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Deuxième conférence belge de consensus sur le traitement de la schizophrénie ... Trois ans après
Ligue belge de schizophrénie
Kortenberg
29 novembre 2001
" LA QUESTION DE L'ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE AVEC LA FAMILLE DANS LE TRAITEMENT DE LA SCHIZOPHRÉNIE " :
Réflexions et perspectives cliniques actuelles
Dr. Patrick BANTMAN
Dr.Nathalie PARAGE**
L'évolution de la pratique psychiatrique dans la communauté et la dés institutionnalisation font que de plus en plus de patients passent de plus en plus de temps hors de l'hôpital Psychiatrique , c'est-à-dire souvent dans leurs familles.
La prise en compte de l'évolution de notre pratique et de nos approches théorique, les difficultés contingentes du contexte économique en Psychiatrie publique, la fermeture de lits d'hospitalisation sans ouverture de structures alternatives, font de la famille un partenaire incontournable.
Bien des choses ont évolué aussi depuis quelques années à travers des rencontres fructueuses avec des associations de familles, et, l'évolution de positions moins dogmatiques, qui avaient fortement compromis toute alliance thérapeutique avec les familles.
Un consensus semble s'installer actuellement sur le fait qu'à la prise en charge du patient dans la communauté doit s'associer le soutien de sa famille, une attention vis-à-vis de ses besoins et de ses souffrances et une coopération à ses problèmes quotidiens afin de l'aider à assumer les crises . En témoignent les conférences de consensus en France(1994) , en Belgique (1) (1998) , en Hollande (1996) , les guides de bonnes conduites ailleurs …
En France, la conférence de consensus sur les " Stratégies thérapeutiques à long terme dans les psychoses schizophréniques (1994) ",évoque les approches familiales parmi les stratégies thérapeutiques non médicamenteuses, dans le chapitre traitant des approches psychothérapiques. On insiste sur l'information aux familles, et la place des psychothérapies familiales dans une optique de partenariat (2) .Les familles peuvent bénéficier d'une formation permettant de mieux réagir face à la maladie. Dans le document de consensus du traitement de la schizophrénie aux Pays-Bas, on insiste sur le fait , que le patient et la famille doivent être informés tant de façon verbale qu'écrite sur la maladie schizophrénique, sur le traitement appliqué, sur les résultats à attendre de ce traitement et sur les effets gênants possibles des médicaments. La conférence de consensus en Belgique dissocie la relation avec la famille lors du premier épisode et dans le cadre du traitement à long terme. Elle insiste sur leur implication dès le premier épisode et à plus long terme. Elle recommande la prise en charge éducative du patient et de sa famille
Depuis plusieurs années se sont développées conjointement des approches spécifiques de la famille, qui ont en commun de rechercher l'alliance thérapeutique avec celle-ci. Cependant ces pratiques restent encore peu développées dans les milieux professionnels actuellement, tout au moins en France, parce qu'elles heurtent les réticences du milieu professionnel, les habitudes thérapeutiques héritières d'une tradition médicale centrée sur le secret et la confidentialité, certaines méfiances des familles longtemps écartées du soin.
Mais les changements dans la relation instituée avec la famille sont surtout perceptibles au sein des équipes de soin où les habitudes se modifient progressivement.
Nous voudrions un peu préciser cette notion d'alliance, pierre angulaire de la relation patient- famille- soignant en Psychiatrie, en dégageant les aspects cliniques et thérapeutiques de ce travail de soutien, avant d'aborder les réalités actuelles et futures des différentes approches de la famille.
1/ L'alliance thérapeutique est une propriété de la relation médecin -malade (Andréoli) . L'alliance est le fait que plusieurs personnes se joignent afin de poursuivre le même but ou les mêmes intérêts , et d'adopter les mêmes attitudes ou les mêmes comportements.
