous-tend. Qu’est-ce que la schizophrénie  En guérit-on  ? Quels sont les différents modes de traitement proposés  Comment prévenir la rechute  Comment obtenir de l’aide lorsque l’on sent que l’on va moins bien  Le soignant doit décrire le comportement, les sentiments afférents ou généralement rapportés par ceux qui en parlent. Le soignant doit encourager et valoriser les efforts que fait la personne pour repérer, comprendre et agir face à sa maladie.
La
prise de rôle consiste à assumer par l’imagination la position ou le point de vue d’une autre personne. La transition d’un rôle à l’autre est moins difficile si l’on a pu apprendre à remplir ce rôle par anticipation. Il est ainsi possible de préparer un entretien avec un employeur. Qu’attend-il de moi  Dois-je lui parler de mes problèmes psychiques  Que va-t-il s’imaginer si je lui parle de mes voix, de mes hospitalisations 
Le
rôle modèle est le type d’apprentissage le plus fréquent, c’est celui utilisé par l’enfant. Les enfants apprennent en vivant avec leurs grands-parents comment vieillir et mourir. Le malade apprend avec les soignants comment faire face à la maladie et à la souffrance. Il apprend aussi auprès d’eux comment vivre en étant malade. Les attitudes de rejet des soignants contribuent ainsi puissamment à entretenir le sentiment d’exclusion que peuvent ressentir les patients. C’est aussi en participant aux réunions de l’association d’usagers que le patient peut apprendre d’autres modèles, et notamment celui de maladie métier développé par Herzlich.
La
répétition de rôle consiste à répéter dans son esprit comment il va jouer son rôle. C’est ainsi qu’un patient peut s’entraîner à décrire ses symptômes à son médecin, à demander une augmentation de budget à son tuteur. Cette répétition peut être très utile. C’est le modèle de la préparation à l’accouchement mais également de l’entraînement aux habiletés sociales (mieux communiquer, gérer les conflits, etc.). C’est l’idée qui préside aux jeux de rôle.


4- Modèles d’observance et de comportements de santé

                A- Modèle du comportement du patient en matière de santé

Cox relève trois éléments qui sont en interaction les uns avec es autres :
a) l’individualité de la personne
b) l’interaction entre la personne et les professionnels de la santé
c) les résultats de l’interaction avec les professionnels de la santé, notamment l’observance du traitement.

a) Le premier élément, l’individualité, comprend quatre variables reliées aux antécédents de la personne (caractéristiques démographiques, influences d’ordre social, expérience antérieure avec les services de soins, et les ressources du milieu) et trois variables inhérentes à la personne (motivation, aptitudes cognitives, et réaction affective). Non seulement toutes ces variables sont-elles en interaction les unes avec les autres, s’influencent mutuellement, mais elles peuvent également interagir avec la relation entre le patient et les soignants, et avoir un effet sur celle-ci.

b) Le deuxième élément du modèle de Cox, soit l’interaction entre le patient et les soignants, est tributaire du soutien affectif apporté, de l’information donnée en matière de santé, de la façon dont les décisions sont prises, et enfin, des compétences professionnelles et techniques des soignants. Ces différents facteurs interagissent également les uns avec les autres, et conjointement avec les variables inhérentes à la personne, influent sur les résultats de l’interaction entre le patient et les soignants.

c) Le troisième élément du modèle de Cox, c’est-à-dire les résultats de l’interaction soignants/soigné englobe l’utilisation des ressources en soins de santé et des indicateurs cliniques de l’état de santé de la personne, la gravité du problème de santé, l’observance du traitement et la satisfaction à l’égard des soins reçus.

Ce modèle théorique peut guider l’infirmier lors de l’évaluation initiale. L’infirmier peut alors constater si les chances d’aboutir aux résultats escomptés sont compromises, soit lors d’une réévaluation lorsque l’infirmier cherche à déterminer pourquoi le patient n’a pas atteint les objectifs qu’il s’était fixé.

                B-
Modèle de description de l’observance et de la non-observance

Pour décrire l’observance et la non-observance, Dracup et Meleis proposent un modèle interactif basé sur la théorie des rôles, et qui s’appuie sur trois postulats.
Selon le
premier postulat, le fait d’observer ou non un traitement est l’aboutissement de l’interaction entre un patient et les soignants. Selon le deuxième postulat, pour pouvoir analyser le comportement d’observance ou de non observance, il faut que trois conditions soient remplies : (1) le patient doit participer aux efforts destinés à améliorer l’observance, (2) le diagnostic médical doit être exact et (3) le traitement proposé doit apporter des bienfaits à la personne.
Selon le
troisième postulat, l’observance est le résultat des interactions du patient avec son milieu et ses proches.

