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MARTIN Eva

Promotion DONATIEN

2003-2006

UN GRAIN DE FOLIE EN M.C.O



INTRODUCTION

 

« Dans une relation, il faut toujours tenir compte du passé de chacun, de sa personnalité, de sa culture, de son statut social, du lieu et du moment où se situe la relation.

Même lorsque soignants, nous tentons d’aborder nos malades le plus objectivement possible, nous les « ressentons » avant de les connaître, et ce ressenti nous renvoie à notre passé, à notre expérience affective et notre histoire. » [1]

 

 

 

Même si elle est le plus souvent cachée, la maladie mentale touche un grand nombre d’individus. Ces personnes ne sont pas exemptes de maladie somatique et rares ont été les stages où il n’y avait pas un patient atteint de troubles psychiatriques. Il semble qu’il soit difficile de soigner chez une même personne les troubles psychiques et somatiques. Deux situations m’ont particulièrement interpellée et amenée à faire des recherches bibliographiques. Anne VEGA et Denise JODELET entre autres m’ont permis d’aller plus loin dans ma réflexion et de valider mon constat.

J’ai donc choisi comme thème de mon travail de fin d’étude, la folie et ses représentations pour expliquer certaines attitudes et certains propos de soignants exerçant en M.C.O[2], à l’encontre de patients atteints de troubles psychiatriques.

Ce questionnement m’est venu car ces attitudes se retrouvaient chez des soignants compétents tant sur le plan technique que relationnel.

Je me suis alors tournée vers les représentations sociales de la folie pour comprendre ces différents comportements et cette difficulté à mettre en place, avec des patients atteints de troubles psychiatriques, une relation soigné/soignant qui implique confiance, réassurance, et écoute.

En effet depuis toujours la folie inquiète, fascine, déroute. Une croyance longtemps répandue fut celle d’une possession démoniaque du corps et de l’esprit des malades mentaux. Encore aujourd’hui subsistent des doutes et conflits autour des définitions médicales de la folie et certaines images persistent. Chacun d’entre nous les véhicule, le plus souvent sous forme d’expressions telles que : « je suis fou de toi », « c’est un fou furieux », « ils vont me rendre folle », et plus récemment, « il est schizo », « c’est psychotisant »…

Derrière ces expressions se cachent les représentations sociales de la folie et par amalgame celles de la maladie mentale. Au travers des premiers résultats de l’enquête « La santé mentale en population générale : images et réalités », réalisée par l’O.M.S en collaboration avec la D.R.E.E.S, ces représentations sociales seront précisées.

Un bref rappel de l’histoire de la psychiatrie nous confirmera que les représentations sociales du fou ont toujours existé mais différemment et que certaines persistent encore comme celle de la dangerosité du « fou ». Il nous conduira aux nouveaux textes de loi comme la loi du 4 mars 2002 concernant les droits des patients, le décret relatif à la profession d’infirmier, qui décrit mieux les soins concernant la santé mentale, et la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ces textes visent une meilleure reconnaissance des personnes souffrant de troubles mentaux. Malgré cela les patients atteints de troubles psychiatriques sont accueillis avec une certaine réserve et la relation soignant/soigné a du mal à s’instaurer.

Pour éclairer ces difficultés je m’intéresserai au concept de représentations sociales pour ensuite expliquer leur impact au niveau de la relation soigné/soignant. Nous verrons ainsi que les représentations sociales se traduisent par l’émergence d’attitudes négatives ou positives agissant sur la relation soigné/soignant.

Ces différents apports pratiques et théoriques m’amèneront à une question de recherche qui sera l’objet de l’élaboration d’un outil d’enquête.

 

 

SITUATIONS D’APPEL

1)      1ère SITUATION

 

Au début de ma première année à l’I.F.S.I j’ai effectué un stage en médecine, au cours de celui-ci j’ai eu mon premier contact professionnel avec un sujet souffrant de troubles mentaux.

Ce stage a été pour moi un stage de découverte et une situation m’a interpellée.

 

a)      Description de la situation

Le poste de travail se déroule l’après-midi. Aux cours des transmissions l’infirmière du matin annonce l’entrée dans la matinée par les urgences d’un patient. Elle spécifie l’hospitalisation précédente de Mr Xavier en unité fonctionnelle de psychiatrie. Des remarques succèdent à cette annonce « L’après-midi va être mouvementée ». L’infirmière insiste sur ses antécédents de toxicomanie et les troubles psychiatriques notés dans le dossier. Elle précise que c’est une personne agitée et imprévisible dont il faut se méfier. Elle annonce ensuite le motif de l’hospitalisation dans l’unité : Altération de l’état général et globe vésical. Après le départ des soignants du matin l’équipe d’après-midi se retrouve dans la salle de repos pour boire un café. Ensuite l’infirmière part faire les soins programmés. Je reste avec les aides soignantes. Vers 15H, les aides soignantes passent dans toutes les chambres et distribuent le goûter. Nous arrivons à la chambre de Mr Xavier, l’aide soignante frappe puis rentre. Mr Xavier est dans son lit somnolent, il réagit à peine à notre entrée. L’aide soignante dépose le goûter sur l’adaptable et le lui signale. Puis nous sortons. Dans le couloir l’aide soignante semble plus apaisée, elle me dit : « Ils ont du lui donner une bonne dose de calmant ».

