Retour à l'accueil

Retour à Ecrits Etudiants

LA MUSIQUE : UN SUPPORT THÉRAPEUTIQUE EN PSYCHIATRIE

Sylvain LACOUCHIE

Institut de Formation en Soins Infirmiers
du Centre Hospitalier Universitaire
143 rue François Perrin
87042 LIMOGES CEDEX

Année 2000 - 2001


INTRODUCTION


Le choix d’un thème de mémoire n’est pas un hasard, pour moi ce travail de fin d’études correspond vraiment à un projet, à une démarche personnelle.
En effet, je suis musicien, la musique tient une place très importante dans ma vie. Elle m’a fait progresser sur le plan personnel  je me suis épanoui en faisant de multiples rencontres. J’ai découvert des sensations nouvelles, j’ai appris à mieux me connaître à contrôler mes émotions, à pouvoir m’exprimer librement face à un public. Grâce à elle j’ai pris du plaisir. Maintenant j’apprends à la transmettre, à donner aux autres ce que j’ai eu la chance de recevoir.
Pour moi il n’y a pas beaucoup de différence entre un soignant et un musicien, mes motivations pour soigner sont les mêmes que pour la musique. Dans les deux cas c'est la volonté de “prendre-soin” 
«de quelqu’un c’est porter un intérêt particulier, c’est prêter une attention particulière en vue de favoriser, de développer, d’enrichir la vie, le bien-être de la personne auprès de laquelle on intervient »   
Ce concept, développé par Walter Hesbeen correspond parfaitement à ce vers quoi je tends, aussi bien dans ma pratique soignante, que dans ma pratique musicale (en particulier dans l’enseignement). Je pense que ce que l’élève vient chercher lors des cours de musique ce n’est pas l’apprentissage technique d’un instrument mais l’accès au plaisir que la musique procure.
Pour pouvoir aider, procurer du bien être, du plaisir, il faut pouvoir nourrir la relation, apporter quelque chose qui sera aidant pour la personne avec laquelle nous travaillons. Il faut donc s’investir dans la relation et partager, faire profiter à l’autre de tout ce que nous avons acquis de par notre vécu, et grâce aux différents savoir que nous avons reçus. C’est cette volonté de partage, de transmission qui sera le moteur de la relation. Cette relation est un échange permanent, riche en interactions. Ces interactions sont plus ou moins conscientes, mais ce sont elles qui nous influencent. Il faut s’y préparer car il est souvent beaucoup plus dur de recevoir que de donner, cependant on ne peut donner sans recevoir.
Lors de ma formation d’infirmier j’ai découvert ces liens très étroits qui rapprochent le musicien du soignant.
La musique m’a beaucoup apporté. Elle a été pour moi une aide précieuse. Pourtant au début de ma formation je n’envisageais pas la musique comme un médiateur pouvant aider à “prendre-soin”. Suite à mes expériences de stages, à ma rencontre très enrichissante avec monsieur Guillaume (musicothérapeute), j’ai alors réellement réfléchi et pris conscience que la musique pouvait vraiment apporter une aide précieuse aux personnes en souffrance.

EXPLORATION

Situation de départ
Au cours de ma formation en Soins Infirmiers j’ai eu l’occasion, dès la première année, de jouer de la musique sur mes lieux de stages (stage de gérontopsychiatrie à Jalounex Bertrof, stage de pédiatrie à la crèche de La Bastide). J’étais alors en début de formation et je n’envisageais pas la musique comme un soin. Pourtant les réactions que j’ai pu observer au cours de ces “expériences” ont alimenté ma réflexion, et m’ont donné envie d’aller plus loin.
La première expérience s’est déroulée au centre Jalouneix-Bertroff à Bujaleuf. Ce centre est spécialisé dans l’accueil des personnes âgées présentant des démences. C’était le premier stage de ma formation, l’équipe soignante m’a sollicité, afin de profiter de ma présence pour leur proposer une activité différente. C’est ainsi que le dernier jour de mon stage nous avons regroupé la totalité des résidents dans le hall afin qu’ils puissent tous profiter de cet instant musical. Dés les premiers sons de ma cornemuse (chabrette limousine), j’ai vu naître dans leurs yeux une expression différente que je n’avais jamais rencontrée au cours de mes trois semaines de stage. Etait-ce de la surprise, de la joie, de l’émotion, l’expression d’un souvenir lointain  Je ne sais pas mais durant les deux heures de ma prestation, les résidents sont restés assis, calmes, totalement à l’écoute.
Ma deuxième expérience s’est déroulée à la crèche de La Bastide, dans la section des grands (1-3ans). Durant ce stage, j’ai fait plusieurs animations musicales d’une vingtaine de minutes chacune, avec plusieurs cornemuses de tonalités différentes (grave, médium, aiguë). J’avais alors choisi de scinder ces séances en plusieurs parties. Une phase d’introduction pour présenter l’instrument et lever les peurs de certains enfants. Une partie dynamique où les enfants participent par la danse spontanée, et une phase de retour au calme induite par un air libre, lent, joué par la cornemuse grave. Là encore j’ai été surpris par la grande réceptivité des enfants, par leurs réactions et par les effets calmants, apaisants induits par certains sons (bourdons graves de la grande cornemuse).
Plus j’évoluais dans ma formation, plus j’étais désireux de savoir quels étaient les liens pouvant exister entre musique et soin.
Durant ma deuxième année de formation, j’ai effectué un stage de pédiatrie dans une unité de pédo-psychiatrie au sein du C.H.S. Esquirol. Ce pavillon accueille des enfants souffrant de troubles psychiatriques et comportementaux. L’équipe soignante proposait différentes activités, collectives ou individuelles, s’intégrant dans la prise en charge thérapeutique des enfants. Les ateliers étaient proposés et réalisés par les infirmiers, les enfants participaient aux activités correspondant à leur projet thérapeutique, le choix étant effectué en collaboration avec le médecin psychiatre. Ces activités étaient diverses, contes, vidéo, marionnettes, réalisation d’un journal, piscine…
La musique n’était pas intégrée “officiellement” aux activités proposées. Cependant, les enfants avaient à leur disposition quelques instruments de musique (guitare, lames sonores, tambourin, synthétiseur).
De plus, deux infirmiers sollicitaient parfois les enfants à prendre les instruments et à jouer ensemble. J’ai eu l’occasion de participer à un de ces moments musique. En début de séance, l’infirmier a distribué à chaque enfant présent un instrument de musique et a commencé à jouer avec eux. J’ai alors pu voir la joie que ces enfants prenaient à communiquer entre eux grâce à la musique. Cet instant de plaisir a duré une dizaine de minutes puis le volume sonore a très vite augmenté, nous avons dû alors intervenir pour mettre fin à ce chaos musical et ramener non sans difficultés un retour au calme.
Afin de mieux comprendre ce qu’était réellement la musicothérapie j’ai pris contact avec monsieur Gilbert
Guillaume, musicothérapeute, exerçant à l’institut d’éducation motrice de Grossereix. J’ai effectué mon stage optionnel de deuxième année au sein de cet institut. Durant ce stage, j’ai pu découvrir comment la musique pouvait réellement être utilisée à des fins thérapeutiques. Cela m’a montré à quel point elle pouvait être un véritable médiateur dans la relation. Un outil puissant, qui, lorsqu’il est utilisé de manière adaptée, peut constituer une aide précieuse pouvant permettre au thérapeute d’entreprendre un travail à visée thérapeutique.


Question de départ
Ces expériences et mon vécu de musicien ont permis l’émergence du questionnement suivant 
–    Comment peut-on combiner soin et musique afin d’aider la personne en souffrance 
–    L’utilisation de la musique peut-elle être “nocive” pour le patient ?
–    Les soignants travaillant en psychiatrie ont-ils conscience de l’aide que peut apporter la musique dans le travail thérapeutique 
–    L’utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique nécessite t-elle une formation spécifique 
–    Pourrai-je plus facilement créer une relation thérapeutique et aider les personnes en souffrance si j’utilise ce médiateur 
–    …
Toutes ces questions que j’avais à l’esprit convergeaient en fait vers une question centrale, point de départ de mon travail de recherche  pourquoi la musique n’est-elle pas davantage utilisée par les infirmiers exerçant en secteur psychiatrique ?
Il m’est apparu important d’énoncer mon projet de recherche sous la forme d’une question de départ.
«cette question, le chercheur tente d’exprimer le plus exactement possible ce qu’il cherche à savoir, à élucider, à mieux comprendre. La question de départ servira de premier fil conducteur à la recherche. » 
Afin de trouver la meilleure manière d’aborder ce thème assez vaste j’ai choisi d’effectuer une phase d’exploration en trois parties. J’ai ainsi mené en parallèle, d’une part des recherches sur Internet, d’autre part un travail de lecture, et enfin j’ai réalisé différents entretiens exploratoires.


Méthode pour l’exploration

a ) Recherches sur Internet
L’utilisation du réseau Internet m’a permis de recueillir des informations émanant directement de professionnels, de trouver des contacts avec des personnes utilisant la musique à des fins thérapeutiques, en France comme à l’étranger. Pour cela j’ai été amené à consulter différents sites ). J’ai eu ainsi l’occasion de participer à des forums de discussion où j’ai pu exposer mon projet de recherche.
Par ce biais, j’ai pu recueillir des informations auprès deérents professionnels. J’ai envoyé un message aux différentes personnes susceptibles de m’aider dans mon travail . J’ai par la suite adressé un questionnaire exploratoire aux personnes m’ayant répondu . Le résultat de ces questionnaires est ensuite présenté.
b) Travail de lecture
Pour effectuer mes recherches, j’ai consulté les livres et revues de la médiathèque de Limoges, de la bibliothèque du conservatoire, ainsi que de la bibliothèque du Cluzeau et de la faculté de médecine de Limoges. Différents documents m’ont été prêtés sur mes lieux de stage.
c) Les entretiens exploratoires
Afin d’effectuer ces entretiens exploratoires, je me suis adressé à différentes personnes utilisant la musique dans des centres de soins. L’objectif de ces entretiens était d’avoir une vision générale de l’utilisation de la musique en institution et en hôpital psychiatrique, afin de pouvoir constituer ma problématique de recherche, en ayant un maximum d’informations, de points de vue différents sur la question. Les entretiens exploratoires ont pour fonction de mettre en lumière des aspects auxquels nous ne pensons pas spontanément. Ils m’ont permis également de compléter mes pistes de travail émanant de mes expériences de stage et de mes lectures.
C’est pour cette raison que j’ai voulu que les entretiens se déroulent d’une manière très ouverte, très souple sans poser de questions trop nombreuses et trop précises. Ce choix de mener des entretiens semi-directifs avait pour but de conserver toute la spontanéité du discours.
La durée de ces entretiens n’était pas déterminée de manière rigoureuse. Les personnes avaient été prévenues au préalable du thème de mon travail ainsi que de ma question de départ. J’ai sollicité l’accord de chaque personne afin de pouvoir enregistrer l’intégralité de l’entretien, l’enregistrement permettant de garantir une retranscription fiable de leur propos et de les assurer de l’anonymat.
.


Synthèse de l'exploration
Afin d’analyser les réponses qui m’ont été fournies, par les questionnaires et les entretiens que j’ai conduits, je vais tâcher de repérer les diverses approches du problème soulevé par la question de départ, de faire l’inventaire des différents angles de vue adoptés et de repérer les points communs ou oppositions qui existent entre eux. Ce travail me permettra de faire des liens avec mes lectures et mon vécu personnel.
Les différentes personnes que j’ai interrogées ont semblé être intéressées par mon thème de travail et se sont montrées très disponibles. Je tiens à les remercier de leur collaboration et de leur gentillesse.


a) Parcours professionnel, formation initiale
Parmi les musicothérapeutes interrogés, nous nous apercevons que la formation de base dépend en fait du lieu d’exercice de leur activité. C’est pour cette raison que les musicothérapeutes exerçant en institut auront plus souvent une formation d’éducateur spécialisé, tandis que, pour les musicothérapeutes travaillant au sein d’un centre hospitalier spécialisé, il s’agira le plus souvent d’une formation d’infirmier.
Ce qui m’a paru intéressant c’était de savoir l’importance que représentait pour eux cette formation initiale. Là, nous nous apercevons que les réponses bien qu’étant différentes se rejoignent sur le fond. Pour la première personne interrogée, il n’est pas nécessaire d’avoir suivi une formation de base car la formation de musicothérapeute comprend des cours de psychiatrie.
M. D., musicothérapeute au C.A.T.T.P.
  pense lui aussi qu’il n’est pas important d’avoir suivi de formation initiale. Cependant, la formation de musicothérapeute n’étant pas reconnue en France, il est bon d’avoir un statut d’infirmier ou d’éducateur, pour pouvoir être rémunéré. Ce qui est important c’est d’avoir effectué un travail sur soi.
M. L., qui est musicothérapeute dans un I.E.M.
 , pense que cette formation est importante. Cependant son avis n’est pas opposé au deux autres, car pour lui, ce qui est nécessaire c’est de pouvoir comprendre, cerner le groupe, les interactions de celui-ci.
Ce qui ressort de cette première question, c’est qu’une formation initiale n’est pas obligatoire, mais par contre, il est nécessaire d’avoir des connaissances suffisantes pour pouvoir comprendre les réactions de la personne avec qui nous travaillons et comprendre ses propres réactions. La formation initiale pouvant être un moyen pour parvenir à cette connaissance.

b) Objectifs d’origine justifiant l’utilisation de la musique
Les objectifs d’origine se rejoignent en ce qui concerne les musicothérapeutes. L’ouverture, la mise en place d’un “atelier musique”, correspond souvent à la volonté d’utiliser un moyen de communication différent afin de briser les barrières de la communication verbale. Cependant, comme le précise M. L., au départ, il n’est pas facile d’imaginer la tournure que va prendre l’atelier,éé la plupart du temps sans que les personnes n’aient eu de formation. Ce tâtonnement initial plus ou moins prolongé dans le temps, s’étale souvent sur plusieurs années pendant lesquelles l’infirmier ou l’éducateur a du mal à trouver sa place, (difficulté d’assumer deux rôles en même temps au sein d’une même équipe). Durant cette période il est difficile aussi de faire admettre par les autres personnes soignantes la nécessité d’un tel atelier.
En ce qui concerne le musicien intermittent du spectacle, les objectifs de départ étaient encore plus éloignés du fonctionnement actuel de l’atelier. En effet étant musicien il n’avait que peu de connaissances relatives aux caractéristiques de la population avec laquelle il allait devoir travailler. Il était impossible de mettre en adéquation l’objectif d’origine  «créer un groupe de musique », et les possibilités et attentes des résidents. Les objectifs ont donc dû être complètement changés, l’atelier a pris une orientation différente. Cependant il apparaît que celui-ci n’est toujours pas reconnu par le personnel de l’institut.
Lorsque l’on observe à partir de quel moment les ateliers musique trouvent réellement leur place au sein d’une structure, on s’aperçoit que cela passe toujours par la formation des personnes qui s’en occupent, et par le fait que celles-ci puissent assurer un rôle unique et bien défini.