Dans leur modèle Dracup et Meleis font ressortir quatre composantes et décrivent la relation de chacune d’elles avec l’observance et la non-observance :
1.
Exercice du rôle lié à l’observance
Pour observer un traitement, le patient doit adopter les comportements et les activités exigés par le nouveau rôle (faire de l’exercice régulièrement, ne pas manger certains aliments, préparer son semainier)

2.
Image de soi
Pour observer un traitement, le patient doit intégrer son nouveau rôle (celui de personne en cours de traitement) dans l’image qu’il a de lui-même.

3.
Complémentarité des rôles
Pour favoriser l’observance, les soignants, le conjoint et les proches devraient apporter leur soutien à la personne en ajustant leurs rôles avec les siens.

4.
Evaluation
Pour favoriser l’observance, il faut évaluer régulièrement les rôles de la personne (les comportements associés au traitement recommandé) ainsi que les rôles adoptés par l’entourage.

Autrement dit, la personne qui observe son traitement doit :
- Assimiler un nouveau rôle (celui de personne malade ou dont la santé dépend d’un traitement);
- Disposer de l’information et des modèles de comportement qui l’aideront à accepter le nouveau rôle;
- Etre encouragé par son entourage dans cette démarche
- S’évaluer et évaluer les autres par rapport au nouveau rôle.

Ce modèle peut permettre à l’infirmier d’évaluer les chances du patient d’adopter les comportements adopter les comportements associés à l’observance et de les maintenir. Il permet aussi et surtout d’en déduire des actions infirmières.

                C-
Modèle de prédiction des comportements de santé

Ce modèle comme les précédents comporte différentes variables qui sont en interactions. Elaboré pour prédire les comportements préventifs en matière de santé, il a été révisé de telle sorte qu’il explique et prédise les comportements d’observance.
Ce modèle fournit un cadre conceptuel qui permet d’examiner les diverses variables, leur interaction ainsi que leurs effets sur l’observance. On peut l’utiliser tant pour évaluer si le patient est prêt à adopter le comportement souhaité que pour rechercher les facteurs susceptibles d’entraver ou de favoriser l’observance.

Pour déterminer si un patient est prêt à adopter le comportement recommandé, on devra examiner quatre éléments : (1) ses motivations en matière de santé; (2) l’importance qu’il accorde à l’atténuation de son problème de santé (la perception qu’il a de sa vulnérabilité et de la gravité du problème); (3) la conviction que l’observance du traitement peut effectivement réduire son problème (la perception qu’il a des bienfaits et du coût du traitement), (4) sa croyance en sa capacité de suivre le traitement. (Essayer pour savoir si une de vos collègues ou vous-mêmes êtes prêtes à arrêter de fumer).
Même lorsqu’un patient est prêt à adopter les comportements recommandés, certains facteurs peuvent l’empêcher d’intégrer ces comportements.
C’est le cas des facteurs démographiques et personnels tels l’âge et le bagage culturel. D’autres facteurs peuvent entraver ou favoriser l’observance : les facteurs liés au traitement (complexité du traitement, ses effets secondaires, sa durée), les facteurs liés à l’attitude (comme la satisfaction par rapport au personnel soignant et aux services de santé), les facteurs interpersonnel (comme la qualité et la nature des relations avec le personnel soignant) et les facteurs incitatifs (comme un problème de santé antérieur et un comportement indiquant l’observance).

Ces modèles montrent la complexité de la recherche des variables mais également fournissent un modèle de pensée qui peut aider. Il est possible de n’utiliser qu’un modèle, de les associer entre eux pour déterminer les causes de la non-observance.
Pour poser valablement ce diagnostic, il faut recueillir des données objectives et subjectives montrant que la personne n’observe pas le traitement prescrit ou risque de ne pas l’observer.
Les définitions proposées supposent que le patient a eu connaissance des recommandations thérapeutiques proposées. Cela signifie qu’il faut évaluer les capacités, les incapacités, les désirs et les intentions du patient avant de lui donner les informations dont il a besoin.
L’évaluation de la situation ne permet pas forcément de déceler si le patient observera ou non son traitement. Sa motivation et sa façon d’évaluer sa vulnérabilité à la maladie change, l’efficacité du traitement peut évoluer, il en va de même pour les facteurs qui favorisent l’observance, comme une bonne relation avec l’infirmière.
Par conséquent, même quand le patient s’est déclaré prêt à suivre son traitement, l’infirmier doit continuellement évaluer la situation de façon à détecter des signes possibles de non-observance.

