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Décret de compétence

 


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La révision du décret de compétence infirmière est une chose trop sérieuse pour être confié aux infirmières elles-mêmes. Les organisations syndicales qui représentent moins de 10 % des infirmières et la Fédération Nationale Infirmière et ONSIL (?) ont seules été invitées à une réunion au Ministère destinée à modifier le décret régissant notre profession. On cherchera vainement dans les revues infirmières les échos des débats, la nature des arguments en présence, les positions des différents intervenants. En France, on révise en catimini. Les infirmières ne sauraient être concernées par leur profession. Différentes associations ont hurlé. Certaines telles l'ASCISM (Association des Cadres et des Infirmiers en santé Mentale) ont organisé des groupes de travail internes aux C.H.S. Un de ces groupes de travail avait pour cadre le Centre Hospitalier de Laragne.

Sept infirmiers, trois cadres, et deux cadres-infirmiers supérieurs se sont donc retrouvés une fois par semaine pendant huit semaines pour réfléchir à leur profession et à la meilleure façon de la définir. Chaque article, chaque phrase a été lue et commentée. Est-ce que çà correspond à ce que nous faisons ? Quelles sont les implications de ce qui est écrit ? Nous avons examiné les textes antérieurs, nous avons relu le décret du 15 février, le guide des orientations en santé mentale de 1991. Nous avons essayé de percevoir l'évolution d'un texte à l'autre.

Fallait-il reprendre le listing d'actes ? Quelle profession est ainsi définie ? Les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les médecins se définissent-ils par le caractère des actes qu'ils peuvent accomplir ? Un tel inventaire auquel il ne manque qu'un raton-laveur implique des révisions régulières pour suivre l'évolution des techniques. On risque sinon d'être confronté à un certain immobilisme. Ce listing d'actes ne contribue-t-il pas à protéger la profession ? Si un acte est inscrit comme délégué par le médecin, nous sommes sûrs qu'aucune aide-soignante ne sera autorisée à le pratiquer. Mais qu'est-ce qu'une infirmière ? Est-ce une exécutante bornée des prescriptions médicales ou une professionnelle responsable qui organise la prise en soin de la personne soignée ? L'infirmière doit-elle être définie par les actes qu'elle est autorisée à accomplir ou par sa capacité à soigner la personne, ce qui suppose des actes techniques, une approche relationnelle spécifique, pensée, écrite et évaluée et une démarche éducative ?

Pourquoi appeler la dimension spécifiquement infirmière du soin " rôle propre " et pourquoi pas " rôle indépendant " (comme en Belgique), ou " rôle autonome " ? Ce terme de " rôle propre " est-il le mieux choisi pour décrire les actes accomplis par une professionnelle qui assure les " soins d'hygiène et de confort " ? Ceux qui savent l'importance des mots et de la façon dont on les entend savent qu'on va opposer le rôle " propre " et le rôle " sale ". Ceux qui ont un peu lu Jodelet, Ricoeur savent que le soin infirmier, notamment en psychiatrie renvoie à la pourriture, à la contagion. Comment entendre cette expression de rôle propre ? Comment définir ce qui fait la spécificité infirmière, son domaine de responsabilité ?

Que devrait-on trouver dans un décret de compétence ? Des actes, des principes, une description de l'activité ? Mais comment décrire l'activité de celle qui les exerce toutes ? A quelle philosophie renvoie le soin infirmier ? A la théorie des besoins tel que le sous-entendent les articles 1 et 2 ? A la théorie de l'interaction ? Est-il nécessaire de mettre en exergue le " rôle propre " infirmier ? Après tout le médecin ne prescrit qu'un acte ; l'atmosphère, ce qui entoure le soin, la qualité de présence de l'infirmière, son écoute, les mots qu'elle prononce ou ne prononce pas, sa proximité du patient, son empathie ne sauraient être prescrits. L'espace dévolu à l'infirmière apparaît ainsi comme considérable. La réalité du soin lui appartient. Le patient peut guérir, garder des séquelles, mourir, ce sont les aléas de la médecine, de la vie. La responsabilité de l'infirmière est de l'accompagner dans l'étape de sa vie que constitue l'hospitalisation, la maladie, la sortie de l'hôpital. Il ne s'agit pas comme l'écrivent les systémiciens de redevenir comme avant mais de devenir comme après, c'est-à-dire d'accepter le changement que représente la maladie, de lui donner un sens, et de lui permettre d'éclairer l'avenir. Là est la réalité du soin. Rôle propre, rôle prescrit, peu importe. L'infirmière soigne et le " prendre soin " est de sa compétence unique.