c) L’importance de la formation de musicothérapeute
En m’attachant à l’importance de la formation de musicothérapeute, je voulais en fait savoir si elle était indispensable, et ce qu’elle apportait réellement. En effet lorsque j’ai débuté ce travail, je pensais qu’il était possible pour un infirmier d’animer un  “atelier musique”, et je voulais donc savoir ce qu’il était possible et impossible de faire quand on n’a pas de formation particulière.
Le fait de faire une formation de musicothérapeute est plus ou moins important selon les personnes que j’ai interrogées. Cette formation a apporté à chacune des choses différentes en fonction du parcours initial effectué avant de débuter cette formation.
Pour Mme. R. qui avait ouvert son “atelier musique” sans être musicienne, la formation a été pour elle le moyen de pratiquer un instrument de musique (ce qui était obligatoire dans la formation qu’elle a suivie).
Pour M. L., la formation de musicothérapeute lui a permis de mieux structurer son atelier, et de mieux comprendre ce qu’il s’y passait. Cet exemple est intéressant car il montre que la formation de musicothérapeute est spécifique. En effet lorsqu’il a fait cette formation, M. L. avait déjà une formation d’arthérapeute, une expérience dans ce domaine, et dans le domaine musical, et pourtant la formation lui a été bénéfique.
La formation de musicothérapeute peut être aussi comme nous l’explique M.D. un moyen de faire un travail sur soi, celui-ci est en effet primordial quand on veut travailler d’une façon thérapeutique.
Il est toutefois évident que la formation de musicothérapeute ne permet pas à elle seule d’acquérir une bonne connaissance de soi. En effet, il paraît évident que ce travail doit déjà avoir débuté avant la formation et doit se poursuivre après.
Mme F. place l’importance de la formation au niveau des connaissances que celles-ci apportent sur la relation thérapeutique (la dimension de transfert et de contre-transfert).
Pour Mme. O., musicothérapeute au Québec, il n’est pas envisageable qu’un infirmier travaillant en psychiatrie utilise la musique à des fins thérapeutiques sans avoir de formation spécialisée. En effet il paraît logique qu’une personne ne doit pas utiliser une approche qu’il ne possède pas complètement.
La formation de musicothérapie semble être la formation la plus appropriée pour les personnes voulant utiliser la musique à des fins thérapeutiques.

d) Parcours musical et place du musicien
En ce qui concerne la place que le musicien tient pour le musicothérapeute, il semble important de définir ce qu’on entend sous le terme de musicien.
En effet en musicothérapie ce qui est important, c’est de pouvoir utiliser des instruments de musique pour animer, guider, accompagner un groupe. Pour cela il n’est en effet pas utile d’avoir fait des études de musique et suivi une formation musicale en conservatoire. Sur ce point j’irais même plus loin en disant que les études musicales telles qu’elles sont conduites aujourd’hui dans les conservatoires (utilisation quasi exclusive de la musique écrite) peuvent procurer des difficultés pour accompagner par exemple une improvisation collective.
Ce qui est important en musicothérapie, c’est de pouvoir être à l’écoute, prendre du recul tout en participant à la création collective. Cet exercice peut être déstabilisant pour une personne qui serait dans une optique rigide de la musique. Rolando Benenzon signale que le musicothérapeute ne doit pas être un musicien érudit, né avec l’idée d’être interprète ou compositeur, c’est-à-dire né pour être musicien et non thérapeute.
«musicien formé comme tel, possède intrinsèquement le préjugé musical esthétique de son évolution de son développement culturel. Ce préjugé musical est ce qui l’empêchera d’accepter avec une entière liberté les rythmes “non esthéthiques” d’un patient ou la “voix fausse” d’un autre, etc. Il ne pourra donc accepter ni supporter l’expression non verbale du patient ou au moins ça lui sera très difficile. »  
Une personne ne connaissant pas la musique, mais capable de prendre un instrument, de tenir un rythme simple tout en étant à l’écoute de la dynamique collective, aura sans doute moins de difficultés car il ne sera pas à la recherche d’un résultat musical défini par des règles précises.
Cette réflexion sur la musique écrite a débuté lorsque je me suis aperçu que toutes les personnes que j’interrogeais avaient une pratique de la musique traditionnelle, c’est à dire faisant appel à l’oralité. (L’utilisation de la musique traditionnelle en musicothérapie s’explique aussi par d’autres raisons qui, n’entrant pas dans le cadre de ce travail ne seront pas développées.)
En musicothérapie il est important d’avoir une culture musicale assez étendue. Comme le précise M. L., le musicien est le moteur de la prise en charge. La diversité de la culture musicale du musicothérapeute va permettre de nourrir le groupe.
On se rend compte en étudiant les réponses apportées par la plupart des musicothérapeutes que la place du musicien, dans la relation, est très importante. Le musicien permet de nourrir l’atelier, mais aussi comme le précise Mme F., le musicien à une capacité d’écoute différente. Je pense aussi que les musiciens sont plus habitués à la pratique d’ensemble. Il est alors plus facile de continuer à participer à l’expression collective, tout en arrivant à s’en détacher, à prendre du recul afin de pouvoir mieux observer, mieux voir, entendre et comprendre ce qui s’y passe.

e) Fonctionnement de l’atelier
Les questions portant sur le fonctionnement de l’atelier, avaient pour objectif d’en définir le cadre, de voir comment se déroulaient les prises en charge.
- Le lieu
A la lecture des réponses apportées, nous nous apercevons de l’importance d’avoir un lieu spécifique où puisse se dérouler l’atelier. Il est important que ce lieu soit bien identifié par les personnes comme “lieu de musique”. C’est cette raison qui a conduit Mme R. à s’installer en dehors de la structure. M.R. explique dans son mémoire qu’il a volontairement choisi que sa salle soit excentrée géographiquement par rapport aux autres activités pour se démarquer des activités scolaires ou éducatives. Il précise qu’il est important d’avoir une salle accueillante et confortable mais la plus neutre possible.
A l’inverse, le musicien intermittent nous explique les difficultés occasionnées par l’absence de salle spécifique pour son activité.
Suite à ces entretiens, je pense qu’il est nécessaire d’avoir un lieu spécifique pour faire un atelier. En psychiatrie cela me paraît vraiment fondamental, ce lieu doit être spécifique et réservé à cette activité, les patients ayant besoin de repères.
- La durée
La durée est en fait très variable en fonction de la prise en charge et de l’organisation. Parmi les personnes interrogées, elle peut aller de vingt minutes jusqu’à deux heures. Nous nous apercevons par contre que ce temps est découpé en plusieurs séquences qui rythment le déroulement de l’atelier.
Parmi ces séquences, il y a quasiment toujours une phase introductive qui permet au patient de trouver ses marques, ses repères. Cette phase est souvent traduite par l’écoute d’une musique assez courte, toujours la même. Cette musique devient familière. Elle favorise la réceptivité et la concentration. La séance se déroule ensuite par des moments dynamiques où la personne est vraiment active, et des passages plus calmes comme des moments d’écoute par exemple. En fin de séance il y a souvent une période de retour au calme.
Là aussi nous voyons qu’il est important de travailler dans un cadre bien défini afin de donner des repères au patient, l’atelier doit être contenant, rassurant, la personne devant être mise en confiance afin de pouvoir se libérer, s’exprimer librement.
Les ateliers se déroulent à des moments réguliers, fixes, pour toutes les personnes interrogées les ateliers étaient planifiés dans le temps. Cela me semble en effet important pour des questions d’organisation mais aussi, et surtout, pour créer des repères.
- Le choix des patients
Le choix des patients participant à l’atelier est souvent fait par l’équipe soignante. Pour les musicothérapeutes que j’ai rencontrés, la prise en charge en musicothérapie relève d’une indication médicale précise et spécifique pour chaque personne. Par contre nous nous apercevons que cela n’est pas du tout le cas quand les ateliers sont encadrés par des personnes ne possédant pas de formation (Exemple du musicien intermittent ou de la musicothérapeute de l’I.M.E. ses débuts).
- L’évaluation
L’évaluation est systématique pour les musicothérapeutes. Elle peut se faire grâce à un support vidéo (ce qui permet de visionner les films en présence d’autres professionnels) ou bien par écrit, grâce à la notation des éléments essentiels à la fin de chaque séance.
Cette évaluation est à mon sens capitale car c’est elle qui permet de voir l’évolution des personnes au sein de l’atelier. Les prises en charge en musicothérapie étant assez longues dans le temps (souvent plusieurs années), je pense qu’il est important d’avoir des traces écrites permettant de situer la personne au sein de son projet thérapeutique.
L’évaluation doit être la plus objective possible, elle porte sur la personne elle même mais aussi sur ses interactions avec le groupe. Cela explique pourquoi certains musicothérapeutes aiment avoir au sein de l’atelier une personne qui a un autre regard, et ressentent le besoin d’une supervision extérieure.
Tout comme l’indication, l’évaluation est souvent absente lorsque les personnes encadrant l’atelier non pas de formation spécifique.
- Types de prise en charge
Le type de prise en charge dépend en fait de la problématique de la personne. Les prises en charge peuvent être individuelles ou collectives. Il peut y avoir changement du type de prise en charge, en fonction de l’évolution de la personne. Les prises en charge individuelles sont réservées plus aux professionnels qui ont suivi une formation spécifique. Elles sont plus axées vers des personnes qui ont une problématique lourde.
- Méthode utilisée
Ce que j’entends par méthode correspond en fait aux deux principaux types de techniques rencontrées, c’est à dire la musicothérapie réceptive et active.
Les personnes que j’ai rencontrées utilisent principalement la musicothérapie active, cela permet de travailler dans une dynamique de la relation. La musicothérapie réceptive n’est cependant pas absente, elle est nécessaire pour apporter une nourriture musicale, permettant de stimuler l’imaginaire, la verbalisation (quand cela est possible). Comme le précise le musicothérapeute du C.A.T.T.P., toute musicothérapie active à besoin de moment de réceptivité.
- Personnes concernées
Les musicothérapeutes que j’ai rencontrés travaillent auprès d’enfants, mais toutes les personnes interrogées pensent que la musique peut être utilisée à tous les âges de la vie. La musique peut être utilisée de façon très variée, toute personne peut en retirer des avantages. L’essentiel est d’adapter son utilisation en fonction des personnes auxquelles on s’adresse.

Avantages de la musicothérapie
L’avantage le plus souvent exprimé par les personnes interrogées repose sur le fait que la musicothérapie permet de travailler au niveau de la communication non-verbale. Cela a, en effet, de nombreux avantages, comme nous le précise Mme F., le fait de travailler dans le non-verbal peut faciliter énormément la prise de contact avec des personnes souffrant de psychoses ou de troubles psychotiques, mais aussi pour l’approche de personnes en dépression grave, etc.
M. L. envisage les avantages de la musicothérapie sous un angle différent. Pour lui, l’avantage essentiel de cette méthode est de mettre en évidence ce qui reste sain chez l’individu et qui est positif.
Ce point de vue est cependant en lien direct avec l’utilisation du langage non verbal car 
«qui fonde la valeur thérapeutique du langage non verbal est qu’il est avant tout pré-verbal, dépôt corporel, primitif, inné et culturel mais appartenant en propre au  “noyau sain” du sujet, noyau sain qui subsiste, en terme de narcissisme basal, dans la plupart des patrologies » 
Pour lui la musicothérapie trouve son originalité par le fait de « faire émerger l’être au delà ou en deçà des problèmes qui sont périphériques à l’être ».
Un autre aspect intéressant de la musicothérapie repose sur la notion de plaisir qu’éprouve la personne. Cette notion est pour moi primordiale, je pense que toute personne faisant de la musique doit pouvoir ressentir ce plaisir.

Limites & dangers de la musicothérapie
Au travers des questions posées concernant les limites et dangers de la musicothérapie, je cherchais à savoir si il pouvait être dangereux d’utiliser cette technique lorsque nous n’avons pas les connaissances nécessaires pour le faire.
Les réponses apportées par les professionnels mettent en évidence les dangers de l’utilisation de la musique si celle ci n’est pas adaptée. Pour Mme R., avec certains patients autistes, psychotiques, la musique peut être un enfermement. M. R. va dans ce sens et précise que si l’on utilise une méthodologie inadaptée on peut risquer d’enfermer un enfant dans sa pathologie.
Pour M. D. le danger est plutôt à chercher du côté des adultes ou adolescents qui sont assis sur des émotions non exprimées. La musicothérapie permet de faire remonter ses émotions, ses traumatismes. La personne utilisant la musique doit en avoir conscience, connaître ses limites afin de ne pas provoquer des situations qu’elle ne serait pas en mesure de gérer.

Conclusion de l’expérimentation
La réalisation de cette phase d’exploration m’a permis de changer mes préjugés d’origine qui consistaient à croire que la musique pouvait être utilisée par les infirmiers dans le cadre de la réalisation d’activités psychosociothérapiques. Ce que je cherchais en fait c’était à trouver de quelle manière un infirmier pouvait utiliser la musique sans être musicothérapeute.étaient les pièges à éviter, les choses à ne pas faire … maintenant je pense que la chose à ne pas faire c’est d’utiliser la musique sans être formé spécifiquement à l’utilisation de cette technique.

CADRE CONCEPTUEL

Le cadre conceptuel que j’ai choisi pour réaliser ce travail repose sur deux concepts centraux 
Concept de la fonction d’infirmier en santé mentale
Concept de l’utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique
Ces deux concepts forment la base de mon cadre conceptuel, ils se subdivisent en plusieurs concepts secondaires.