Dans les autres chambres l’aide soignante a le visage plus souriant, détendu. Elle prend le temps de discuter avec les patients, de les encourager à boire.

A mon retour du Week-end, au cours des transmissions l’infirmière de nuit nous signale que Mr Xavier a frappé d’un coup de poing au ventre une infirmière lors d’une injection de fraxiparine et qu’il peut avoir des réactions violentes lorsqu’on l’approche. Il est recommandé de faire les soins à deux par mesure de protection mais aussi pour pouvoir le contenir en lui maintenant les mains lors des soins. Au cours de la pause matinale sa chambre sonne, spontanément je me lève pour aller voir. Les aides soignantes m’arrêtent et me disent « N’y va pas, on ne sait pas dans quel état il va être, nous allons nous en occuper ». Puis elles rajoutent  « Si dans la matinée il sonne viens nous chercher ».

 

b)      Analyse de la situation

Dés le départ l’infirmière a mis en avant la provenance du patient et son suivi psychiatrique, et a fait  passer au second plan la raison pour laquelle il était hospitalisé. Les propos que l’infirmière a transmis à ses collègues traduisent une image assez péjorative de la personne suivie en psychiatrie. Les remarques échangées entre elles ont montré que cette vision était partagée par les autres membres de l’équipe. Les transmissions permettent aux changements d’équipe de continuer une prise en charge cohérente et individualisée de chaque patient. Or dans cette situation, il n’a pas été question de la mise en place d’une prise en charge spécifique du patient. On peut se demander si la méfiance des soignants envers le patient n’a pas induit  l’agression. En effet, comme nous l’avons remarqué, lors de la distribution du goûter, l’aide soignante modifie son attitude. D’habitude très ouverte, elle prenait toujours le temps de faire connaissance avec les nouveaux patients et de les stimuler. Avec ce patient la distribution me parut plus expéditive, son visage était tendu et j’ai senti une réticence de sa part à s’approcher de Mr Xavier.  Peur de le réveiller et de déclencher l’apparition de troubles du comportement ? Ou difficulté d’entrer en relation avec un patient ainsi décrit ?

Après les évènements du week-end, la réalisation des soins à deux a été conseillée pour la sécurité des soignants. Mesure rassurante pour les soignants qui leur a sûrement permis d’effectuer les soins au patient même s’il opposait de la résistance. Excepté la mise en place de cette mesure, aucune explication du geste n’a été recherchée comme s’il s’agissait d’une fatalité contre laquelle on ne peut rien. Au niveau de la prise en charge la priorité a été la sécurité et non pas le relationnel. L’agression peut s’expliquer par une mauvaise communication entre les deux protagonistes. Mr Xavier a pu s’agiter en voulant exprimer une demande. Cette agitation a pu être mal interprétée par l’infirmière déjà méfiante. Le défaut de verbalisation et le sentiment de peur de l’infirmière apparaissent comme des facteurs favorisants l’acte agressif de Mr Xavier.

La volonté des aides soignantes de me mettre à l’écart m’a surprise. Ont-elles voulu me protéger ? Et de quoi ? De l’agressivité ? De leur difficulté à gérer la situation ?

 

 

2)      2ème SITUATION

 

a)      Description de la situation

Lors d’un stage de 2ème année en chirurgie j’ai pu remarquer d’autres comportements qui m’ont interpellée. Pendant ma période de stage ce service a accueilli presque en même temps un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, une patiente traitée pour schizophrénie entrée pour une hernie, et une personne âgée, sans troubles connus, désorientée par son hospitalisation et qui se croyait à l’hôtel. Le fonctionnement du  service a plus ou moins été bousculé, des remarques comme « on se croirait chez les fous » se sont faites entendre.

J’ai remarqué tout d’abord que les infirmières[3] laissaient déambuler le patient atteint de la maladie d’Alzheimer dans tout le service y compris dans la salle de soin et de transmission. Il arrivait fréquemment de se retrouver nez à nez avec ce monsieur qui se glissait derrière vous sans un bruit. A priori cela ne les gênait pas. Beaucoup de patients se plaignaient de le retrouver dans leur chambre. Je n’ai assisté à aucun recadrage, ni à un projet de prise en charge pour limiter les déambulations.