Elle est du côté de la constitution d'un lien et d'une lecture commune d'une situation . L'alliance thérapeutique est généralement définie comme une habileté observable du thérapeute et du patient à travailler ensemble dans une relation réaliste, de collaboration, basée sur un respect mutuel, sur la confiance et sur un engagement dans le travail de la thérapie (Foreman & Marmar, 1985).
Cependant ces positions contrastent souvent dans la pratique avec des réalités diverses rendant compte de nombreuses difficultés éprouvées par les équipes de soin dans l'établissement d'une collaboration avec la famille. Ce partenariat n'a pas toujours été très heureux . J'ai pour ma part d'abord rencontré ces familles à l'occasion de plaintes ou de mécontentements concernant leur patient plus ou moins bien suivi dans le service , souvent plutôt mal que bien d'ailleurs . Le premier contact était souvent agressif ou tout au moins assez froid compte tenu de leurs grandes difficultés. Les entretiens avec ces familles concernent souvent dans un premier temps les difficultés et les conflits avec le patient et parfois les soignants responsables du patient . Dans ces familles , le temps est arrêté par la pathologie , les symptômes et les événements . Les personnes sont " arrêtés " autour de ces événements . Il est fréquent que le patient , mais aussi toutes les personnes qui s'occupent de lui perdent leurs amitiés , l' intérêt pour la vie et la capacité de se projeter dans l'avenir . Il est fréquent d'entendre dans la bouche des parents de jeunes et moins jeunes patients psychotiques, cette phrase : " que fera notre fils quand on ne sera plus, là" .
J'ai découvert une réalité souvent ignorée par les professionnels, celle du patient dans sa famille ; mais aussi qu'une fois écartée la méfiance réciproque, pouvait s'engager un dialogue . Ces difficultés sont souvent aplanies par ces entretiens .
Il faut " aider " la famille du psychotique, non pas parce que son dysfonctionnement est source du symptôme psychotique , mais parce que la crise du patient psychotique est aussi une crise familiale . La prise en compte de cet aspect , par la mise en place d'un cadre (qui n'est pas forcément la Thérapie Familiale) offre un contenant qui organise les échanges et permet que le patient se sente moins menacé et moins menaçant pour ses proches . Cela permet aussi dans ce cadre de mieux reconnaître la compétence de la famille dans ses modes d'appréhension et d'action vis à vis de ses difficultés (G.Ausloos) .Cela figure à juste titre, comme recommandations dans les conférences belges et françaises.
Le but ici est d'écouter et de soutenir les parents, il ne s'agit pas de thérapie familiale systémique ou comportementale à proprement parler. L'alliance thérapeutique doit à la fois prendre en compte les problèmes propres du patient et ceux de sa famille, en évitant de prendre parti pour l'un contre l'autre. Il importe de prendre en compte rapidement la souffrance exprimée par la famille comme une demande d'aide, sans l'exclure ou la renvoyer à un thérapeute extérieur à l'institution.
Un certain nombre de travaux récents insistent sur le fait que la manière dont les équipes thérapeutiques se positionnent, concernant les premiers contacts et l'organisation des soins, semble avoir un impact à plus ou moins long terme sur l'expressivité des troubles , et les réponses du patient et de sa famille (E. Lines , S.Kannas, P. McGorry ,DixonL.) . Ces dernières années, il apparaît de plus en plus un intérêt pour la prise en charge et l'accompagnement familiale lors du déclenchement de la phase aigu de schizophrénie (P. Mac Gorry et Edwards J. en Australie, L'Association canadienne pour la Santé Mentale, recommandations de la conférence de consensus belge, S.Kannas en France, …) . Malgré cela, en dehors de quelques équipes pionnières ce mouvement ne semble pas encore la règle, tout au moins en France.
Ce travail d'alliance que nous préconisons a pour visée la prise en compte à la fois de la dimension du sujet , de celle de sa famille et de son environnement social . Dans et par ce travail la famille retrouve un rôle actif et les parents sont revalorisés par la découverte de leurs capacités d'aide pour leur enfant, que leurs échanges fréquents avec les soignants les amènent à investir autrement. Ce travail selon nous ne peut se limiter à un rôle d'information psychoéducatif mais doit s'intégrer dans un réel partenariat thérapeutique .