La fonction d’infirmier en santé mentale

- Rappel des concepts fondamentaux


a) Concept de l’homme
«’homme est un être unique, qui a des besoins biologiques, psychologiques, sociaux, culturels et spirituels  un être en perpétuel devenir et en interaction avec son environnement, un être responsable, libre et capable de s’adapter, un tout indivisible. »
b) Concept de la santé
«santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »
La santé peut aussi se définir comme un 
« état dynamique, susceptible de variation, qui nécessite un processus d’adaptation de l’homme à son environnement. Cet état le rend apte à assumer les étapes de la vie, à en affronter les agressions et à vivre en harmonie avec lui même et les autres »  
c) Concept de la santé mentale
«s’agit d’un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté. »
La santé mentale peut aussi se définir comme une recherche d’équilibre psychologique et la capacité d’établir des relations harmonieuses avec le groupe familial, social et l’environnement. L’état de santé mentale se traduit par un ensemble d’aptitudes que possède ou acquiert l’homme avec des particularités aux différents stades de sa vie.
d) Concept de la maladie mentale
La maladie est la rupture de l’équilibre, de l’harmonie de la santé, se manifestant par une souffrance physique, psychologique, une difficulté ou une inadaptation à la vie sociale. Pour J.Y. Casaux : «pathologie mentale, dans sa généralité, pourrait être définie comme une altération de la vie de relation, en tant que rapport au monde et à soi-même. »  
Cette altération de la vie de relation (interne et externe) se manifeste par la production de différents symptômes, qui sont des signes, des messages envoyés par le sujet et témoignant de son mal être. C’est en décodant ces messages, en cherchant à comprendre l’histoire de vie de la personne que le soignant pourra adapter ses actions afin de prendre soin de ce patient.
e) Concept du soin infirmier en santé mentale
Les soins infirmiers en santé mentale sont considérés par Mary Topalis  comme des échanges dynamiques entre l’infirmier et la personne.requièrent la connaissance, et l’application des concepts relatifs au comportement, à la personnalité, au psychisme, à la psychopathologie et enfin aux relations interpersonnelles. Cependant pour que ces échanges prennent du sens et puissent aider la personne, il est nécessaire que le soignant ait une réflexion.
Cette réflexion s’appuie sur la connaissance de l’histoire de la personne, et sur le décodage des signes produits par cette personne. Elle a pour but de “digérer” les signes émis par le patient afin de leur donner du sens avant de les restituer au patient.
Cette activité mentale des soignants est appelée par Jaques
Hochmann l’institution mentale, il donne une définition du soin qui repose sur cette activité de réflexion.
«soin consiste à offrir au patient, un contenant actif, un transformateur d’émotions brutes en sentiments, un lieu psychique où les éprouvés corporels ou mentaux du patient trouvent un sens, à travers l’investissement dont ils sont l’objet de la part des soignants.   
Les soins infirmiers en santé mentale visent à rétablir l’intégrité physique et mentale du sujet, à l’aider à découvrir et comprendre ses difficultés et à lui donner les moyens de les résoudre. L’infirmier devra prendre soin en faisant appel à ses capacités techniques et plus particulièrement relationnelles, requérant disponibilité, observation, écoute, compréhension des problèmes, respect de la différence, accompagnement et relation d’aide.
Parmi les soins techniques que l’infirmier est amené à réaliser, l’animation d’activités à visée occupationnelle ou thérapeutique fait partie de la fonction de l’infirmier en santé mentale.


- Les activités en psychiatrie
a) Historique
Les activités en psychiatrie ont toujours existé, sous diverses formes. Dès l’antiquité, dans l’ancienne Egypte, «malades étaient invités à participer aux activités récréatives : promenades sur le Nil, concerts, danses, dessin, peintures et autres utilisations constructives de leurs loisirs… » 
Au début du siècle les aliénés travailleurs étaient “employés” dans les différents services de l’établissement, puis vers 1950 est apparu le concept d’ergothérapie.
" Le travail, la matière, la créativité sont des réalités. L'ergothérapie, c'est soigner certains malades à travers. Ces réalités. Le cadre du travail faisant partie intégrante du cadre de vie, le travail est valorisant. C'est être capable de se sentir utile, c'est tenir sa place dans la société. Le travail c'est aussi créer, s'exprimer, se maîtriser. Le travail c'est l'indépendance, l'autonomie, ne pas être assisté. "
Progressivement, vers la fin des années 70 l’ergothérapie, qui se déroulait alors essentiellement dans des ateliers centraux a laissé la place à des activités se déroulant au sein même des unités de soins, c’est de ce changement qu’est apparue la notion de sociothérapie.


« Il est essentiel que les soignants disposent de moyens thérapeutiques aussi variés et différenciés que possible, dans le but de les adapter aux moyens et à la problématique de chaque sujet souffrant ; cette rencontre entre demandes (plus ou moins clairement exprimées) et réponses, fonde à notre avis l’acte thérapeutique. »
La sociothérapie est à la base de ce que l’on appelle aujourd’hui “activité”, c’est elle qui a donné naissance aux activités à visée sociothérapique.
    
b) Définition
Afin de définir la notion d’activité dans le cadre des soins infirmiers nous allons donner la définition d’activité dans deux orientations différentes 
l’activité occupationnelle
l’activité thérapeutique
Les activités occupationnelles sont définies comme un ensemble d’actions offertes au patient dans le cadre de sa prise en charge thérapeutique pour préserver ses capacités de vie. Les activités occupationnelles comprennent des travaux artisanaux, des activités de la vie quotidienne, de loisirs ou de culture…
Les activités thérapeutiques sont définies comme un ensemble d’actions inscrites dans un projet thérapeutique individualisé placé sous la responsabilité d’un psychiatre.
Elles visent à conserver, développer ou instaurer l’autonomie du patient et ses capacités relationnelles, physiques, gestuelles et/ou créatives. »  
c) Réglementation
Le décret du 17 juillet 1984, relatif à la profession d’infirmier, en définit le champ de compétences par :
–    un rôle propre infirmier qui comprend les notions de «relation d’aide thérapeutique » et «d’organisation d’activités occupationnelles à visée thérapeutique » (article 3);
–    un rôle délégué exercé sur prescription médicale (article 4). Cet article stipule que l’infirmier «au sein d’une équipe thérapeutique aux techniques à visée psychothérapique individuelle ou de groupe ».
Le décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier élargit le champ de compétences infirmier et redéfinit ses limites. Il renforce notamment les soins en santé mentale en précisant dans son article 3 la notion «d’organisation et animation d’activités à visée sociothérapique ». Le terme occupationnel a disparu.
Les auteurs de l’étude de Rouffach
remarquent qu’il est parfois difficile d’assumer un rôle propre, d’oser mettre en œuvre les activités et d’engager ainsi sa “propre” responsabilité.
«mise en place d’activités dans le cadre du rôle propre nécessite une réelle compétence infirmière permettant de dégager à partir d’une analyse, les problèmes de santé d’un patient et les activités entrant dans son projet thérapeutique, mais également des capacités de gestion et d’organisation. 
Leur réalisation suppose des possibilités de remise en question personnelle, afin que l’activité ne devienne pas un but en soi, une échappatoire à la rencontre avec le patient, une source de satisfaction narcissique pour le soignant. »
Mais quelles sont les activités que l’on regroupe sous le terme “sociothérapique” 
D’après l’étude menée par l’association SERPSY. (Soins Et Recherche en PSYchiatrie)  «réflexion autour des activités psychosociothérapiques »
on cite parmi les activités psychosociothérapiques, la relaxation, la musicothérapie, la terre et le modelage, la peinture, les jeux de rôles.
Mais bien que ces activités dépendent du rôle propre infirmier, elles nécessitent un savoir-faire spécifique qui n’est pas enseigné dans la formation de base de soins infirmiers. En effet ce sont les décrets et l’arrêté du 23 mars 1992 qui formalisent le nouveau programme en refondant les programmes des infirmiers diplômés d’état et des infirmiers de secteur psychiatrique. Dans ce nouveau programme, l’enseignement des activités ne se retrouve qu’implicitement et est donné sous forme d’actions de soins et de généralités, l’acquisition d’un savoir-faire n’est envisagée que dans le cadre de la formation continue.
Le décret du 15 mars 1993 précise aussi dans l’article 4, relatif au rôle délégué que l’infirmier  «
au sein d’une équipe thérapeutique aux techniques à visée psychothérapeutique individuelle ou de groupe. »
Cependant le guide infirmier n°11 précise que n’étant pas de simples relations interpersonnelles, les psychothérapies nécessitent un apprentissage. Comme toute technique, elles devront aussi être contrôlées dans leur méthodologie et leur application. Il s’agit d’interventions calculées pour lesquelles une formation particulière est indispensable. Parmi les caractéristiques communes des 400 méthodes recensées, les rédacteurs du guide
citent l’unité de lieu, de temps et d’action 
–    L’unité de lieu  Une psychothérapie ne se fait pas n’importe où, mais dans un espace «neutre» réservé à cette fin.
–    L’unité de temps  Comme pour le lieu, il y a un temps spécialement réservé à l’action psychothérapique.
–    L’unité d’action  Les objectifs de la prise en charge psychothérapique sont définis en accord entre le soigné et le soignant, en fonction de la demande plus ou moins explicite de la personne soignée. Cette prise en charge doit s’inscrire dans le cadre du projet thérapeutique.
On peut regrouper ces 400 méthodes en quelques grandes catégories 
–    la psychanalyse,
–    la psychothérapie d’inspiration analytique
–    la thérapie à médiation corporelle (relaxation…)
–    la thérapie à médiation objectale (art-thérapie…)

L’utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique


- La musique


a) Définition
«musique est l’art de s’exprimer par l’intermédiaire des sons. »
Cette définition fait appel à différents concepts 
L’art
«créatrice aboutissant à une œuvre ; ensemble des moyens utilisés, généralement par un artiste, pour parvenir à la création. »
La musique est souvent considérée comme le plus abstrait des arts, mais aussi comme l’un des plus anciens : vraisemblablement antérieure aux langues humaines, la mélodie accompagnait cérémonies, travaux et danses.
La musique est donc un moyen permettant de créer, c’est à dire donner naissance, inventer, réaliser une chose nouvelle. Par l’action de créer une composition musicale, le sujet entre en relation avec le monde extérieur et avec son monde intérieur.
La créativité permet à l’être de se créer lui-même et d’établir des relations entre lui- même et le monde extérieur.
L’expression
Par la musique la personne pourra s’exprimer. Par définition s’exprimer c’est  
–    Communiquer (quelque chose) directement, par le langage.
–    Faire sentir, manifester (quelque chose) indirectement par le geste, l’attitude, ou au moyen de l’art.
L’expression peut donc être considérée comme l’élaboration d’un langage à partir de l’action créatrice. Il y a alors création d’une communication, l’expression se traduisant comme un perpétuel échange entre l’individu et autrui, avec réponse en retour. De cet échange la personne va prendre conscience de son rapport à l’univers et à l’autre. L’expression permet donc de mettre en rapport l’intérieur et l’extérieur d’un individu.
Tout être humain est créateur. Pour l’enfant, la créativité est la forme dominante d’expression. En grandissant, ce potentiel de créativité diminue suite à l’intégration des règles socio-culturelles. La crainte de déviation ou le conformisme social représente un frein à la création. Je pense qu’il est donc nécessaire d’essayer d’actualiser nos potentialités dans le but de vivre, de communiquer, mais surtout de prendre conscience que nous existons dans ce vaste monde.
b) L’utilisation de la musique à des fins thérapeutiques
Avant de commencer cette partie il me semble important de préciser un point important  la musique ne soigne pas, mais constitue un support permettant de travailler dans une dimension thérapeutique.
«musique en soi n’est pas une thérapie mais peut devenir le support d’une thérapie » 
Comme nous l’avons vu précédemment la musique est un art, et à ce titre l’utilisation de la musique comme support thérapeutique que nous appelons communément “musicothérapie” fait partie des “art-thérapie”.
L’Art-Thérapie est une méthode de soin utilisant l’expression artistique. L’art développe les facultés d’expression, de communication et de relation. L’art apaise, transfigure, socialise. Il permet de “dire” l’indicible, de gérer sa sensibilité. Il soulage des fortes tensions émotionnelles.
Pratiqué dans un but thérapeutique, l’art devient un puissant moyen d’évolution car ses qualités sont orientées constamment au bénéfice de la personne (plutôt qu’au bénéfice de l’œuvre dans un atelier d’art). L’Art-Thérapie peut être pratiquée en milieu hospitalier ou libéral. Elle peut être un apport à toutes professions éducatives, ou sociales.

La musique est un espace contenant, un “espace transitionnel”, c’est en fait un “pont” entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’imaginaire et le réel. Un terrain de jeu ou le sujet pourra s’exprimer. Cette notion a été largement développée par Winnicott pour qui l’espace transitionnel est l’espace du jeu, de l’art ou de la thérapie.
« Dans la vie de tout être humain, il existe une troisième partie que nous ne pouvons ignorer, c’est l’aire transitionnelle d’expérience à laquelle contribuent simultanément la réalité intérieure et la vie extérieure. Cette aire n’est pas contestée car on ne lui demande rien d’autre sinon d’exister en tant que lieu de repos pour l’individu engagé dans cette tâche interminable qui consiste à maintenir à la fois séparées et reliées l’une à l’autre réalité intérieure et réalité extérieure »
Le rôle du thérapeute est alors d’accompagner le sujet, de l’aider à relier la réalité intérieure et réalité extérieure. C’est le rôle de la fonction contenante de la musique, on comprend alors l’intérêt en musicothérapie de travailler avec des “enveloppes sonores”.
c) Historique
L’utilisation de la musique à des fins thérapeutiques ne date pas d’aujourd’hui. De nombreux exemples témoignent de son utilisation dans les peuples et civilisations comme  un excitant, un calmant, un harmonisant, etc.
Voici quelques exemples
–    Les documents de Karoum 1500 A.C. (découverts en 1899)  influence de la musique sur la fertilité de la femme.
–    Les Grecs  Prévention et soin des maladies physiques et mentales par la musique. Pour Aristote, les émotions incontrôlées catharsis. Pour Platon, les frayeurs et les angoisses phobiques (la musique calme les tourments de l’âme). Pour Xénocrate, l’utilisation de la cymbale pour la folie.
–    Hugo Van der Goës, un mélancolique (1500)  expulsion des fantasmes par la musique.
–    Plus tard, en 1957, la mise au point d’un procédé d’enregistrement des réactions psychophysiologiques provoquées par divers stimulis sonores permit une meilleure compréhension des effets de la musique.
–    Il faut mentionner les travaux du médecin suédois Pontvik, qui en 1942, créa un institut de musicothérapie à Stockholm, sans doute le premier au monde, et ceux de G. Mall qui étudia l’influence du rythme sur les malades atteints de psychose.
Actuellement, des recherches et une expérimentation rigoureuse en milieu hospitalier ont permis depuis 1970 d’intégrer la musicothérapie dans plus de 400 centres de soins en France et de mettre en place de nombreux centres de formation à ces techniques.
Le premier congrès mondial de musicothérapie a eu lieu en France en 1974 au centre hospitalier de la Salpêtrière, sous la présidence de Monsieur Jacques Jost et la participation du Monsieur Rolando O. Benenzon.
d) Définition
De nombreuses définitions, plus ou moins complètes, sont actuellement utilisées pour définir la musicothérapie. Celle que je retiendrais ici est extraite du document édité par  la forge formation.
La musicothérapie est l’utilisation judicieuse de la musique comme outil thérapeutique pour, maintenir, rétablir ou améliorer la santé mentale, physique et émotionnelle. La nature non-verbale, créative et affective de la musique facilite l’interaction l’impression et l’expression de soi, la communication et le développement personnel.
Cette définition mérite d’être complétée. Précédemment nous avons vu que la musique peut être un support utilisé en art-thérapie. Cependant de nombreux auteurs font une distinction entre art-thérapie et musico-thérapie  Quelle est la spécificité de la musicothérapie par rapport aux autres arts utilisés en art-thérapie 
Pour moi, deux choses essentielles participent à la spécificité de la musique 
–    La musique fait appel aux sons. Les sons ont une incidence vibratoire qui leur confèrent la capacité de nous toucher directement, “physiquement”. Les ondes sonores émises par les sons ne se contentent pas de toucher notre oreille mais nous atteignent dans notre globalité. Nous ne faisons pas uniquement qu’entendre les sons, nous les percevons.
–    La musique est un art “volatile”. Ce que je veux dire par volatile c’est que la musique ne nous permet pas de modifier ce que nous créons. En musique, le retour en arrière est impossible, lorsque nous jouons un son, il part, il ne nous appartient plus, les autres le reçoivent sans que nous puissions le modifier, revenir dessus. Cette incapacité de modification oblige le musicien à assumer pleinement sa création, à se dévoiler. En musique, l’œuvre est changeante, il est impossible de faire deux fois la même chose.
En musicothérapie beaucoup d’auteurs distinguent deux techniques différentes, la musicothérapie dite active et la musicothérapie dite réceptive. La musicothérapie active correspond à la participation active du sujet à la dynamique musicale. La musicothérapie réceptive correspond à l’écoute de différentes musiques.
La phase exploratrice a mis en évidence que la musicothérapie active est sans doute la plus utilisée actuellement. La musicothérapie réceptive est indispensable à la musicothérapie active car elle permet de nourrir la création musicale. Ces deux formes sont donc pour moi indissociables.
La pertinence de cette classification est donc critiquable, pour Edith
Lecourt  les classifications à partir des catégories “musicothérapie active” et “musicothérapie réceptive”, ou encore à partir de la nosographie, reste peu satisfaisantes.
Elle classe la musicothérapie dans le courant des psychothérapies, mais, selon les théorisations la musique peut encore être une activité de médiation ou bien encore une art-thérapie. Elle correspond pour une part à ces différents concepts mais s’en détache par certains éléments spécifiques. La musicothérapie est une technique particulière car elle fait appel à l’intervention de la musique et des sons.