Au niveau des soins cette personne n’était pas toujours coopérante, elle refusait surtout les injections de fraxiparine. Un soir je me suis occupée de ses soins, lorsque je lui ai expliqué que j’allai lui faire l’injection, il a refusé. J’ai un peu insisté, voyant qu’il n’était pas d’accord et qu’il commençait à s’énerver, je suis sortie sans lui avoir fait son injection. J’ai averti l’infirmier qui me dit « on va y retourner ».  L’infirmier a essayé de le convaincre à nouveau, le patient a commencé à nous insulter et à envoyer les mains en direction de la seringue. L’infirmier a alors dit « ça suffit » et l’a piqué tout en essayant de maîtriser par la force les gestes agressifs. Ensuite l’infirmier lui a dit « calmez-vous c’est fini, le repas va arriver », puis nous sommes sortis. La question qui m’est venue à l’esprit était dans quelle mesure pouvait-on imposer des soins à une personne. La réponse a été « normalement on devrait respecter le refus de soin mais là comme c’est un patient psy, il ne se rend pas compte de son état de santé donc il faut quand même lui faire ». Aujourd’hui je pense que j’aurais du me renseigner sur le type de prise en charge de ce patient.

A l’annonce de l’entrée de la patiente schizophrène Mme Alice, j’ai ressenti une inquiétude de la part des soignants leur souci était de savoir comment elle se comportait et qu’elle ait bien son traitement pour qu’il n’y ait pas de problème.

Il arrivait fréquemment que l’on se retrouve à quatre dans la salle de soin : l’infirmier, le patient atteint de la maladie d’Alzheimer, Mme Alice et moi-même.

Mme Alice sonnait souvent pour nous demander plusieurs fois si les démarches avaient été bien faites pour avoir la télé, ou si elle pourrait avoir du café... Les soignants rechignaient de plus en plus à répondre à ses demandes.

Lors d’un tour l’infirmier  présent me demande si on a étudié la schizophrénie pour que je réponde à ses questions (inquiétudes ?) et m’avoue l’avoir abordée lors de ces études mais de ne pas s’y être intéressé. Ses questionnements tournaient surtout autour des délires et de l’agressivité. Lors de la distribution des médicaments du soir des gouttes de neuroleptique supplémentaires étaient prescrites si besoin en cas d’agitation ou si présence d’angoisse. Les gouttes étaient données systématiquement sans demander à Mme Alice comment elle se sentait. J’ai demandé aux infirmières pour quelle raison, leur réponse a été « Tout le monde passera une nuit tranquille».

Après son opération, j’ai ressenti un agacement des soignants envers cette patiente. Les infirmiers passaient moins souvent dans sa chambre et tardaient à répondre à sa sonnette. Lors de la pause sa sonnette retentit, les soignants soupirent, je me propose d’aller répondre et l’infirmière me dit « Ca doit être encore pour son pansement, elle n’arrête pas d’appeler pour ça et il n’a rien, je lui ai déjà dit, elle attendra », comme j’insiste, il me dit « si tu veux, renforce le avec du sparadrap ça lui fera plaisir, tu sonnes s’il y a un problème ».

Une fois dans sa chambre je découvre effectivement que le pansement est bien en place et en le renforçant un peu je discute avec Mme Alice qui semble inquiète des suites de l’intervention « combien de temps je vais rester ici », « quand est-ce que je pourrais me lever »,  « je vais rester longtemps perfusée » et dit s’ennuyer. Je lui répond qu’elle va rester ici jusqu’à ce qu’il y ait une place en rééducation où elle restera environ 1 mois. La perfusion est là pour calmer le mieux possible les douleurs causées par l’intervention chirurgicale.

A mon retour j’en parle à l’infirmière qui ne relève pas. Mme Alice n’a plus sonné pour son pansement le reste de l’après-midi.

Le lendemain des infirmières d’une structure extra hospitalière qui suit Mme Alice, sont venues lui rendre visite. J’étais présente dans le service ce jour là mais je n’ai remarqué aucune transmission de ces infirmières et l’infirmière présente dans le service ne leur a demandé aucun retour.

 

b)      Analyse de la situation

La réflexion « on se croirait chez les fous », m’a permis de me faire une idée de la représentation des soignants présents d’un service de psychiatrie. Il est vrai que le service était d’habitude plus calme avec seulement le bip des sonnettes et les soignants dans le couloir. Depuis peu ces patients se retrouvaient dans le couloir à solliciter les soignants qui semblaient avoir du mal à gérer la patiente désorientée qui se croyait à l’hôtel et cherchait sa fille, et le patient atteint de la maladie d’Alzheimer qui les suivait.

Ce qui m’a le plus interpellé a été le fait de laisser entrer les patients dans la salle de soin sans essayer de leur expliquer qu’ils n’étaient pas à leur place. Les infirmières réalisaient leur travail sans leur prêter attention, comme s’ils n’étaient pas là.

