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LE DREAN Samuel

Promotion 2002-2005

 

 

L’INFIRMIER CONFRONTÉ A

LA CONTENTION PHYSIQUE

 

 

TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDE EN VUE DE L’OBTENTION

DU DIPLÔME D’ÉTAT D’INFIRMIER

SESSION NOVEMBRE 2005

 

Institut de Formation en Soins Infirmiers de Carcassonne

SOMMAIRE

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

I       QUESTIONNEMENT DE DEPART

 

I. 1   Situation………………………………………………………………...

 

I. 2   Analyse de la situation…………………………………………………

 

I. 3   Questionnement ………………………………………………………..

 

I. 4   Question de départ……………………………………………………..

 

 

II      CADRE CONCEPTUEL

 

II. 1  L’usage de la contention physique par l’infirmier…………………...

 

II. 1. 1    Que faut-il entendre par contention physique et quel est son cadre légal d’application ?...........................................................

 

II. 1. 2    En quoi la mise en œuvre de la contention physique fait-elle débat ?..........................................................................................

 

II. 1. 3    Comment les infirmiers sont-ils formés à la contention physique ?....................................................................................

 

II. 2  La prise en charge de la violence des patients au moyen de la contention physique…………………………………………………...

 

II. 2. 1    Est-il possible d’identifier les situations de violence légitimant le recours à la contention physique ?...........................................

 

II. 2. 2    Peut-on anticiper sur un éventuel passage à l’acte ? Faut-il rechercher dans les différentes pathologies psychiatriques des éléments prédictifs du passage à l’acte ?.....................................

 

II. 2. 3    Existe-t-il d’autres facteurs susceptibles de majorer la violence du patient en psychiatrie ?............................................................

 

 

III         LES ENTRETIENS EXPLORATOIRES

 

III. 1  Méthodologie………………………………………………………….

 

III. 2  Exploitation des entretiens…………………………………………..

 

III. 2.1    La contention physique : définition et cadre légal……………...

 

III. 2. 2   Les circonstances de mise en œuvre de la contention physique..

 

III. 2. 3   Le point de vue des professionnels sur la nature thérapeutique de la contention physique……………………………………….

 

III. 2. 4   La contention physique et le ressenti des soignants…………….

 

III. 2. 5   La place de la contention physique dans la relation soignant–soigné…………………………………………………………...

 

III. 2. 6   La formation à la contention physique………………………….

 

III. 3  Analyse………………………………………………………………..

 

 

CONCLUSION

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

ANNEXES

 

Grille d’entretien……………………………………………………………..

 

Premier entretien………………………………………………………………..

 

Deuxième entretien……………………………………………………………...

 

Troisième entretien……………………………………………………………..

 

 

 

 

P. 14 à 18

 

INTRODUCTION

 

INTRODUCTION

 

 

Au terme de ma deuxième année d’étude, j’ai effectué un stage en psychiatrie au sein d’une unité intersectorielle fermée. Cette expérience a été pour moi l’occasion de me confronter à l’agressivité et à la violence des patients. L’apparition des neuroleptiques a certes permis de limiter l’expression de cette violence au quotidien. Toutefois, malgré le développement de ces nouvelles thérapeutiques médicamenteuses, les comportements violents persistent dans les établissements psychiatriques. La violence constitue en effet l’un des signes cliniques des pathologies psychiatriques et ses manifestions sont, à ce titre, fréquentes.

Au début de mon stage, mes interrogations se sont portées sur le ressenti des soignants confrontés régulièrement à ces épisodes de violence. Je me suis notamment demandé comment les infirmiers géraient le stress engendré par cette violence. Comment conserver une attitude soignante lorsqu’on risque soi même d’être physiquement agressé ? Comment ne pas céder à un sentiment de peur face à un patient violent ? Comment, en tant que soignant, ne pas sombrer dans l’épuisement professionnel lorsqu’on est confronté à ces accès de violence répétés ?

Je me suis ensuite rendu compte que j’avais axé tout mon questionnement autour de la violence des patients. Or, ce n’est pas tant cette violence qui pose problème aux soignants mais plutôt sa prise en charge. En effet, c’est parce qu’on ne sait pas comment faire face à la violence du patient que l’on en a peur ; et c’est de cette peur que naît ensuite le stress pouvant conduire à l’épuisement professionnel.

Je me suis donc recentré sur la façon de réagir face à un patient devenu violent. Dans cette prise en charge du patient violent, l’acte ultime reste sa mise sous contention. Je me suis plus particulièrement intéressé à la contention physique, qui consiste à immobiliser manuellement le patient agité. De tous les actes de contention, la contention physique me paraissait en effet l’acte le plus difficile à réaliser tant il est impliquant sur les plans émotionnels et corporels. C’est donc sur cet acte si particulier que j’ai voulu travailler au travers de ce mémoire. Il me semblait en effet que si l’infirmier maîtrisait l’acte le plus difficile de la prise en charge de la violence alors il gagnerait en efficacité et éviterait ainsi un épuisement professionnel précoce.

Mon mémoire débute par une analyse d’un épisode d’agitation au cours duquel l’équipe soignante s’est retrouvée très proche de la confrontation physique avec un patient.

J’ai ensuite consacré une partie de mon travail à synthétiser les différents points de vue théoriques traitant de la contention physique.

Enfin, j’ai confronté mon travail de recherche théorique à l’expérience des infirmiers, au travers d’entretiens individuels.

 

QUESTIONNEMENT DE DEPART

 

I          QUESTIONNEMENT DE DEPART

 

I. 1      Situation

 

Cette situation se déroule lors de mon stage d’été de 2ème année dans un service de psychiatrie adulte en milieu fermé (HO, HDT)[1].

C’est mon premier jour de stage ; je suis affecté dans l’aile du service qui reçoit les patients dès leur arrivée, alors qu’ils sont encore en crise. Cette aile se divise en 2 secteurs de 6 lits sous la responsabilité et la surveillance de 2 infirmiers ; à tout moment les infirmiers des autres ailes peuvent intervenir en cas de danger.

 

Tandis que je fais la connaissance des patients et que je commence à prendre mes marques, je suis témoin d’une scène inhabituelle : une infirmière qui consulte le planning s’interroge sur le nombre d’hommes présents dans le service ; devant mon étonnement, l’infirmière me dit qu’il est rassurant pour elle de connaître le nombre d’hommes prêts à intervenir en cas de problème.

La matinée se poursuit sans incident particulier ; lorsque, vers 10h00, un coup de téléphone annonce l’arrivée, par les urgences psychiatriques de Mr B., 25 ans, hospitalisé à la demande de ses parents et de son frère qu’il a menacés de mort, après interruption de traitement. Ce patient est connu du service, où il a, maintes fois, séjourné ; il souffre de schizophrénie de type paranoïde, avec risque d’agressivité et de violence ; cette violence, il l’a d’ailleurs exercée, un mois auparavant, envers l’un des infirmiers du service.

 

On s’empresse de me relater l’incident :

« Mr B       avait demandé à l’infirmier de lui couper les cheveux ; l’infirmier s’exécutait en salle de soin, lorsque tout à coup Mr B      s’est levé en l’injuriant alors que la coupe n’était pas encore terminée ; il lui dit alors qu’il avait fait exprès de mal lui couper les cheveux et qu’il allait le lui faire payer. Un peu plus tard, alors que l’infirmier raccompagnait Mr B     dans sa chambre, ce dernier lui sauta dessus en lui assénant des coups de pied et de poing ; l’intervention immédiate d’un autre infirmier permit à l’infirmier agressé de se dégager et de s’en sortir, avec quelques ecchymoses et des lunettes cassées tandis que Mr B       était placé en isolement ».

Une effervescence soudaine m’indique que la tension s’accroît dans le service : un infirmier consulte immédiatement le dossier du patient pour prendre connaissance des derniers renseignements fournis par les urgences psychiatriques ; le surveillant du service est prévenu de l’arrivée de Mr B   ; tout en lisant le dossier, l’infirmier me met en garde sur la dangerosité du patient ; je devine également sur les visages des signes d’appréhension et de nervosité. L’ensemble du personnel redoute visiblement que la venue de ce patient ne vienne perturber les autres patients, dans un climat de violence généralisée.

Le rappel des consignes de sécurité et de vigilance par l’un des infirmiers du service ne font qu’accroître le sentiment d’incertitude qui règne dans le service.

On me rappelle une fois de plus de ne jamais me trouver seul avec ce patient.

 

Vers 11h00, Mr B       arrive dans le service accompagné par le personnel des urgences psychiatriques ; pendant les transmissions on nous avertit que le patient n’a pas eu de sédation, ce qui renforce les craintes des infirmiers sur la suite des événements. L’inquiétude se confirme, car du bureau infirmier, on voit Mr B       tourner dans le service, le regard noir et l’attitude agressive, ce qui a pour effet d’exciter les autres patients. Le stress chez les infirmiers monte d’un cran.

L’infirmier du service appelle le cadre de santé et des infirmiers des autres ailes ; nous sommes d’abord quatre hommes à nous rassembler dans le bureau infirmier afin de prendre la décision de mettre en isolement Mr B        . Je ressens à cet instant précis un étrange mélange de peur et de stress ; on se prépare mentalement au pire, c'est-à-dire au contact physique avec le patient, dans le cas où ce dernier refuserait d’obtempérer. Chacun se voit attribuer un rôle bien précis et nous sortons du bureau.

 

 

 

C’est l’infirmier du service qui explique alors à Mr B         ce qui va se passer :

 

« Mr B       , vous ne présentez pas en ce moment les gages de sécurité nécessaires, pour vous et pour les autres patients, pour que l’on puisse vous laisser dans le service ; vous allez donc vous rendre en chambre d’isolement en attendant l’arrivée du médecin ».

 

Après nous avoir insultés, Mr B   refuse dans un premier temps d’obtempérer. C’est seulement devant l’arrivée d’autres soignants et après avoir évalué le rapport de force (nous sommes alors huit personnes dont sept hommes face à lui) que Mr B   se décide finalement à coopérer, non sans avoir effectué auparavant quelques gestes d’intimidation dans le but de tester nos réactions. Après s’être déshabillé et mis un pyjama, il se laisse finalement enfermer sans résistance ; mais, dès que la porte se ferme, les insultes reprennent.

La visite du psychiatre moins d’une heure plus tard confirme la mise en chambre d’isolement ; de plus, devant le refus catégorique de Mr B   de prendre son traitement, le médecin prescrit des neuroleptiques pas voie injectable.

 

Peu après la tension retombe, mais nous savons que nous avons été très proches du contact physique ; de plus cette tension revient à chaque fois que nous sommes face à Mr B   , qui est d’ailleurs toujours aussi agressif et potentiellement dangereux, malgré le traitement mis en place.

 

 

I. 2      Analyse de la situation

 

Cette situation prend place dans un service de psychiatrie, en milieu fermé (HO-HDT). Ce service accueille des patients, tous potentiellement dangereux (psychotiques chroniques, psychopathes et déficients mentaux), en situation de crise. Dans ce contexte, les infirmiers peuvent être confrontés à des patients violents, susceptibles de les agresser physiquement. Ce risque de violence physique envers les soignants, inhabituel, voire même exceptionnel, dans les autres structures, fait ici partie du quotidien. Il a d’ailleurs été démontré, lors d’une étude[2] réalisée entre 1988 et 1992, sur 97 cas de violence physique exercée envers des soignants, que 50% des actes violents sont attribués à des patients hospitalisés d’office et/ou hospitalisés à la demande d’un tiers ; de plus, cette étude montre que la pathologie constitue également un facteur déterminant : 80% des patients auteurs de violence physique sont des psychotiques chroniques et/ou déficitaires, la plus grande dangerosité étant attribuée aux patients schizophrènes de type paranoïde. En raison de la dangerosité de ces patients, il est recherché dans ce service une parité hommes-femmes de façon à pouvoir intervenir et contenir efficacement un patient devenu violent.

 

On repère, au travers de la situation décrite, deux périodes distinctes :

 

Tout d’abord, on constate que, dès son arrivée dans le service, l’infirmière évalue immédiatement le nombre d’hommes présents. Elle m’explique qu’elle agit ainsi pour se rassurer ; en effet, cette situation se déroule pendant l’été, à une période où l’on fait appel à du personnel extérieur au service afin de préserver les effectifs ; ce recours à du personnel temporaire déséquilibre parfois la parité hommes-femmes et perturbe souvent les patients psychotiques, déstabilisés par la présence de nouveaux visages. L’infirmière, en consultant attentivement le planning, apprécie les ressources disponibles et le niveau de risque potentiel dans le service.

 

Ensuite, un second protagoniste entre en scène. Il s’agit de Mr B, un patient déjà connu du service, ayant un mois auparavant agressé physiquement un infirmier. L’appel téléphonique des urgences psychiatriques qui nous prévient de son arrivée imminente, provoque une succession de réactions visant à prendre un certain nombre de précautions :

  • un infirmier s’empresse de consulter les dernières informations disponibles sur son dossier afin d’évaluer la dangerosité actuelle du patient.
  • on m’informe de ses antécédents et on me rappelle les consignes de sécurité afin que je puisse me situer correctement par rapport à lui, sans prendre de risque inutile pour moi- même comme pour les autres soignants.
  • parallèlement, on alerte ensuite le surveillant et les  infirmiers des autres ailes afin qu’ils se tiennent prêts, si besoin, à intervenir physiquement pour contenir Monsieur B.

