Retour à l'accueil

Retour au sommaire des diagnostics infirmiers

Et pourquoi pas Papillon ou libellule ?

De l'art de porter son soutien-gorge

J'ai un peu de mal à l'imaginer, mais il y eut un temps où les infirmiers soignaient sans diagnostic, sans résumé de soins. Cette formalisation des actions infirmières est finalement assez récente. Il ne s'agit pas de gober n'importe quelle ineptie sous prétexte que des nursocrates qui n'ont pas vu un patient en entretien depuis dix ans sont allés en voyage d'étude au Canada et qu'au lieu de ramener du sirop d'érable, ou une crosse de hockey ces nursocrates ont jeté dans leur valise des écrits infirmiers canadiens. S'il leur fallait absolument une grande cause à défendre pour équilibrer leur libido, le combat pour un troisième cycle universitaire en soins aurait été d'une plus grande noblesse. Le problème avec les dames patronnesses, c'est que du haut de leur supériorité, elles pensent ... Elles pensent que les pauvres ont l'esprit trop indigent pour penser par eux-mêmes. Elles ont donc acheté de la théorie au grand magasin de théorie en gros. Evidemment, çà ne va pas. C'est pas bien centré, il faut faire un ourlet, il y a un pli qui ne tombe pas bien, soit on se sent à l'étroit soit on a l'impression de flotter. La théorie ne supporte pas le prêt à penser. La théorie, c'est de la haute couture, çà doit être ajusté.

Comparez une femme américaine (une Wasp) et une femme française, vous verrez entre autres choses qu'elles ne portent pas leur soutien-gorge de la même façon. Chez l'une les seins sont soutenus plus haut, et paraissent conquérants, chez l'autre la poitrine est soutenue plus bas (quand elle l'est), et semble plus maternelle. L'une a des seins, des caractères sexuels secondaires, l'autre a une poitrine, deux mamelles. Pour l'une le soutien-gorge est un vêtement inutile, presqu'un gadget, une poitrine qui se respecte ne devrait pas avoir besoin de tels artifices, pour l'autre, le soutien-gorge est un dessous, un moyen de séduction qui doit mettre la poitrine en valeur. Tout cela est évidemment caricatural. Les feuilletons américains nous montrent des femmes aux seins parfaits, siliconés, qui s'arborent fièrement sur les plages de Malibu ou d'ailleurs. Mais ce cas de figure ne dément pas notre théorie. Le soutien-gorge n'est plus visible, la poitrine américaine est alors soutenue de l'intérieur du sein.

Cet art de porter le soutien-gorge repose évidemment sur une histoire, sur des références religieuses, sur une représentation du sein, de la femme, de sa place dans la société, des rapports hommes/femmes spécifiques à chaque culture. Les fabriquants de soutien-gorge ont bien compris cela et ne proposent pas les mêmes modèles aux unes et aux autres. Les nursocrates et les fabriquants de théorie n'ont ni le même sens du commerce, ni la même éthique, pour eux toutes les poitrines doivent être soutenues sur le même modèle.

Il m'arrive de pester contre des soutiens-gorge trop ajustés, trop difficiles à dégrafer ; il m'arrive d'admirer des décolletés vertigineux, d'avoir le désir de m'y plonger, de m'y noyer ; il m'arrive de glisser mes mains sous un tee-shirt et de les laisser vagabonder sans qu'aucun morceau de tissu ne vienne s'interposer entre ces tendres bourgeons tièdes et la pulpe de mes doigts ; parfois, j'ai envie que çà dure, j'ai envie de progresser lentement, de découvrir petit à petit des sensations différentes, de sentir le velouté du tissu, de sentir à travers le vêtement une aréole se dresser, parfois j'ai envie de prendre le sein comme un petit oiseau tout chaud dans son nid, parfois j'ai envie d'effeuiller ma belle vêtement après vêtement. Soutien-gorge ou pas soutien-gorge. C'est une question de moment, c'est une question de désir, c'est une question de relation à deux, c'est une question de relation à soi et à son corps. C'est aussi une question de contexte social et culturel. J'aime l'un et l'autre.

Il en va des poitrines comme du soin et comme de la démarche de soins.

C'est ce que je vais montrer dans ce troisième chapitre de notre grand feuilleton.

 


nous contacter:serpsy@serpsy.org