Pour essayer d'y voir clair le mot renvoie à une fonction de référence, c'est à dire qu'il met en lien, un objet de la réalité matériel par exemple un stylo, à un signe le mot stylo. Le mot a une fonction de désignation et le stylo (l'objet) est le référent du mot stylo.
Dans ce cadre là, le rapport entre la chose et le signe on s'aperçoit que la relation est complétement arbitraire. Il n'y a aucun motif à ce qu'un mot ait un signe où un autre, tout cela n'est qu'une convention.
L'objet peut être un objet du monde mais aussi un objet de notre imagination. La fonction référentielle du langage a pour but de communiquer des informations.
Si l'on part du côté étymologique, référent découle de référer, c'est un verbe qui vient du latin "referre" et qui veut dire "reporter, rapporter" de "re" qui indique un mouvement en arrière et de ferre qui veut dire "porter". Porter en arrière ou plutôt rapporter une chose sur une autre.
Le Robert (Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d'Alain Rey) nous précise qu'aucun des emplois transitifs du verbe ne s'est maintenu depuis son premier sens jusqu'à celui d"annoncer" de "raconter". On peut trouver encore "se mettre au compte de, attribuer"
En droit référer un serment s'est employé pour "déferer le serment en retour à la partie qui l'avait déféré la première."
Le participe passé se comprend aussi comme un terme de droit, d'abord pour désigner le rapport que fait un juge sur un incident d'un procès. Il désigne aussi la procédure d'urgence par laquelle le président du tribunal règle provisoirement le litige sans se prononcer sur le fond, et par métonymie : l'arrêt rendu selon cette procédure. (jugement en référé).
Référentiel est employé en mathématique mais pourrait s'employer tout à fait dans notre cas : comme synonyme de repères.
Toutes les équipes d'infirmiers travaillant en psychiatrie ne sont pas entrées dans ce système organisationel du soin. Toutes ne sont pas prêtes à le faire, car ce mode signifie aussi et surtout un engagement individuel. Paul Mengal, professeur de philosophie à l'Université de Paris XII-Val de Marne a proposé lors d'un séminaire au CH Les Murets en 1996, un travail remarquable autour de la notion de référent :
" Le mot relation a un sens juridique au départ et veut dire rapport ou témoignage. C'est exactement le même sens que référence, c'est un sens logique de rapport entre deux choses. Relation signifie aussi rapport d'interdépendance qui lie deux personnes."
Paul Mengal s'interroge alors : pourquoi le mot référent puisqu'il existe le mot relation ?
"Dans cette famille de référer, il y a un mot qui fait partie du vocabulaire technique de la psychologie, (...) c'est transférer. S'il y a un réfert, il y a aussi un transfert : un transport. De la même façon que référence est relation, transférer c'est transporter. Si nous mettons en rapport la définition sociale de la relation et si nous l'appliquons à cette idée de transporter, cela veut dire que transférer voudrait dire transporter de la dépendance d'une personne vers une autre. Acheminer d'un point à l'autre de l'interdépendance"
Pour Paul Mengal, trois sens généraux apparaissent dans l'idée de référent. :
- détente d'information
- médiateur
- porte parole
L'infirmier détenteur d'information :
L'infirmier serait celui qui détiendrait les informations de type administratif, thérapeutique, historique de la maladie qui sont liés à des documents écrits : dossier du patient. Comme le souligne M. Mengal l'idée de référent est très proche de l'idée de la référence bibliographique, de celui qui connaîtrait les pièces du dossier, qui synthétiserait. Infirmier biographe ou bibliographe, l'infirmier référent pourrait alors assurer la préparation des réunions cliniques pour le patient, donner les informations nécessaires à l'équipe multidisciplinaire pour que s'élabore un projet en concordance avec les progrès du patient et ses objectifs. C'est à cet infirmier que revient de préparer ces réunions cliniques, de les impulser et de veiller à l'application des projets sur le terrain. Il serait aussi garant de l'avancée des projets, c'est à dire qu'il aurait à coeur de vérifier où en sont les projets, de voir si quelque chose peut bloquer ou si ils ne se perdent pas en route
L'infirmier médiateur
P. Mengal voit une orientation possible dans le premier sens de référent : rapporter une chose à une autre, ce serait aussi mettre en relation. La question serait de savoir quoi ou qui mettre en relation ? Le patient et le reste de l'équipe, et le médecin, et la famille ? L'infirmier aurait alors ce rôle de transmission.
L'infirmier porte parole
Porte parole ou transfert de parole. P. Mengal nous parle alors joliement de traduction : quand on traduit un texte d'une langue à une autre, cette opération de passage, cette restitution n'est pas totalement possible, les mots dans deux langues différentes n'ont pas les mêmes valeurs. Traduire voudrait dire alors d'une certaine manière : interpréter. Interpréter ce serait passer d'un registre à un autre, donner du sens, prendre dans le comportement un signe auquel on va donner une attribution de sens dans une autre interprétation. Le patient lui même s'impliquant peu dans cette opération.
Comment aider le patient a garder sa place d'acteur dans le soin dispensé ? Peut-on être référent comme le propose M. Mengal en "entrant dans une véritable relation de référence mutuelle avec la personne, le référent devient alors un transférant."
(à suivre)
Aimée Todot