 

Peu après l’arrivée de monsieur B, il est décidé de placer ce dernier en chambre d’isolement ; il s’agit d’une décision collégiale, prise, non pas en fonction des antécédents du patient, mais au regard de différents facteurs :

  • patient non sédaté à son arrivée dans le service, ayant interrompu son traitement depuis plusieurs semaines
  • patient présentant des signes manifestes d’agitation et d’agressivité
  • arrivée du patient en fin de matinée, à un moment où  son attitude risque de perturber les autres patients.

 

Pour finir, on s’aperçoit que malgré la tentative d’expliquer à M. B la décision qui vient d’être prise à son encontre, c’est seulement face à une présence masculine et physique importante (8 personnes dont 7 hommes), et après avoir évalué le rapport de force, que Monsieur B s’exécute sans que l’on soit dans l’obligation d’intervenir physiquement. C’est donc la démonstration de force qui a permis d’éviter le recours à la contention physique.

Par chance, cette situation s’est bien terminée. Toutefois, nous sommes tous conscients d’avoir été très proches de la confrontation physique.

 

 

I. 3      Questionnement

 

On peut se demander ce qui aurait pu arriver si la présence d’hommes avait été moins importante dans le service, diminuant ainsi notre capacité de dissuasion. Il est certain, que dans des périodes de congés ou durant les nuits où les effectifs sont moindres, il est plus difficile de mobiliser une telle force de dissuasion afin de contraindre le patient à la mise en chambre d’isolement. Au vue de cette hypothèse, l’inquiétude de l’infirmière consultant le planning à son arrivée dans le service, prend tout son sens.

Plus généralement, cette situation pose le problème du soin au patient violent, agité, n’obtempérant pas aux recommandations des soignants. Je me suis en effet questionné à posteriori sur la conduite à tenir dans le cas où Monsieur B serait devenu physiquement violent, en refusant son placement en chambre d’isolement.

-        Que se serait-il passé si Monsieur B n’avait pu comprendre, du fait de sa pathologie, ce qui lui était demandé et d’évaluer correctement le rapport de force ?

-        Comment contraindre, alors, Monsieur B à rejoindre la chambre d’isolement, en toute sécurité, sans le blesser et sans être blessé soi même ?

-        Comment être à la fois celui qui contraint physiquement et celui qui soigne ?

-        En quoi la contention physique est-elle nécessaire et légitime face à un patient devenu violent ?

 

 

I. 4      Question de départ

 

Mes interrogations au regard de cette situation se regroupent principalement autour de la difficulté d’intervenir et de réagir face à un patient devenu violent lorsque le dialogue et/ou la dissuasion par la démonstration de force ont échoué.

 

Cela m’amène donc à poser la question de départ suivante :

 

En quoi une réflexion sur le recours à la contention physique peut-elle permettre à l’infirmier en psychiatrie d’améliorer la prise en charge du patient devenu violent ?

 

CADRE CONCEPTUEL

 

II         CADRE CONCEPTUEL

 

II. 1     L’usage de la contention physique par l’infirmier

 

II. 1. 1    Que faut-il entendre par contention physique et quel est son cadre légal d’application ?

 

Il me semble tout d’abord important de signaler que les recherches sur ce thème sont difficiles à effectuer. Mr Palazzolo J[3], relève même « le manque persistant de définition de ce type de procédure. »[4], dans la littérature psychiatrique actuelle, ainsi que « l’absence notable de débat concernant la façon dont nous devrions contenir les patients ». Que peut-on en conclure ? : Que la contention physique est pratiquée de façon exceptionnelle dans les établissements psychiatriques et qu’à ce titre elle n’a que peu d’intérêt à être traitée ? Cela semble peu probable à l’heure où Mr Friard [5] constate au contraire « un retour des contentions »[6] dans nos établissements. Une explication plausible serait alors, comme l’écrit Mr Pannetier C[7], que « la contention est un sujet tabou, douloureux et culpabilisant pour les soignants. » [8]

 

Afin de mieux comprendre ce qui pose problème aux infirmiers dans la pratique de la contention physique, nous nous attacherons d’abord à définir cette dernière, puis nous préciserons son cadre légal d’application.

La définition donnée par l’ANAES[9] de la contention la distingue de celle de l’isolement, modalité de soins avec laquelle elle ne doit donc pas être confondue, même si ces deux pratiques peuvent être dans certains cas associées. « La contention consiste à restreindre ou maîtriser les mouvements d’un patient par un dispositif, soit fixé sur un lit ou un siège, soit mobile comme une camisole de force. ». Plus généralement, pour Palazzolo, « contenir un patient signifie utiliser toutes sortes de procédures pour limiter l’autonomie de ses mouvements corporels. »[10]

 

J’ai pu constater au cours de mes recherches que la contention peut revêtir, lors de sa mise en œuvre, plusieurs formes ; ainsi, la contention peut être, selon les cas, chimique, mécanique ou physique (autrement dit manuelle, pouvant aller jusqu’au corps à corps).

 

Si les contentions chimique et mécanique font l’objet d’une réglementation précise par le biais d’une prescription médicale, on s’aperçoit en revanche que pour, la contention physique, le cadre légal est beaucoup flou. Ainsi, Mr Pannetier relève que « dans le décret n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, rien ne stipule que contenir manuellement un patient est un acte infirmier. » [11] Mme Cansot C.[12]et Mr Masseix F.[13], confirment les propos de Mr Pannetier, en écrivant « il n’existe pas d’item dans le décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier qui prévoit la possibilité ou l’obligation de répondre, ou riposter, à l’agression physique. »[14]. Le remplacement de ce texte, le 29 juillet 2004, par le décret n°2004-802 n’a apporté aucune précision supplémentaire sur la mise en œuvre de la contention physique. Pour reprendre les propos de Mr Dupont M.[15], « l’usage de la contention pour maintenir et contenir un patient violent, susceptible le cas échéant de se porter atteinte à lui-même, n’est prévu par aucun texte et il ne peut être fait référence à aucune disposition autre que les textes généraux relatifs au respect et à l’intégrité du corps humain. »[16]. On constate donc l’absence de textes législatifs spécifiques réglementant le recours à la contention physique ; en revanche, comme le souligne Mr Pannetier C., « les seuls articles pouvant justifier l’usage de la contention manuelle sont les articles 122-5, 122-6, 122-7 du nouveau Code pénal concernant la légitime défense, seulement en cas d’agression injustifiée. Mais ils ne sont pas spécifiques à l’institution psychiatrique et concernent n’importe quel citoyen. »[17]

 

De tous les soins pratiqués par un infirmier, la contention physique est sûrement l’un des plus techniques, des plus impliquant émotionnellement, et paradoxalement l’un des moins réglementés par des textes de loi spécifiques à notre profession. Ce constat et le manque de littérature se rapportant à ce thème ne font qu’entretenir l’opacité, et se faisant l’absence de réelle légitimité, dans laquelle les infirmiers sont amenés à intervenir physiquement sur des patients devenus violents. Il en résulte un malaise chez les soignants qui sont réticents bien souvent à effectuer cet acte et à en parler. Ce sont les raisons profondes de ce malaise que nous allons, à présent, nous attacher à identifier.

 

 

II. 1. 2    En quoi la mise en œuvre de la contention physique fait-elle débat ?

 

La contention renvoie à un passé asilaire que tout le monde souhaiterait oublier. Selon Mr Beaumont L[18], « la contention physique est un soin que les infirmiers répugnent à effectuer car il renvoie à un passé asilaire que personne ne peut renier et dont chacun aimerait oublier l’existence. ».[19] Comprendre la difficulté de certains infirmiers à effectuer cet acte nécessite donc de faire un bref rappel de l’histoire de la psychiatrie.

L’isolement et la contention comme moyen de maîtrise des malades agités et violents existent depuis l’origine du traitement des maladies mentales.

Dès l’antiquité, des écrits font allusion à la nécessité « d’exercer un contrôle physique sur les personnes agitées »[20].

Au Moyen Age, le malade mental est le plus souvent « soigné » à domicile, maintenu attaché. « Le recours aux moyens de contention semble traduire la sollicitude des proches qui veillent à protéger le fou de lui-même, tout en préservant la sécurité de chacun. » [21]

Au XIIIe siècle, on préfère enfermer les « fous », parfois nus, dans des cachots dans lesquels s’entassent également des prisonniers ordinaires ; on utilise des camisoles de force et des chaînes fixées au mur et au lit pour immobiliser les malades en arguant que plus le traitement est douloureux, meilleurs sont les résultats.

Avec la Révolution Française, le « fou » redevient un malade qu’il faut soigner. Les artisans de ce changement s’appellent PINEL et ESQUIROL. L’imagerie populaire retiendra « Pinel libérant les aliénés de leurs chaînes ; à tort d’ailleurs puisqu’il semble que ce soit en réalité PUSSIN qui osa en premier le geste inaugurateur » [22]. C’est ainsi un infirmier, du moins ce qui sera plus tard considéré comme tel, qui ouvrit la voie à un autre regard sur la folie !

Avec le XXe siècle arrivent la psychanalyse et les neuroleptiques, ce qui permet l’établissement d’une véritable relation soignant soigné et modifie radicalement le climat d’agressivité qui régnait jusqu’alors.

L’après guerre enfin, marque l’apparition d’une nouvelle théorie sur la prise en charge de la folie ; de nombreux soignants se rendent compte en effet qu’il n’y a pas grande différence entre ce qu’ils ont vécu dans les camps d’extermination et ce que vivent les malades qu’ils sont censés soigner. Il n’est donc plus question d’attacher ni d’enfermer, ce qui aboutit à la fermeture des quartiers d’agités et à la disparition des camisoles. C’est d’ailleurs à cette période (1953) que le diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique voit le jour. Il disparaît en 1992, absorbé par le diplôme d’état infirmier. Mr Friard D. dira que : « La contention avait disparu des pratiques et des Centres Hospitaliers Spécialisés à tel point qu’il n’existait même plus de matériel adéquat. Cette pratique ne réapparaît qu’à partir des années 1995-2000 »[23], ce qui coïncide, et ce n’est peut être pas un hasard, avec la suppression des études d’infirmier de secteur psychiatrique.

 

Non seulement, la contention renvoie à un passé douloureux mais en plus, aucune étude n’a jamais démontré son efficacité thérapeutique. A ce propos, Mr Palazzolo J, s’appuyant sur deux études, l’une de Shéridan et Al, l’autre de Strumpf et Evans, montre que « dans l’ensemble, les malades ont une opinion négative sur le fait d’être contenus. Ils expriment de la colère, de l’anxiété, une impuissance, se disent troublés, tristes, frustrés, ou éprouvent d’autres sentiments négatifs. » [24]  

Mr Friard D. confirme ce point de vue en écrivant : « Qu’il soit nécessaire d’attacher un patient exceptionnellement violent n’implique en rien que cette mesure soit thérapeutique. Elle peut être nécessaire pour assurer la sécurité de l’environnement ou du patient sans être en aucune façon thérapeutique (…). L’aspect thérapeutique de la contention n’a évidemment jamais été démontré, Conolly administrant même la preuve contraire. Il faut le dire et le redire l’isolement et la contention ne sont pas thérapeutiques ». [25]

 

En l’absence d’efficacité thérapeutique démontrée, certains infirmiers perçoivent la contention non pas comme un acte soignant, mais comme un acte sécuritaire, ce qui amène nombre d’entre eux à s’interroger sur le sens de leur mission.