L'infirmière ne soigne pas seule. La lecture du décret montrerait que la maladie ne mobilise qu'infirmières et médecins. L'équipe pluridisciplinaire (instituteurs (en pédiatrie), kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, éducateurs, assistantes sociales, psychologues) semblent ne pas exister. Quelle est la place du collectif soignant dans le soin ? L'infirmière travaillerait seule ? Le décret apparaît ainsi méconnaître une partie essentielle de l'activité soignante. Si l'équipe existe, il faut bien insister sur les transmissions qui ne peuvent s'adresser uniquement au médecin, sur l'activité de liaison avec les autres partenaires de l'équipe.

Peut-on faire des protocoles " relationnels " ? La protocole apparaît possible voire souhaitable pour ce qui concerne les aspects somatiques du soin, mais pour sa part psychologique ? Comment définir ce qu'il y a psychologique et ce qu'il y a de somatique dans l'acte ? Quelle est la place de la dimension culturelle dans le soin ? Qu'entend-on par soutien psychologique ? S'agit-il d'un acte précis, quantifiable ou de la condition de l'acte ?

Si la dimension relationnelle est tellement importante dans le soin, comment l'évaluer ? En présence d'un psychologue, lors de réunion d'équipe, lors de séances de supervision ? L'abord relationnel, n'implique-t-il pas une formation spécifique ? La psychothérapie suppose la connaissance de techniques spécifiques, un temps de recul et de mise en commun. Pourquoi le décret est-il muet sur ce point ?

Nous nous sommes posés toutes ces questions et beaucoup d'autres. Chacun avait à cœur de faire avancer le débat. Nous avons donc repris et reformulé divers articles du décret. Nous ne reprendrons ici que l'article 1 :

" Les soins infirmiers sont constitués d'échanges dynamiques entre l'infirmier et une personne ou un groupe de personnes. Ils se caractérisent par des soins de base techniques, éducatifs et relationnels qui requièrent expertise technique, disponibilité, observation, capacité d'analyse, écoute, compréhension des problèmes, respect de la différence, accompagnement, relation d'aide, permanence et continuité. Ils impliquent la connaissance et l'application de techniques de soins spécifiques somatiques et la maîtrise des concepts relatifs au comportement, à la personnalité, au psychisme, aux différentes pathologies somatiques et psychiques et enfin aux relations interpersonnelles.

Les soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs sont de nature technique, relationnelle et éducative. Ces trois aspects sont indissociables de tout soin infirmier. ... "

Il n'y a aucune chance que nos propositions soient retenues, nous ne sommes que des soignants de terrain. Mais il n'y a pas de raison, faites comme nous réagissez, réfléchissez, enrichissez la réflexion commune. Nous enverrons le fruit de ces réflexions sur le site du ministère.

La démocratie, c'est rentrer par la fenêtre quand on ne nous ouvre pas la porte.

 

Proposition de modification du décret de compétence infirmière

Article 1 :

Les soins infirmiers sont constitués d'échanges dynamiques entre l'infirmier et une personne ou un groupe de personnes. Ils se caractérisent par des soins de base techniques, éducatifs et relationnels qui requièrent expertise technique, disponibilité, observation, capacité d'analyse, écoute, compréhension des problèmes, respect de la différence, accompagnement, relation d'aide, permanence et continuité. Ils impliquent la connaissance et l'application de techniques de soins spécifiques somatiques et la maîtrise des concepts relatifs au comportement à la personnalité, au psychisme, aux différentes pathologies somatiques et psychiques et enfin aux relations interpersonnelles.