Il y a aussi le fait de ne pas prendre en compte l’expression de leur volonté : Ne pas prendre en compte le refus d’être piqué, ne pas demander à la patiente comment elle se sent avant de donner les gouttes supplémentaires. Il n’est pas indispensable de leur demander leur avis. Ils sont considérés comme des enfants ou incapable de se prendre en charge.

Ensuite l’inquiétude vis-à-vis de Mme Alice et des « risques » qu’elle présentait, qui il me semble pour la plupart venait d’un manque de connaissance. J’ai remarqué aussi qu’aucun temps de parole ne leur était proposé par les infirmières de jour et que lors des soins la plupart ne s’attardaient pas. A leur habitude, même si les soignants étaient le plus souvent pressés, ils profitent du soin pour faire connaissance avec le patient et soulever d’éventuelles difficultés. Manque de temps ? Peur de ne pas être capable de répondre à leur angoisse ? Ou difficulté à prendre en compte leur demande ?

Cette difficulté des soignants à cerner les maladies mentales entraîne une gêne dans la prise en charge du patient. Les soignants, surtout dans ces services, sont plutôt centrés sur le curatif et ont alors du mal à se positionner face à ces patients. Ces difficultés pourraient conduire les soignants à mettre en place des mécanismes de défenses se manifestant dans cette situation par l’évitement des patients.

 

 

3)      QUESTION DE DEPART

 

De ces deux situations j’ai remarqué un défaut de communication avec les patients suivi en psychiatrie et l’émergence de contre attitudes marquée par l’image que se font les soignants de ces patients.

Cela m’a amené à me poser cette question :

« Comment les représentations négatives de la folie des soignants influent sur la relation soignant/soigné lors de la prise en charge d’un patient suivi en psychiatrie et hospitalisé en M.C.O ? »

 

 

PROBLEMATIQUE PRATIQUE

1)     LEGITIMATION DE LA PROBLEMATIQUE

 

Dans son ouvrage « Une ethnologue à l’hôpital »[4], Anne VEGA (spécialisée en anthropologie de la maladie et enseignante auprès des personnels soignants) a observé des contre attitudes de la part des soignants envers les patients souffrant de troubles psychiatriques ou ayant ces caractéristiques. Certaines de ces contre attitudes sont comparables à celles auxquelles j’ai été confrontées.

Elle rapporte des paroles prononcées par les soignants qui témoignent des représentations négatives de la folie et des patients souffrant de troubles psychiatriques.

Son ouvrage présente la chronique d’une semaine dans un service de neurologie d’un hôpital de Paris. A.VEGA met en évidence les rituels qui permettent aux soignants de se préserver des dangers de la contamination symbolique que représenterait les patients et nous décrit les représentations dominantes du mal, de la contagion, de la personne, de la parole.

A.VEGA a remarqué sur le terrain que les malades sont présentés avant leur arrivée, les groupes socioculturels investis par les médias deviennent parfois l’objet de classifications sommaires : « l’alcoolo », le « toxico », les « clodos », etc., faisant presque disparaître la raison de leur hospitalisation. Ces discours rarement neutres ont tendance à marquer l’identité du malade au cours de son séjour.

Les rumeurs d’un passage en psychiatrie, la simple prise de médicaments antidépresseurs ou anxiolytiques, ou encore l’expression trop bruyante du malade (ou de ses proches) de son désoeuvrement ou de besoins particuliers, suffisent à faire de lui d’emblée, « un malade de la tête ». Les « déments » sont les représentants les plus « dangereux » des malades incurables des nerfs. Leurs symptômes d’ordre psychiatrique sont guettés et font immédiatement l’objet de discussion. Cependant, ce sont également « leur caractère impossible », leur roublardise qui semblent davantage redoutés.

C’est une situation qui se retrouve fréquemment. Les soignants se préoccupent alors plus souvent, comme lors de mon constat, des antécédents et du comportement supposé du patient que du motif d’hospitalisation et ses conséquences sur le patient. Les soignants attribuent alors au patient  des attitudes et ressentis correspondant à l’image qu’ils ont de ce groupe de personnes. Le patient perd alors son individualité et a même parfois tendance à adopter les comportements attendus par les soignants pour être reconnu. 

Un autre type d’attitude a surpris A.VEGA. C’est la crainte des soignants d’avoir des lits vides et les moyens employés par la surveillante pour éviter d’accueillir des patients « lourds » comme des personnes âgées dépendantes, des malades venant de psychiatrie ou atteints du SIDA.

A.VEGA aborde la notion de « bons » et « mauvais » patients au cours de son récit, notamment lorsqu’elle nous décrit cette situation : “La secrétaire annonce une entrée prochaine « hyper chiante, une folle qui vient tout droit de psy », « c’est un hôpital qui nous envoie ses mauvais malades ». Les angoisses profondes des soignants ressurgissent. Un peu à la manière des hôpitaux du XIX ème siècle décrit par Foucault, la tentation est toujours tenace de restructurer l’espace de travail, de reconstruire des frontières étanches afin de séparer les « bons » des « mauvais » malades.