Mr Masseix, relève, dans un article consacré à la maîtrise de patients violents, le sentiment de malaise chez certains infirmiers : « les soignants n’appartiennent pas à un corps d’élite formé à la contention physique. Confrontés à ce genre de situation grave, ils en ressortent, le plus souvent, avec quelques traumatismes (surtout psychologiques), appuyés sur un vécu qui leur fait dire : on n’est pas là pour ça ».[26]

A ce sujet toujours, Mr Friard D écrit : « De tout ce qu’un infirmier peut être conduit à faire dans le cadre de sa pratique, la contention du patient agité est certainement et de loin l’acte le plus complexe, celui qui l’implique le plus et partant le moins partageable, le moins communicable. Si nous avons choisi d’être infirmiers, ça n’est pas pour enfermer ceux qui délirent, qui ont un comportement différent mais pour soigner des individus qui souffrent de difficultés psychiques. Il est parfois difficile de maintenir vivace cet idéal ».[27] Ce même auteur souligne dans un article, qu’en Allemagne, en Grande-Bretagne et au Canada, l’isolement et la contention sont considérés comme des mesures de sécurité et non comme des moyens thérapeutiques ; il écrit ainsi : « Contrairement à la plupart des démocraties occidentales, l’état français n’a pas jugé nécessaire de légiférer en ce domaine, laissant au médecin toute liberté pour gérer ces problèmes. Si aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, au Canada, en Belgique, aux Pays-Bas, en Russie, des textes de lois précis réglementent l’utilisation de l’isolement et de la contention, il est, en France, possible d’isoler et d’attacher un patient sans aucun contrôle, ni a priori, ni a posteriori (…). Cette absence de contrôle repose sur l’idée qu’isolement et contention ne sont pas des mesures de sécurité mais des actes thérapeutiques. De fait, acte thérapeutique, la contention ne peut être recommandée que par un médecin et en aucun cas être contrôlée par un juge ».[28]

La contention physique est-elle un acte thérapeutique devant être effectué par des soignants ? Mr Pannetier C, dit à ce sujet : « Pour certains, c’est évident, d’autres au contraire, reconnaissent qu’ils n’ont pas été formés à cela mais n’ont pas non plus envie d’apprendre des techniques pour maintenir un patient agité. Ils se considèrent comme des soignants et non pas comme des agents de sécurité ». [29]

 

La contention physique tend enfin à culpabiliser les soignants, car elle renvoie à ces derniers les limites de leur capacité à contenir et leurs difficultés à prévenir un état d’agitation. A ce sujet, Mr Beaumont dit que, « ce soin culpabilise car si le patient s’agite, c’est que nous n’avons pas su, à un moment au moins, écouter sa souffrance. » [30]

Mr Friard D, déclare quant à lui, « c’est précisément parce qu’ils n’arrivent pas, ou plus à être contenants que les soignants vont isoler ou attacher le patient ».[31]

D’autres encore mettent l’accent sur la difficulté à évaluer le niveau de contrôle du patient : « les soignants travaillant en psychiatrie ont une longue expérience des patients qui perdent leur contrôle. Ils les aident à le regagner. Une partie de leur pratique quotidienne consiste à estimer quels patients se contrôlent ou non. Parfois cette détermination est établie justement ; parfois la limite entre self control et perte de contrôle est plus floue. En d’autres termes, le point auquel le patient perd son self control ne serait pas toujours bien défini pour les équipes ».[32]

Tous s’accordent toutefois sur la difficulté de rétablir une relation thérapeutique avec un patient que l’on a contenu physiquement et mis en chambre d’isolement. Mr Pannetier C. écrit à ce sujet : « Si contenir est un soin, pourquoi les médecins interviennent-ils physiquement si rarement ? Rares aussi sont les médecins présents lors de la mise en chambre d’isolement. Certains déclarent ne pas vouloir casser la relation thérapeutique avec leur patient. L’infirmier ne casse-t-il pas aussi une relation thérapeutique avec le patient ? » [33]

 

 

Nous voyons bien, au travers de ce paragraphe, les nombreuses interrogations que suscitent ce soin, et donc, la difficulté des infirmiers à se positionner clairement par rapport à cet acte. En outre, en l’absence d’efficacité thérapeutique démontrée, de nombreux infirmiers remettent en cause le bien fondé de leur mission. La contention physique touche ainsi à l’idéal de la profession, faisant dire à certains « on n’est pas là pour ça ». Dans ce contexte, on peut se demander qu’est-ce qui est fait, en matière de formation, pour permettre aux infirmiers de mieux appréhender ce soin difficile.

 

 

II. 1. 3    Comment les infirmiers sont-ils formés à la contention physique ?

 

Le savoir infirmier sur le soin au malade violent, agité, agressif, repose encore bien souvent sur un savoir empirique et non sur une formation qui entraînerait une compétence soignante à gérer cette violence. Les écrits de Mr Beaumont à ce sujet montrent que, « la réponse à cette violence reste souvent basée sur l’expérience des anciens, le savoir-faire. C’est ce que Bourdieu appelle l’habitus : le résultat d’un ensemble de pratiques qui s’est constitué au fil des jours, a été capitalisé et se transmet de génération en génération par la confrontation à la réalité ». Il écrit encore : « Ce sont des pratiques adaptées à leurs finalités que l’on acquiert par une sorte d’imprégnation sociale. On trouve bien ici le principe du soin contention, soin que l’on n’apprend pas mais que tout infirmier en psychiatrie pratique ». Et il souligne enfin, que « l’apprentissage porte sur les moyens techniques, les postures à adopter. Ils sont transmis lors des situations de violence « aux hommes, par des hommes » puisque classiquement, mais pas exclusivement, c’est à eux que l’on fait appel ».[34]

 

D’autres, comme Mr Pannetier C, montrent que le problème est lié au manque de formation, mais aussi à la baisse des effectifs masculins dans les services de psychiatrie : « Maintenir un patient agité… Cela ne va pas de soi, ce n’est pas inné. (….). Il y encore quelques années, la question de savoir comment maintenir un patient agité se posait à peine. Les équipes infirmières étaient composées de nombreux hommes. Mais aujourd’hui la situation est différente : les hommes sont de plus en plus rares et il arrive parfois qu’à dix nous ayons du mal à maintenir un patient agité. Comment procédons-nous ? On fait comme on peut. (…). Malgré l’expérience soignante en psychiatrie, la contention manuelle ou maîtrise d’un patient agité n’est pas théorisée. »[35]

 

D’autres enfin proposent une alternative à ce manque de formation initial, par l’intermédiaire de formation professionnelle qui porte « sur les questions délicates de la prévention, de gestion des phénomènes de violence et d’agressivité. (…). Cela suppose une formation qui comprend plusieurs points : la gestion du stress engendré par ces situations, une lecture des signes avant coureurs, une prise en compte des paramètres cliniques et anthropologiques et enfin, des éléments de techniques de corps ».[36]

 

Cette réflexion sur la contention physique montre la complexité de la mise en œuvre de ce soin infirmier si particulier. Ce soin, légalement mal défini, peu abordé par la littérature professionnelle, non enseigné dans la formation initiale et dont l’efficacité thérapeutique reste à prouver, place l’infirmier dans une situation pour le moins inconfortable ; obligé d’intervenir dans un devoir de protection mais sans légitimité réelle, il se questionne sur le sens à donner à sa mission, d’autant que l’acte de contenir physiquement, très impliquant émotionnellement, est susceptible de « casser » la relation thérapeutique établie avec le patient.

La contention physique reste néanmoins, malgré les difficultés précédemment mentionnées, l’ultime recours, parfois, pour faire face à un patient devenu violent.

 

 

II. 2     La prise en charge de la violence des patients au moyen de la contention physique

 

Comme nous venons de le démontrer, contenir physiquement un patient violent n’est jamais un acte anodin. Le recours à la contention manuelle doit ainsi être réservé à des situations bien particulières, lorsqu’il existe un danger immédiat pour le patient de se blesser ou de blesser les autres, et lorsque tout autre moyen pour ramener le calme a échoué. On ne limite en aucun cas la liberté d’un individu pour la convenance du personnel ou pour remplacer les soins infirmiers nécessaires. Limiter l’utilisation de la contention physique doit ainsi être une préoccupation permanente des infirmiers, tant cet acte, parfois indispensable, peut être source de frustrations, aussi bien pour les équipes de soignants que pour les patients eux-mêmes.

Identifier correctement les circonstances de mise en œuvre de la contention physique nécessite dans un premier temps, de définir ce qu’est la violence ; puis, nous attacherons à repérer dans les différentes pathologies psychiatriques les éléments prédictifs d’un éventuel passage à l’acte ; enfin, nous verrons quels autres facteurs sont susceptibles de majorer la violence du patient.

 

 

II. 2. 1    Est-il possible d’identifier les situations de violence légitimant le recours à la contention physique ?

 

Dans une optique de compréhension de la violence chez un patient en psychiatrie, nous allons d’abord définir ce qui doit être entendu sous le terme de violence.

Les dictionnaires contemporains définissent la violence comme un état, une force intense et souvent destructrice : violence de la tempête, d'un choc, d'un caractère, d'une passion. Si nous prenons appui sur l’Encyclopaedia Universalis, c’est « une force brutale, un abus ou un déchaînement de la force. »[37]. La violence s'oppose ainsi à la conciliation et au dialogue. Au niveau de la pratique soignante, Mr Beaumont L. écrit : « C’est d’abord une affaire de coups et de bosses. C’est pourquoi nous la considérons comme évidente : elle laisse des traces autant physiques que psychiques. Elle survient là ou le discours s’arrête, dans l’acte. »[38]

 

Dans le langage courant, on emploie le mot "violence" pour qualifier de multiples situations. Dangerosité, agressivité, agression sont ainsi des termes qui se substituent aisément les uns aux autres. Le discours psychiatrique quotidien n'échappant pas à cette confusion, il me semble nécessaire de distinguer ces trois notions.

 

La dangerosité, est une notion qui renvoie à une éventualité incertaine et « implique une prédiction dont le degré de survenue est aléatoire »[39] . Elle indique la possibilité qu'un individu puisse se livrer à un acte violent. A l'heure actuelle, la connaissance d'antécédents violents et l'identification des situations dans lesquelles ils se sont déroulés, constituent le facteur prédictif le plus fiable à l'échelle d'un individu. En effet, les chances de prévoir un acte de violence chez un individu sans antécédent sont quasiment nulles.

 

 

 

L'agressivité recouvre « un comportement qui vise, consciemment ou non, à dégrader, nuire, humilier, contraindre ou détruire »[40] ; elle se traduit de façon très variée, soit par des paroles blessantes soit par des attitudes menaçantes. D’autres auteurs la définissent comme la « tendance à attaquer ». Pour Mr Beaumont, être agressif « se dit de quelqu’un qui est naturellement porté à attaquer, provocateur ».[41] Mme Prido Huet C. note toutefois « que l’agressivité n’est pas nécessairement violente (…) mais, l’agressivité majore et complique souvent aussi la relation au malade souffrant. »[42] 

 

L'agression se définit comme l'expression comportementale de l'agressivité, c'est à dire l'action d'attaquer ; l'agression est un comportement social qui prend son origine et se réalise dans une relation à autrui. Elle s'exprime dans une interaction : (…) « une conduite d'agression est inconcevable sans la présence d'autrui, il n'y a pas d'agression sans victime. »[43] Ce qui fait dire à Mme Prido Huet C. que « l’agression est donc une violence en acte qui met en évidence l’intentionnalité de l’acte et le préjudice porté à autrui. »[44] 

 

 

Comme on vient de le voir, il peut être fait une gradation dans la violence ; la violence est un terme générique qui recouvre plusieurs termes désignant des degrés différents de violence.

A quel moment se justifie la mise sous contention ? Il semble que la dangerosité ne justifie pas, seule, le recours à la contention physique car elle est l’une des caractéristiques du patient atteint d’une maladie psychiatrique ; elle demeure en revanche l’un des éléments qui permet de prévenir un éventuel passage à l’acte, par une vigilance accrue. L’agression est sans doute le stade de violence qui impose une mesure d’urgence et donc le recours à la contention ; nous rentrons ici dans le cadre légal de l’assistance à personne en danger, qui justifie, à lui seul, la légitimité de la contention physique. L’agressivité, quant à elle, reste la situation qui interroge le plus les soignants ; comme l’écrit Mr Palazzolo J. : « le dilemme pour le soignant commence lorsqu’il faut déterminer quand intervenir et maîtriser le patient qui perd le contrôle et quand ne pas intervenir, laissant le patient utiliser ses propres ressources dans un effort pour reprendre la maîtrise de lui-même. »[45]

 

 

II. 2. 2    Peut-on anticiper sur un éventuel passage à l’acte ? Faut-il rechercher dans les différentes pathologies psychiatriques des éléments prédictifs du passage à l’acte ?

 

L'agressivité et la violence ne sont pas l'apanage de la maladie mentale, néanmoins les phénomènes de violence sont très présents dans le quotidien de la psychiatrie.

De fait, violence et dangerosité occupent une place importante dans la clinique psychiatrique. Certaines maladies mentales, en tant que déstructuration de la conscience, modifient le rapport du malade à son environnement et le conduisent parfois à des réactions violentes.

Nous tenterons ci-après de livrer quelques repères psychopathologiques en matière de risque de comportements violents.

 

Dans le cas des troubles mentaux aigus, c’est le délire, l’angoisse de morcellement et les hallucinations qui fomentent le passage à l'acte. Au cours d'une bouffée délirante aiguë ou d'un état de confusion mentale, la conscience du sujet est envahie d'idées délirantes et d'hallucinations, le plus souvent terrifiantes. Le monde est alors perçu comme hostile. L'adhésion au délire peut engendrer des troubles du comportement de menace ou d'attaque, ce qui rend le patient potentiellement dangereux : il peut s'agir pour lui de tuer ou d'être tué.

Dans le cas des troubles mentaux chroniques, et notamment des psychoses hallucinatoires chroniques, la violence est alimentée par un délire de persécution. Le plus souvent, des injures et des menaces précède le passage à l’acte.