EXPÉRIMENTATION

Problématique


La musique est un outil thérapeutique puissant, qui a prouvé son efficacité auprès d’une large population de personnes, souffrant de troubles mentaux et comportementaux. De nombreux exemples témoignent de son utilisation, et depuis dix ans l’utilisation de la musique s’est considérablement développée dans les institutions.
D’après l’article 3 du décret du 15 mars 1993, l’organisation et l’animation d’activités à visée sociothérapique relèvent du rôle propre infirmier et ne demandent donc aucune prescription médicale. L’infirmier est totalement responsable de ce type d’activité, sur le plan technique comme sur le plan relationnel. Parmi les activités sociothérapiques, on cite la relaxation, la musicothérapie, la terre et le modelage, la peinture, les jeux de rôle…
Au C.H.S. d’Esquirol les infirmiers organisent et animent au sein de leur pavillon de nombreuses activités à visée sociothérapique, mais la musique n’est quasiment jamais utilisée. Comment cela s’explique 


Présentation de l’expérimentation


a) Choix de la méthode et détermination de la population
Pour l’expérimentation, j’ai voulu cibler les entretiens sur une population de soignants travaillant au sein C.H.S. Esquirol. En ce qui concerne les questionnaires par Internet j’ai choisi de les poursuivre, sans solliciter à nouveau les personnes m’ayant déjà répondu, mais en envoyant un questionnaire aux professionnels me proposant leur aide. Sur les cinq questionnaires envoyés un seul m’a pour le moment été renvoyé.
J’ai choisi, pour mener les entretiens et établir les questionnaires, de garder une méthode semi-directive, tout en les orientant d’avantage afin de pouvoir éprouver mes hypothèses.
b) Hypothèse 1
La formation initiale d’un infirmier à elle seule ne permet pas d’acquérir les compétences nécessaires afin de pouvoir utiliser la musique à des fins thérapeutiques.
Cette première hypothèse est sous-tendue par trois sous-hypothèses 
Pour pouvoir faire appel à la musique comme outil thérapeutique, il faut 
–    être capable de s’exprimer par l’intermédiaire d’un instrument de musique
–    avoir une bonne connaissance de soi, de ses limites
–    connaître les effets (positifs et négatifs) de la musique.
c) Hypothèse 2
Pour pouvoir correctement utiliser la musique à des fins thérapeutiques au sein du C.H.S. Esquirol il faudrait créer un atelier en dehors des unités de soins.
Cette seconde hypothèse est, elle aussi, sous-tendue par trois sous-hypothèses 
Pour pouvoir utiliser la musique comme outil thérapeutique, il faut 
–    disposer d’une salle spécifique
–    disposer de matériel (instruments de musique, appareils d’écoute et d’enregistrement)
–    que l’atelier soit animé par une personne reconnue comme thérapeute auprès du patient.
Ces conditions permettent d’assurer le bon fonctionnement de l’atelier, de fixer les repères nécessaires pour le patient. La mise en place de ce type d’atelier est donc très difficile au sein des pavillons.

Analyse des entretiens et questionnaires


Pour cette étape j’ai choisi de procéder dans un premier temps par une analyse individuelle de chaque entretien ou questionnaire, puis dans un deuxième temps de faire une synthèse générale de ces différentes analyses.

a)Analyse des entretiens

- Entretien n° 1     Annexe 1
Pour pouvoir utiliser la musique à des fins thérapeutiques, il faut être capable «entrer en relation par l’intermédiaire de la musique », pour cela ce ne sont pas les connaissances musicales qui priment mais plutôt la gestion du groupe. La musique a une véritable influence sur les patients comme sur soi, et c’est justement cela qui rend son utilisation délicate  «faut savoir gérer le négatif et gérer le positif. »
Lorsque l’on a conscience des effets positifs et négatifs que peut provoquer la musique et que l’on a conscience des traits comportementaux de la personne psychotique, l’utilisation de la musique peut alors faire peur. «me suis dit que cela pourrait être une intrusion dans l’espace du psychotique  » C’est pour cette raison que Melle C. n’utilise pas la musique dans son activité professionnelle, de plus cette personne nous dit que la musique est davantage reconnue comme une activité occupationnelle (de détente, de plaisir) que comme un médiateur de soins. Elle ne connaît personne qui dans son secteur utilise la musique.
Cette non reconnaissance de la musique comme médiateur de soin lui a engendré des difficultés lorsqu’elle était étudiante. En début de formation, elle avait voulu faire appel à la musique pour pouvoir plus facilement entrer en relation mais les soignants lui avaient alors reproché de ne pas être formée pour cela. Même si les résultats auprès des patients étaient positifs, l’absence de formation spécifique avait en quelque sorte “discrédité l’atelier”.

- Entretien n° 2    Annexe 2
Cette infirmière utilise la musique comme support thérapeutique au sein de son pavillon alors qu’elle n’avait jamais fait de la musique avant. Elle est en cours de formation avec Daniel Perret. Le travail entrepris dans la formation que propose Daniel Perret porte essentiellement sur une meilleure connaissance de soi.
L’objectif de l’atelier était d’apprendre aux patients la vie de groupe, leur apprendre à s’écouter, à se respecter. Les patients peuvent venir et repartir de l’atelier. Il n’y a ni prescription, ni évaluation.
Cet atelier a eu du mal à se mettre en place. En effet il est parfois très difficile de mettre en place un atelier en psychiatrie, surtout lorsqu’il s’agit d’utiliser la musique. Grâce à la ténacité de Mme B. à son dynamisme et sa persévérance il est progressivement «é dans le système » sans pour autant être reconnu comme thérapeutique.
On pourrait s’interroger vis à vis de la réponse apportée par cette personne à la question concernant l’avantage principal de la musicothérapie, en effet elle axe sa réponse sur la notion de plaisir, pour elle, comme pour les patients. «j’y prends énormément de plaisir, c’est un enrichissement aussi pour moi de les voir évoluer, s’ouvrir, dialoguer entre eux, avoir confiance…J’ai passé une bonne journée moi, quand ça c’est passé comme ça voilà. »
La notion de plaisir est en effet importante mais qui pourrait penser que ce soit l’avantage principal de la musicothérapie  La mise en place d’un atelier ne doit pas avoir comme principale motivation d’être source de satisfaction narcissique pour le soignant. Cependant comme le signale Frédéric
Masseix 
« Il semble indispensable que les soignants aient au moins une passion pour une activité sportive ou créatrive, quelle qu’elle soit, car cette passion sera motrice et sera génératrice d’énergie »
Avoir une passion est profitable aux soignants mais celle-ci ne doit pas être sa principale motivation pour mettre en place un atelier. Dans le cas de Mme B., je pense que sa conception relative à l’utilisation thérapeutique de la musique va plus loin que ce qu’elle exprime dans cet entretien.
J’ai eu la chance de participer à un de ses ateliers et de voir la joie et le plaisir que les patients éprouvent et verbalisent. Cette notion est très importante et comme le signale Daniel
Perret le plaisir est ce qui donne l’énergie et l’entrain.
De plus Mme B. a réellement su mettre en place une véritable relation de confiance avec les patients, ce qui lui permet d’avoir une action thérapeutique. Elle ne met pas en avant ce travail thérapeutique car en institution ce travail est souvent réservé aux psychiatres.


- Entretien n° 3     Annexe 3
Comme je l’ai déjà signalé, la musique ne soigne pas, et il en est de même pour l’art. Cependant comme on le voie dans cet entretien, l’a priori d’origine est souvent de vouloir utiliser l’art pour soigner  «l’art est médiateur il n’est pas vecteur thérapeutique ». Un médiateur est un intermédiaire entre deux parties qui n’arrivent pas à “s’entendre”. Pour moi quand je parle de la musique comme médiateur j’imagine un pont entre le patient et le monde extérieur, un pont sur lequel le patient et le thérapeute vont pouvoir se rencontrer. La musique n’est pas vecteur thérapeutique, ce n’est pas elle qui va soigner.
En art-thérapie comme en musicothérapie c’est le fait de s’inscrire dans un processus de création qui permettra d’aller à la rencontre de l’autre. «création est commune à l’art et à la thérapie » la thérapie est la création de soi, de sa nouvelle vie.
La pathologie mentale étant, une altération de la vie de relation, en tant que rapport aux autres et à soi même, le patient est amené à se recréer lui-même et à recréer des ponts avec le monde extérieur.
La prise en charge des patients par l’atelier d’art-thérapie se fait suite à une indication médicale. Le choix du support artistique se fait en fonction de chaque patient, il prend en compte ses envies, ses goûts. Le support choisis est celui qui permet d’aider au maximum le patient dans son travail de “reconstruction”.
Pour pouvoir utiliser la musique, il est nécessaire d’avoir des capacités artistiques permettant de créer, et des capacités thérapeutiques permettant d’accompagner le patient dans sa création. Pour cela la formation d’infirmier n’aide en aucune manière. Ce qui est important, c’est d’avoir une activité artistique en rapport avec le support thérapeutique utilisé, il faut avoir fait une démarche sur soi-même.
La réponse apportée à la question concernant la formation spécifique pour mettre en place un atelier musique, montre bien que celui qui souhaite utiliser la musique comme support thérapeutique doit être un professionnel formé pour cela.
De plus il n’est pas envisageable de tenir la fonction d’infirmier et de musicothérapeute auprès du même patient. L’art-thérapie, comme la musicothérapie, ne sont en effet pas reconnues par un grand nombre de soignants, pourtant l’atelier fonctionne sans difficulté. Cela montre que ce n’est pas la non reconnaissance de la musique comme support thérapeutique qui engendre le fait que celle-ci n’est pas utilisée par les infirmiers. L’utilisation de la musique comme support thérapeutique peut être envisagée si un projet valable est mis en place.

- Questionnaire     Annexe VII
Cette personne, musicienne de formation, pense que pour utiliser la musique comme médiateur il faut avoir une pratique musicale. Elle insiste sur le fait que la musique n’est qu’un médiateur, un outil dans la prise en charge relationnelle, ce qui aidera le patient c’est le travail thérapeutique mis en place. Ce travail nécessite  «cadre strict, du recul, une connaissance approfondie de l’indication… »
Il est donc nécessaire d’avoir une pratique musicale et des capacités thérapeutiques pour utiliser la musique comme médiateur. Comme nous le fait remarquer cette personne, cela n’a pas toujours été le cas en psychiatrie. L’utilisation de la musique ne fait pas très sérieux, cela fait appel à la notion de plaisir.
Si nous voulons une meilleure reconnaissance de cette technique il faut montrer que nous sommes sérieux, et travailler avec rigueur. Cela est en effet essentiel car si nous voulons utiliser correctement la musique comme support thérapeutique il faut s’investir vraiment, «
est un lourd travail », «musique nous touche autant que nous sommes, les problèmes de contre transfert sont nombreux », il est donc difficile de travailler seul.
En ce qui concerne la nécessité d’un cadre, c’est obligatoire, en psychiatrie «
besoin de repère est primordial ». Les repères permettent aux patients de se situer. Il est donc nécessaire que le lieu où se déroule l’activité soit reconnu comme tel par le patient. Les horaires de l’activité doivent eux aussi être fixes. Comme nous l’avions déjà remarqué lors de la phase exploratoire, l’utilisation d’instrument de qualité est important.
Pour utiliser la musique à des fins thérapeutiques ils faut être reconnu auprès des patients comme thérapeute, «
est difficile d’être infirmière, difficile d’être thérapeute… Il ne faut pas porter les deux casquettes à la fois… »


- Analyse globale
L’utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique nécessite d’être thérapeute et musicien. En effet le musicien, par sa pratique musicale, son expérience est capable d’utiliser la musique pour entrer en relation, de plus il ressent l’impact que peut avoir la musique sur lui et sur son entourage. L’infirmier de secteur psychiatrique possède des connaissances relatives aux différents états de santé mentale, il connaît les personnes auprès desquelles il travaille, leur caractère, leur réaction, leur comportement. Cette double connaissance ne permet pourtant pas d’utiliser la musique comme médiateur thérapeutique.
Au contraire, en ayant cette double vision nous avons je pense une meilleure connaissance de nos limites, donc nous avons conscience que nous ne sommes pas capables d’utiliser la musique comme médiateur thérapeutique sans avoir de formation spécifique. Nous pourrions je pense regrouper schématiquement les personnes utilisant la musique en deux grands groupes 
–    Les personnes ayant une formation spécifique.
–    Les personnes étant soit uniquement soignantes, soit uniquement musiciennes.
Pour toutes les personnes interrogées, il est évident que la formation d’infirmier ne permet pas d’utiliser la musique comme médiateur thérapeutique. Je pense que pour pouvoir utiliser la musique à des fins thérapeutiques il est nécessaire de connaître les personnes avec lesquelles nous serrons amenés à travailler, la formation infirmier peut aider à acquérir cette connaissance.
Il semble nécessaire d’avoir une activité musicale, d’avoir soi-même ressenti les effets des sons, de la musique, de la pratique collective, de l’improvisation… Cependant cette double connaissance n’est pas suffisante, il faut être thérapeute et reconnu comme tel auprès des patients.
La nécessité du cadre est essentielle, toute activité à vocation thérapeutique doit se dérouler dans un cadre précis. La règle des trois unités doit être respectée.
L’utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique nécessite de réelles compétences et c’est sans doute pour cela qu’elle n’est pas davantage utilisée en psychiatrie. Pour pouvoir être reconnue elle doit être utilisée par des personnes sérieuses, des professionnels formés et compétents.