En neurologie, les désordres psychiatriques des malades « déments » semblent les plus redoutés. Et que penser de ceux atteints de maladies ayant un statut quasiment extérieur à la médecine, renvoyant aux pathologies de la personnalité ou à des étiologies sociales (toxicomanie, alcoolisme) ?

Il faut séparer les différentes catégories de malades pour mieux les surveiller, mais plus encore pour mieux se différencier et se préserver des patients incurables.“[5]

On retrouve parmi les « mauvais » malades, à la fois les malades « lourds » (incurables, atteints de pathologie chroniques, venus des urgences), mais aussi les « psys » (malades aux états de conscience fluctuants). Mais dans tout les cas de figure, les « mauvais » malades sont ceux vis à vis desquels l’infirmière ne peut exercer son rôle de soignante curative. Ils obligent les infirmières à réinvestir le simple rôle d’accompagnatrice, de « psychologue », que seules les meilleures professionnelles semblent prêtes à assumer. “[6]

Ses observations l’amène à se poser cette question « La folie réelle ou supposée d’une minorité de malades serait-elle à ce point contagieuse ? ». Cette idée de contagion est reprise plus loin dans l’ouvrage dans le chapitre « De la saleté ordinaire à la contagion ». Anne VEGA nous décrit cette situation : “ En sortant de la chambre, l’infirmière me dit qu’elle ne devrait pas travailler sans gants car « on ne sait jamais ». Selon elle le malade ne va pas bien, « il est fou » (il a des de nombreux médicaments anti-dépresseurs et anxiolytique) et « a mis les mains aux fesses d’une infirmière hier ». “ [7]

J’ai rencontré cette idée de contagion mais plus souvent exprimée comme l’inquiétude d’attraper des maladies telles que le V.I.H, l’hépatite…, bien séparer la vaisselle des patients de celles des soignants. Cette inquiétude restait présente même avec la présence de résultats négatifs.

L’idée de contagion de la folie n’est pas clairement exprimée mais se retrouve lors de remarques telle que « Je vais devenir aussi fou qu’eux ». Cette idée de contagion n’est pas présente dans mes situations d’appel mais a aussi été relevée par D.Jodelet dans « Folie et représentations sociales ». Elle se retrouve aussi fréquemment en service : Emploi des gants systématique pour certains patients, séparation de la vaisselle des patients de celle des soignants…

Cette notion de contagion est abordée dans l’ouvrage de Mary Douglas « De la souillure »[8]. On pourrait alors expliquer le rejet et l’évitement des patients atteints de troubles mentaux. Cela permettrait à la société de se protéger de « la pollution », mais aussi de préserver sa structure. L’idée de société est une puissante image, capable à elle seule de dominer les hommes, de les inciter à l’action. Cette image à une forme. Elle a ses frontières extérieures, ses régions marginales et sa structure interne. Dans ses contours elle contient le pouvoir de repousser l’agression. Quand l’individu n’a pas sa place dans le système social, c’est aux autres, semble-t-il, de prendre leurs précautions, de se prémunir contre le danger. L’individu marginal ne peut rien changer, de lui-même, à sa situation.

Franchir une barrière sociale est considéré comme une souillure redoutable. L’auteur de la souillure fait l’objet de la réprobation générale, et cela à deux titres : il a franchi la ligne, et il constitue un danger pour autrui.

A.VEGA remarque aussi que dans ce service de neurologie, la catégorie des « psys » regroupe les différentes sémiologie de la folie : l’agitation des corps, les changements brusques de comportement et toute velléité de déviance (refus de se plier aux normes collectives, les fugues, les manquements aux rituel de toilette…)[9].

Elle observe aussi que même à l’hôpital et parmi les soignants, subsistent des doutes et conflits autour des définitions médicales de la folie.

 

Ses différentes observations viennent confirmer les miennes et m’engage à tenter de comprendre les relations entre les infirmières de médecine générale et les patients souffrant de troubles psychiatriques.

Comme nous l’avons vu au cours de ces différentes situations, les représentations négatives de la folie et de la maladie mentale sont très présentes et se retrouvent dans la prise en charge des patients.

Ces représentations ont fait l’objet d’une enquête auprès de la population en général Cette enquête va nous permettre de cerner les représentations de la maladie mentale et de la folie et ainsi l’image que renvoie un patient atteint de troubles psychiatriques. Nous verrons ensuite si les infirmières partagent ces représentations.

2)      REPRESENTATIONS SOCIALES DE LA FOLIE DE LA POPULATION GENERALE ET SES CONSEQUENCES

 

Cette enquête a été effectuée par l’OMS en collaboration avec la DREES[10]. Elle est intitulée « La santé mentale en population générale : Images et réalités ». Elle nous renseigne sur les représentations des problèmes de santé mentale de la population.