Dans la paranoïa, les délirants interprétatifs peuvent attaquer leur persécuteur en état de légitime défense. "L'agression du paranoïaque s'appuie sur le mécanisme de la projection"[46]. La victime est désignée en fonction des thèmes du délire et l’agression est en parfaite cohérence avec le délire.

Ce n’est pas le cas des schizophrènes qui apparaissent comme un groupe à risque, en particulier les délirants paranoïdes. Les moments délirants et le début de la maladie constituent les moments les plus risqués. L'acte apparaît généralement immotivé, incohérent et non prémédité. L'indifférence, la froideur affective et la non culpabilité persistent après l'acte violent.

 

Dans le cas des insuffisances intellectuelles, l'importance de l'agressivité du débile mental est souvent corrélée avec le degré de son déficit intellectuel. Le débile profond perçoit le monde de façon rudimentaire et les changements brusques génèrent pour lui une angoisse qui facilite le recours à la violence. Le débile moyen est capable de percevoir son handicap. Il peut de fait ressentir les manifestations de rejet de l'entourage et réagir à ces frustrations par de la violence. Le débile léger se révèle quant à lui intolérant à la frustration, irritable et instable. Mme Perrono C. souligne au sujet des déficients intellectuels, que « l’acte violent est souvent déclenché par l’impulsivité, l’inadaptation sociale et favorisé par certains chocs affectifs. »[47]

 

Dans le cas de la psychopathie, la violence prend une forme plus délictueuse. Le psychopathe se sent victime d’une société qui l’exclut ; il justifie ainsi les actes répréhensibles qu’il vient à commettre. Mme Prido Huet C. écrit à ce sujet, « Aucune notion de culpabilité ne l’habite. Nous pouvons même aller jusqu’à dire, dans son cas, que le recours à la violence est l’un des seuls modes relationnels qu’il puisse trouver. Il réagit par l’acte plus que par la parole. »[48] Le plus souvent la violence est ainsi vécue comme une réponse à une agression physique ou psychologique.

 

Enfin dans le cas des névroses, les névrosés sont décrits comme des patients peu enclins à la violence. Des mécanismes de défense opèrent en effet pour contrôler l’agressivité. Il arrive cependant que la maîtrise soit inefficace. Ainsi l'hystérique est fréquemment agressif envers les autres ou envers lui-même (manifestations somatiques). L'obsessionnel quant à lui, généralement bien défendu, peut se livrer à des actes impulsifs à l'occasion d'épisodes à forte charge existentielle, comme un divorce subi.

 

 

Le diagnostic apparaît être un facteur déterminant de la violence chez les malades psychiatriques. En effet une enquête portant sur l’analyse de 97 cas d’accidents du travail du personnel soignant au cours d’interactions violentes avec des patients en milieu psychiatrique entre 1988 et 1992, montre « que 80 % des patients violents étaient des psychotiques chroniques et/ou déficitaires. (…) La plus grande dangerosité est attribuée aux patients psychotiques, notamment aux schizophrènes de type paranoïde. »[49]. Il s’agit donc pour l’infirmier d’avoir une parfaite connaissance des différents signes cliniques de chaque pathologie psychiatrique afin de déterminer à quel niveau d’agressivité se situe le patient et ainsi intervenir avant le passage à l’acte.

Toutefois, la connaissance de ces différents signes ne suffisant pas à prévoir systématiquement le comportement d’un patient, il semble intéressant de rechercher d’autres circonstances pouvant induire un comportement violent chez un patient atteint d’une maladie psychiatrique.

II. 2. 3    Existe-t-il d’autres facteurs susceptibles de majorer la violence du patient en psychiatrie ?

 

Il existe des facteurs individuels liés aux patients.

Il semble que l’âge et le sexe constituent des éléments importants dans la potentialité d’agression de la part d’un patient ; il a ainsi été démontré que les actes de violence concernent le plus souvent, « un homme jeune (environ 30 ans), hospitalisé par le biais d’une hospitalisation d’office ou d’une hospitalisation à la demande d’un tiers dans 50 % des cas. (…) Il s’agit d’un  récidiviste dans 16 % des cas. »[50]

Les antécédents apparaissent aussi comme un facteur prépondérant; ainsi certains auteurs insistent sur « le caractère prédictif d’une part de l’existence de nombreuses hospitalisations antérieures et d’autre part d’antécédents de psychopathologie familiale. A ceci, s’ajoutent des antécédents récents et/ou anciens de passages à l’acte. »[51]

Parmi les facteurs liés aux patients, nous devons également citer certains traits comportementaux comme : la colère, l’excitabilité, l’hostilité avec comportement de menaces notamment verbales, un comportement de peur avec expression de craintes , un état dépressif avec sentiments de dévalorisation, une tension (poings serrés…), une logorrhée rapide à voix haute et forte, un comportement bruyant, des mouvements répétitifs avec gestes violents, une déambulation avec gesticulation, un abus récent d’alcool ou de drogue, qui sont annonciateurs d’un passage à l’acte imminent. Ainsi la même enquête montre « que l’agitation est constatée dans 72 % des cas au moment de l’accident violent »[52] Mr Kay S.R. quant à lui écrit à ce sujet que « l’ensemble de ces signes présentent, par leur cumulation, une valeur de prédictivité indéniable. »[53]

Précisons aussi que si ces aspects du comportement peuvent apparaître comme étant violents aux yeux du soignant, ils seront ressentis de la même façon dans l’autre sens, par la personne soignée atteinte par une pathologie psychiatrique, qui, en se sentant agressée, alimentera encore le cycle de la violence.

Enfin, insistons sur un facteur qui paraît essentiel dans la prévention de la violence du patient en psychiatrie, c’est l’équilibration du traitement ; toujours la même étude montre que dans « 58 % des cas le traitement était en cours de remaniement. (…) et que 90 % de nos patients étaient sous neuroleptiques. »[54]

 

Les facteurs environnementaux et structurels peuvent aussi favoriser la violence du patient en psychiatrie.

Ainsi, au cours d’une journée, il y a des moments où les passages à l’acte sont plus fréquents. Certains auteurs comme Mr Negley E.N. et Mr Manley J.T. les ont définis ; il s’agit des moments suivants : « lorsque les patients sont rassemblés, lorsqu’ils sont sans activité, lorsque le personnel soignant est moins disponible, c’est-à-dire avant et après les repas et lors des transmissions. »[55]

On s’aperçoit également que les caractéristiques du lieu dans lequel évoluent les patients, peuvent induire un comportement violent. L’étude précédemment citée révèle que « 61% des patients étaient en unité fermée (…) et que la majorité des accidents a eu lieu dans des salles communes où les patients avaient l’habitude de se rassembler. »[56] On peut citer comme autres facteurs favorisants, l’éclairage, le niveau de bruit et l’encombrement des lieux qui, pour Mr Hall E.T « constituent des facteurs anxiogènes. »[57]

Les facteurs liés aux équipes et aux médecins.

L’analyse effectuée par Mr Rioton B., Peltier M-P., Guibert S.[58] sur 97 cas d’interactions violentes soignants-soignés a mis en lumière que les équipes présentes au moment des accidents avaient une certaine « sous-qualification », une « surreprésentation féminine » et une présence insuffisante auprès des patients.

D’après cette étude, il semblerait que la formation, la féminisation des services psychiatriques et le manque de personnel soient susceptibles d’accroître le passage à l’acte des patients.

L’étude démontre pour finir que le « sous effectif médical avec une charge de travail élevée par médecin, un manque de communication évident entre le personnel et les médecins, et enfin le manque de leadership de ces derniers » ne font qu’augmenter les risques d’agressions.

Il n’existe pas de maladie psychiatrique sans violence. La violence est bien une réalité du monde de la psychiatrie.

Ce qui pose problème aux soignants, ce n’est pas vraiment la violence en elle-même mais bien plus sa prise en charge au quotidien, tant il est difficile, comme nous venons de le constater, d’anticiper sur un éventuel passage à l’acte du malade. Ainsi, malgré les progrès thérapeutiques réalisés et l’humanisation des soins, la contention physique demeure, parfois, le recours ultime du soignant face au patient devenu violent.

Conscients de la nécessité de contenir physiquement en cas d’extrême urgence, certains infirmiers restent néanmoins perplexes sur la légitimité de cet acte qui n’entre pas dans la représentation qu’ils se font de l’idéal de leur profession. Historiquement utilisée abusivement dans des buts punitifs et/ou expiatoires, la contention physique stigmatise en effet un ensemble de représentations négatives sur la prise en charge de la maladie mentale. Bien que son utilisation se soit considérablement humanisée, l’éthique de cette procédure suscite encore de nombreuses interrogations. Le flou des textes réglementaires, le manque de littérature ainsi que l’absence de consensus sur la nature thérapeutique de cet acte ne font qu’accroître le malaise des soignants.

Selon Mr Palazzolo J., « jusqu’ici, les recherches psychiatriques et gérontologiques concernant l’utilisation des contentions ont été focalisées sur l’identification des facteurs déclanchant l’instauration de telles procédures, et sur les caractéristiques du sujet contenu. On ne retrouve que très peu d’études cherchant à comprendre dans quelle mesure l’expérience de la contention peut affecter le patient »[59]. A l’heure où on assiste à une recrudescence des contentions physiques dans les établissements psychiatriques, il m’a semblé également intéressant de comprendre dans quelle mesure l’expérience de la contention physique affecte aussi les soignants. Mes recherches documentaires m’ont conduit à mettre en évidence un sentiment de malaise chez certains infirmiers contraints de recourir à cet acte. Nous allons maintenant confronter ce travail de recherche théorique à l’expérience des soignants afin de découvrir comment ces professionnels vivent sur le terrain la mise en œuvre de cet acte.

 

LES ENTRETIENS EXPLORATOIRES

 

III       LES ENTRETIENS EXPLORATOIRES

 

III. 1   Méthodologie

 

Afin de confronter mon travail de recherche théorique à l’expérience des infirmiers travaillant en psychiatrie, j’ai été amené à réaliser des entretiens semi-directifs. Ce type d’entretien me paraissait être le plus approprié dans la mesure où il permet de laisser une très grande place à l’expression des soignants interrogés, tout en canalisant le discours de ces derniers. De plus, ce type d’entretien autorise la reformulation de ce qui se dit et donc l’exploration profonde des sujets évoqués.

 

J’ai choisi de réaliser mes entretiens dans deux structures différentes :

 

§         une unité intersectorielle d’hospitalisation sous contrainte (ce type de service, du fait de la population reçue et des conditions de leur arrivée, est souvent le théâtre de violence de la part des patients)

§         et un service d’urgence psychiatrique (service qui fait le lien entre le patient et l’hôpital, et les soignants y travaillant sont souvent les premiers à être confrontés à la violence du patient).

 

Je n’ai pas souhaité choisir les soignants selon des critères quelconques de sexe ou d’ancienneté dans le métier ; il me semblait toutefois essentiel de m’entretenir avec un soignant ayant le diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique afin de connaître la place de la contention physique dans cette formation. J’ai donc interrogé trois infirmiers : un infirmier par structure et un cadre de santé de l’unité intersectorielle d’hospitalisation sous contrainte, titulaire du diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique.

J’ai démarré mes entretiens en demandant aux soignants de me définir la notion de contention physique afin d’éviter tout malentendu ultérieur. Puis, j’ai abordé plusieurs thèmes ayant trait aux interrogations que je me suis posées tout au long de mes recherches théoriques. Je me suis intéressé notamment aux circonstances dans lesquelles surviennent ces actes de contention. Puis, je me suis attaché à comprendre le point de vue des professionnels sur cet acte ainsi qu’à découvrir leur ressenti personnel.

Concernant le déroulement des entretiens proprement dit, il a été identique dans les deux services. J’ai interrogé chacun des infirmiers pendant environ une heure, dans un local isolé. Ces entretiens se sont déroulés dans une atmosphère conviviale et détendue. Les soignants ont répondu d’autant plus volontiers à mes questions que celles-ci portaient sur leur pratique infirmière.

Le paragraphe suivant est un condensé de l’analyse des entretiens. Sous chaque grand thème abordé, vous trouverez la question posée, le rappel de mes interrogations, la synthèse des réponses des personnes interrogées ainsi qu’une mise en lien avec la théorie.

 

 

III. 2   Exploitation des entretiens

 

III. 2.1    La contention physique : définition et cadre légal

 

Question 1 : Comment définissez-vous la contention physique ? (y compris son cadre légal)

Ce qui frappe en premier lieu, c’est la difficulté à s’entendre sur une définition précise du terme « contention physique » ; en effet, pour deux des soignants interrogés, la contention physique recouvre plusieurs notions :

- D’abord, l’aspect « contenant » (encore nommé « enveloppement »), qu’on utilise pour les schizophrènes mais aussi pour les patients dont la décompensation a un retentissement physique (personnes qui, sous l’effet d’un stress important, se décomposent littéralement et s’effondrent) ; la contention physique est alors considérée comme un acte de soin, visant à « envelopper » le patient de façon à le rassurer.