2/Caractéristiques actuelles et approches critiques des abords spécifiques. Perspectives futures de la collaboration usagers -familles - professionnels .
Ces techniques se développent à l'initiative des soignants , ou des familles (comme en France) ou encore des usagers (c'est particulièrement le cas au nord de l'Europe) .Ils semblent, en France que les approches thérapeutiques d'orientation systémique où analytique se développent dans le milieu psychiatrique public ,et associatif , les familles développent plutôt des groupes de parole , ou des approches psycho-éducationnelles (Prelapse ,Profamille inspirés du modèle canadien , programme Pact … ) .
La prise en charge de la famille se fait à travers des approches diverses : Thérapies Familiales systémiques, d'orientation stratégique, structurale, contextuelle, constructiviste, …Thérapies Familiales d'orientation analytique, approches de la famille sur un mode éducatif.
(Programme de Liebermann,) ou des émotions exprimées (selon J.Leff), Thérapie mono familiale comportementale (Leff, Falloon, Hogarty, Tarrier) ,Thérapie multifamiliale (MacFarlane).
Aucun de ces modèles n'ayant de pertinence pour toutes les familles et à toutes les étapes de la maladie schizophrénique.
La Thérapie familiale a acquis ces dernières années, sa place, dans le cadre de le prise en charge du patient schizophrène. Bien qu'elle soit née des travaux de chercheurs concernant la schizophrénie , la thérapie familiale systémique ne peut s'appliquer comme telle à l'abord des familles psychotiques. La difficulté vient du fait que la rencontre avec la famille du schizophrène se fait souvent dans des contextes de crise correspondant à la fois à une décompensation des troubles psychotiques et aux réactions de l'entourage du patient . Cependant, il importe dans cette perspective de s'adapter au contexte de la famille et du patient dans la rencontre. On parle soit d'entretiens familiaux systémiques (J.C.Benoit) soient de Thérapies Familiales (P.Chaltiel , S.Kannas , J.Miermont). La demande de la famille est d'être " soulagée " de cette situation qui évolue depuis plusieurs années, et un travail thérapeutique pourra peut-être s'engager dans un deuxième temps à condition que cette situation souvent intolérable pour elle soit déjà prise en compte. Les Thérapies Familiales quand elles peuvent s'engager permettent d'inverser la tendance spontanée aux critiques, aux propos culpabilisants ou intrusifs dans la famille, mais permettent aussi d'aborder les problèmes concrets de manière plus pragmatique, dédramatisée, dans un climat plus serein (J.Miermont, S.Kannas).
Le soignant aura recours à un ou plusieurs " modèles " "(stratégique, contextuelle, paradoxal, …) , Mais ce qui semble plus essentiel est l'investissement personnel du thérapeute, la manière dont il utilisera l'approche systémique et la Thérapie familiale, et sa capacité à assumer l'alliance thérapeutique avec la famille jusqu'à son terme. Le thérapeute familial doit intervenir en complémentarité d'autres approches individuelles et souvent institutionnelles (médicamenteuses et psychothérapiques et/ou sociothérapies et/ou dites de réhabilitation psychosociale.
Dans diverses études portant sur des patients schizophrènes (J.R.Doane, M.J.Goldstein, I.R.Falloon, Mac Farlane), il apparaît que le taux de rechute est très nettement plus faible chez les patients ayant bénéficié d'une thérapie familiale que chez ceux qui bénéficiaient seulement d'une Psychothérapie individuelle et d'une médication. Il est cependant frappant de constater, en France et sans doute dans d'autres pays la rareté de ce genre de pratique malgré un intérêt reconnue internationalement.