5 - Caractéristiques

Plusieurs cas peuvent se présenter :
                        Données subjectives :
* Confidence de non-observance faite par le patient ou son entourage;
* Le patient surinvestit un produit d’une façon donnant à penser qu’il ne prend pas les autres.
                        Données objectives :
- Le comportement de non-observance est observé par l’infirmier;
- Stockage de médicaments;
- Dissimulation des médicaments;
- Retour de semainier plus ou moins rempli;
- Comportement indiquant que le patient n’adhère pas à la thérapeutique;
- Les résultats d’examen indiquent une mauvaise compliance;
- Le patient présente des complications ou une exacerbation des symptômes;
- Le patient n’atteint pas ses objectifs de soins;
- Réapparition des effets secondaires sans modification de traitement chez un patient qui n’avait plus d’effets secondaires.
- Patient qui ne se rend pas à ses rendez-vous ou ne prend pas contact avec les services auxquels on l’a adressé.

Quand il constate que le patient n’observe pas son traitement, l’infirmier doit rechercher le ou les facteurs qui en sont à l’origine. Ces facteurs peuvent être regroupés en trois groupes : facteurs personnels, facteurs interpersonnels, facteurs environnementaux.

6 - Facteurs favorisants

Facteurs d’ordre personnel :

Ils sont reliés à la situation individuelle du patient : ses valeurs, la façon dont il perçoit sa santé, la gravité de son problème, sa capacité à suivre son traitement et sa capacité d’intégrer le rôle requis dans son répertoire des rôles.

* Conflit entre le traitement recommandé et le système de valeurs du patient
* Conflit entre le traitement recommandé d’une part et les motivations en matière de santé, les influences culturelles ou les croyances spirituelles du patient d’autre part
* Stade de développement
* Sentiment de ne pas avoir de problème de santé
* Impression que les inconvénients du traitement sont plus importants que ses avantages
* Impression que le traitement prescrit est inefficace
* Résultats infructueux d’un traitement suivi antérieurement
* Importance des effets secondaires
* Manque de connaissance ou de savoir-faire quant au traitement prescrit
* Incapacité d’assumer le rôle de personne en cours de traitement

Facteurs d’ordre interpersonnel

Ils concernent les relations de la personne à autrui. Le soutien que le patient trouve auprès des autres, notamment auprès des soignants ainsi que la satisfaction qu’il en retire jouent un rôle important dans sa disposition à adopter le comportement recommandé. Si le patient ne trouve ni soutien ni satisfaction dans ses relations avec les autres et si les messages destinés à favoriser son observance ne sont pas clairs, le patient peut se sentir incapable d’assumer le traitement.

* Absence de soutien de la part de la famille ou des proches
* Relation insatisfaisante avec le personnel soignant
* Interprétation erronée de l’information reçue
* Manque de confiance dans les compétences et les capacités du personnel soignant.

Facteurs d’ordre environnemental
Ces facteurs sont les conditions matérielles qui peuvent freiner le désir et l’intention du patient de suivre le traitement. Ces conditions peuvent être présentes :
- au
domicile du patient (exemple pas de cuisine qui permette de conserver et préparer les aliments convenant au régime prescrit);
- dans le
quartier du patient (le patient ne fait pas son programme d’exercice pour éviter de passer par des rues dangereuses)
- dans le
milieu de soins (le patient a une véritable phobie des salles d’attente trop animées).
Prendre en compte :
- la
distance à parcourir pour se rendre à ses rendez-vous ou pour faire renouveler l’ordonnance
- le
moyen de transport utilisé (phobie du métro, du R.E.R., des bus)
- le
coût du déplacement.
Ces facteurs peuvent dissuader le patient de collaborer au suivi.