Elle nous rapporte ces éléments : «  Dans les représentations qu’a la population des problèmes de santé mentale, les termes de “ fous“ et de “malade mental“ restent le plus souvent associés à des comportements violents. 45% des personnes interrogées pensent par exemple que commettre un meurtre est associé au fait d’être un “fou“ et 30% “malade mental“. Mais le “malade mental“ est plus souvent perçu comme ayant un problème médical. Le “dépressif“ est quant à lui considéré comme accessible aux soins et à la guérison par 94% des personnes alors que seulement 55% pensent qu’on peut guérir un “fou“ et 69% un “ malade mental“ »[11].

D’autres part les comportements liés aux troubles mentaux tels que le délire, les hallucinations, les déficiences intellectuelles sont associés au « malade mental » pour prés de la moitié des français métropolitains.

Un supplément de l’infirmière magazine intitulé « Discrimination à l’œuvre »[12], reprend cette enquête et précise que la majorité des personnes interrogées estiment qu’un « fou » n’est pas conscient de son état et « ne souffre pas » de son état. Elle montre aussi que contrairement aux perturbations du « fou », les troubles du « malade mental » justifient des soins. Les personnes interrogées croient davantage à l‘efficacité des thérapie dans le cas du « malade mental » que dans celui du « fou ».

Cet article aborde aussi le rejet dont sont victimes ces patients, et les préjugés des soignants à leur égard. Il met en cause un manque de connaissance de la population, prouvé par l’enquête, malgré une forte médiatisation des troubles psychiques. Ce manque de connaissance se traduit par la peur de l’inconnu. Peur qui est appuyé par la remarque d’une infirmière d’un hôpital psychiatrique de la région lyonnaise : « Souvent, quand j’explique où je travaille, la réaction est toujours la même : on me demande immédiatement “ tu n’as pas peur ?“ ». La maladie mentale nous renvoie aussi à nos propres peurs. Claude Finkelstein (présidente de la Fnap-Psy) a confié « Nous avons tous quelque chose, nous avons tous nos petits délires, une baisse de tonus, un peu de stress ». Elle souligne aussi la peur de faire face à la souffrance psychique car elle est plus complexe et moins visible. « Quelqu’un qui boîte, cela se voit ; quelqu’un qui souffre psychiquement, on ne le voit pas. Les gens ont donc peur de ne pas savoir comment aider. Un aveugle, on peut l’aider à traverser. Un malade psychique, on ne sait pas comment s’y prendre, donc on le rejette. »

L’article montre la persistance des idées reçues et a priori dans l’esprit des gens, qui trouvent aussi écho auprès du personnel médical et paramédical. Aude Caria (psychologue à l’hôpital Sainte-Anne à Paris et responsable méthodologique de l’enquête) le confirme « Les préjugés sont aussi forts chez le personnel soignant, voir parfois plus fort, même chez le personnel travaillant dans des services psychiatriques. Car ils ne voient que les cas extrêmes et ont donc une vision déformée de la maladie mentale. »

Les observations d’une jeune infirmière, qui a choisi de travailler  aujourd’hui en psychiatrie, confirment mon constat et montrent que les idées reçues ont la vie dure. « Je me souviens, quand je travaillais en chirurgie, mes collègues délaissaient la prise en soins de ces patients et les orientaient vers l’antennes « psy » de l’hôpital. »[13]

L’article s’attaque à la vulgarisation sémantique et le traitement médiatique qui participent à la stigmatisation des personnes souffrant de troubles psychiques. Il s’appuie sur des phrases que nous avons tous déjà employés ou entendus. Le plus souvent elles sont utilisées comme des insultes et participent à renforcer l’image négative de la maladie mentale.  On retrouve « T’es ouf ! », « il est schizo », « il est autiste », « mon voisin est débile »…

Il reprend des événements de l’actualité pour montrer cette stigmatisation comme la sortie de la peluche baptisée « Nazo le schizo » en 2003 (retirée du marché) et la médiatisation du drame de Pau. Aude Caria  réagit à l’évènement : « avant de connaître les circonstances du drame, il est tout de suite évident que c’était l’acte d’un malade. Les médias ont eu les mêmes préjugés que tout le monde, ils ont associé crime à maladie mentale. Mais dans un deuxième temps, cela a été plutôt bénéfique, car ils ont parlé de la schizophrénie, du traitement humain, des difficultés d’accès aux soins. »[14].