Les soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs sont de nature technique, relationnelle et éducative. Ces trois aspects sont indissociables de tout soin infirmier. Leur réalisation prend en compte l'évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des règles professionnelles des infirmiers et infirmières, incluant notamment le secret professionnel :

- de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques, en tenant compte de la personnalité de chacune d'elles, dans ses composantes psychologique, sociale, économique et culturelle ;

- de prévenir et évaluer la souffrance et la détresse des personnes et de participer à leur soulagement (que cette souffrance soit d'origine somatique, psychique ou sociale) ;

- de concourir au recueil des informations et aux méthodes qui seront utilisées par le médecin pour établir son diagnostic, par l'assistante sociale pour initier les démarches nécessaires, par les rééducateurs (ergothérapeutes, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc.) ;

- de participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ;

- de participer à la surveillance clinique des patients et à la mise en œuvre des thérapeutiques ;

- de permettre à la personne malade d'intégrer l'expérience de la maladie dans son parcours de vie ;

- de favoriser le maintien, l'insertion ou la réinsertion des personnes dans leur cadre de vie familial et social ;

- d'accompagner les patients en fin de vie et, en tant que de besoin, leur entourage.

Article 2 :

Relèvent du rôle spécifique de l'infirmier les soins infirmiers liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes. Ce rôle spécifique implique que l'infirmier identifie de quelle manière la personne ou le groupe de personnes réagit à la maladie, qu'il sache l'aider à y réagir de la façon la plus appropriée possible, qu'il favorise son adaptation aux modifications de la vie quotidienne que la maladie peut entraîner, qu'il lui permette par son écoute attentive et ses reformulations d'intégrer l'expérience que représente cette maladie dans sa vie. Le soin infirmier est le fruit d'une démarche de soins (démarche intellectuelle et méthodologique) qui doit être intégrée au quotidien et organiser le soin. Ainsi, lorsque l'infirmier réalise un soin prescrit par le médecin (article 4, 5, 6, 7 et 8), il lui appartient d'inscrire les aspects relationnels et éducatifs qui en découlent dans la démarche de soins. Les différents éléments du quotidien hospitalier et extra-hospitalier doivent être utilisés et pensés de telle sorte qu'ils favorisent la rencontre avec le patient, son écoute et son autonomisation.

Dans ce cadre l'infirmier a compétence pour prendre les initiatives qu'il juge nécessaires et accomplir les soins indispensables conformément aux dispositions de l'article 3 ci-après. Il recueille des données concernant le patient, son histoire, les représentations qu'il a de ses besoins, de sa maladie, de ses conséquences sur sa vie quotidienne, familiale, professionnelle et sociale, analyse ces données, les problématise, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins qui doivent être chaque fois que possible les objectifs du patient, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il s'agit là d'un processus continu qui scande chaque étape de la prise en charge du patient. L'infirmier peut élaborer des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. En aucun cas, ces protocoles ne doivent s'interposer entre le soignant et l'écoute d'un patient à considérer comme acteur du soin. L'infirmier est responsable de l'élaboration, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers, partie intégrante du dossier du patient. Le dossier de soins infirmiers doit décrire la démarche de soins. Par ses écrits, l'infirmier doit insister sur l'effet des soins dispensés sur un triple plan : technique, éducatif et relationnel.

Lorsque ces soins sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile, à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'Aide-médico-pédagogiques ou d'auxiliaires de puériculture qu'il encadre et dans la limite de la compétence reconnue à ces derniers du fait de leur formation.

Article 3 :

Dans le cadre de son rôle spécifique, et en lien avec la démarche de soin individualisée, l'infirmier accomplit les actes ou dispense les soins infirmiers suivants, visant notamment à assurer le confort du patient, à le soutenir sur un plan psychologique, à favoriser son autonomie et comprenant en tant que de besoin, son éducation et celle de son entourage :

- Accueil du patient dans la structure de soins ;

- Entretien d'accueil et d'orientation ;

- Entretien de crise et de réassurance ;

- Entretiens informels centrés sur la résolution de problème ;

- Relation d'aide thérapeutique ;

- Soins d'hygiène corporelle et de propreté ;

- Surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire ;

- Observation et surveillance des troubles du comportement ;

- Observation et valorisation des progrès accomplis, renforcement positif ;

- Vérification de la prise des médicaments, surveillance de leurs effets et explication au patient de ceux-ci ;

Plus tous les autres.