Dans la prise en charge psycho-éducative des patients schizophrènes et leurs familles, ces dernières sont considérées comme des familles confrontées à une maladie, ou un ensemble de maladies dont l'origine est cérébrale et vraisemblablement de nature neuro-développementale. S'il existe des perturbations dans les relations intra-familiales, voire dans les relations entre la famille et l'environnement social, ces perturbations sont considérées comme secondaires à la maladie. Lors de troubles schizophréniques, on constate fréquemment une amplification des émotions exprimées, avec une exagération des tendances à la critique, à l'hostilité, à la sur implication, à l'intrusion, au rejet de l'expression d'autrui (J.Leff, G.Falloon).
Bien que ces caractéristiques ne soient pas spécifiques (on les retrouve dans nombre d'autres pathologies graves, voire chez certaines familles ne présentant pas de maladies), elles semblent un facteur précipitant le recours aux hospitalisations. Les objectifs thérapeutiques sont apparemment beaucoup plus modestes que dans les courants précédents. La famille n'est plus considérée comme le lieu de l'origine des troubles, et ses membres ne sont plus tenus pour responsables, ni explicitement, ni implicitement, des manifestations pathologiques. Les thérapeutes partent du constat de la maladie, informent la famille de ses caractéristiques (en particulier de l'importance des facteurs génétiques (et biologiques), de son évolution, de son traitement.
Ils proposent des conseils psycho-éducatifs, en montrant de quelle manière l'atténuation des débordements émotionnels et des critiques est susceptible d'aboutir à une meilleure gestion des troubles.
Ce qui est intéressant dans cette optique psycho-éducative, c'est qu'on ne rend plus les parents ou la famille coupable de la maladie. Les familles reçoivent une bonne information sur la maladie, la médication, les attitudes à avoir en situation habituelle ou de crise. Les équipes disposent d'un moyen d'intervention simple et efficace. Ceci permet de sortir du sentiment d'impuissance, sécurise l'intervenant et permet l 'établissement d'un lien thérapeutique (G.Ausloos. Ce qui fait problème, c'est la définition de la schizophrénie comme maladie , le plus souvent génétique et biologique que l'on compare souvent au diabète . On définit le médicament comme indispensable pour éviter une rechute et l'on va jusqu'à prédire que l'arrêt de la médication risque d'entraîner la rechute . Une telle prédiction comme le dit G .Ausloos " peut devenir une prophétie qui se confirme d'elle-même " . De nombreux conflits éclatent avec les parents qui , qu'on le veuille ou non, assument souvent le contrôle de la médication , source possible de stress . Le travail avec la famille se relâche au bout de quelques mois (Hogarty) , ou d'un an .
Il existe des preuves probantes que les interventions psycho-éducatives auprès des familles réduisent le taux de rechute des patients, réduisent la durée des hospitalisations, facilitent la compliance aux médicaments, réduisent la désintégration, facilite la sortie des patients et ont des effets sur le coût économique. La prise en charge psycho-éducative à un effet bien évalué actuellement sur le pronostic à court terme(Dixon L.(2001), et ce d'autant que la psycho-éducation commence précocement. En ce qui concerne l'amélioration du fonctionnement des patients et le bien-être des familles, les preuves ne sont par contre pas totalement concluantes (Dixon et Lehman, 1995. Une évaluation de ce type de programme a mis en évidence chez les patients bénéficiant d'une intervention familiale, une réduction des symptômes psychotiques et une amélioration du fonctionnement social (Brooker et Al.1992,1994).Une étude récente de 25 publications sur ce thème (A.Barbato,B.D'avenzo(2000), évoque cependant qu'il reste peu clair si les effets dépendent de l'implication de la famille ou du soin intensif .Il n'y a pas de différence entre les modèles d'intervention évoqués dans ces études quoique le modèle psychoéducatif émerge .