Cette stigmatisation a de lourdes conséquences dans la vie quotidienne des personnes souffrant de troubles psychiques. D’abord parce qu’elle contribue à détériorer l’image déjà peu positive que portent les malades sur eux-mêmes. Ensuite elle leur complique la vie : toutes les démarches pour trouver un emploi, un logement ou tout simplement remplir un document administratif sont difficiles.[15]

La conséquence la plus invalidante du stigmate est l’invalidation sociale. La marque socialement représentée comme honteuse autorise implicitement la communauté à se comporter de manière rejetante

L’étude de Laubert & al[16] a montré qu’une communauté irait jusqu’à confisquer des droits fondamentaux aux malades mentaux sur la seule mention de « malade mental ». Ainsi, 67% d’une population interrogée estime qu’on doit retirer le permis de conduire au malade, 33% pense qu’une femme atteinte de schizophrénie doit avorter si elle est enceinte et 27% juge que les troubles mentaux justifient à eux seuls le retrait du droit de vote.

Crisp & al.[17] démontrent que le grand public est capable de distinguer sept maladies mentales, toutes péjorativement connotées. Cette étude cherche le plus petit dénominateur commun aux stigmates. Ce dénominateur est « la différence ». L’étiquette « malade mental » rend différent.

Tous ces « a priori » négatifs ne sont pas sans conséquences sur les personnes souffrant de troubles psychiques. Ils auront beaucoup de difficultés à s’identifier à ces images et donc à accepter leurs troubles. Il en sera de même pour leur famille et leurs proches.[18]

Le témoignage d’une personne souffrant de schizophrénie depuis l’âge de 20 ans nous montre l’impact des préjugés sur l’acceptation de la maladie. « Ce qui me révolte, c’est que nous souffrons beaucoup, mais que les gens ne semble pas réaliser à quel point cela est insupportable car ce n’est pas marqué sur notre front. J’ai mis longtemps avant d’accepter la schizophrénie, encore plus pour en parler autour de moi. D’ailleurs, je ne parle pas de la pathologie à mon entourage, mais uniquement de mes hospitalisations ou de mes médicaments, c’est déjà assez embarrassant. »[19]

Cette condition dite « stigmatique » est un facteur additionnel de vulnérabilité pour le patient. L’expression de la différence du malade parasite les relations avec ses semblables. Chaque fait, chaque geste, toujours suspect d’être l’expression de la maladie, remet en cause la capacité du sujet à s’autodéterminer. Face à l’œil social inquisiteur, le patient va cacher autant que possible tout indice qui permettrait qu’on l’affuble du stigmate psychiatrique dont il connaît le pouvoir dévalorisateur. Ce jeu du faux semblant, de dissimulation d’information est nécessairement perdant et coûteux en énergie. Si le stigmate est lisible, non dissimulable, le sujet est déclassé, narcissiquement miné par les assauts constants de sa nouvelle condition, dont on peut penser qu’elle va alourdir la prise en charge et grever le pronostic[20].

 

 

3)      LA DEPRESSION, LA FOLIE, LA MALADIE MENTALE

 

Laurent Defromont a travaillé sur les questions ouvertes de l’enquête image et réalité : Qu’est ce qu’un fou, un malade mental, un dépressif.

Le découpage de ces thèmes montre leur proximité respective : le fou et le malade mental sont relativement proches dans leur description  et ne sont individualisés que tardivement.

 

a)      Le depressif

C’est un terme qui a été beaucoup médiatisé, on peu évoquer une information à travers de nombreux articles de vulgarisation scientifique. C’est à dire que l’information scientifique prédomine sur ce thème.

C’est la souffrance morale qui prédomine le tableau et la vision négative du monde, «c’est une personne qui broie du noir tout le temps, qui voit dans la vie et dans les gens que les cotes négatifs, qui s’isole, qui pleure souvent, qui ne cherche pas a se changer les idées ». 

On retrouve des relations de cause à effet dont le travail, les causes familiales, et problèmes sentimentaux qu’on ne retrouve pas avec les autres termes.

La dépression est ici clairement environnementale. Elle ne survient pas du fait de la vie psychique. On se rapproche peut être plus de la notion de stress. La dépression a forcement un sens : « Quelqu'un qui a des problèmes divers: personnels, familiaux, professionnels. Il peut y avoir plusieurs sortes de dépression, par amour, déception, maladie. »

La dépression ressemble ici à la souffrance psychique. Cela vient aussi expliquer pourquoi c’est un diagnostic qui a la faveur des populations.

Le dépressif semble avoir du mal à faire des choix, à résoudre des problèmes, comme s’il avait une liberté dont il ne savait que faire, contrairement au fou qui n’en a pas[21].

 

b)      Le fou

Il est en marge de la société, de la norme, du monde. Non seulement il ne correspond pas à la norme mais en plus notre réalité n’est pas suffisante pour expliquer ce qu’il est ou ce qu’il fait. Aucune de nos règles ne s’applique au fou, on ne peut donc pas le définir, l’expliquer. Le fou est incompréhensible et impossible à décrire donc il peut faire n’importe quoi à n’importe quel moment : « Il est capable de faire n’importe quoi », « Une personne qui ne sait pas ce qu’elle fait, elle peut tuer ». C’est la mise en acte de la folie qui apparaît. Le fou est donc dangereux, tous les actes transgressifs possibles se retrouvent dans cette classe.