- Entretien familiaux à visée sociothérapique ;

- Utilisation de jeux socio-éducatif ;

- Animation de jeux de rôle ;

- Animation et organisation de rencontres communautaires portant sur la gestion et l'organisation de l'unité ;

- Repas thérapeutiques ;

- Groupes éducatifs centrés sur la resocialisation ;

- Animation et organisation d'activités corporelles ;

- Animation et organisation d'activités de médiation ;

- Accompagnements dans la cité ;

- Favoriser la promotion de rapports sociaux articulés sur la cité, dans le tissu associatif existant ;

- Coordination, contact et lien avec les différents partenaires impliqués dans les réseaux sanitaires, sociaux, professionnels et associatifs.

Ces différents soins doivent impliquer des comptes-rendus écrits, détaillés effectués par le(s) soignant(s) qui a effectué le soin. Le temps d'élaboration, de réflexion en commun, d'écriture est partie intégrante du soin.

Article 4. -

L'infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale, qui sauf, urgence, doit être écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes ou soins infirmiers suivants :

Tous les soins notés sauf entretien individuel et médiation à visée psychothérapique.

Rajouter à la fin :

- Mise en chambre d'isolement et accompagnement du patient isolé ;

- Visites à domicile ;

- Séjour sociothérapiques.

Article 5 :

L'infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes ou soins infirmiers suivants, à condition qu'un médecin puisse intervenir à tout moment :

Ceux qui sont écrits. Plus

- Enveloppements humides d'indication psychiatrique ;

- Contention physique du patient agité ;

Article 6:

L'infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative, datée et signée, les actes ou soins infirmiers suivants, à condition d'y être spécifiquement formé et qu'existe une supervision régulière (effectuée par un psychologue clinicien lui même psychothérapeute) :

- Entretien individuel à visée psychothérapique ;

- Thérapie familiale systémique ;

- Art-thérapie ;

- Thérapies comportementales ;

- Analyse transactionnelle ;

- Suggestion et hypnose ;

- Animation, organisation, participation au sein d'une équipe pluridisciplinaire aux techniques de médiation à visée psychothérapique : psychodrame, musicothérapie, relaxation, etc.

Article 7:

L'infirmier participe en présence d'un médecin à l'application des techniques suivantes :

Supprimer insulinothérapie.

Remplacer sismothérapie par Electroconvulsivothérapie.

- Entretiens médicaux.

Article 8 (Article 7 inchangé)

 

Article 9 (Article 8 inchangé)

 

Article 10: (Article 9 inchangé.)

Sauf qu'il sera noté que l'infirmier a le devoir d'actualiser annuellement ses connaissances en participant à des actions de formation continue régulièrement évaluées.

 

 

Dominique Friard.

Participants au groupe de travail  :

F. BERAUD,  B. GJUREKOVIC, C. MOURIES, N. MAYAUDON, S.DESRUMEAUX, R. COMORIANO, D. FRIARD ; infirmiers

C. DRACHE, N. GILLIBERT, J CHEILLETZ ; cadres-infirmiers

G. HERRERO, D. MARTIN, cadres-infirmiers supérieurs. Centre Hospitalier Laragne (05).

 

 

Pour continuer à contribuer au débat

Article 11: L'infirmier qui a suivi une formation universitaire sanctionnée par une maîtrise en soins est reconnu comme infirmier clinicien et est habilité à superviser les démarches de soins effectuées dans les unités, à diriger des groupes Qualités, et à coordonner des activités de recherche en soins infirmiers.

Article 12: Il est créé un troisième cycle universitaire portant sur les soins (D.E.A. et doctorat) auquel peuvent s'inscrire de plein droit des infirmiers, des cadres-infirmiers, des cadres-infirmiers supérieurs, des infirmiers généraux titulaires de maîtrise en soins.


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