- ensuite, l’aspect « contention mécanique », qui consiste à attacher le patient devenu violent ou, tout au moins, à limiter ses mouvements. La contention physique est, dans ce cas, considérée comme une période de transition entre un moment d’agitation et la contention mécanique proprement dite.

Mais faut-il vraiment s’étonner de ces définitions multiples ? Cette difficulté à définir le terme « contention physique », je l’ai moi-même expérimenté lors de mes recherches théoriques, au cours desquelles, reprenant les propos de Mr Palazzolo J., je relevais le « manque persistant de définition de ce type de procédure » [60] dans la littérature actuelle.

Les soignants s’accordent en revanche pour dénoncer l’absence de textes spécifiques à notre profession, définissant la mise en œuvre de la contention physique. Le cadre légal se résume ainsi à la prescription médicale mais celle-ci, en urgence, intervient rétroactivement. Autrement dit, si le médecin est absent au moment des faits, les infirmiers sont amenés à intervenir avec pour seul cadre juridique, le devoir de tout citoyen de porter assistance à personne en danger.

Ces témoignages confortent mes recherches documentaires dans lesquelles je mettais en évidence le flou juridique entourant cet acte si particulier. Cette carence semble d’autant plus dommageable qu’elle n’est pas suppléée par la prescription médicale qui mentionne le plus souvent le but à atteindre (la mise en chambre d’isolement et/ou la mise sous contention mécanique) et non le moyen d’y parvenir (c’est-à-dire la contention physique).

 

 

III. 2. 2   Les circonstances de mise en œuvre de la contention physique

 

Question 2 : Avez-vous personnellement déjà eu recours à la contention physique face à un patient violent ? Si oui, dans quelles circonstances et face à quelle population ?

Il est intéressant de s’interroger sur les circonstances favorisant la mise en oeuvre de la contention physique afin de dégager un éventuel modèle prédictif permettant aux soignants d’anticiper, et partant de limiter, le recours à cet acte.

D’abord, tous les soignants interrogés reconnaissent avoir déjà eu recours à la contention physique. Les avis divergent toutefois sur la fréquence de ces contentions. Ainsi, pour l’infirmier des urgences psychiatriques et celui du secteur fermé, la contention physique est un acte fréquent tandis que pour le cadre de santé, la contention relève d’un « très petit pourcentage de cas ».

Ensuite, il ressort des réponses des soignants que cet acte est surtout utilisé sur des patients délirants ou hallucinés, des patients paranoïaques qui passent à l’acte, des psychopathes qui jouent le rapport de force ou encore sur des patients sous l’emprise de produits toxiques. Quelquefois, il est fait usage de la contention physique pour des schizophrènes en état de déstructuration complète, avec angoisse de morcellement.

On remarque que les catégories de patients les plus citées sont celles des paranoïaques et des patients délirants ou hallucinés. On retrouve ici des résultats semblables aux études précédemment évoquées lors de ma recherche documentaire. Pour autant, peut-on se servir de ces éléments comme d’un modèle prédictif ? Une bonne connaissance des pathologies et signes cliniques associés permet certainement de mieux appréhender la dangerosité du patient et donc de mieux évaluer le risque de passage à l’acte ; toutefois, ces éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à prévoir avec certitude le comportement du patient.

 

 

III. 2. 3   Le point de vue des professionnels sur la nature thérapeutique de la contention physique.

 

Question 3 : A votre avis, la contention physique est-elle un acte de soin ou un acte sécuritaire ?

Après avoir recensé les circonstances d’utilisation de la contention physique, j’ai souhaité connaître le point de vue des professionnels sur la nature thérapeutique de cet acte ; les écrits sur ce sujet semblent en effet plutôt mettre en avant le caractère sécuritaire de la contention.

L’analyse des entretiens montre que les soignants interrogés ne se prononcent pas de manière catégorique sur le sujet ; les réponses apportées sont plutôt nuancées. Les deux infirmiers et le surveillant s’accordent en effet pour dire que la contention physique peut être tantôt un acte de soin, tantôt un acte sécuritaire ; tout dépend en réalité des circonstances de mise en œuvre de la contention et en particulier, des patients sur lesquels on effectue cette contention. Une contention physique réalisée sur un patient atteint de schizophrénie constitue par exemple un acte de soin pour les soignants interrogés.

Ce qui est intéressant, c’est de constater que, pour les soignants du secteur fermé, la contention physique, qui peut être au départ un acte sécuritaire, devient, une fois que le patient est stabilisé et que l’on a repris avec lui les conditions de mise en œuvre de cet acte, un soin à part entière. Ainsi, l’infirmier du secteur fermé déclare :

« Moi je dirais que c’est un acte de soin ; c’est vrai qu’il est sécuritaire aussi, mais c’est surtout un acte de soin, car ça permet à la personne de prendre plus conscience de ses limites, de ce qu’il peut faire et ne pas faire, c’est un mode de recadrage, c’est l’extrême limite du recadrage. Une fois que le patient est stabilisé et que le dialogue est à nouveau possible, il faut absolument reparler avec lui de ce qui s’est passé, parce que c’est nécessaire ; si l’on met la contention sans expliquer au patient à posteriori pourquoi on a mis en œuvre cet acte, ça n’a aucun intérêt. Le but ultime de la contention, c’est que la personne prenne conscience qu’il y a quelque chose qui a dérapé. »

Ce point de vue me paraît d’autant plus intéressant qu’il ouvre des pistes de réflexion nouvelles ; en effet, ma recherche documentaire me laissait penser que les infirmiers se divisaient en deux catégories bien distinctes : ceux, majoritaires, qui voyaient en la contention un acte purement sécuritaire et ceux, moins nombreux, qui appréhendaient la contention comme un acte de soin à part entière ; ainsi, pouvait se développer chez certains (les tenants de l’acte sécuritaire), un sentiment de malaise et de frustration. Si on admet au contraire que la contention n’est pas seulement sécuritaire mais aussi un acte nécessaire et « fondateur pour ce qui vient après », autrement dit pour la relation thérapeutique, alors on donne peut être la possibilité aux soignants de se défaire d’une certaine forme de culpabilité.

 

 

III. 2. 4   La contention physique et le ressenti des soignants

 

Question 4 : Que pensez-vous du recours à la contention physique face à un patient devenu violent, et quel(s) sentiment(s) avez-vous éprouvé après avoir effectué cet acte ?

Dans la littérature actuelle, certains articles traitent de la culpabilité des infirmiers, contraints d’avoir recours à la contention physique. Cette culpabilité s’enracine dans l’histoire du traitement de la maladie mentale, durant laquelle la contention physique s’apparentait à un acte purement coercitif. Ce sentiment négatif est accentué par l’absence d’efficacité thérapeutique démontrée (cf question précédente). La culpabilité naît enfin d’un sentiment d’inefficacité, qui fait dire au soignant qu’il n’a pas su écouter la souffrance du patient. J’ai donc voulu connaître le ressenti des infirmiers sur le terrain, afin de confronter leurs réponses à mes recherches théoriques.

Tout d’abord, les soignants interrogés confirment que le recours à la contention physique s’avère, dans certaines situations, incontournable. L’infirmier des urgences psychiatriques estime, quant à lui, que ce recours pourrait même devenir de plus en plus fréquent dans les années à venir ; il justifie son point de vue par la diminution du nombre d’infirmiers de secteur psychiatrique et par la fermeture de lits alors même que l’évolution de la société, et notamment l’évolution de la consommation des toxiques, entraîne une augmentation du nombre de patients fréquentant les établissements psychiatriques.

Quant aux sentiments éprouvés, ils varient sensiblement d’un soignant à l’autre. L’infirmier de secteur fermé déclare ne pas avoir eu de problème de conscience, ayant toujours pratiqué cet acte dans des conditions lui paraissant justifiées. Le cadre de santé avoue au contraire, avoir ressenti de la frustration et une certaine culpabilité face à un acte qu’il considère comme un échec, le constat d’une incapacité à contenir et à prévenir un état d’agitation. Enfin, l’infirmier des urgences psychiatriques évoque, pour sa part, la peur (la « trouille ») d’un éventuel passage à l’acte du patient, et la crainte de répondre instinctivement à cette violence.

On constate, au travers de la diversité de ces réponses, qu’il y a autant de réactions ou de sentiments différents qu’il y a, au fond, de personnalités et d’individus. De fait, chacun réagit en fonction de sa propre histoire personnelle. Il ne peut être fait de généralisation sur ce sujet, le ressenti du soignant demeurant une expérience personnelle. On relève néanmoins que le seul infirmier n’ayant aucun problème de conscience vis-à-vis de la contention physique est celui qui considère cet acte avant tout comme un acte de soin. On sent bien dans ses propos qu’il légitime cet acte en lui prêtant un caractère nécessaire, non abusif et fondateur pour la mise en place des soins à venir.

III. 2. 5   La place de la contention physique dans la relation soignant–soigné

 

Question 5 : Pensez-vous que la mise en œuvre de la contention physique puisse être une entrave à la relation soignant-soigné ?

On peut se demander si le fait de contenir physiquement un patient ne constitue pas un obstacle pour les soins ultérieurs à dispenser au patient. Autrement dit, est-ce que le lien thérapeutique n’est pas rompu à partir du moment où on est intervenu physiquement sur le patient ?

Cette question me semble fondamentale. Si, effectivement, la contention physique est susceptible de rompre la relation thérapeutique avec le patient, alors il est légitime que l’infirmier répugne à effectuer cet acte.

Les avis des soignants interrogés sur cette question divergent en apparence. Alors que pour l’infirmier des urgences psychiatriques, la contention physique est « forcément une entrave à la relation soignant – soigné », le cadre de santé ainsi que l’infirmier de secteur fermé ont un avis contraire. Ce dernier en veut pour preuve que « la violence qu’ont exercé sur moi certains patients, n’a jamais été en rapport avec un patient à qui j’avais effectué une contention et qui voulait se venger d’avoir été mis sous contention ».

Ce désaccord entre les soignants repose en réalité sur des conditions d’exercice très différentes. Alors que l’infirmier des urgences psychiatriques ne passe que très peu de temps avec le patient, les deux autres soignants disposent des conditions matérielles nécessaires pour reprendre avec ce dernier les circonstances qui ont amené à sa mise sous contention ; ce qui fait dire au cadre de santé : «C’est justement parce qu’on reprend avec le patient ce qui s’est passé que ça devient un acte fondateur de tout ce qui vient après ; c’est ce qui justifie tout au moins à mes yeux le fait qu’on peut se permettre d’utiliser des contentions physiques avec quelqu’un. Si on reste dans le « non dit », ce ne sera jamais un acte de soin ; c’est même pire, je crois que là on tombe dans quelque chose qui tient de la coercition. »

Dans ma recherche théorique, je montre que tous les auteurs sont d’accord pour dire qu’il est difficile de rétablir une relation thérapeutique avec un patient que l’on a contenu physiquement ; mais aucun ne s’avance toutefois à dire que c’est impossible. Ce qui me semble particulièrement intéressant dans les témoignages des soignants du secteur fermé, c’est qu’ils nous apportent la preuve que le lien thérapeutique peut effectivement être rétabli après une contention physique. Plus encore, ils se servent de la contention physique comme étant l’acte fondateur des soins à venir.

 

 

III. 2. 6   La formation à la contention physique

 

Question 6 : Avez-vous reçu une formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique ? si oui, quel type de formation ? si non, pensez-vous qu’il soit nécessaire, pour un infirmier, de recevoir une telle formation ?

Compte tenu de la baisse des effectifs masculins en psychiatrie et de l’arrêt, depuis 1993, du diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique, je me suis demandé s’il ne serait pas intéressant de proposer aux infirmiers, une formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique.

Si on fait notamment le lien avec ma situation de départ, on constate que la première préoccupation d’une infirmière prenant son service est d’évaluer le nombre d’hommes présents dans le secteur. Cette préoccupation est induite par la dangerosité de certains patients et par le manque de représentants masculins, parfois, dans les équipes. Dans ce contexte, ne serait-il pas intéressant de proposer une formation sur la mise en œuvre de la contention physique (sur des bases de self défense) afin de permettre aux infirmiers de mieux appréhender cet acte qui est émotionnellement et physiquement très impliquant ?

Il ressort d’abord de l’analyse des entretiens, qu’aucun des soignants interrogés n’a bénéficié d’une formation ayant trait à la contention physique.

