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Et pourquoi pas Papillon ou Libellule ?

Comment çà marche ?

Ecoute, apprivoisement, accompagnement, relation d'aide, contenance, suppléance, incitation, sociothérapies tout cela ne sert à rien si ce n'est inscrit dans la démarche de soins. Aucun soignant n'est propriétaire de ce qui se noue entre le patient et lui. Toute relation établie avec le patient a l'institution soignante comme cadre et le plan de soin instauré comme référence.

La démarche de soin est une méthode qui pourrait à terme modifier de fond en comble la prise en charge des patients psychotiques. Correctement comprise, grâce à la permanence induite par l'écrit, elle permet de prendre date, de poser des repères dans le temps, d'évaluer les actions entreprises. Elle permet d'organiser le soin infirmier et constitue en quelque sorte la mémoire des différents soins entrepris pour un patient donné.

Chacun s'accorde à reconnaître que la démarche de soins - méthode organisée et systématique dont le but est de donner des soins infirmiers individualisés- se décompose en cinq étapes : le recueil ou cueillette des données, l'analyse des données (diagnostic infirmier), la planification, la réalisation et l'évaluation.

Parmi ces cinq étapes, la plus importante nous semble être celle de recueil des informations qui va orienter l'ensemble de la démarche. Elle débute à l'entrée du patient dans l'unité de soins et se poursuit tout au long de son séjour, constamment enrichie et constamment remise en cause. Elle ne saurait être exhaustive. Toutes les étapes de la relation soignant/soigné, toutes les activités proposées auront également pour but de recueillir des données qui permettront de réactualiser la démarche. Quelles que soient les informations recueillies, leur qualité, le domaine sur lequel elles portent, le patient ne saurait s'y résumer. Ce qui compte c'est ce que nous ignorons du patient, et ce que nous supportons d'ignorer. L'essentiel nous paraît être de considérer le patient comme un sujet.

Nous ferions même de ce " considérer le patient comme un sujet " le premier temps réel de la démarche de soins, un préalable indispensable sans lequel nous ne saurions parler de démarche de soins.

S'il existe plusieurs façons de recueillir des données (lecture du dossier, renseignements fournis par la famille ou par ceux qui accompagnent le patient, observations infirmières, entretien médical, etc.), l'entretien infirmier nous apparaît comme étant une étape indispensable, celle qui légitime la future démarche de soins.

Il est inacceptable que des soignants puissent faire des démarches de soins sans avoir recueilli ce que le patient peut exprimer de son état, du sens qu'il lui donne, de ses ressources, du plan de soin proposé. Ce temps de recueil de données n'est pas qu'une étape de la démarche de soins, c'est également le premier temps du soin. Prendre le temps d'écouter le patient, pour le contenir, le rassurer, lui présenter un lieu de soin souvent vécu comme inquiétant. Il n'est pas forcément besoin de grand " tra la la ", d'entretien formalisé pour cela. Le temps d'inventaire peut faire office d'entretien infirmier ou permettre de recueillir des données. Quoi de plus intime que le linge que l'on emmène avec soi ! L'infirmier peut admirer un tee-shirt original, ou demander au patient qui a un tee-shirt de Johnny Halliday s'il en est un fan. Il y a là un matériel facile à utiliser qui nous donnera de nombreux renseignements (notamment sur l'inscription sociale du patient) et nous permettra de nouer une première relation vécue sur un mode non-persécutif. L'expression recueil de données peut apparaître un peu sèche, un peu technocratique. Il s'agit en fait de faire connaissance, de se présenter, de définir également des règles communicationnelles. Il s'agit de faire au patient une place en nous comme s'il était un étranger qui arrive épuisé d'un long voyage (c'est souvent le cas).

Le deuxième temps, ou temps d'analyse des données, n'est pas un temps moins important, ne serait-ce qu'en raison du fait que recueillir des données pour recueillir des données ne sert à rien. Il faut tenter de donner un sens à ces données, les interpréter.