CONCLUSION



L’analyse a permis de valider les hypothèses de recherches à la base de l’expérimentation. La formation d’infirmier à elle seule ne permet pas d’acquérir les compétences nécessaires afin de pouvoir utiliser la musique à des fins thérapeutiques. L’utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique ne peut se faire que dans un cadre précis. Il doit obligatoirement y avoir indication et évaluation. La personne utilisant ce médiateur doit avoir une compétence professionnelle spécifique, et être reconnue comme thérapeute auprès du patient.
L’infirmier ne peut pas être “multicartes”, il doit être spécialisé dans un domaine où il est compétent. Cette compétence spécifique lui permettra d’assurer des soins spécifiques avec une méthodologie et une technique adaptées. A une époque où nous prenons conscience du besoin de fixer des normes de qualité, où l’accréditation prend de plus en plus d’importance, on peut s’interroger sur la qualité des soins que l’on dispense dans les institutions et sur le fonctionnement de celles-ci.
La musique n’est qu’un exemple, tous les ateliers qui sont mis en place doivent répondre à des critères de qualité. L’organisation de l’institution, son fonctionnement ne permet pas toujours de respecter ces critères. On peut également s’interroger sur la formation initiale des infirmiers, son adaptation au secteur psychiatrique.
L’infirmier voulant utiliser la musique à des fins thérapeutiques doit être musicothérapeute  Et, comme le signale Rolando Benenzon  «musicothérapeute doit être exclusivement musicothérapeute et donc avoir une formation spécifique. » Pourquoi, dans ce cas, aucune formation ne délivre un véritable diplôme de musicothérapeute 
Le fonctionnement d’une unité de soins rend très difficile voir impossible la création d’un atelier où la musique pourrait être utilisée à des fins thérapeutiques. Le musicothérapeute doit disposer d’une salle adaptée avec du matériel spécifique. La création d’un tel atelier repose donc aussi sur une volonté institutionnelle. Cela n’est pas toujours le cas et l’on peut s’interroger sur les raisons qui font que les responsables d’établissements ne sollicitent pas davantage les musicothérapeutes. Comment expliquer le scepticisme ambiant envers l’art-thérapie en général 
Dans notre société l’art occupe une place particulière. Les artistes sont souvent considérés comme des gens à part, en marge de la société. L’art est souvent considéré comme quelque chose qui ne sert à rien, qui n’est pas sérieux. Il est souvent placé sur un piédestal, inaccessible au commun des mortels l’expression créative est réservée à une minorité de personnes “hors du commun”.
La musique n’échappe pas à tous ces préjugés, pour faire de la “vraie musique” il faut avoir fait des études au conservatoire savoir lire la musique. La musique doit répondre à des règles précises, des critères esthétiques en rapport avec la culture à laquelle nous appartenons.
La musique renvoie également à la notion de plaisir, et le plaisir n’est pas une notion qui fait partie du soin. Le soin se fait dans le cadre de la souffrance, l’infirmier est là pour soigner et ne doit donc pas éprouver de plaisir.
De plus, l’institution a une certaine vision des différents soignants, un infirmier qui utilise la musique, même avec une formation est toujours un infirmier, mais un infirmier différent.


ANNEXES

Les annexes du TFE ne sont pas toutes proposées ainsi que la bibliographie

Questionnaires exploratoires

Dans le cadre de mes études à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers du C.H.U. de Limoges je dois réaliser un travail de fin d'études sur un thème que j'ai choisi :
«la musique n'est-elle pas davantage utilisée par les infirmiers travaillant en secteur psychiatrique ? »
Pour mieux étayer et illustrer mes propos j'aimerais beaucoup recueillir les avis et opinions de différents professionnels (musiciens, musicothérapeutes, infirmiers, médecins...)
J’ai préparé ci-dessous quelques questions générales auxquelles je vous laisse libre de bien vouloir répondre.
Par avance, merci

Sylvain Lacouchie

-    Quel est votre parcours professionnel 
-    Pourquoi et comment utilisez-vous la musique 
-    Quels sont les avantages et limites de cette méthode 
-    Que pensez-vous de la place actuelle de la musique en psychiatrie 
-    Pensez-vous que des infirmiers travaillant en secteur psychiatrique peuvent utiliser la musique à des fins thérapeutiques  Si oui dans quel cadre et de quelle manière, si non pourquoi 

Pour plus d’information vous pouvez me contacter 
LACOUCHIE Sylvain
e-mail  s.lacouchie@nomade.fr

Questionnaire Exploratoire° 1 : M. D.
M. D. travaille comme musicien - thérapeute avec des enfants autistes et psychotiques au CATTP. Il donne des leçons individuelles de musique. Il écrit pour la page musique du magazine trimestriel SPUREN (Suisse-Alémanique).
-    Quel est votre parcours professionnel ?
Depuis 1996 je travaille comme musicothérapeute au CATTP… (Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel). J'y travaille avec des jeunes enfants autistes, psychotiques, disharmoniques ou à traits autistiques. Depuis 1998 je dirige une formation en "Thérapie & Musique" Je suis l'auteur du livre : "Les Effets subtils de la Musique" (Souffle d'Or) J'interviens tous les ans à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers … pour donner un exposé sur la musicothérapie et mon travail au CATTP…
-    Pourquoi et comment utilisez-vous la musique ?
Je l'utilise de différentes manières. Au CATTP en improvisations musicales avec les enfants, la plupart du temps en séances individuelles. Mais j'ai aussi travaillé avec des handicapés adultes, également avec de l'improvisation musicale en groupe.
-    Quels sont les avantages et limites de cette méthode ?
Ca c'est la question à 20'000.- . La musique travaille sur des couches préverbales dans notre cerveau. Elle donne accès donc d'une part à des traumatismes de la toute petite enfance. Mais elle donne aussi accès à nos couches du subconscient ainsi qu'à une communication avec des personnes qui ont des difficultés à s'exprimer verbalement. Avec l'écoute de musiques appropriées en milieu hospitalier, il y a une multitude d'applications.
-    Que pensez-vous de la place actuelle de la musique en psychiatrie ?
Il y a un bon nombre d'hôpitaux où elle est utilisée depuis 10, 20 ou 30 ans, en France, en Allemagne, Angleterre, etc. Mais des régions entières ne semblent pas encore en avoir entendu parler. Il y a de très bons ouvrages là dessus, mais souvent en anglais, par exemple chez l'éditeur Jessica Kinglsey en Angleterre.
-    Pensez-vous que des infirmiers travaillant en psychiatrie peuvent utiliser la musique à des fins thérapeutiques ? Si oui dans quel cadre et de quelle manière, si non pourquoi ?
Une infirmière en psychiatrie adulte à Limoges l'utilise en atelier de percussion. Elle termine notre formation.
Je pense qu'un infirmier doit suivre une formation spéciale pour pouvoir utiliser de la musique vraiment à des fins thérapeutiques.

Questionnaire exploratoire n° 2  Mme O
-    Quel est votre parcours professionnel ?
Études universitaires en musique (Québec), en musicothérapie (Californie), en recherche-action (Montréal) et en psychopédagogie (Québec, maîtrise et doctorat)
-    Pourquoi et comment utilisez-vous la musique ?
Pour améliorer les habiletés de communication en stimulant la créativité de la personne, son niveau d'énergie et son estime de soi.
-    Quels sont les avantages et limites de cette méthode ?
Avantages : travailler sur les aspects prévervaux de la communication dans le plaisir et l'échange libre.
Limites : tous les obstacles à la créativité, peur du ridicule, peur de s'ouvrir à l'autre, éducation conventionnelle qui restreint la spontanéité, etc.
-    Que pensez-vous de la place actuelle de la musique en psychiatrie ?
Au Québec, les résultats sont positifs et, malgré les expériences limitées, la musique semble être un moyen intéressant pour la personne ayant des problèmes psychiatriques de se connaître et de s’extérioriser dans un sentiment de sécurité et de liberté psychologique.
-    Pensez-vous que des infirmiers travaillant en psychiatrie peuvent utiliser la musique à des fins thérapeutiques ?
Je crois que ce n'est pas une question de profession (infirmier, travailleur social ou autre professionnel) mais d'ouverture à la musique, de sensibilité à s'exprimer et écouter à travers la musique et surtout de connaissances sur les effets (positifs et négatifs) de la musique.
Si oui dans quel cadre et de quelle manière,
Avec une formation spécialisée et sérieuse en musicothérapie et en approche
psychomusicale.
si non pourquoi ?
Il n'est pas éthique d'utiliser une approche que l'on ne possède pas complètement. C'est comme faire de la psychothérapie en italien sans parler l'italien.


Questionnaire exploratoire n° 3  Mme F
-    Quel est votre parcours professionnel ?
A l'origine, je suis infirmière (DE en Allemagne). Dans mon travail avec des patients en chirurgie / médecine, en dehors des soins physiques, j'avais parfois la terrible sensation et impression que la communication verbale n'allait pas assez loin, ne
La musique me paraissait être à la fois au-delà et en deçà de la parole, pouvant vibrer de tant de manières. Puis, déménagement de Berlin (où j'habitais) dans le Midi - et j'apprends qu'on peut étudier de la musicothérapie à Montpellier... j'ai foncé et je me suis "convertie" en Musicothérapeute (DU Montpellier)... sans vraiment me convertir, car il s'agit toujours de communication.
Mais, bien-sûr, mon champ d'action est différant maintenant. Comme j'ai dit, je travaille dans une clinique psychiatrique privée. J'y suis depuis 7 ans déjà, mais en tant que musicothérapeute depuis deux bonnes années seulement. Au début, je faisais des remplacements d'infirmière ce qui m'a permis de pas mal connaître la psychiatrie, puis l'institution. Petit à petit, j'ai embrayé sur des activités plus “musicales”, ouvertes à tous les patients : pendant trois ans j'ai proposé des week-ends de fabrication d'instruments de musique - passionnant !
Avec les instruments fabriqués (il n'y avait pratiquement pas d'autres à la clinique), nous avons créé des ateliers d'expression ou aussi monté des spectacles à thème de temps en temps (super collaboration en équipe avec d'autres intervenants). J'ai également mis en place un groupe d'écoute de musique avec des personnes âgées. Il y avait une musicothérapeute attitrée sur place, mais elle faisait uniquement des thérapies individuelles en musicothérapie réceptive - c'est ce qu'on lui avait demandé de faire il y a plus de 15 ans...
Les temps ayant changé, il y avait de plus en plus de demandes de prises en charge en musicothérapie. Nous nous sommes entendues pour que je propose un groupe “musique et dessin”, destiné en priorité à des patients avec des troubles psychotiques. Et lorsque cette musicothérapeute est partie à la retraite, j'ai pu développer tout ce que je fais actuellement (sur prescription du médecin psychiatre)  Je fais de la musicothérapie active, le plus souvent en groupe. “Musique et dessin” continue en fonction des inscriptions et indications ; il y a un groupe de musicothérapie réceptive, puis toujours le groupe avec les personnes âgées.
De la musicothérapie réceptive individuelle, on m'en demande toujours, mais j'essaie de me limiter à un minimum et de proposer des alternatives aux patients qu'on m'adresse.
-    Pourquoi et comment utilisez-vous la musique ?
La musique est le “vecteur de relation”, une sorte de pont entre le patient et moi, sur lequel nous nous rencontrons (en faisant de la musique ou en parlant de la musique écoutée ensemble).
–    Musicothérapie active : on utilise des instruments pour lesquels on n'a pas besoin d'avoir fait des études et on improvise (soit autour de différents thèmes, soit librement, partant de l'élan de ou des patients)
–    Musicothérapie réceptive : on écoute des œuvres musicales (tirée de tous les styles, évidemment) et ensuite le patient parle de son vécu pendant l'écoute musicale. C'est parfois le départ d'un échange approfondi sur certains sujets que le patient évoque, mais je ne perds jamais "de vue" la musique écoutée et le discours initial du patient.
-    Quels sont les avantages et limites de cette méthode ?
Pour la musicothérapie active, l'avantage évident : on travaille dans le non-verbal. Ceci peut faciliter énormément la prise de contact avec des personnes souffrant de psychose ou de troubles psychotiques, mais aussi l'approche des personnes en dépression grave, etc.
Limites ?
La musicothérapie me semble parfois (pas toujours !) une prise en charge de “transition”, surtout en institution de court séjour, quatre semaines, pour des personnes souffrant des troubles névrotiques. Ces gens abordent certaines questions en musicothérapie qu'ils voudront par la suite approfondir (psychothérapie, psychanalyse). Il y en a certainement d'autres limites, mais il faudrait que je réfléchisse davantage.
Ce qui est sûr, c'est que la musicothérapie est une prise en charge qui s’insère idéalement dans tout un projet global pour un patient. une amélioration de son état n'est donc pas toujours dû à la musicothérapie seule.
-    Que pensez-vous de la place actuelle de la musique en psychiatrie ?
Question difficile ! Je ne peux que parler de ma place: j'ai trois jours et demi par semaine ce qui n'est pas mal du tout (d'autres musicothérapeutes travaillent beaucoup moins parfois). Et en plus, depuis deux semaines, j'ai une collègue qui travaille sur le même site que moi, à temps plein. Nous sommes donc un trois quart Musicothérapeutes à travailler dans une Clinique psychiatrique de deux cents lits.
Nous pouvons dire que l'institution veut donner une place importante à la musique, et non de n'importe quelle façon, puisque nous sommes deux professionnelles qualifiées.
-    Pensez-vous que des infirmiers travaillant peuvent utiliser la musique à des fins thérapeutiques ? Si oui dans quel cadre et de quelle manière, si non pourquoi ?
Oui et non. On peut utiliser la musique dans la relation des soins en occupant la place d'une infirmière, je l'ai fait pendant plusieurs années. Mais il me semble indispensable d'être formé à la thérapie, avec tout ce que cela implique de connaissances sur la relation thérapeutique (la dimension transférentielle et, contre-transférentielle). En plus, il est fort utile d'avoir des connaissances solides des concepts fondamentaux de psychiatrie/psychanalyse (séméiologie et fonctionnement de l'appareil psychique). Sinon, il me semble qu'il y a danger de faire plus mal que de bien...
Puis, il y a aussi la question des rôles, de la place qu'on a : là où je travaille, c'était extrêmement difficile de porter ces deux casquettes d'infirmière, mais faisant de la musicothérapie !! C'est pour cela d'ailleurs qu'à l'époque je ne parlais que "d'activités musicales".
Mais ça dépend du projet institutionnel. Je connais d'autres institutions où ce ne sont que des infirmières qui assurent les différentes prises en charges (dont la musicothérapie) en dehors du travail des psychiatres et psychologues.
-    Quel est votre parcours musical ?
Je suis musicienne plutôt amateur ... C'est à dire que j'ai toujours fait de la musique, depuis l'enfance, mais je n'ai jamais été poussée à la virtuosité, la musique, c'était un plaisir et non un travail. Puis j'ai changé d'instrument plusieurs fois, j'ai commencé avec les flûtes à bec (soprano, alto, ténor), ensuite du piano, puis de la clarinette. Plus tard, j'ai découvert la musique d'amérique latine et j'ai commencé à jouer du folklore andin, puis j'ai embrayé sur d'autres styles sud américains. En parallèle, j'ai souvent chanté dans des ensembles vocaux.
-    Quel est pour vous la place du musicien et du thérapeute dans le musicothérapeute ?
question difficile être musicien, c'est à dire avoir une pratique musicale me parat
importante si on veut garder de l'inspiration, de la fraîcheur et de la spontanéité. Puis, la qualité d'écoute d'un musicien me paraît différente que d'un non-musicien (sensibilité d'oreille et capacité d'attention).
Etre thérapeute, c'est souvent avoir la capacité de déplacer le regard, être capable de voir les choses de différents angles de vue. C'est aussi pouvoir garder le silence pour laisser la place à l'autre, à la souffrance de l'autre qui s'exprime. c'est savoir saisir l'essentiel, c'est savoir entendre "entre les lignes", c'est savoir renvoyer, faire
écho (pour rester dans les images du monde sonore), c'est ...
-    Que vous a apporté la formation de musicothérapie ?
Elle a fait le lien entre la musicienne et la soignante (j'étais IDE) et elle m'a permis de devenir thérapeute. Mais il me reste encore du chemin à faire !
-    Aviez-vous utilisé la musique avant d’avoir suivi cette formation ?
Non, pas en relation de soins.