On constate ensuite, et c’est inattendu pour moi, que les soignants interviewés n’y sont pas favorables. Ils justifient leur point de vue en montrant qu’une formation ne tiendrait pas compte du facteur humain et que la réponse serait donc stéréotypée pour des situations qui sont à chaque fois différentes. Selon eux, il vaut mieux faire confiance à l’expérience du soignant, qui saura s’adapter, avec son propre vécu et sa propre histoire, à la situation qui se présente. Ces propos confirment le constat fait par Mr Beaumont : « la réponse à cette violence reste souvent basée sur l’expérience des anciens, le savoir-faire. C’est ce que Bourdieu appelle l’habitus : le résultat d’un ensemble de pratiques qui s’est constitué au fil des jours, a été capitalisé et se transmet de génération en génération par la confrontation à la réalité » ».[61]

Je remarque toutefois que, lors de mes entretiens, je n’ai pu interroger paradoxalement que des hommes ; or, il aurait été intéressant, au vue de ma situation de départ et dans une profession à 80% féminine, de recueillir aussi l’avis d’infirmières. Cela aurait peut être permis d’avoir un autre écho sur ce sujet ; d’autant qu’un auteur comme Mr Pannetier C. relève : « Maintenir un patient agité… Cela ne va pas de soi, ce n’est pas inné. (….). Il y encore quelques années, la question de savoir comment maintenir un patient agité se posait à peine. Les équipes infirmières étaient composées de nombreux hommes. Mais aujourd’hui la situation est différente : les hommes sont de plus en plus rares et il arrive parfois qu’à dix nous ayons du mal à maintenir un patient agité. Comment procédons-nous ? On fait comme on peut. (…). Malgré l’expérience soignante en psychiatrie, la contention manuelle ou maîtrise d’un patient agité n’est pas théorisée. »[62]

 

 

III. 3   Analyse

 

Lors de mon stage d’été en secteur psychiatrique fermé, j’avais été interpellé par le comportement inhabituel d’une infirmière qui, consultant le planning, s’était interrogée sur le nombre d’hommes présents dans le service. Jamais auparavant, je n’avais en effet rencontré une telle attitude. J’avais alors interprété sa réaction comme étant le signe manifeste de la peur que lui inspirait la violence de certains patients. Par la suite, j’ai compris que ce n’était pas la violence des patients qui engendrait la peur mais plutôt le fait de ne pas savoir comment prendre en charge cette violence. Très rapidement, je me suis donc interrogé sur la manière de réagir face à un patient devenu violent.

Les recherches que j’ai menées, tant théoriques que sur le terrain, montrent que la contention est toujours l’ultime recours, lorsque tout autre moyen a échoué, de faire face à la violence d’un patient. Que cette contention soit mécanique, chimique ou « géographique » (chambre d’isolement), le corps à corps avec le patient, que l’on désigne sous le terme de « contention physique », demeure bien souvent un passage obligé. C’est cette dernière forme de contention qui soulève le plus de réticences de la part des soignants. En effet, cet acte, s’avère particulièrement impliquant pour les infirmiers, aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Or, la plupart du temps, c’est un acte effectué dans l’urgence. Il m’a donc semblé important de mener une réflexion sur la contention physique afin d’améliorer la prise en charge du patient devenu violent.

Il ressort de mes recherches, une absence notable de débat dans la littérature psychiatrique actuelle concernant la façon dont on devrait contenir les patients. La même carence s’observe au niveau des textes règlementaires spécifiques à notre profession, ce qui fait dire au cadre de santé que j’ai interrogé : « Il n’y a pas actuellement de texte qui définisse réellement la mise en œuvre de la contention physique ; (…) on est amené à commettre des actes de soins, mais on se garde bien de les définir en temps que tels ; donc, tout le monde est au courant que dans les hôpitaux français il arrive qu’on attache des gens mais il n’y a pas de texte qui dise qu’on ait droit ou pas de le faire. Je pense que ça devrait changer à l’avenir car les gens se sont fédérés et ont commencé à dire : « là, il faudrait écrire ce qu’on fait et surtout écrire la façon dont il faut le faire ».

En l’absence d’études théoriques et d’un cadre juridique précis, les infirmiers ne disposent pas aujourd’hui de références précises auxquelles se rattacher lors de ces situations de crise ; chacun gère alors, comme il le peut, son ressenti personnel et individuel, dans lequel on retrouve pêle-mêle de la peur, de la culpabilité et de la frustration.

Auparavant, le manque de références théoriques et/ou juridiques ne se faisait pas réellement sentir car la question de savoir comment contenir physiquement un patient violent se posait à peine. Les équipes de soignants étaient en effet composés de nombreux hommes dont la seule présence suffisait le plus souvent à dissuader les patients d’un éventuel passage à l’acte. Mais aujourd’hui, la situation est différente : on assiste à une nette recrudescence des contentions dans les établissements psychiatriques tandis que les équipes se féminisent.

Dans ce contexte, la question de la mise en œuvre de la contention physique peut-elle encore être passée sous silence par le législateur ?

Je propose donc l’hypothèse suivante :

 

Pour améliorer, en psychiatrie, la prise en charge des patients devenus violents, il faut qu’un texte règlementaire définisse la contention physique comme étant un acte relevant du rôle propre de l’infirmier, et en précise les circonstances et les modalités de mise en œuvre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

 

Si l’apparition des neuroleptiques a permis de diminuer sensiblement l’expression des comportements violents chez certains patients, il n’en reste pas moins que ces comportements persistent dans les établissements psychiatriques et que leur prise en charge par les équipes de soignants soulève toujours de nombreuses interrogations. Parmi celles-ci, le recours aux moyens de contention semble un sujet particulièrement sensible, même si ces derniers se sont, au fil du temps, « humanisés », passant de l’enchaînement pur et simple à la camisole dite « chimique » avec accompagnement médical et psychologique.

De toutes les formes de contention, la contention physique est certainement la plus taboue. On ne peut que constater le manque persistant de définition de ce type de procédure dans la littérature psychiatrique actuelle. Jugée intolérable par certains et nécessaire par d’autres, l’utilisation de la contention physique ne fait pas, loin s’en faut, l’unanimité. Il faut dire qu’aucune étude scientifique n’a pour l’instant démontrée son efficacité thérapeutique. Dans le même temps, dénoncer systématiquement son utilisation, c’est ignorer ses propres limites face à la violence et son incapacité, parfois, à la contrôler ; c’est également minimiser l’incidence de la baisse des effectifs, et en particulier des effectifs masculins, dans les services de psychiatrie.

Jusqu’à présent, le législateur n’a pas voulu adopter de loi précise quant à l’utilisation de la contention physique. Le décret du 29 juillet 2004, relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, ne stipule aucunement que maintenir manuellement un patient est un acte infirmier. Dans ces conditions, les soignants sont amenés à intervenir sans légitimité réelle, sans que soient clairement précisées les circonstances et les modalités de mise en œuvre de la contention physique. Ce qui fait dire à certains : « on n’est pas là pour ça ». D’autres, en revanche, à l’image de deux des soignants que j’ai interrogés, ont trouvé à donner du sens à cet acte, en l’intégrant dans leur démarche de soin. Mais chacun, au final, gère, comme il le peut, son ressenti personnel et individuel.

 

A l’heure où le nombre de soignants en psychiatrie diminue, où le nombre d’hommes dans les services baisse et où les épisodes dangereux se multiplient, ne faudrait-il pas que les pouvoirs publics se penchent ouvertement sur le problème afin de proposer un texte de loi, garant du bon usage de cette pratique par les équipes de soignants ? On pourrait même imaginer que soient proposées aux équipes volontaires, des formations visant à mieux appréhender cet acte, grâce à une réflexion, une distanciation et des techniques. Il se pourrait alors que, mieux préparés à gérer ces situations de crise, les infirmiers soient plus sereins et donc davantage disponibles pour l’écoute et le dialogue avec les patients.

 

Pour finir, je dirai que ce travail de fin d’études a été pour moi, l’occasion d’un véritable enrichissement de mes connaissances en psychiatrie. Ce fut aussi l’opportunité de réfléchir longuement sur l’un des actes les plus difficiles, parce que l’un des plus impliquant, de l’infirmier travaillant en psychiatrie. Etant très intéressé par ce secteur, j’ai particulièrement apprécié d’avoir l’occasion d’approfondir cette question délicate. J’espère que ce travail pourra simplement intéresser d’autres soignants, débutants comme moi, ou professionnels en exercice, qui s’interrogent sur la contention physique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LIVRES ET OUVRAGES

 

DUPONT M : « Soins sous contrainte en psychiatrie », Paris, Doin, Editions Lamarre, 2004

 

HALL E.T. : « La dimension cachée », Paris, Editions Seuil, 1971

 

MICHAUD Y : « Violence et politique », Paris, coll. "Les essais", Editions Gallimard, 1978

 

SENNINGER J.L, FONTAA V : « Psychopathologie des malades dangereux », Paris, Editions Dunot, 1996

 

 

DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES

 

Encyclopaedia Universalis : version Cédérom n°4, 1998

 

 

REVUES ET ARTICLES

 

BERGIN S : « Isolement et contentions », Revue Canadienne de psychiatrie, vol.36, décembre 1991

 

FRIARD D : « Attacher n’est pas contenir », revue Santé Mentale, n°86, mars 2004

 

KAY S.R : « Profiles of aggression among psychiatric patients », J.new. Ment. Dis., n°176, 1988

 

LAVOINE P.L : « Prédire la dangerosité », VST, N°63, 1999

 

MASSEIX F : « L’heure du corps à corps », revue Santé Mentale, n°82, novembre 2003

 

NEGLEY E.N., MANLEY J.T : « Environmental interventions in assaultive behavior », J.Gerontol. Nurs., n°16, 1990

 

PALAZZOLO J : « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, mars 2004

 

PANNETIER C : « Flic ou soignant », revue Santé Mentale, n°86, mars 2004

 

RIOTON B, PELTIER M-P, GUIBERT S : « Les accidents du travail du personnel soignant au cours d’interventions violentes avec des patients en milieu psychiatrique », L’information psychiatrique, N°2, février 1998

 

 

THESES ET RAPPORTS

 

BEAUMONT L : « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé, Lyon 1998

 

PERRONO C : « La contention physique contre la violence en psychiatrie », thèse de Docteur en médecine, Besançon 1998

 

PRIDO HUET C : « Ce qui fait violence en psychiatrie », mémoire de cadre de santé, Paris 2002

 

 

DOCUMENTS ELECTRONIQUES

 

FRIARD D : « De la violence dans les soins », http://www.serpsy.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GRILLE D’ENTRETIEN

 

Dans le cadre de mon mémoire de fin d’étude, je me suis intéressé à la prise en charge des patients violents en psychiatrie. La confrontation de mon expérience personnelle avec la littérature traitant de ce sujet m’a conduit à poser la question de départ suivante :

 

En quoi une réflexion sur le recours à la contention physique peut-elle permettre à l’infirmier en psychiatrie d’améliorer la prise en charge du patient devenu violent ?

 

Je vous sollicite afin de pouvoir m’entretenir avec des soignants de votre établissement et compléter ainsi mon travail de recherche.

 

 

1. Comment définissez-vous la contention physique ? (y compris le cadre légal)

 

 

2. Avez-vous personnellement déjà eu recours à la contention physique face à un patient violent ? Si oui, dans quelles circonstances et face à quelle population ?

 

 

3. A votre avis, la contention physique est-elle un acte de soin ou un acte sécuritaire ?

 

 

4. Que pensez-vous du recours à la contention physique face à un patient devenu violent, et quel(s) sentiment(s) avez-vous éprouvé après avoir effectué cet acte ?

 

 

5. Pensez-vous que la mise en œuvre de la contention physique puisse être une entrave à la relation soignant - soigné ?

 

 

6. Avez-vous reçu une formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique ? Si oui, quel type de formation ? Si non, pensez vous qu’il soit nécessaire pour un infirmier de recevoir une telle formation ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PREMIER ENTRETIEN

 

Sexe : masculin                                                                      Ancienneté dans la fonction : 11 ans

Age : 51 ans                                                                           Ancienneté dans le service : 8 ans

Fonction : infirmier                                                                 Lieu d’exercice : urgences psychiatrique

Formation initiale : 2 ans de formation d’infirmier de secteur psy et 2 ans de diplôme d’état

 

 

1. Comment définissez-vous la contention physique ? (y compris le cadre légal)

La contention physique est de deux ordres ; il y a ce qu’on appelle la camisole chimique et ce qui remplace la camisole de force. La camisole chimique étant l’idée générale qu’il puisse y avoir des produits pour contenir le patient et la deuxième c’est la contention physique initiée par la camisole de force, qui petit à petit à été remplacée par la notion de pouvoir attacher le patient pour le contenir physiquement lui même dans son enveloppe corporelle, et ensuite la contention physique dans une chambre particulière fermée, qu’on appelle les chambres d’isolement.

Dans la contention physique où il y a interaction physique (corps à corps) entre le patient et le soignant, il y a 2 formes :

- une première forme qui existe depuis fort longtemps du travail avec le schizophrène, le schizophrène ayant par définition une problématique d’enveloppe, de « moi peau »; la contention physique fait partie à ce moment là du soin ; ça consiste à attraper le patient et ça ne se fait qu’à un seul soignant, et à l’aborder non pas par l’avant mais par l’arrière de manière à ce que ce patient se sente enveloppé avant que ce soit le soignant qui reconstitue le « moi peau » ; ça c’est la première contention physique qui existe, qui là effectivement est du rôle du soin ;

- ensuite il y a une deuxième forme de contention physique, qui est la contention physique du patient agité pour lequel se pose la question de savoir si on aurait pu ou pas, faire quelque chose avant, mais où là on est dans le passage à l’acte, où là effectivement on est plutôt dans une pratique de l’ordre de la sécurité, tant pour le patient que le soignant.

