Le diagnostic médical
Issu du grec diagnosis, de gnosis (connaissance, discernement) et de dia (à travers), le mot diagnostic signifie connaissance à travers des signes.
Jean-Charles Sournia, dans " Histoire du diagnostic en médecine " (Editions de la Santé 1995) en propose une double définition :
" 1. Démarche intellectuelle par laquelle une personne d'une profession médicale identifie la maladie d'une autre personne soumise à son examen, à partir des symptômes et des signes que cette dernière présente, et à l'aide d'éventuelles investigations complémentaires.
2. Formulation de la conclusion.
Le diagnostic est donc d'une part un travail de réflexion et de collection de données, d'autre part son résultat exprimé le plus brièvement possible dans des termes qui l'incluent dans un savoir déjà élaboré et coordonné. ...
L'élaboration d'un diagnostic suppose certaines connaissances médicales et entraîne une responsabilité de la part du décideur à l'égard de son consultant, puisque des mesures destinées au rétablissement de sa santé vont en découler. C'est pourquoi la capacité de la formulation d'un diagnostic a été jusqu'à une date récente réservée à trois " professions médicales " : les médecins et dans la limite de leur compétence, les chirurgiens dentistes et les sages-femmes.
Le diagnostic peut comporter plusieurs opérations : reconnaître l'état de maladie et le nommer, tenter de déterminer comment elle est survenue, expliquer pourquoi elle s'impose soudain à cette personne et maintenant.
Au cours de la consultation, le médecin écoute le récit du malade qui décrit ce dont il souffre : des malaises, des sensations anormales, des troubles d'une fonction comme la digestion ou le sommeil, etc. Ce sont les symptômes qui sont donc subjectifs. Ensuite le médecin examine le consultant, il cherche des manifestations, des anomalies, des phénomènes qu'il constate lui-même et que d'autres peuvent vérifier ; il utilise éventuellement des appareils qui peuvent lui fournir des informations chiffrées. Ce sont les signes qui sont donc objectifs. Le malade raconte, puis le médecin vérifie et se renseigne par ailleurs.
Le diagnostic est ainsi le rassemblement de données d'origine différentes, les unes liées à la personnalité du malade dans sa complexité, les autres dues aux connaissances techniques du médecin.
Symptômes et signes sont tous les deux porteurs d'information et sont donc simultanément des signes au sens sémantique et linguistique du terme ; le mot signe a donc deux sens, l'un très général, et l'autre spécifique dans la mesure où, de par l'origine et la nature de l'information qu'il porte, il s'oppose au symptôme. "
Ainsi défini, le diagnostic apparaît comme une démarche intellectuelle qui permet d'identifier un dysfonctionnement à partir de symptômes et de signes, il est également un énoncé bref qui inclue ces dysfonctionnements dans un savoir déjà élaboré et coordonné. Nous pouvons déjà voir que le distinction Symptôme/Signe revêt une importance particulière.
Par extension, le diagnostic est l'évaluation d'une situation donnée, un jugement porté sur telle conjoncture, tel ensemble de circonstances. C'est bien cette extension qui pose problème.
Aujourd'hui, chacun y va de son diagnostic : le médecin (évidemment), le garagiste, le technicien, etc. Alors pourquoi pas l'infirmier ? A quelle image de la maladie et du corps renvoie cette soudaine polysémie ? A un corps machine qu'il faut réparer coûte que coûte ?
Nous savons bien en psychiatrie que les mots ont un sens, et qu'à les vider de ce sens on enlève à l'homme ce qui constitue sa moelle. Nommer diagnostic infirmier le temps d'analyse des données propre à la démarche de soins confine à l'imposture théorique. Le même mot est utilisé dans un même champ avec deux sens différents dont l'un est propre et l'autre figuré. Ne peut s'ensuivre que la plus extrême confusion et des confrontations corporatistes qui n'ont pas lieu d'être. Il serait possible d'affirmer qu'il existe un champ infirmier différent du champ médical s'il existait une science infirmière. Mais dans l'état actuel des publications et des pratiques nous en sommes terriblement loin.
L'infirmier recueille des données, les analyse pour identifier les ressources et les problèmes de santé réels et potentiels qui forment la base du plan de soins. Où est le cadre nosologique ? Dans quel cadre conceptuel prennent place ces problèmes ? Existe-t-il un cadre autre que médical ? Faut-il entendre que ces diagnostics infirmiers ne renverraient qu'à la possibilité ou non d'entreprendre une action, qu'à une praxis ? Que le diagnostic infirmier ne pourrait s'appréhender qu'en référence à une pratique et non à une théorie ? Si tel était le cas, sa seule légitimité serait économique.
Le cadre nosologique étant absent, le diagnostic infirmier ne pourrait se référer qu'au sens figuré du terme " diagnostic ", soit l'évaluation d'une situation donnée, un jugement porté sur telle conjoncture, tel ensemble de circonstances, ce qui nous renvoie à l'imposture théorique décrite.
Les infirmiers anglo-saxons ont évidemment été confrontés à cette question et ont tenté de la résoudre.