7- Diagnostics médicaux et psychiatriques associés

En fait toutes les pathologies selon les facteurs personnels, interpersonnels ou environnementaux présents peuvent se compliquer d’une non-observance.
* Diabète
* Hypertension
* Maladie coronarienne
* Toxicomanie (alcoolisme
* Trouble de la conduite alimentaire (obésité, anorexie mentale, etc.)
* Psychotiques :
                        - hospitalisés en HO ou en HDT
                        - stabilisés avec délire à bas bruit en proie à une recrudescence délirante
                        - stabilisés en proie à une inversion de l’humeur entraînant une levée des inhibitions
                        - exprimant un vécu persécutif vis-à-vis de l’équipe soignante
                        - présentant un risque de violence envers eux-mêmes (suicide médicamenteux)
                        - avec traits psychopathiques
                        - suscitant des réactions de rejet de la part de l’équipe
                        - avec perte des repères spatio-temporels.

Selon les situations :
                        - patients entamant une reconversion sociale avec un traitement trop sédatif
                        - patients confrontés à une impuissance induite ou non par un traitement non adapté.

8- Complications
Selon la pathologie médicale d’origine
* Majoration des effets secondaires
* Retour des effets secondaires consécutif à la reprise du traitement sans correcteur
* Arrêt du traitement
* Recrudescence des symptômes
* Rechute
* Violence envers soi (suicide) ou passage à l’acte hétéro-agressif
* Chronicisation avec dépendance vis-à-vis des structures de soins.

9-
Diagnostics infirmiers différentiels
* Manque de connaissance associée à la médication
* Manque de connaissance associé à la pathologie
* Non adhésion au plan de soins
* Déni non constructif
* Prise en charge inefficace du programme thérapeutique
* Incapacité de se maintenir en bonne santé
* Incapacité de s’adapter aux modifications de sa santé

10-Analyse et interprétation des données

Non-observance de la pharmacothérapie prescrite reliée à la complexité du régime pharmaceutique.
Non observance du programme d’exercices ou d’activités recommandées reliée aux douleurs musculaires ressenties au début de l’application du programme.
Non-observance du régime prescrit reliée à une interprétation erronée des informations relatives aux résultats escomptés.
Non-observance du programme d’abandon du tabac reliée à la conviction qu’arrêter de fumer entraîne forcément un gain de poids.
Non-observance du traitement neuroleptique liée à la conviction exprimée par la mère que le patient n’est pas malade, que les neuroleptiques sont une camisole chimique.

11 - Planification des soins et mise en application

A- Les objectifs
Ils sont fonction du facteur favorisant et de la structure de soins dans laquelle vous travaillez.
Au moment de planifier les soins pour un patient qui ne suit pas son traitement, les deux partenaires du soin devraient en tout premier lieu viser le long terme, ce qui permet déjà d’être plus indulgent sur la non-observance à court ou à moyen terme. Si nous visons le long terme nous pouvons supporter sans le faire payer un prix excessif au patient qu’il interrompe son programme thérapeutique. Cela rentre alors dans une stratégie.
Si le patient refuse activement son traitement, nous ne pourrons pas nous mettre d’accord sur le long terme. L’objectif commun ne pourra pas alors être d’acquérir une compliance à long terme.

B- Conflit entre le traitement recommandé et le système de valeurs du patient

* L’objectif premier est de permettre au patient de clarifier les termes de ce conflit. L’entretien ou les entretiens infirmiers auront pour but de mettre en évidence les éléments discordants entre les valeurs du patient (croyances générales en matière de santé et influences culturelles ou valeurs spirituelles). Cela s’énonce en : le patient clarifiera les termes du conflit. Objectif à court terme (1 à deux semaines).
* Dans un second temps, toujours en entretien infirmier, nous déterminerons avec le patient, le pourquoi du conflit, ses différentes conséquences sur sa compliance.
* Dans un troisième temps, nous rechercherons avec le patient, des moyens de changer ou de modifier le traitement recommandé de telle sorte qu’il soit compatible avec ses valeurs.
* Le patient devrait, alors, être prêt à suivre le traitement prescrit. Nous pensons qu’il serait alors bon, dans la plupart des cas, d’informer le patient sur la prise du traitement, sur la manière de le prendre, sur ses effets etc. Cela nous permettra de faire le point sur le traitement et de vérifier s’il n’y a pas un autre facteur masqué par le premier. Réticent le patient peut ne pas avoir entendu toutes les explications.
Les objectifs seront :
                                1) Clarifier le conflit
                                2) Identifier les différents termes du conflit
                                3) Rechercher des moyens de le dépasser
                                4) Permettre au patient d’énoncer les différentes étapes impliquées par la prise du traitement.