Le cadre légal de la contention théoriquement n’existe pas ; si on se rapporte au code pénal, la contention physique s’apparente au passage de la menotte, et donc à partir du moment où on passe des menottes, théoriquement c’est un officier de police qui devrait le faire avant nous ; on ne peut contenir un patient qu’à partir du moment où effectivement il a déjà été menotté ; ça s’est le cadre légal. Après on peut considérer que cette notion de contention physique est une contention physique de sécurité, mais qu’elle rentre dans un cadre de soin et auquel cas à ce moment là, la notion de la contention physique c’est quelque chose qui doit être pensé à l’avance, protocolisé, et éventuellement faire l’objet d’un document spécifique comme pour les chambres d’isolement.

Conclusion au jour d’aujourd’hui on n’a pas cette chose là, donc aujourd’hui ça se résume à la prescription médicale.

Dans le décret de compétence infirmier, il n’y a rien qui définit la contention physique comme un acte à exécuter par un infirmier ; néanmoins, il est prévu dans le cadre général de la loi qu’on doive porter assistance à toute personne en danger. Il est prévu aussi dans le statut d’infirmier, qu’en aucun cas, un infirmier ne doive laisser un patient en situation de danger.

 

 

2. Avez-vous personnellement déjà eu recours à la contention physique face à un patient violent ? Si oui, dans quelles circonstances et face à quelle population ?

J’ai effectivement, et à plusieurs reprises, eu recours à la contention physique.

On se trouve parfois confronté à des patients déstructurés qui nous « attaquent » et dans ce cas, la question ne se pose même pas, car c’est le patient qui vient au contact du soignant ; la seule défense que l’on ait, c’est de contenir le patient, et de le contenir parfois violemment.

Il nous arrive également d’être face à des patients sous l’emprise de produits toxiques, qu’il s’agisse de drogue ou d’alcool, et pour lesquels la discussion est parfois difficile ou encore d’être en présence de patients paranoïaques qui passent à l’acte.

Et puis, il y a le cas particulier de la contention physique du patient schizophrène, en état de déstructuration complète avec angoisse de morcellement.

Les contentions physiques sont assez fréquentes et les demandes de renfort en hôpital psychiatrique notamment (je connais car j’y ai exercé plusieurs années), sont journalières.

3. A votre avis, la contention physique est-elle un acte de soin ou un acte sécuritaire ?

La question se pose effectivement, mais la réponse n’est pas si facile que ça.

Si on a affaire au schizophrène en angoisse de morcellement et que l’on veut effectivement reconstruire son enveloppe, on est dans le cadre du soin, mais un seul soignant y va.

Si on a affaire à un patient en état de passage à l’acte volontaire de sa part, ou sous l’emprise de toxiques, il est certain qu’à ce moment là on est plutôt dans le sécuritaire. Dans ce cadre là, la prescription médicale ne sert pas et il vaut mieux mettre en place des protocoles.

 

 

4. Que pensez-vous du recours à la contention physique face à un patient devenu violent, et quel(s) sentiment(s) avez-vous éprouvé après avoir effectué cet acte ?

Je pense qu’on sera toujours dans l’obligation d’utiliser la contention physique, ne serait-ce que pour nous sauvegarder nous-mêmes. Le recours à la contention physique risque même de devenir de plus en plus fréquent.

En effet, il y a, dans un premier temps, un problème de compétences, vu qu’il n’y a plus d’infirmiers psy et qu’il y a de moins en moins de psychiatres.

Ensuite, on ferme des lits psy alors qu’on a de plus en plus de patients psy qui rentrent ; ces patients poussent dehors un patient qui n’est pas encore totalement soigné, ou tout au moins qui n’est pas encore stabilisé. Donc forcément on remet dehors un patient qui va repasser à l’acte. Ce qui veut dire que la crédibilité du soin avec ce patient n’est pas réelle et que, quelque part, quand ce patient voit un soignant en face de lui, ce patient ne peut plus avoir confiance en ce soignant, car on ne lui apporte pas la sécurité.

Enfin, l’évolution de la société et notamment l’évolution des toxiques et de la consommation de toxiques, fait que, avec ces patients là, on aura de plus en plus recours à la contention. Là s’ouvre un champ qui est partiellement défini : où est la limite de ce qui doit venir en psychiatrie de ce qui devrait aller en prison ?

La première chose que j’ai ressenti moi en tant qu’infirmier, c’est la « trouille » car le climat de violence, ce n’est pas quelque chose de facile à gérer. La plus grande peur que j’ai eu, c’est le passage à l’acte parce qu’effectivement on prend des coups et que l’instinct humain fait qu’on est tenté d’en rendre autant qu’on en a pris.

 

 

5. Pensez-vous que la mise en œuvre de la contention physique puisse être une entrave à la relation soignant - soigné ?

C’est forcément une entrave à la relation. Surtout que le problème des urgences, c’est que le patient on ne le voit pas longtemps, donc ce patient pour nous il va disparaître, et le seul acte qu’on aura posé avec lui c’est de la violence. Le patient ne gardera pas forcément de souvenir de cette violence ; en revanche, nous, au niveau de nos transmissions et au niveau de notre gestion des gens, on saura que ce patient là, la seule manière qu’on a eu de traiter avec lui, c’était de la violence ; ça altère notre relation avec lui. Inévitablement, ça freinera notre relation avec lui.

 

 

6. Avez-vous reçu une formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique ? Si oui, quel type de formation ? Si non, pensez vous qu’il soit nécessaire pour un infirmier de recevoir une telle formation ?

Je n’ai pas reçu de formation spécifique à la contention physique.

Ce genre de formation spécifique n’existe pas. Il n’existe qu’une formation théorique à la gestion de la violence et, dans une moindre importance, des formations à la gestion du stress. Il n’existe pas d’autres formations à ma connaissance sauf un établissement qui était « Maison Blanche » qui avait donné des cours de self défense à son personnel, notamment pour pouvoir se défendre face à des gens qui sont armés d’armes blanches.

L’idée générale de faire une formation pour gérer la violence ça n’existe pas. Ça ne pourra jamais exister pour la bonne et simple raison que le patient a son histoire, que le soignant a son histoire, et que les circonstances de survenue de la violence ne se reproduisent jamais à l’identique.

 

 

DEUXIEME ENTRETIEN

 

Sexe : masculin                                                                      Ancienneté dans la fonction : 12 ans

Age : 50 ans                                                                           Ancienneté dans le service : 11 ans

Fonction : cadre de santé                                                       Lieu d’exercice : secteur fermé

Formation initiale : infirmier de secteur psychiatrique

 

 

1. Comment définissez-vous la contention physique ? (y compris le cadre légal)

Plusieurs définitions sont possibles :

Première notion, l’aspect contenant ; la première des notions, c’est l’enveloppement, qu’on utilise pour les schizophrènes mais aussi chez les gens dont la décompensation a un retentissement physique (personnes qui, sous l’effet d’un stress très important, se décomposent littéralement, qui s’effondrent) ; il faut alors les contenir pour les rassurer. C’est la notion de contention plus en terme d’enveloppement. C’est un soin qui vise en gros à « recoller » les morceaux (perte de notion d’espace physique).

Deuxième notion, la contention mécanique. Pour avoir un contact soignant efficace avec la personne soignée, il ne faut pas que ça se termine en pugilat ; si le soignant se retrouve plus dans une position où il va essayer de ne pas prendre de coups, on n’arrivera jamais à établir un contact efficace et soignant. Donc on peut aussi utiliser la contention dans ce sens là où l’on va contenir physiquement d’abord puis mécaniquement, cette fois-ci, la personne soignée de façon à ce qu’il ne reste de la relation que la communication verbale. Et on se sera pas en train de se dire « si je vais vers lui, il va me frapper » car il aura été contenu. Ça c’est un autre aspect de la contention qui n’est pas tellement utilisé mais qui est parfois utilisé quand même ici, quand on a affaire à des gens qui, en général, sont des états délirants avec agitation et où on ne peut plus avoir une action efficace même en utilisant des neuroleptiques ; il peut arriver parfois que l’on soit totalement dépassé, tout en ayant besoin de garder un contact avec la personne ; donc, il n’est pas question de la sédater à outrance parce qu’à ce moment là il n’y aurait même plus la possibilité d’avoir un contact verbal avec elle, donc on la contient mécaniquement et au moins comme ça, il y a un dialogue qui peut s’établir. La contention physique dans ce cas là est toujours la transition entre un moment d’agitation et la contention mécanique.

Il n’y a pas actuellement de texte qui définisse réellement la mise en œuvre de la contention physique. Les gens sont un petit peu « faux jetons » c’est-à-dire qu’on est amené à commettre des actes de soins, mais on se garde bien de les définir en temps que tel ; donc tout le monde est au courant que dans les hôpitaux français il arrive qu’on attache des gens mais il n’y a de texte qui dit qu’on a droit ou pas droit de le faire. Je pense que ça devrait changer à l’avenir car les gens se sont fédérés et ont commencé à dire : « là, il faudrait écrire ce qu’on fait et surtout écrire la façon dont il faut le faire ».

 

 

2. Avez-vous personnellement déjà eu recours à la contention physique face à un patient violent ? Si oui, dans quelles circonstances et face à quelle population ?

Oui, j’ai déjà eu recours à la contention physique face à des patients violents, dans  un très petit pourcentage de cas; ça s’adresse surtout aux gens délirants ou hallucinés. Ce n’est pas une violence tournée vers la personne qui va intervenir ; il s’agit plutôt d’une violence générique où les gens vont bien entendu se retourner vers la personne physique parce que c’est nous qui sommes en face de lui, mais en réalité cette violence est dirigée vers un système qui l’a amené à l’enfermement.

Il y a des critères de sécurité à respecter lors de la mise en œuvre de la contention physique, ce qui fait qu’on n’intervient pratiquement jamais seul, mais toujours au minimum à deux, parfois beaucoup plus.

 

 

3. A votre avis, la contention physique est-elle un acte de soin ou un acte sécuritaire ?

C’est les deux !

Ça peut être un acte de soin quand il s’agit d’apporter un certain apaisement à une personne ; il faut savoir que dans ces cas là d’ailleurs, c’est vraiment le dernier recours, quand on a épuisé toutes les autres solutions thérapeutiques.

Après il y a l’aspect sécuritaire qui existe aussi. Parfois, on ne peut pas se permettre de se mettre en danger ; l’aspect sécuritaire apparaît notamment lorsque quelqu’un, qu’on ne connaît pas et qui est déjà contenu, arrive à un moment de la journée où nous sommes en sous effectif (par exemple le soir après 18 heures) ; dans ce cas, on ne va pas le détacher d’emblée ; on ne sait pas ce qui s’est passé, on ne va donc pas prendre le risque de le détacher. On va le mettre sur son lit et on va le rattacher. Et après, on va voir. Lorsque le médecin arrive, on peut très bien décider que, vu l’état, il y a moyen de négocier les choses avec lui, si il accepte le traitement, on va peut être lâcher un peu. Mais d’emblée, on ne le fera pas. Des risques, on va peut être en prendre après mais pour en prendre, il faut que tous les moyens soient réunis pour que cette prise de risque soit justifiée et calculée.

 

 

4. Que pensez-vous du recours à la contention physique face à un patient devenu violent, et quel(s) sentiment(s) avez-vous éprouvé après avoir effectué cet acte ?

Si j’ai bien compris la question, il s’agit d’un patient déjà devenu violent.

On peut se dire qu’il y a peut être un défaut d’analyse ; on n’est pas tout puissant, donc il peut arriver que le constat que l’on pose à un certain moment, ce n’est pas le bon et c’est à ce moment là que ça devient difficile et qu’il peut y avoir de la génération de violence. Donc ça c’est le premier point.

Le sentiment éprouvé, c’est à la fois de la frustration et puis une certaine culpabilité, parce qu’on est toujours en train de se dire : « eh bien oui, tu as loupé quelque chose » ; mais c’est forcément une analyse après coup. La personne est devenu violente et il faut dans un premier temps, mettre fin à cette violence parce qu’on ne peut pas travailler dans la violence ; ce n’est pas possible. Il faut d’abord y mettre un frein, donc là forcément il y a de la frustration et il y a un sentiment qui n’est pas très bon et extrêmement négatif.

 

 

5. Pensez-vous que la mise en œuvre de la contention physique puisse être une entrave à la relation soignant - soigné ?

Non. Ça c’est curieux mais, à chaque fois, et dieu sait que ça nous est arrivé souvent que ce soit moi ou mes collègues, tous ceux qui se sont trouvés confrontés à contenir des gens, à chaque fois on reprend les choses et le simple fait de dire « voilà on a été amené à faire ça avec moi parce que vous étiez comme ceci, parce que vous ne compreniez pas cela », le fait de reprendre les choses, fait que même si l’acte était au départ un acte conservatoire, devient un acte de soin. C’est capital de reprendre ce qui s’est passé avec le patient sans quoi on quitte le domaine du soin et c’est très grave. C’est justement parce qu’on reprend avec le patient ce qui s’est passé que ça devient un acte fondateur de tout ce qui vient après ; c’est ce qui justifie tout au moins à mes yeux le fait qu’on peut se permettre d’utiliser des contentions physiques avec quelqu’un. Si on reste dans le « non dit », ce ne sera jamais un acte de soin ; c’est même pire, je crois que là on tombe dans quelque chose qui tient de la coercition.