Entretien exploratoire n° 1  Mme R.
Cet entretien s’est déroulé au domicile de Mme R. musicothérapeute dans un I.M.E. du limousin.
-    Quel est votre parcours professionnel 
J’ai d’abord commencé comme A.M.P. (aide médico-psychologique) puis monitrice éducatrice ensuite j’ai fait une formation de musicothérapie (à Tours) et j’ai passé mon diplôme d’éducatrice spécialisée.
-    Pourquoi et quand avez vous commencé à utiliser la musique 
J’ai eu à prendre en charge un enfant autiste âgé de cinq ans qui pleurait sans arrêt, n’avait aucune communication, complètement replié sur lui-même. Il refusait de manger, la seul chose qui lui permettait de manger c’était quand je lui chantais des comptines pendant les repas…
Comme j’étais éducatrice de groupe à l’époque, j’avais créé au niveau de mon groupe de vie, une petite salle d’activités où je faisais essentiellement de la musique, en utilisant des disques, le chant ainsi que des percussions. C’était déjà bien… et assez pour me rendre compte que tous les enfants que j’avais dans l’atelier étaient réceptifs à la musique. On chantait le soir après le repas et eux même ils adoraient cela ils se mettaient à danser, c’était quelque chose qui était important pour eux.
-    Pendant combien de temps avez-vous utilisé la musique en tant qu’activité sans avoir eu de formation de musicothérapie 
Environ quatre ans, sans avoir aucune connaissance musicale je n’étais pas musicienne à l’époque. C’est pendant la formation de musicothérapie qu’ils nous ont demandé la deuxième année de connaître la musique. C’est à dire qu’il était obligatoire de savoir lire une partition et fortement conseillé de savoir jouer d’un instrument. J’ai découvert la musique comme ça.
-
Comment cette formation de musicothérapie vous a été proposée 
C’est moi qui ai eu envie par rapport à mon parcours et à l’expérience que j’ai eue auprès des jeunes. La formation s’est déroulée en formation continue, financée par le centre. C’est une formation qui a duré trois ans, avec une alternance de cours théoriques et de stages pratiques.
-    Que vous a apporté cette formation 
Cette formation m’a apporté… mais ce qui m’a surtout apporté le plus c’est la pratique de l’instrument, le fait de devenir musicienne moi même, de me retrouver face à un public. Cela m’a fait réfléchir sur ce que l’on demande au résident, en relation duel comme en relation de groupe. Le fait de devenir musicienne m’a aidé peut-être autant que la formation.
-    Suite à cette formation est-ce que vous avez pu au sein du centre vous faire reconnaître comme musicothérapeute 
Non j’ai continué d’être éducatrice de groupe jusqu’à ce que je fasse la formation d’E.S. (éducateur spécialisé) où là j’en ai profité pour faire mon mémoire sur  “La musique support à  la relation, la créativité, l’expression.” C’est à la suite de cette recherche que j’ai eu l’envie de créer un atelier de musique extérieur à l’institution (situé à trois kilomètres) mais sous le couvert de celle-ci. Je travaille dans un hôpital de jour en tant que musicothérapeute où je prends en charge les résidents du centre.
-    Pourquoi avez-vous choisi d’aller à l’extérieur 
Pour qu’il y ait pour les enfants cette démarche d’aller à l’extérieur, de sortir du centre.
-    Vous prenez en charge combien d’enfants 
Seize enfants par semaine à raison d’une heure et demie chaque séance. C’est très long pour certains surtout en prise en charge individuelle. Ce n’est pas possible de réduire ce temps de prise en charge pour des raisons d’organisation. Il y a différents ateliers, éveil, expression par la peinture, et cuisine, qui se déroulent au même endroit mais avec un seul véhicule pour assurer les transports. L’idéal serait d’avoir une heure mais pour le moment ce n’est pas possible.
-    Qu’elle est la tranche d’âge des enfants que vous recevez 
C’est hétérogène, c’est à dire que l’on peut avoir des enfants de six à dix-huit ans. Ils sont regroupés par niveau dans des groupes de quatre, cinq maximum car c’est des cas très lourds, autistes, psychotiques.
-    Vous travaillez seule lors de vos prises en charge 
Oui pour ce qui est des prises en charge individuelles, mais avec une psychomotricienne dans le groupe d’expression musicale et corporelle que nous sommes en train de mettre en place. J’ai actuellement plus de prises en charge individuelle car jusque là, nous ne pouvions pas faire de groupes à cause du problème de véhicule. J’espère maintenant pouvoir obtenir un atelier dans l’institution pour pouvoir travailler avec des groupes et étendre à plus de résidants. Car la musique correspond à tous les résidents y compris les résidents grabataires, quel que soit leur âge qu’ils soient à l’I.M.E. (Institut Médico-Educatrice ) comme à la M.A.S. (Maison d’Accueil Spécialisée). Cela nous permettrait d’utiliser la musique de plusieurs manières, pour certains juste à visée occupationnelle, pour leur procurer le plaisir d’entendre et de faire de la musique.
-    Comment se fait le choix des patients participant à l’atelier 
Généralement ils sont envoyés par l’équipe éducative, et pour ceux du groupe musique, le choix se fait en réunion institutionnelle, ils sont envoyés sur demande du psychiatre. Le choix se fait en fait en fonction de la problématique propre à chaque résident.
-    Comment effectuez-vous l’évaluation des séances 
Grâce à un support vidéo, chaque séance étant filmée en intégralité. L’atelier est supervisé par le psychologue de l’établissement qui regarde les films avec nous. Nous pouvons donc en discuter avec lui mais aussi avec le psychanalyste lors des réunions. Des rapports écrits sont établis ce qui permet d’assurer un suivi de chaque participant.
-    Quels sont les apports spécifiques de la musicothérapie 
Dans un premier temps c’est le plaisir de la musique, la musique crée une résonance en eux, la musique favorise la communication et leur permet de s’ouvrir sur le monde extérieur.
-    Avez-vous eu des échecs lors de vos prises en charge 
Oui, mais rarement, ces personnes sont alors réorientées vers des ateliers qui leur correspondent mieux.
-    Quels sont les objectifs que vous cherchez à atteindre 
Amener la personne à prendre conscience d’elle--même et à prendre conscience de l’autre.
-    Pensez- vous que la musicothérapie peut avoir des effets négatifs 
Oui dans certains cas pour des patients autistes ou psychotiques la musicothérapie peut venir renforcer leur stéréotypie ou leur enfermement. Donc il faut prendre garde et l’utiliser de manière prudente. C’est au musicothérapeute d’être vigilant et c’est pour cette raison que la prise en charge individuelle est très importante dans un premier temps.
-    Utilisez-vous plutôt la musicothérapie réceptive ou active 
J’utilise principalement la musicothérapie active car la méthode d’écoute nécessite de la part des patients la possibilité de verbaliser leur ressenti. Cela est souvent assez difficile pour les résidents avec lesquels je travaille. On travaille surtout sur l’écoute de chacun mais à travers le non verbal.
-    Quelles sont les différentes étapes que vous utilisez lors d’une séance de musicothérapie ?
(la réponse apportée concerne les séances du groupe d’expression musicale et corporelle)
Nous commençons tout d’abord par nous dire bonjour, c’est la reconnaissance de chacun, grâce à des photos ils doivent se reconnaître entre eux, nous reconnaître, en montrant du doigt la personne correspondant à la photo. Puis durant un quart d’heure ils font ce dont ils ont envie, ils ont des morceaux fétiches qui reviennent à chaque séance. Après, suit la séance de dialogue, une personne commence à émettre un son que les autres doivent reprendre afin d’obtenir un unisson, cet unisson et tenu quelques instants puis nous nous arrêtons les uns après les autres. Ensuite c’est l’expression corporelle, on met une musique et sur cette musique l’expression est libre.
-    Vous mettez une seule musique ou un enchaînement de différentes musiques 
C’est un enchaînement de musiques en général, des musiques de différentes origines, percussions africaines, jazz, musique traditionnelle, musique classique. On travaille sur le lent, le rapide, le grave, l’aiguë. Par exemple pour l’aiguë on se lève, pour le grave on s’assoit, pour les percussions africaines on travaille sur les changements de rythme, en accélérant ou ralentissant le pas.
-    Et ensuite vous terminez par une phase de relaxation 
Oui, la phase de relaxation permet d’obtenir un retour au calme, ils peuvent se recentrer sur eux- mêmes. Les enfants sont allongés au sol, les lumières sont tamisées on met une musique de relaxation, une musique très douce, très calme… C’est une séance de détente musicale.
-    Et en individuel quelles sont les différences 
En individuel les séances sont plus axées sur la relation duel, mon seul but est alors de pouvoir communiquer avec eux et d’arriver à les faire sortir de leur autisme, de leur enfermement. Là, c’est tout un travail de jeu autour de la musique mais ce n’est pas totalement pareil… Il y a possibilité de passage d’une prise en charge individuelle vers une prise en charge en groupe selon l’évolution de la personne.
-    Que pensez- vous de la reconnaissance actuelle de la musicothérapie, du musicothérapeute 
Pour arriver à se faire reconnaître c’est vraiment très difficile… Le diplôme n’apporte aucune reconnaissance, puisque ce n’est pas un diplôme qui est encore reconnu, chacun fait ce qu’il veut, dans les institutions… Les formations sont longues mais ne permettent pas d’être reconnues comme musicothérapeute, je suis toujours éducatrice spécialisée mais j’utilise la musique comme moyen de travail.

-    Que pensez- vous de la place de la musicothérapie en général, de son utilisation 
Moi je pense qu’elle est de plus en plus utilisée, la musicothérapie maintenant on en entend beaucoup parler, il y a beaucoup d’établissements qui prennent maintenant en compte la musicothérapie.
-    Et pour toutes populations ou plutôt ciblée sur une population 
Non moi je dirais pour toutes populations, aussi bien en gériatrie, en pédiatrie, que pour les adultes. Moi je l’ai vue utilisée par un musicien dans une maison de retraite. C’est une personne qui n’a pas de diplôme de musicothérapeute ni de formation de base (paramédicale).
-    D’après vous est-il possible de créer et animer un atelier de musique sans avoir de formation 
Cela me semble un peu difficile quand même. Moi au début, je n’avais aucune formation musicale quand j’ai utilisé la musique mais je l’ai utilisée sans point de repère, comme j’aurais utilisé la peinture ou la terre, simplement comme support.
-    C’était un atelier dans un lieu fixe, à horaires fixes 
Oui j’allais quand même dans une salle fixe, j’essayais de mettre des horaires fixes, mais j’y allais avec tous les résidents par exemple, il n’y avait pas d’indication particulière.
-    Avez-vous eu des difficultés des échecs qui vous ont amenés à faire une formation 
Non, ce qui m’a amené à faire une formation c’est de voir l’intérêt qu’apportaient les enfants à la musique, pour approfondir ces connaissances là.
-    Donc vous vous êtes rendu compte que vous étiez bénéfique pour les enfants malgré votre absence de formation 
Oui, donc j’ai pensé qu’avec une formation je pourrais mieux comprendre et mieux aider les résidants.
-    Est-ce que vous pensez qu’il y a des dangers à utiliser comme cela la musique 
Moi je pense que oui je pense qu’il peut y avoir des dangers, avec certains patients autistes, psychotiques, la musique peut être un enfermement, il faut vraiment faire attention à ce que l’on fait et ne pas le faire de n’importe quelle façon.
-    C’est un peu paradoxal car la majorité des personnes qui effectuent une formation de musicothérapeute, utilisait déjà la musique à des fins thérapeutiques avant de suivre cette formation.
Oui mais parce qu’ils étaient certainement musiciens, beaucoup ont une pratique d’atelier car ils sont musiciens eux-mêmes. Si déjà tu es musicien, même sans formation de soignant je crois que tu peux quand même apporter quelque chose aux résidents. Moi, je n’étais pas musicienne… J’ai été amenée à découvrir la musique en découvrant la musicothérapie…
-    Pensez-vous qu’il est nécessaire d’avoir une formation de base, infirmier, éducateur, (bien que cela ne soit pas obligatoire) pour suivre une formation de musicothérapeute 
Je pense que si tu es déjà musicien tu peux suivre une formation de musicothérapeute. Ce qui me semble primordial, c’est d’avoir une connaissance de l’instrument et de la musique. La formation de musicothérapeute comprend des cours de psychiatrie.