Ce temps d'analyse et de synthèse des données tend aujourd'hui à se confondre avec le diagnostic infirmier. Nous pensons qu'il s'agit là d'une imposture théorique. En aucun cas le temps d'analyse des données ne peut se confondre avec le diagnostic infirmier. Le diagnostic infirmier devrait être un troisième temps de la démarche de soins. Les données recueillies le sont parfois en vrac, certaines concernent l'assistante sociale, d'autres le médecin. En passant directement au diagnostic infirmier, on risque de ne pas prendre en compte des données pertinentes, de contribuer à une perte d'informations et surtout plus grave d'oublier le patient et de ne plus voir de lui que le problème.

L'analyse implique un temps de recul. C'est le temps où nous nous dégageons, où nous nous posons pour relier entre elles les différentes perceptions que nous avons du patient, les messages parfois contradictoires qu'il nous envoie. Analyser, c'est décomposer le tout qu'est le patient en un certain nombre d'éléments qui vont nous permettre de nous en faire une représentation, une théorie, et donc d'imaginer des actions possibles. Analyser les données signifie décrire ce qu'il en est du patient, de sa maladie, de son histoire, de la façon dont il la vit habituellement, dont il la vit aujourd'hui, essayer de comprendre ce qui l'a conduit aujourd'hui à décompenser. Il s'agit ensuite d'aboutir à une synthèse provisoire, synthèse qui prenne en compte les symptômes psychiatriques, l'explication psychodynamique, les données sociales, sa perception de ce qui lui arrive, ce qui l'inquiète, ce qui lui pose problème. La synthèse succède logiquement à l'analyse. Elle consiste à recomposer un tout à partir des éléments distingués par l'analyse. Les deux opérations sont indispensables au travail mental.

Ce n'est que dans un troisième temps que nous poserons un ou des diagnostics infirmiers. A confondre diagnostic infirmier et analyse des données, on cherche à faire rentrer le patient dans les petites cases de la taxinomie de la NANDA, sans qu'il n'y ait la moindre pertinence clinique. C'est malheureusement ce qui se passe trop souvent. Le diagnostic infirmier (ou papillon ou libellule) constituerait ainsi un troisième temps de la démarche de soins. Il est énoncé en P.E.S (Problème Etiologie Signes).

Supposons Jordi un enfant hospitalisé pour une appendicite. Il pourra être angoissé par l'opération, par la rupture avec son milieu familial, par l'aspect déshumanisé du lieu de soin, etc. Cette angoisse pourra entraîner une insomnie. Nous serons alors fondés à poser le diagnostic infirmier de modification des habitudes de sommeil (Problème) liée à la crainte de l'opération, à la rupture avec le milieu familial, à la perte des points de repère habituels (Etiologie ou facteurs favorisants) se manifestant par des pleurs, par l'impossibilité de trouver le sommeil, etc. (Signes). Attention, le diagnostic infirmier n'est pas simplement le problème. C'est un problème, une source de difficultés lié à la façon dont le patient appréhende sa maladie, au sens qu'il lui donne, ce problème a des répercussions sur la santé du patient, sur son comportement, sur sa manière de se projeter dans l'avenir. Le terme " diagnostic " infirmier ne se réfère pas directement à la maladie mais à la réaction à la maladie et à ses conséquences. Le problème de Jordi n'est pas directement lié à l'appendicite mais aux conséquences de son hospitalisation. Les trois éléments décrits constituent ce que nous préférons nommer " l'énoncé clinique infirmier ". Il est évident quoi qu'en disent les nursocrates qu'ainsi pensé le diagnostic ou l'énoncé clinique infirmier ne peut être que spécifique à la personne considérée.

L'étape de planification des soins succède à la collecte, à l'analyse et à l'interprétation des renseignements recueillis, à la formulation d'hypothèses diagnostiques. Elle comprend l'énoncé des objectifs à atteindre et la planification proprement dite des moyens et des actions nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés. Les soignants ont parfois des difficultés à différencier " objectifs " et " actions ". L'objectif c'est ce que le patient doit arriver à réaliser, l'action c'est ce que l'infirmier doit faire ou mettre en place pour permettre au patient d'atteindre les objectifs que les deux partenaires du soins se sont fixés.