Les actions à mettre en place seront des
entretiens infirmiers, un entretien familial s’il s’avérait que les valeurs contradictoires sont aussi partagées par la famille, un séance individuelle ou collective d’éducation à la prise de traitement, avec un support verbal (infirmier), visuel (livre, film, etc.).
Si le patient est hospitalisé en hôpital de jour, toutes les activités proposées pourront servir de support, selon leur projet.

C - Sentiment d’invulnérabilité aux problèmes de santé

Prendre en compte le fait que nul ne prend un traitement s’il ne se sait malade. Dans ce cas de figure, il ne sert à rien d’expliquer les signes, les symptômes, etc., en tout cas dans un premier temps.
L’objectif est d’abord que le patient se sente vulnérable en un quelconque endroit de la sphère bio-psycho-sociale. A partir de cette faille acceptée, nous allons réfléchir ensemble comment l’aider à supporter, à soulager cette faille, cette zone de souffrance. Nous supporterons qu’elle puisse être délirante si nous pouvons penser qu’elle permettra, à long terme de favoriser l’observance. Le principe est que de proche en proche, de failles en failles nous puissions installer progressivement une conscience de la vulnérabilité, de la pathologie, puis de la nécessité de prendre un traitement régulièrement. L’observance médicamenteuse est alors véritablement un objectif à long terme.

Première étape :
Identifier avec le patient quelles sont ses représentations de la maladie.

Deuxième étape :
Différencier la maladie telle qu’il l’entend et sa souffrance actuelle. Autrement dit comment la souffrance ressentie actuellement se différencie t-elle d’une maladie ? A quoi serait donc due sa souffrance actuelle ? Nous aurons la plupart du temps des éléments délirants. Qu’importe ! Nous trouverons probablement un tout petit élément qui pourra se raccrocher à une demande de soin minimale : impossibilité de dormir, de manger, de penser, etc. Il est possible d’obtenir un accord minimum autour de cette demande minimale. L’explication proposée par le patient à sa souffrance ou à ce qui l’a conduit à être hospitalisé est à entendre comme une explication de la maladie, comme une théorie sur son état. A partir de cette explication, de cette théorie peut découler une question : comment pouvons nous vous aider à faire face à cette situation ?
Nous sommes tranquilles, nous savons que le patient ne sera observant qu’à sa troisième ou quatrième rechute. Nous avons donc tout notre temps. Nous prenons date pour la ou les prochaines hospitalisations.
Nous avons besoin de ces rechutes pour que le patient puisse intégrer sa fragilité et les moyens d’y faire face.

Troisième étape :
Intégrer dans le plan de soins, l’explication du patient et les moyens que nous avons de l’aider à y faire face. Si le patient met en avant des troubles du sommeil, intégrer la prescription d’un somnifère, la participation à un groupe centré sur la préparation au sommeil, etc. Si le patient se plaint de ne pouvoir manger mais que par ailleurs tout lui semble normal, intégrer au traitement un produit destiné à favoriser son appétit et lui proposer une activité, un groupe centré sur la perte d’appétit. Avec cet accord minimal, nous pourrons travailler sur le reste du traitement.

Quatrième étape :
A partir du sentiment de vulnérabilité énoncé, examiner avec le patient, les facteurs qui augmentent les risques de maladie ou qui indiquent la présence d’une maladie ou d’une affection. Et voir si ce qui le fait souffrir n’a pas de points communs avec ces facteurs.

Cinquième étape :
Expliquer au patient les signes, les symptômes et les facteurs de risque reliés à la maladie.

Sixième étape :
Repérer avec le patient quels sont les signes annonciateurs pour lui d’une rechute.

Il est tout à fait improbable que ces différentes étapes puissent se succéder au cours d’une même hospitalisation. Le travail commencé en intra devrait pouvoir se poursuivre en extra-hospitalier, puis en intra à l’occasion d’une rechute. Tout cela pose évidemment la question de la cohésion des équipes intra et extra-hospitalières.