Entretien exploratoire n° 2  M. L.
M. L.musicothérapeute dans un I.E.M. en Limousin. L’entretien s’est déroulé à son domicile.
-    Quel est votre parcours musical et professionnel 
Parcours professionnel  j’ai passé mon diplôme d’éducateur spécialisé. Immédiatement après, j’ai fait une formation d’arthérapeute à l’A.F.R.A.T.A.P.E.M. (Association Française de Recherche et d’Application des Techniques Artistiques en Pédagogie Et Médecine), à la faculté de médecine de Tours. Après, j’ai fait une formation en musicothérapie au centre international de musicothérapie de Paris, et une spécialisation en relaxation sophrologique spirituelle.
Au niveau clinique, j’ai été éducateur pendant six ans puis j’ai basculé sur l’atelier d’arthérapie… J’ai fait la formation d’arthérapie un peu par hasard mais je ne regrette pas car c’est une formation qui permet d’aborder le phénomène artistique dans son ensemble, l’art premier, l’art second, après cela m’a permis d’entrer dans quelque chose de plus ciblé avec la musique. … A l’A.F.R.A.T.A.P.E.M. ils n'aiment pas trop que l’on parle de nos formations antérieures. Pour eux, la formation d’arthérapie doit se suffire à elle même mais en fait toutes les personnes que j’ai rencontrées et qui n’ont fait que cette formation là ont de grosses difficultés sur le terrain. … Le stage pratique ne remplace pas du tout une formation de base comme éducateur, infirmier etc.
A coté de cela, il y a aussi toute ma formation personnelle, musicale, et l’intérêt que j’ai toujours eu pour les musiques extra européennes. Tout cela m’a beaucoup apporté. C’est vrai que j’ai eu un parcours un peu éclectique (musique folk au sein d’un groupe occitan, puis voyage en Inde où j’ai appris le sitar, je me suis ensuite remis à la musique classique avec le piano, et depuis une dizaine d’années je pratique la musique celtique). Mais là aussi il n’y a pas de hasard, cela m’a amené effectivement à avoir une maîtrise de l’improvisation et une ouverture sur le plan musical qui me permet vraiment d’être musicothérapeute car dans la musicothérapie, c’est l’ouverture musicale et l’improvisation qui comptent le plus.
-    Pour vous, pour être musicothérapeute il faut obligatoirement être musicien 
Oui bien sur, même si je sais qu’il y a des courants qui disent le contraire. En musicothérapie, c’est pas indispensable mais c’est quand même autre chose, moi ce qui m’intéresse c’est de travailler avec la dynamique musicale.
-    Comment s’est déroulée l’ouverture de l’atelier de musicothérapie 
L’atelier d’arthérapie à ouvert entre la formation d’arthérapie et la formation de musicothérapie. Quand j’ai ouvert l’atelier je n’imaginais pas du tout la tournure qu’il prendrait et ce n’est qu’après plusieurs années de fonctionnement de l’atelier de musicothérapie que j’ai vraiment découvert sa vocation, sa spécificité au sein de l’institution. Le projet se réduisait à peu de chose, on avait bien conscience que la musique générait un certain nombre de phénomènes de l’ordre de la communication non verbale. Au- delà de ça, comment ça pouvait s’articuler au sein d’une équipe pluridisciplinaire, qu’est-ce que ça pouvait donner surtout au niveau des carences des enfants dont on s’occupait, ça j’en avais qu’une vague idée… Pendant la formation j’allais à Paris et quand je revenais cela me permettait de structurer les choses au sein de l’atelier et de comprendre ce qui s’y passait.
-    Quel est le nombre d’enfants qui viennent à l’atelier 
Cette année je vois, cinquante-cinq enfants sur quatre-vingts, sur une durée de trente deux heures hebdomadaire, par groupe ou en prise en charge individuelle.
-    Fonctionnez-vous toujours seul 
Non dans la mesure du possible je demande toujours qu’il y ait un adulte qui accompagne les groupes. Ce n’est pas toujours possible mais ça a plein d’avantages, d’abord parce que souvent en atelier musicothérapie, les enfants ont un comportement différent de ce qu’ils peuvent avoir dans le quotidien. Ils sont plus ouverts, plus créatifs, plus stables plus cohérents plus motivés quelque fois ou alors au contraire ils sortent de leur inhibition sont plus dissipés … Donc, pour moi, c’est important d’avoir un adulte référent de l’enfant en tant qu’observateur pendant la séance, en tant que relais. Un relais d’animation ça peut être aussi bien un enfant qui a une position de leader sur le groupe, qu’un adulte qui va servir un peu de tierce personne, d’intermédiaire entre moi et l’enfant, c’est à dire qui va l’aider à prendre un instrument par exemple…
Il y a une institutrice qui vient et qui note tout ce qui se passe durant la séance et régulièrement on se rencontre pour échanger nos ressentis, nos observations par rapport aux enfants… Elle est quelquefois très étonnée du comportement de certains enfants durant l’atelier parce qu’elle les découvre d’une autre manière, ça modifie le regard, ça modifie le regard des adultes sur les enfants.
C’est important pour eux, c’est important pour l’enfant aussi … En institution, quand on fixe une grille de lecture de la personnalité d’un enfant au niveau de l’équipe… dans un certain sens on cristallise son comportement dans cette étiquette là. Il est important d’avoir des moyens de faire évoluer le regard de l’adule sur l’enfant … dans des sphères comme celles là parce qu’on voit l’enfant d’une manière plus globale on peut vraiment voir l’enfant en tant que personne et non pas uniquement au niveau de ses carences et de ses limites.
Donc c’est important pour l’enfant, c’est important pour l’adulte et c’est important pour moi aussi car cela me permet d’avoir un regard objectif, extérieur.
-    Au niveau de l’évaluation faites- vous appel à un support vidéo 
Cela m’arrive mais c’est assez rare. Je l’ai fait quelques fois mais je me suis rendu compte que cela ne m’apportait pas plus que le fait que je note tout de suite après la séance.
-    Au niveau du choix des patients cela se fait de quelle manière 
Il y a en fait trois possibilités, la plus courante c’est en fait quand la musicothérapie est incorporée à un projet de secteur, …par exemple tous les enfants scolarisés ici sont pris systématiquement. La deuxième possibilité c’est une indication par réunion de synthèse… pour certains enfants, la musicothérapie devient dans un temps donné l’axe d’intervention majeur. Il y a une troisième possibilité, c’est une demande qui vient d’un enfant lui même mais c’est assez rare car les enfants que l’on a ici n’ont pas forcement la maturité nécessaire pour faire cette démarche là … cela arrive, c’est arrivé récemment.
-    Quelle est la proportion de prise en charge individuelle / groupe 
Il y a beaucoup plus de prise en charge individuelle, les prises en charge de groupe représentent environs dix pour cent des prises en charge… On va d’une prise en charge individuelle très proche ou l’on travaille vraiment dans le relationnel et l’on évolue vers l’autonomie, vers l’ouverture à l’autre, vers une synergie plus groupale… La prise en charge individuelle ne se justifie que quand il y a une problématique assez lourde, un problème de morcellement ou un problème d’inadaptation au groupe.
-    Est-ce que vous avez des enfants qui passent d’une prise en charge de groupe vers une prise en charge individuelle 
Oui mais alors c’est un autre cas de figure. C’est quand je constate qu’un enfant en groupe va être limité dans son expression à cause du groupe, quand je constate par exemple qu’un enfant a des capacités un peu " hors normes , aussi bien vocales que instrumentales, cela s’est produit deux fois cette année … Travail de la voix pour en faire un outil privilégié d’expression … Il y a un autre cas de figure beaucoup plus rare c’est le passage d’une prise en charge en musicothérapie vers une prise en charge individuelle de formation musicale … Ca s’est produit trois fois en vingt ans … on est passé de la musicothérapie à la musique (apprentissage du clavier).
-    Pensez vous que la musique puisse avoir l’effet contraire de celui escompté, c’est à dire amener à "l’enfermement" 
Je n’ai jamais constaté d’enfermement par la musique mais peut-être que c’est dû aux outils que j’utilise, au plus de l’indifférence.
-    Pensez-vous qu’une mauvaise utilisation de la musicothérapie puisse être dangereuse 
Oui tout a fait, mal utilisée cela veut dire que l’on n’utilise pas les outils appropriés. Car si l’on utilise une méthodologie inadaptée on peut risquer d’enfermer un enfant dans sa pathologie. Par exemple, il faudrait éviter qu’un groupe en improvisation parte dans ce que l’on appelle la “cogne” c’est à dire une dimension défoulatoire. Cette dimension défoulatoire ou cathartique est très importante. Elle rentre en ligne de compte mais elle doit être secondaire. Dans un groupe ce qui est prioritaire c’est d’abord de favoriser l’émergence d’une harmonie. C’est à dire que le groupe est porté, enveloppé par une dynamique. C’est pour cela que moi je travaille beaucoup avec des enveloppes sonores, ou dans des modes etc. Et après on pourra permettre au groupe de se “lâcher” mais il faut que les bases soient solides. Un groupe ça se construit de manière pyramidale.
-    Donc vous travaillez surtout en musicothérapie active, cependant est-ce qu’il vous arrive d’utiliser la musicothérapie réceptive 
Oui, alors en musicothérapie réceptive ça sera surtout des exercices d’écoute qui auront pour but de stimuler l’imaginaire, ou de stimuler la verbalisation. C’est intéressant pour les enfants car ça leur permet effectivement d’écouter un enchaînement musical avec une motivation, alors que sans motivation ils ont du mal à écouter… Ca sert à nourrir leur culture musicale, à stimuler l’imaginaire, et ça me sert à moi aussi car cela me permet de prendre la "température", de voir à quel niveau de maturité symbolique ils sont.
-    Quels sont pour vous les principaux avantages qu’apporte la musicothérapie 
Dans une institution, tout ce que l’on met en place autour d’un enfant c’est pour répondre à quelque chose de fonctionnel qui est défaillant. C’est à dire que l’on va mettre en place autour de l’enfant un panel d’intervention paramédical, thérapeutique, mais qui a pour but de travailler sur une partie défaillante de l’enfant (kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie) et toutes ces thérapies, si elles sont nécessaires n’en sont quand même pas moins réductrices de la personne, c’est à dire que l’on va se focaliser sur une partie défaillante.
Ce qui fait la spécificité de la musicothérapie c’est au contraire qu’elle va mettre en évidence les capacités et ce qui reste sain chez l’individu et qui est positif. Que ce soit d’ailleurs de manière active, comme de manière réceptive. Quand on travaille en relaxation on fait appel à la globalité de la personne, on va utiliser la musique pour mettre l’enfant dans un contexte où il va pouvoir vivre à nouveau dans son intégrité corporelle et psychique. Donc que ce soit d’une manière ou d’une autre on va mettre en évidence ce qui est sain. C’est en cela à mon avis que la musicothérapie trouve son originalité. C’est faire émerger l’être au delà ou en deçà des problèmes qui sont périphériques à l’être.
-    Comment est ressenti votre atelier au sein du centre 
Au départ, j’ai eu beaucoup de difficultés. Les deux trois premières années de fonctionnement de l’atelier les gens comprenaient pas trop ce que cela pourrait apporter, et très vite le climat a changé… Maintenant, depuis quelques années, l’atelier est entré dans ce qu’il est convenu d’appeler les sphères thérapeutiques, il est reconnu par les cadres, la directrice, la psychothérapeute, les médecins, et je dirais par l’ensemble du personnel.
Bien que quelques personnes n’évaluent pas encore l’aspect thérapeutique de l’atelier… Après quinze ans de fonctionnement c’est un atelier qui a vraiment trouvé sa place dans l’institution… Les éducateurs considèrent l’atelier comme un temps fort dans la prise en charge.
-    Que pensez-vous de la place actuelle de la musicothérapie en institution 
Ca se développe de plus en plus. Ces vingt dernières années ça a beaucoup évolué même si ce n’est pas encore tout à fait “monnaie courante” dans les établissements, j’en entend de plus en plus parler.
-    Et en ce qui concerne la place de la musicothérapie en psychiatrie 
Autant cela évolue et ça commence à prendre une place de plus en plus importante dans les institutions de notre type, dans les institutions privées autant, on en est à “l’âge préhistorique” dans le publique et dans le secteur hospitalier spécialisé, où là la musicothérapie est considérée comme une activité occupationnelle.
-    Comment cela s’explique 
Cela s’explique par le fait que les médecins et le pouvoir en place, n’autorisent aucune déviance et aucune tentative pour élargir le concept de soin.
-    Pour vous en musicothérapie, à quel niveau mettez- vous la place du musicien et celle du thérapeute 
Bonne question  (silence) Le musicien a certainement une plus grande part à jouer. Il est clair que pour le musicothérapeute la part du musicien est plus importante, au bout d’un certain temps de pratique, tu finis par avoir des réflexes thérapeutiques, c’est à dire que tu vas bâtir un projet, essayer d’amener la personne qui est en face de toi vers plus d’autonomie, vers la résolution ou vers une prise en compte plus saine de ses difficultés, par exemple faciliter et accompagner la prise de conscience d’un individu, mais je crois que le pourcentage du musicien dans le musicothérapeute est vraiment plus important.
Ceci dit un musicien n’est pas forcément un thérapeute ou il n’en n’a pas forcément conscience… J’ai cependant bien conscience que toutes les formations que j’ai faites plus le travail sur moi que j’ai dû effectuer, c’est quand même quelque chose qui maintenant me permet de me servir de la musique comme un médiateur de la relation, comme un outil me permettant d’accompagner l’enfant dans son éveil dans la structuration de sa personnalité. C’est vrai que si je n’avais pas fait ce travail d’ordre thérapeutique, il y a beaucoup de choses qui m’échapperaient.
-    Pensez-vous qu’il est important pour animer un atelier musique d’avoir eu au préalable une formation de base (éducateur, infirmier) 
Non seulement je pense que c’est important mais en plus je pense que c’est nécessaire. Moi toutes les personnes que je rencontre et qui me demandent quel cursus suivre pour devenir musicothérapeute, je leur dis toujours d’abord de passer par une formation d’infirmier, éducateur etc.
… Quand je dis que la part du musicien est plus importante c’est parce qu’elle est moteur. La musique, le fait que tu sois musicien ça va être vraiment le moteur de la prise en charge, car tu arrives avec quelque chose à donner, un cadre d’expression, avec un outil qui est extrêmement performant, qui est très évocateur, qui est très stimulant pour les personnes qui sont autour. Par la musique, tu vas pouvoir tout de suite créer un lien, tu vas pouvoir tout de suite inviter l’autre à rentrer dans cette dynamique de l’expression. Mais par ailleurs, si tu arrives sur un groupe sans savoir je dirais le “béaba” des problèmes de comportement, de synergie ou d’interaction qu’il peut y avoir dans un groupe, de par la spécificité des patrologies, tu vas alors avoir de très grandes difficultés. Ou alors tu auras un musicien et un animateur. Le musicien va être là lui, uniquement pour générer une dynamique, mais il n’aura pas la capacité de sentir son groupe, d’élaborer un projet, de comprendre les réactions.
Donc je crois que pour le musicothérapeute, la part du musicien est plus importante, mais pour la prise en charge globale, il est très important d’avoir une formation et une connaissance du terrain.
Entretien exploratoire n° 3  M. D.
-    Pouvez- vous m’indiquer quel est votre parcours musical 
Moi, à la base, j’ai commencé par la musique traditionnelle. Tout mon enseignement musical est passé par l’écoute. On apprend à écouter, on apprend les morceaux par cœur, on copie toutes les techniques de jeux, toutes les intonations. On essaye beaucoup de copier une sonorité, un timbre, une façon de jouer qui est beaucoup plus riche que ce que l’on peut écrire. J’ai travaillé en Suède sur les possibilités d’improvisations en groupe, pour savoir ce qu’il faut pour pouvoir improviser en groupe, quelles structures il fallait. Après, j’ai joué dans divers groupes, différents styles de musique, j’ai appris à jouer sur de nombreux instruments. J’ai fait de la musique traditionnelle américaine, écossaise, irlandaise. Après j’ai vu que les sons m’attiraient davantage que la technique, j’ai alors fait une musique plus lente plus méditative. Après, quand j’ai fait ma formation sur la psychologie transpersonnelle au Danemark, on a énormément travaillé sur les effets des sons. Cela fait maintenant vingt ans que je travaille sur l’effet des sons.
-    Est-ce que vous avez une formation de base, éducateur, infirmier 
Non pas du tout. Moi c’est plutôt psychothérapeute et musicien.
-    Et quand vous êtes arrivé en France avez-vous eu des difficultés pour travailler en tant que musicothérapeute 
C’est à dire que j’ai travaillé surtout dans des institutions, ça c’était plus facile. J’ai travaillé dans des C.A.T. (Centre d’Aide par le Travail), j’ai travaillé quatre ans dans un centre de détention. Ca, c’était moins de la musicothérapie stricte c’était plutôt des ateliers d’expression musicale, bien qu’il y ait toujours eu la composante thérapeutique pour aider les personnes ayant du mal à s’exprimer ou celles qui supportaient mal le milieu carcéral et avaient une tendance suicidaire. J’ai travaillé avec des chômeurs de longue durée en atelier d’expression.
-    Maintenant vous travaillez ici au C.A.T.T.P. sur une durée de combien d’heures 
C’est un quart temps, ça fait cinq jours par mois.
-    Vous effectuez plutôt des prises en charge individuelles ou de groupe 
J’ai essayé plusieurs formules, par groupe de quatre, de deux, mais normalement si on veut vraiment travailler thérapeutiquement, la plupart du temps il faut travailler seul. Les enfants d’ici ont des problématiques très spécifiques. Beaucoup ne parlent pas. Si l’on veut vraiment travailler sur leur problématique, et pas seulement sur le comportement social, car ils ont un problème qui est beaucoup plus sérieux que le comportement social, il faut travailler en individuel.