L'ensemble des connaissances scientifiques est actuellement très important dans ce type d'approche familiale , leur valeur est acquise en Europe , aux USA, en Europe de l'Est et même en Chine . Dans notre expérience et celle de plusieurs équipes en France et à l'étranger, ce soutien prodigué à plusieurs centaines de familles de patients, psychotiques ou non, a eu des effets sur l'hospitalisation psychiatrique (fréquence deux à trois fois moins moindre), sur l'acceptation de la prise en charge thérapeutique et médicamenteuse, sur la désintégration familiale ( S.Kannas, J.Miermont , McFarlane ,J.Leff, J. Hogarty) . Il en va de même des rechutes, qui sont moins sévères et entraînent des hospitalisations moins longues. Les rechutes et les hospitalisations sont moins fréquentes , même si le recours à l'institution est parfois plus fréquent . Les résultats principaux de l'analyse bibliographique depuis 1998, confirment par de très nombreuses études que le taux de rechute peut être réduit (selon les études de 10 à 30 % (Pitschel-Walz G. et Al.201) si la famille du patient est incluse dans le traitement. Une Revue de la littérature de ces 3 dernières années permet de dégager plusieurs tendances apparemment contradictoires :
Certaines études ne mettent pas en évidence d'amélioration significative apportée par les programmes familiaux en particulier sur les rechutes :
-Merinder-L-B et Viuff (1999) ont mis en place un programme d'éducation des patients et des familles. Au bout d'1 an, ils ne trouvent pas d'amélioration significative des indices mesurés (rechute, compliance, insight, satisfaction).
-Shimoderas (2000) (japon), cette étude sur les émotions exprimées et le modèle psychoéducatif portant sur 30 patients schizophrènes ne met pas en évidence de différence significative sur le taux de rechute à 9 mois. L'expérience porte sur des patients bénéficiant d'un entretien familial unique ou pas en plus du suivit individuel et d'un programme psycho-éducatif
D'autres études au contraire mettent en évidence une limitation des rechutes, les rechutes sont mesurées généralement à au moins 18 mois :
-Hahlweg.K et Wiedmann.G (1999) en Allemagne met en évidence de façon significative une limitation du nombre de rechute des patients schizophrènes ayant bénéficié d'un prise en charge en thérapie familiale.
-Bressi G, Cerveri G (1999) en Italie dans une étude portant sur des patients schizophrènes abusant de toxique met en évidence une diminution des rechutes psychotiques dans un groupe pris en charge en thérapie familiale associée et ce surtout à 24 mois (plus qu'à 12 mois).
-Pitschel -Walz(2001)Au travers une étude portant sur 25 cas de patients schizophrènes ayant bénéficiés d'un programme éducationnel et un soutien en entretiens familiaux met en évidence une diminution de 20 % du taux de rechute.
Il semble bien qu'à long terme, l'effet des programmes de thérapies familiale diminue de manière significative le taux de rechute psychotique. Et ce d'autant que l'étude porte sur une durée longue, et sur des entretiens réguliers, ce qui permet de souligner l'importance de l'affiliation aux familles.
Il faut cependant souligner qu'à partir du moment où le patient est inclus dans un programme familiale le temps médical ainsi que l'attention des médecins à ce patient sont plus importants ce qui à lui seul pourrait expliquer la limitation du nombre de rechute. Ce facteur temps médical n'est pas pris en compte dans les études actuelles ,il serait intéressant de pouvoir l'isoler . Selon J.Leff(2000) , les groupes multi-familiaux peuvent être plus efficaces que les sessions simples avec une famille . Dans beaucoup de pays, ce travail d'alliance fait souvent l'objet de programmes de soin (Canada, Royaume-Uni, Etats-Unis par exemple…) . Ce n'est pas encore le cas en France où la communauté scientifique semble assez méfiante vis-à-vis des approches psycho-éducatives.