Ainsi définie la démarche de soins ne peut s'effectuer qu'avec la collaboration active du patient. Comment pourrait-il atteindre des objectifs qu'il ignore ? Cette démarche de soins devient ainsi le fruit d'une négociation entre soignants et soigné. Chacun en est le garant. Il s'agit alors véritablement d'une autre façon de soigner, de concevoir la place du soigné dans une relation qui n'est plus uniquement subie. Nous pouvons valablement employer le terme de patient/citoyen. La relation soignant/soigné n'est plus une relation despotique entre un objet malade, infantilisé et un super soignant qui, auréolé d'un savoir qu'il voudrait plus ou moins scientifique sait ce qui est bien pour le malade mais une relation démocratique basée sur la réciprocité, où chacun donne et reçoit de l'autre.

Le plan de soin comprend d'abord l'énoncé du diagnostic infirmier, issue de l'analyse et de l'interprétation des données, puis l'objectif visé par le patient. Aller dans une maison de retraite n'est pas un objectif de soins, c'est un projet social. L'objectif ne saurait être l'annulation pure et simple du problème comme cela est écrit dans tous les ouvrages consacrés au diagnostic infirmier. L'objectif, c'est ce que le patient va accepter de modifier dans sa façon de percevoir sa vie, sa maladie, dans sa façon d'agir pour agir sur la " cause " de son problème (celle qu'il identifie). Sa perception peut être aberrante, il n'empêche que nous n'avons pas d'autres leviers. L'essentiel en cette matière n'est pas directement l'action que nous accomplirons, c'est-à-dire le " faire " mais de mobiliser le patient, de l'amener à être acteur du soin, et la relation qui se noue avec le soignant.

Vient ensuite l'intervention ou action qui correspond aux moyens utilisés pour atteindre les objectifs.

Si nous revenons à Jordi, et à la modification des habitudes de sommeil liée à la crainte de l'opération, à la rupture avec le milieu familial, à la perte des points de repère habituels se manifestant par des pleurs, par l'impossibilité de trouver le sommeil. Nous ne pourrons l'aider à trouver le sommeil qu'en le rassurant à propos de l'opération, qu'en l'aidant à trouver de nouveaux repères, ou en se référant à ses repères habituels. Nous lui proposerons d'énoncer tout ce qui l'inquiète, tout ce qui lui manque (objectif). Nous essaierons ainsi de repérer ses rituels d'endormissement, nous contribuerons à le rassurer, nous verrons avec lui ceux qu'il est possible de respecter. Nous lui proposerons de téléphoner à sa mère. Si cela s'avère nécessaire nous lui reparlerons de l'opération. Nous conclurons par un conte. Toutes ces actions ont pour but de le rassurer et donc de l'aider à trouver le sommeil. Il est évident qu'il y a un " faire ", mais ce " faire " sera insuffisant s'il n'est étayé sur un " être ". Nous aurons non pas à faire la " mère " mais à " être " une mère cette nuit là, pour cet enfant là. C'est la qualité de l'interaction que nous saurons instaurer qui permettra à l'enfant de trouver le sommeil. Toute action infirmière a nécessairement au moins trois dimensions : une dimension technique (qu'il s'agisse de poser une perf ou de réaliser un entretien d'aide), une dimension relationnelle (qu'il s'agisse de proposer un bassin ou de réaliser un examen sanguin) et une dimension éducative (la plupart des soins proposés se réfèrent à une forme, à un modèle médical que nous transportons souvent à notre insu). Chaque action mise en place dans le cadre de la démarche de soins doit prendre en compte ces trois dimensions.

Ultime étape de la démarche de soins, l'évaluation est souvent la plus négligée. Au cours de cette étape, l'infirmière compare les progrès réalisés avec les objectifs fixés et examine les progrès obtenus.

Dans le cas de Jordi, l'évaluation sera simple à effectuer. Rassuré, il s'endormira et envisagera l'opération avec moins d'inquiétude.

Esquissées à gros traits, simplifiées telles sont les étapes de la démarche de soins. Nous y reviendrons, en débattrons, en décrirons la complexité, l'éventuelle inadéquation à nos pratiques.


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