Les objectifs seront :
                                1) Identifier les représentations de la maladie
                                2) Différencier maladie et état actuel
                                3) Intégrer la représentation du patient dans le traitement prescrit
                                4) Chercher les points communs entre maladie et souffrance actuelle
                                5) Expliquer au patient ce qu’est sa maladie à partir de ce qu’il en sait, ce qu’est le traitement prescrit et comment il l’aide à faire face à la maladie
                                6) Repérer les signes annonciateurs d’une rechute.

Les actions à mettre en place seront des
entretiens infirmiers ciblés, des entretiens familiaux si nécessaires, l’éducation à la maladie, à la prise de traitement à partir d’entretiens infirmiers, de groupes de rencontres avec d’autres patients, en utilisant des supports audiovisuels. En hôpital de jour : réunion institutionnelle, séjour thérapeutique (repas, etc.), groupe discussion, peinture sur soie, préparation semainier, toute activité impliquant une certaine dextérité, groupes Vie quotidienne, jeux de rôle. Dans un CAC, prise de traitement dans la structure, préparation du traitement, entretiens infirmiers, etc.

D- Impression que les frais et les inconvénients entraînés par le traitement sont plus nombreux que ses bienfaits

Première étape : Identifier la façon dont le patient perçoit son traitement, ses bienfaits, ses inconvénients, son coût.

Deuxième étape : Examiner avec lui les différentes façons de réduire les inconvénients du traitement (effet secondaires, désagréments, changements à apporter à son mode de vie, désavantage sur le plan financier).

Troisième étape : Lui expliquer les bienfaits du traitement, l’intérêt d’être en bonne santé, etc.

Actions :
Entretiens infirmiers ciblés.

E- Manque de connaissance ou de savoir-faire quant au traitement recommandé
Première étape : Faire le point avec le patient sur ce qu’il sait à propos de son traitement.
Deuxième étape : partir de ce qu’il sait, des questions qu’il se pose pour lui expliquer les raisons et les modalités du traitement.
Troisième étape : Lui demander d’expliquer les raisons, le but et le déroulement de son traitement.
Quatrième étape : Lui expliquer comment il peut intégrer le traitement prescrit à ses habitudes de vie.

Actions :
Entretiens infirmiers ciblés, semainiers, groupe d’éducation au traitement...

12 - Evaluation

L’objectif est atteint lorsque les facteurs favorisants sont réduits ou éliminés. Le comportement n’en doit cependant pas être constamment évalué par l’infirmier.

13 - Recueil de données


Item

Ce qu’en dit le patient Ce qui pose problème
Facteurs Individuels
Caractéristiques démographiques
Influences d’ordre social
Passé avec le service de soins
Ressources du milieu
Motivation

Aptitudes cognitives
Réactions affectives
Facteurs d’interactions
Soutien affectif apporté
Information donnée
Compétences des soignants
Résultats de l’interaction soignants/soigné
Utilisation des ressources en soins
Indicateurs cliniques
Gravité du problème
Observance du traitement
Satisfaction à l’égard des soins

Dominique Friard


Bibliographie

1.        Observance thérapeutique chez les personnes âgées, Colloque des 12 et 13 novembre 2001, synthèse documentaire.
2- Doenges (M.E.), Moorhouse (M.F), Diagnostics infirmiers et interventions, InterEditions 1991.
3- Taylor (C.M), Sparks (S.M.),
Diagnostics Infirmiers, Décarie Maloine, 1993.
4- Mc Farland (G.K), Mc Farlane (E.A.),
Traité de diagnostic infirmier, InterEditions 1995. Certainement le meilleur ouvrage relatif aux diagnostics infirmiers actuellement disponible.
5- Friard (D), Leyreloup (A.M), Louesdon (J), Rajablat (M), Stolz (G), Windisch (M),
Psychose, psychotique, psychotrope : quel rôle infirmier?, Editions Hospitalières 1994.
6- Friard (D),
Mieux définir le risque de non-observance médicamenteuse, Objectif Soins, Mars 1995.
7- AUGE (M), HERZLICH (C), Le sens du mal, Archives contemporaines, Paris 1983.
8 BOUDON (R), BOURRICAUD (F), Dictionnaire critique de la sociologie.Quadrige/PUF, Paris 2000.
9
ROCHEBLAVE-SPENLE (A  M), Rôles et statuts, in Dictionnaire de la sociologie, Encyclopedia Universalis, Albin Michel, Paris, 1998.






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