Malgré ces résultats significatifs, ces approches ne sont pas encore utilisées en routine dans la pratique clinique (Thornicroft,Tansella, Dixon et coll.(1999) . Des organisations mondiales (World Schizophrénia Fellowship, World Psychosocial and Réhabilitation Association) veulent promouvoir les résultats de ces approches afin qu'elles soient davantage utilisées (7e Congrès de réhabilitation Psychosociale -Hambourg-1998).
Conjointement depuis plusieurs années se multiplient les initiatives de rencontres visant à favoriser le dialogue usagers, familles et professionnels .
Un rapprochement s'est opéré en France ces dernières années entre l'UNAFAM et la FNAPSY ( Fédération Nationale des associations d'usagers de la Psychiatrie ) et les organisations les plus représentatives du champ de la Psychiatrie . En France , les principales associations d'usagers , de soignants et les familles d'usagers ont publié l'an dernier un Livre Blanc officialisant leur partenariat dans une association " Santé Mentale France " . A noter aussi que les usagers et familles sont désormais présents dans les établissements psychiatriques et participent du projet médical d'établissement .
Espérons que ces rapprochements favoriseront l'émergence de nouvelles pratiques plus accès sur le travail avec la famille.
Lors du VIIIe congrès de Réhabilitation Psychosociale présenté à Paris en Mai 2000 , des expériences internationales en très grand nombre insistaient sur la prise en compte de la famille dans le soin aux psychotiques ,selon des stratégies psychoéducatives ou thérapeutiques , une charte visant à promouvoir un dialogue entre usagers-familles et professionnels en Santé Mentale devait également être présenté dans ce cadre .
Les expériences présentées, émanaient souvent des professionnels, mais de plus en plus les associations de familles et d'usagers proposent des groupes de paroles ou d'échanges. Dans ces groupes, la parole est donnée aux personnes atteintes de troubles psychiatriques, mais également aux familles aux soignants , et , à toutes les personnes concernées par ces problèmes. Il ne s'agit pas de sessions thérapeutiques mais des groupes d'échanges sur les difficultés rencontrées dans le cadre de la psychose. Ces groupes se proposent aussi d'élargir le débat en associant familles, usagers, généralistes, travailleurs sociaux, agents de police, … Ces rencontres existent maintenant dans différentes villes des Pays-Bas.
Face à ces différents courants, organisés en écoles fréquemment considérées comme opposées, face également à l'évolution positive des associations d'usagers et des familles visant le partenariat le clinicien ou la famille voire le patient pourraient avoir l'embarras du choix, voire se sentir désorientés , surtout s'ils confrontent ces options générales aux situations singulières qu'ils doivent traiter, où auxquelles ils sont confrontés. Ces options ne sont-elles pas le reflet de la diversité des organisations familiales et des contextes soignants, de leurs modes de croyance, de valeurs, de savoir-faire et de connaissances ?
S'agit-il pour le thérapeute, la famille, l'usager de s'inspirer plus ou moins librement de ces principes généraux, selon leurs options théoriques , les contraintes de l'expérience, voire les deux ? Ils pourront se contenter de s'inscrire dans un courant dûment répertorié , mais souvent l'accès aux informations sur les possibilité d'aides est très mal répartit et diffusé sur le territoire . Dans nombre de départements en France , les offres sont encore peu importantes.
On doit éviter, selon moi, dans le travail avec les familles une idéologie trop dogmatique fut-elle systémique ou psycho-éducatif. On doit éviter le monolithisme d'une seule approche , d'un seul modèle , et également d'opposer " Thérapie ou Psycho-éducation Familiale " (S.Kannas). Comme le dit S.Kannas dans un article récent (2001) : " Aucune psychothérapie n'est exempte d'apprentissage , par imitation du thérapeute ou l'apprentissage de solutions générales .Les approches stratégiques ou structurales des thérapies brèves comportent un aspect résolution de problèmes " . Dans l'approche psycho-éducative , " il faut également prendre en compte les aspects relationnels et transférentiels "
La famille doit avant tout être entendue dans ses terribles difficultés à vivre avec un enfant schizophrène . Comme le dit le Dr Chaltiel , il faut avoir quelques méfiances vis-à-vis des discours " pseudos scientistes " prônant la banalisation de la schizophrénie, sous couvert " d'accepter la maladie" . La schizophrénie n'est pas et ne sera jamais une maladie comme une autre. À trop vouloir " faire accepter la maladie" , et " dé stigmatiser " on risque aussi de faire comprendre aux familles qu'il faut se résigner à la maladie (P.Chaltiel).