-    Et durant les séances vous utilisez plutôt la musicothérapie active ou réceptive 
Ici c’est de l’actif, la plupart du temps. Il y a des moments de réceptivité forcément mais je pense que toute musicothérapie active a besoin de moments de réceptivité.
-    Comment est ressentie votre activité par rapport aux autre soignants, avez-vous rencontré des difficultés 
Non, ici pas du tout. On est arrivé dès l’ouverture. Il y a une arthérapeute, il y a moi comme musicothérapeute et on faisait partie de l’équipe dès le début, c’était dans le projet. Le médecin chef voulait ça dès le début donc il n’y avait pas à questionner, à débattre. Par contre, pour l’arthérapie comme la musicothérapie, ce n’est qu’un quart temps, et cela fait maintenant quatre ans que l’on essaye de l’augmenter. Ce n’est pas facile de faire comprendre que c’est une nécessité et qu’il y aurait besoin de moyens.
-    Pour les enfants participant à l’atelier je suppose qu’il y a une indication une évaluation, comment cela se passe 
Oui bien sûr il y a une indication médicale, et nous avons des séances de synthèse où nous parlons d’un enfant à chaque fois, et j’ai une feuille d’évaluation où j’apporte un peu de mon originalité je crois. J’essaie de détecter la qualité de jeu d’un enfant, par rapport à ses émotions, ses états mentaux et le corps.
-    Par rapport à la musicothérapie, dans ce que vous m’avez envoyé vous m’avez parlé des avantages, mais pouvez vous me dire si vous pensez qu’il y a des limites, des dangers, relatifs à son utilisation 
Oui bien sûr, ça dépend avec qui on travaille. Mais ici, si je réfléchis je ne pense pas qu’il y ait eu une situation avec un enfant où cela aurait pu devenir dangereux. Je pense qu’il faudrait plutôt chercher du coté des adultes, ou des adolescents qui sont assis sur des émotions non exprimées, une grande colère ou des choses comme cela, ou des états psychotiques. Là il faut voir avec qui on travaille et si on est capable d’aider la personne après à “digérer” ce qui remonte. Parce qu’avec la musicothérapie, on peut faire remonter des traumatismes, des émotions, c’est un peu fait pour ça aussi c’est à dire parvenir à exprimer ses émotions pour arriver à exprimer ses sentiments, ses ressentis plus fins, et soit on donne des médicaments pour tout étouffer, soit on essaie de faire en sorte à ce que la personne réintègre cet aspect d’elle pour guérir. Donc ça c’est toujours difficile, et si on veut travailler vraiment là dessus il faut connaître ses limites à soi et “y aller molo” car si on laisse quelqu’un frapper comme un "dingue" sur un gros tambour pendant dix minutes c’est clair que ça fait bouger quelque chose, ça fait bouger le corps déjà, donc ça risque de débloquer des émotions. On peut faire remonter des choses. Aussi en musicothérapie passive, en écoutant certaines musiques, on peut avoir des choses qui peuvent être très perturbantes, donc ça il faut le savoir.


-    C’est pour cela que vous pensez que la personne qui utilise la musique doit être formée 
Oui comme dans tout. Si on veut travailler d’une façon thérapeutique il faut connaître ses limites, il faut se connaître soi même, ça c’est la base de tout… Pour moi, le plus important c’est le travail sur soi… Une formation même deux trois ans c’est assez court pour se connaître soi même c’est plutôt un voyage de toute une vie. Donc oui, il faut une formation mais s’arrêter après trois ans, il faut continuer à s’explorer.
-    Pour vous dans le musicothérapeute quelle est la place du musicien et celle du thérapeute 
(silence)
Ca dépend ce que l’on comprend par musicien. Je pense que l’on peut très bien travailler dans des ateliers d’expression à visée thérapeutique sans connaître la musique écrite. Il faut avoir une âme musicienne en soi mais ça peut être sur des instruments très simples, ça peut être que du chant, que du chant et un tambour. C’est clair que pour être musicothérapeute, il faut quand même avoir une âme musicienne et pouvoir se sentir bien dans ce qu’on fait, et pouvoir jouer avec des instruments, vouloir découvrir, expérimenter… Moi je n’imposerais pas un style de musique à quelqu’un qui veut travailler en musicothérapie. Chacun doit trouver son approche, ça peut être du piano mais ça peut être que du tambour, des bols tibétains, du chant etc.
-    Quelles sont pour vous les qualités essentielles que doit posséder un musicothérapeute 
Moi je pense que c’est surtout la connaissance de soi même, l’humilité, l’humilité de ne pas penser qu’on connaît tout, d’être ouvert, d’être disponible, d’être à l’écoute de l’autre. C’est une qualité de cœur. Je pense que la compassion est très importante. De ne pas être obsédé par soi même au point de ne pas écouter ou voir les autres. Je pense que le musicothérapeute a besoin aussi d’un sens des ressources que quelqu’un a au fond de soi, pour qu’une sorte d’autoguérison puisse se faire.
-    Comment expliquez vous le fait que la musique ait du mal à être reconnue 
Ce n’est pas reconnu déjà par la sécurité sociale donc ce n’est pas remboursé, ça c’est un handicap. Il y a des pays où ça bouge un peu dans ce sens là. Il y a des régions ou des villes où c’est pas connu. La musique je pense, c’est pris comme quelque chose d’artistique mais pas de thérapeutique.
-    Selon vous, pour mettre en place un atelier musique est-ce qu’il faut avoir suivi une formation de base, éducateur, infirmier par exemple 
L’important c’est de se connaître soi même. Alors par quel moyen on fait ça c’est secondaire. L’important c’est le résultat, et ce que l’on avance sur ce que l’on sait sur soi même et sur l’ouverture que l’on a envers les autres aussi… Après comme on travaille en France je pense qu’il faut avoir une formation de base, oui… On peut aussi faire une formation de psychothérapeute, de psychologue…même musicien je pense, on peut avoir un diplôme de musicien et après se spécialiser.
-    Une dernière question, vous intervenez à l’I.F.S.I …, combien de temps à peu près et sous quelle forme 
J’interviens trois heures par an pour leur présenter la musicothérapie.


Entretien exploratoire n ° 4  M. T.
J’ai réalisé cet entretien avec M. T., musicien intermittent du spectacle, par téléphone (pour des raisons d’éloignement géographique). Cet appel téléphonique a été enregistré.
-    Vous intervenez en tant que musicien dans l’accueil pour enfants handicapés (moteur et mentaux), comment avez-vous été contacté 
Nous avons été contacté par le directeur du centre, car il y avait une musicothérapeute qui intervenait auprès des enfants et qui a dû partir. Comme le directeur n’arrivait pas à lui trouver un remplaçant, il a contacté la “Grange Rouge”. C’est un lieu de rencontre de musiciens traditionnels et c’est de cette manière que nous avons été mis en relation. Nous n’avons aucune formation. Maintenant cela fait trois ans que nous intervenons au centre et nous n’avons vraiment pas envie d’arrêter. Au départ cela a été un peu difficile car nous avions des attentes, des envies de résultat sur le plan musical, qui ne correspondaient pas du tout aux capacités des enfants. On ne savait pas toujours quoi proposer car les capacités des enfants sont très hétérogènes. Il y en a qui sont capables de faire quelques accords de guitare alors que d’autres viennent juste là pour écouter. Il a fallu s’adapter, chaque enfant est différent, a un vécu et une culture qui lui est propre. Mais c’est un réel plaisir de travailler avec eux. Maintenant il y a une sorte d’attachement, il a fallu “mettre au panier” ce qu’on attendait mais en fait je pense qu’on a découvert avec eux une autre voie de communication, par la musique. Et c’est quand même grâce à la musique que l’on a pu pénétrer dans leur milieu, dans l’institution. Est-ce que nos résultats sont mesurables, je ne sais pas mais ce qui est sûr c’est que nous avons créé une véritable relation avec eux. Comme ce sont des enfants qui ont de très grosses difficultés au niveau du langage, par la musique nous avons vraiment trouvé un moyen de communication.
-    Quelle est la durée de l’atelier, et combien de résidents y participent 
L’atelier dure deux heures, il a lieu une fois par semaine. En fait avec D… V… nous intervenons à tour de rôle ce qui fait que j’interviens une fois tous les quinze jours. Pour ce qui est du nombre de patients participant à l’atelier c’est variable. L’atelier est un atelier ouvert donc tous ceux qui veulent y participer peuvent venir, c’est une activité volontaire. En principe ils sont dix ou douze résidents.
-    Comment se déroulent les séances 
Pour moi je n’ai pas de programme défini. Cela dépend comment je me sens et comment sont les résidents, en fonction de ce qu’ils ont fait durant la journée, de leurs attentes, en fait c’est vraiment interactif. En plus cela dépend de la période, en ce moment j’ai quand même un peu structuré l’atelier. En principe, je commence l’atelier par une chanson que j’accompagne à la guitare. Ils aiment bien chanter et même si ils ont de grosses difficultés d’élocution ils arrivent quand même à faire des sons pour accompagner. Depuis quelque temps, j’utilise aussi le didjéridou. Avant de chanter, je joue du didjéridou et j’accorde la guitare d’un des enfants sur les sons émis par le didjéridou. Il y a un enfant qui a un synthétiseur mais il a de grosses difficultés pour se mobiliser. En fait il ne peut mobiliser qu’un seul doigt. Pour lui ce que j’essaye de faire c’est de lui faire utiliser que les touches noires comme cela on peut travailler dans une gamme pentatonique et à tous les coups ça marche. Il y a une fille qui chante avec une voix de tête qui me semble être assez juste. En fait chaque enfant a maintenant un rôle assez bien défini, alors qu’au départ, la première année on avait abandonné cette idée de pouvoir faire un groupe, avec des résultats musicaux. Après, on fait un peu de percussions. Il y en a qui arrivent à faire et à comprendre quelques petites choses mais j’évite d’être trop technique. Ce que je fais aussi depuis quelques temps c’est que j’apporte un livre de contes et je leur lis des contes. Les contes quand on y met le ton, l’intonation, c’est presque de la musique. Ils sont assez réceptifs ils aiment bien cela. Pour stimuler leur écoute parfois, au milieu du conte je m’arrête et je leur pose quelques questions. Ce n’est pas toujours facile de se renouveler, de leur apporter quelque chose de nouveau, d’intéressant.
-    Est-ce que vous travaillez dans ce que l’on pourrait appeler la musicothérapie réceptive c’est à dire en leur faisant écouter de la musique 
Oui je viens toujours avec des disques. Ils écoutent beaucoup de musique à la télé, à la radio, ils ont une grande connaissance des musiques médiatisées, des tubes. En fait moi ce que je leur fait écouter c’est une musique beaucoup plus variée avec des choses qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre. J’apporte beaucoup de disques de musique du monde, cela leur fait découvrir d’autres choses, ça nourrit leur culture musicale, ça leur ouvre d’autres horizons.
-    Suite à l’écoute de ces musiques enregistrées, est-ce que vous leur faites verbaliser leur ressenti 
Non pas vraiment, je n’impose rien. Ceux qui veulent s’exprimer le font de manière spontanée, parfois ils expriment leurs réactions, par exemple dans la musique que je leur fais écouter il y a souvent d’importantes variations de volume sonore, certains n’ont pas l’habitude, ils sont surpris, ça les gène, donc ça les amène à réagir. Parfois je dirige un peu leur écoute en leur faisant trouver le nom des instruments de musique qu’ils écoutent.
-    Est-ce que vous êtes seul durant l’atelier 
Oui je fais l’atelier seul mais comme nous n’avons pas de salle réservée, nous ne somme pas dans un espace fermé. Nous sommes un peu entre deux couloirs alors on voit les soignants travailler, passer pendant la séance, ce n’est pas toujours facile. Mais bon, on est vraiment content de le faire, cela nous apporte beaucoup et je crois que pour faire cela il faut avoir envie de partager. Cela m’a appris à faire partager ma musique, moi j’ai plutôt l’habitude d’être sur scène, là c’est vraiment quelque chose de différent mais de très enrichissant.

-    Pensez-vous que la musique est reconnue par les soignants comme quelque chose d’enrichissant pour les résidents 
Non, il n’y a pas de réelle reconnaissance de la part des soignants et je pense que c’est vraiment dommage.



nous contacter:serpsy@serpsy.org