 

 

6. Avez-vous reçu une formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique ? Si oui, quel type de formation ? Si non, pensez vous qu’il soit nécessaire pour un infirmier de recevoir une telle formation ?

Non, je n’ai jamais reçu de formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique. Est-ce que c’est nécessaire ? Ce n’est pas ce qu’il y a de plus important. Introduire dans les cours de l’IFSI une formation sur le sujet de la contention (quelque soit le mode de contention que l’on va utiliser), ce serait encore une fois mettre de côté l’aspect humain du travail qu’on effectue c’est-à-dire nier l’individu, ne pas tenir compte du fait qu’il a une famille, qu’il a un passé, qu’il a peut être été lui-même confronté à une certaine violence. Comme tu es infirmier, tout ça c’est ta vie à toi, on n’en parle pas et on va te dire comment il faut faire avec la contention avec les gens ; ça ce n’est pas bon. Moi, je préfère que les gens viennent avec ce qu’ils sont, qu’ils restent des êtres humains mais qu’ils réfléchissent et qu’ils se positionnent. A la limite, je préfère, et je trouve ça extrêmement respectable, qu’un des mes collègues vienne me voir en me disant « moi, non, ne me demande jamais d’attacher quelqu’un », je respecterai son choix et je prendrai d’autre disposition mais en tout cas, son choix serait respecté.

 

 

 

 

TROISIEME ENTRETIEN

 

Sexe : masculin                                                                      Ancienneté dans la fonction : 11 ans

Age : 47 ans                                                                           Ancienneté dans le service : 11 ans

Fonction : infirmier                                                                 Lieu d’exercice : secteur fermé

Formation initiale : infirmier DE

 

 

1. Comment définissez-vous la contention physique ? (y compris le cadre légal)

C’est un acte, qu’on pourrait dire violent, parce quand on est obligé d’en arriver là, ça se passe rarement facilement, mais c’est nécessaire.

La décision médicale est le cadre légal ; en urgence, c’est l’infirmier qui prend la décision d’intervenir et il prévient le médecin, donc la décision médicale est donnée à effet rétroactif ; malgré tout, jamais personne à présent, heureusement, n’a remis en cause le fait d’intervenir avant d’avoir l’avis médical, ce qui est tout à fait logique, car quand on met quelqu’un sous contention, c’est que réellement il y a un danger pour la structure, pour les patients et pour les infirmiers.

 

 

2. Avez-vous personnellement déjà eu recours à la contention physique face à un patient violent ? Si oui, dans quelles circonstances et face à quelle population ?

Oui, j’ai eu à faire fréquemment de la contention physique, dans des circonstances de violence bien souvent, chez des gros psychotiques et des gens très délirants, du genre paranoïaque, quelques fois sur des psychopathes qui jouaient le rapport de force et pour lequel il était nécessaire d’arriver à la contention.

 

 

3. A votre avis, la contention physique est-elle un acte de soin ou un acte sécuritaire ?

Moi je dirais que c’est un acte de soin ; c’est vrai qu’il est sécuritaire aussi, mais c’est surtout un acte de soin, car ça permet à la personne de prendre plus conscience de ses limites, de ce qu’il peut faire et ne pas faire, c’est un mode de recadrage, c’est l’extrême limite du recadrage.

Une fois que le patient est stabilisé et que le dialogue est à nouveau possible, il faut absolument reparler avec lui de ce qui s’est passé, parce que c’est nécessaire ; si l’on met la contention sans expliquer au patient à posteriori pourquoi on a mis en œuvre cet acte, ça n’a aucun intérêt.

Le but ultime de la contention, c’est que la personne prenne conscience qu’il y a quelque chose qui a dérapé.

 

 

4. Que pensez-vous du recours à la contention physique face à un patient devenu violent, et quel(s) sentiment(s) avez-vous éprouvé après avoir effectué cet acte ?

Je les ai toujours effectuées dans des conditions où c’était réellement nécessaire, et je n’ai jamais vu de contention physique inappropriée, donc c’était une sécurité pour le patient, pour les autres patients et pour le personnel ; ça m’a toujours paru nécessaire et jamais abusif.

Je n’ai donc jamais eu de problème de conscience sur le fait de mettre en œuvre une contention physique, par contre sur la longueur de ce qui lui succède (contention mécanique et/ou chambre d’isolement) ça ma parfois dérangé ; mais là, ce n’est plus nous qui sommes maître des évènements, mais le médecin et l’équipe.

 

 

5. Pensez-vous que la mise en œuvre de la contention physique puisse être une entrave à la relation soignant - soigné ?

Non, je n’ai jamais remarqué que ce soit une entrave à la relation, par contre il faut malgré tout en parler avec le patient et justifier la contention. Les premier jours les gens ne reconnaissent peut être pas la faute, mais il n’y a pas de sentiment de vengeance après avoir été mis sous contention de la part des patients, parce que justement le fait d’en parler, que la personne nous voit régulièrement, qu’on puisse en discuter et que ce soit aussi à nous à un moment de défaire les contentions, toutes ces choses font qu’un lien relationnel s’installe et bien souvent les personnes assument et acceptent cette contention.

D’ailleurs la violence qu’ont exercé sur moi certains patients, n’a jamais été en rapport avec un patient à qui j’avais effectué une contention et qui voulait se venger d’avoir été mis sous contention

 

 

6. Avez-vous reçu une formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique ? Si oui, quel type de formation ? Si non, pensez vous qu’il soit nécessaire pour un infirmier de recevoir une telle formation ?

Je n’ai pas eu de formation spécifique à la mise en œuvre de la contention physique et j’ai été formé sur le « tas ».

Pour appréhender quelqu’un qui est agité, il faut appeler du renfort et tu fais ce que tu peux ; il n’y a pas d’autre solution, il faut essayer de faire le moins mal possible à la personne et aussi d’éviter d’avoir mal.

Mais une formation ! Il n’y a pas de recette, ce n’est pas possible à moins d’être un « roi de l’Aïkido » qui pourrait maîtriser la personne sans lui faire mal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] HO, « Hospitalisation d’office » ; HDT, « Hospitalisation à la demande d’un tiers »

[2] B. RIOTON, M-P. PELTIER, S. GUIBERT, « Les accidents du travail du personnel soignant au cours d’interventions violentes avec des patients en milieu psychiatrique », L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE, N° 2, février 1998, pages 153 à 161.

[3] Mr PALAZZOLO J, Psychiatre, au Centre hospitalier Sainte-Marie, réseau ERAHSM, Nice

[4] Mr PALAZZOLO J, « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, page 31, mars 2004

[5] Mr FRIARD D, Infirmier de secteur psychiatrique, Rédacteur en chef de la revue Santé mentale, fondateur du site Internet http://www.serpsy.org

[6] Mr FRIARD D, « Attacher n’est pas contenir », revue Santé Mentale, n°86, page 16, mars 2004

[7] Mr PANNETIER C, Infirmier diplômé d’état, EPS Perray-Vauclause, Epinay-sur-Orge

[8] Mr PANNETIER C, « Flic ou soignant », revue Santé Mentale, n°86, page 52, mars 2004

[9] A N A E S, Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé

[10] Mr PALAZZOLO J, op.cit

[11] Mr PANNETIER C, op.cit

[12] Mme CANSOT C, Juriste, conseillère d’insertion et de probation à la maison d’arrêt de Melun

[13] Mr MASSEIX F, Formateur-Conseil, Sociologue et enseignant d’arts martiaux traditionnels japonais, 4e Dan de Karaté et Ju-jutsu

[14] Mr MASSEIX F, « L’heure du corps à corps », revue Santé Mentale, n°82, page 52, novembre 2003

[15] Mr DUPONT M, Directeur d’hôpital, chargé d’enseignement à l’Université René Descartes Paris V

[16] Mr DUPONT M, « Soins sous contrainte en psychiatrie », Paris, Doin Editeurs/Editions Lamarre, page 19, Juin 2004

[17] Mr PANNETIER C, « Flic ou soignant », revue Santé Mentale, n°86, page 52, mars 2004

[18] Mr BEAUMONT L, Infirmier de secteur psychiatrique, Cadre infirmier

[19] Mr BEAUMONT L, « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé, pages 4, Lyon 1998

[20] Mr BERGIN S, « Isolement et contentions », Revue Canadienne de psychiatrie, vol.36, pp.752-759, décembre 1991

[21] Mme PERRONO C, « La contention physique contre la violence en psychiatrie », thèse de Docteur en médecine, pages 11, Besançon 1998

[22] Mr BEAUMONT L, op.cit

[23] Mr FRIARD D, « Attacher n’est pas contenir », revue Santé Mentale, n°86, page 18, mars 2004

[24] Mr PALAZZOLO J, « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, page 31, mars 2004

[25] Mr FRIARD D, « Attacher n’est pas contenir », revue Santé Mentale, n°86, page 21, mars 2004

[26] Mr MASSEIX F, « L’heure du corps à corps », revue Santé Mentale, n°82, page 52, novembre 2003

[27] Mr FRIARD D, « De la violence dans les soins », page 10, http://www.serpsy.org

[28] Mr FRIARD D, op.cit, 20

[29] Mr PANNETIER C, « Flic ou soignant », revue Santé Mentale, n°86, page 52, mars 2004

[30] Mr BEAUMONT L, « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé, page 4, Lyon 1998

[31] Mr FRIARD D, op.cit, 22

[32] Mr PALAZZOLO J, « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, page 34, mars 2004

[33] Mr PANNETIER C, « Flic ou soignant », revue Santé Mentale, n°86, page 52, mars 2004

[34] Mr BEAUMONT L, « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé, pages 3-12, Lyon 1998

[35] Mr PANNETIER C, op.cit, 51-52

[36] Mr MASSEIX F, « L’heure du corps à corps », revue Santé Mentale, n°82, page 52, novembre 2003

[37] Encyclopaedia Universalis, version Cédérom n°4, 1998

[38] Mr BEAUMONT L, « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé,  pages 12, Lyon 1998

[39] Mrs SENNINGER (J.L), FONTAA (V), Psychopathologie des malades dangereux, Paris : Dunot, 1996, 173 pages.

[40] Mme PRIDO HUET C, « Ce qui fait violence en psychiatrie », mémoire de cadre de santé, page 21, Paris 2002

[41] Mr BEAUMONT L, « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé, page 8, Lyon 1998

[42] Mme PRIDO HUET C, op.cit

[43] Mr MICHAUD Y, « Violence et politique », Paris : Gallimard, coll. "Les essais", 1978, p.20.

[44] Mme PRIDO HUET C, op.cit

[45] Mr PALAZZOLO J, « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, page 34, mars 2004

[46] LAVOINE P.L, « Prédire la dangerosité », VST, N°63, 1999, p. 25-27.

[47] Mme PERRONO C, « La contention physique contre la violence en psychiatrie », thèse de Docteur en Médecine, page 44, Besançon 1998

[48] Mme PRIDO HUET C, « Ce qui fait violence en psychiatrie », mémoire de cadre de santé,  page 35, Paris 2002

[49] Mr RIOTON B., Mr PELTIER M.P., Mr GUIBERT S, « Les accidents du travail du personnel soignant », l’information psychiatrique, n°2, page 155, Février 1998

[50] Mr RIOTON B., Mr PELTIER M.P., Mr GUIBERT S, « Les accidents du travail du personnel soignant », l’information psychiatrique, n°2, page 155, Février 1998

[51] Ibid

[52] Ibid

[53] Mr KAY S.R, « Profiles of aggression among psychiatric patients », J.new. Ment. Dis., n° 176, page 539-557, 1988

[54] Mr RIOTON B, Mr PELTIER M.P, Mr GUIBERT S, op.cit

[55] Mr NEGLEY E.N, Mr MANLEY J.T, « Environmental interventions in assaultive behavior », J.Gerontol. Nurs., n°16 , pp 29-33, 1990

[56] Ibid

[57] Mr HALL E.T, « La dimension cache », Paris, éd. Seuil, 1971

[58] Mr RIOTON B., Mr PELTIER M.P., Mr GUIBERT S, « Les accidents du travail du personnel soignant », l’information psychiatrique, n°2, page 156, Février 1998

[59] Mr PALAZZOLO J, « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, page 31, mars 2004

[60] Mr PALAZZOLO J, « Contention : état des lieux », revue Santé Mentale, n°86, page 31, mars 2004

[61] Mr BEAUMONT L, « Violence  et rôle du cadre de santé », mémoire de cadre de santé, pages 3, Lyon 1998

[62] Mr PANNETIER C, « Flic ou soignant », revue Santé Mentale, n°86, page 51-52, mars 2004