L'abord de la famille n'est pas exclusif d'une approche spécifique selon nous, mais doit s'intégrer à la prise en compte de l'environnement global du patient, dans le cadre de l'alliance thérapeutique. Du point de vue de la prise en charge , par rapport à l'expérience acquise à l'hôpital avec le patient, le virage communautaire suppose un changement épistémologique dans l'appréhension de ses difficultés et celles de la famille , afin d'œuvrer davantage vers la réhabilitation du patient schizophrène et son insertion dans la cité ( A.Barbato).
Les approches diverses doivent s'intégrer dans une perspective bio-psycho-sociale replaçant la problématique psychotique dans un contexte interactionnel associant la famille et l'environnement social (Ciompi). Il faut se garder, comme l'exprime plusieurs auteurs de réduire la Schizophrénie qu'à une maladie du cerveau…
Pour conclure : Le recours de plus en plus à l'aide de la famille dans la prise en charge du patient schizophrène nécessite le développement d'une alliance thérapeutique , avec le recours ou non à des approches spécifiques psychothérapiques ou psychoéducationnels , les deux ont fait leurs preuve .
Indépendamment ou non du recours à des approches spécifiques, la collaboration engagée avec les familles dans le cadre d'entretiens réguliers peut s'intégrer largement au sein d'un dispositif sectoriel assumant le prise en charge du patient. Elle peut s'instaurer , à l'instar de plusieurs équipes qui ont fait ce choix , sur le modèle de l'intervention précoce (McGorry, Kannas,…).
Ce qui semble essentiel à plusieurs auteurs , c'est le lieu où doit s'établir cette alliance . plutôt que le choix des stratégies , en particulier lorsqu'il s'établit un contact précoce à domicile au moment de la première décompensation (J.R.Veldhuizen, Mc Gorry) .
Bien que les résultats de ces approches aient été diffusés dans la presse spécialisée, et de plus en plus, parmis les usagers et leurs familles, ils n'ont pas encore été appliqués largement dans la pratique clinique ( Thornicroft , Tansella , Dixon et coll.). Les auteurs insistent sur le fossé existant entre les recommandations de bonnes pratiques et les pratiques concrètes vis-à-vis des familles de personnes schizophrènes. Une minorité de familles de patients reçoit encore aujourd'hui l'information sur la maladie dont elles ont besoin. Il semble important de faire connaître davantage les résultats prouvés de ces approches à ceux qui sont impliqués dans le soin du malade schizophrène (Médecins généralistes, psychiatres, infirmiers, travailleurs sociaux, soignants, … ) . Il est important de clarifier les buts et les objectifs des programmes utilisés avec ces approches, et conjointement d'évaluer les résultats de leur utilisation.
L'avenir du traitement du psychotique sera probablement autour de la réhabilitation psychosociale . L'action de faire communiquer " ces deux mondes ", celui des familles et celui des soignants, doit aussi faire partie d'une nécessité sur le plan de la réhabilitation psychosociale du patient schizophrène. L'intégration de celle-ci et de l'approche des familles se posera au cours des prochaines années comme un grand défi aux cliniciens et aux chercheurs. Dans cette optique ,il me semble indispensable que notre approche puisse aussi se mettre à l'écoute des difficultés , et des ressources de la famille, de l'usager , en partant des besoins exprimés par ces derniers . Pour les équipes de santé mentale , ce défi est à la hauteur des changements que nécessitent le fait de sortir aussi du modèle bio-médical .
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