Cette notion de danger est souvent mise en avant mais elle est aussi reliée à l’imprévisibilité du fou.

La mise en acte de la folie n’est pas attribuée à la volonté du fou qui ne se maîtrise pas. Il n’agit pas ses actes, il n’en n’est pas conscient, ni responsable, il y a perte du contrôle.

Le fou ne semble pas répondre à la psychologie humaine, on peut même se demander s’il répond aux lois de la physique.

Il a quelque chose d’irréel tant il n’est pas de cette réalité, « Quelqu’un qui a perdu les notions de la réalité qui l’entourent. Il agit en fonction de ses propres règles, s’il en a ».

En définitive le fou n’est régi par aucune loi, même pas celle de sa propre vie psychique ou de sa propre volonté.

Nous savons que le fou c’est toujours l’autre parque c’est quelqu’un à qui nous n’attribuons aucun sens, alors que soi, nous pouvons toujours attribuer un sens à ce que l’on fait, on parle d’ailleurs de rationalisation.

On comprend pourquoi la peur de devenir fou est dans les peurs les plus intenses en psychologie que l’on retrouve dans l’angoisse et les attaques de panique.

Le troisième thème lié au fou est une critique de ce terme. C’est un terme reconnu comme péjoratif, et qui ne possède pas de sens univoque. Régulièrement ce qui motive ce rejet de ce terme c’est une volonté de rationalisation, de médicalisation de la folie.

Le fou correspond à la question de la maîtrise de soi et de sa propre liberté psychique[22].

c)      Le malade mental

L’hérédité et la génétique sont régulièrement évoquées : « Suite de sa naissance ou d’un accident, altération des capacités intellectuelles ». On notera une relation forte entre l’organique et l’efficience intellectuelle, comme si cet organe qu’est le cerveau ne servait qu’à l’intelligence : « Qui a perdu tous les sens du cerveau. Quelqu’un qui n’a pas toutes ses fonctions au niveau de la tête ».

Le soin est évoqué de façon massive et sans équivoque mais plus dans le sens de l’accompagnement d’un handicap. Etre malade mental c’est avoir un handicap lourd : « C’est une personne qui a une pathologie définie comme mentale et qui peut à plus ou moins long terme être traitée avec des médicaments et un suivi… C’est quelqu’un qui ne peut pas suivre des études, qui n’arrive pas à se débrouiller seul, qui doit être suivi par des médecins, soigné, encadré ».

Contrairement au fou le malade mental a une explication médicale et c’est rassurant. Il y a quelqu’un qui le comprend : « il existe un sens une raison à la maladie mentale».

C’est le terme mental qui est connoté de façon péjorative. D’où la difficulté d’utiliser des termes comme maladie mentale, santé mentale vu leur appréciation dans la population[23].

 

 

4)      UN PEU D’HISTOIRE

 

Si nous nous intéressons à l’histoire de la psychiatrie, nous pouvons voir qu’elle est étroitement liée aux représentations de la folie.

La naissance de la psychiatrie a fait suite aux volontés de comprendre et surtout de s’expliquer les raisons de la folie.

Dans l’antiquité, la folie commence à être rattachée à des modèles que connaît la médecine. Mais aux yeux de la religion chrétienne  et de la population, les malades mentaux sont considérés comme des hérétiques, hostiles à l’égard du divin.

Au moyen âge, le malade mental est considéré comme possédé par le démon. Le fou n’a plus de prise sur son esprit, il est l’incarnation du diable.  Cette image du fou possédé par le démon ne disparaîtra jamais complètement.

C’est à la renaissance que certains essaient d’expliquer la maladie mentale. Ils cherchent les pierres de têtes, ouvrent les crânes ou d’autres, comme le médecin Jean WIER, proposent une description clinique de la folie. Certains philosophes s’opposent à l’élimination physique des fous. Le philosophe Erasme écrit « L’éloge de la folie »[24].

En 1656 un édit de Louis XIV crée l’hôpital général et on assiste à ce que l’on appelle le « grand renfermement ». Pendant cette période plusieurs édits ont été promulgués et ont conduit à l’enfermement des malades mentaux dans les hôpitaux. L’internement des fous au même titre que les débauchés et les libertins n’est pas du à la méconnaissance de la folie comme maladie mais aux similitudes à la férocité animale qu’on lui prétend. De ce fait on ne peut la maîtriser que par le dressage et l’abêtissement, comme l’écrit Mathurin Régnier « La folie éclate dans sa visible aberration et montre qu’elle a la tête vide et sans dessus dessous ».

L’internement n’a pas été une pratique médicale, le rite d’exclusion auquel il a procédé n’a ouvert sur aucun espace de connaissance positive. Le « fou » reste toujours l’autre, il est mis à l’écart et maintenu hors d’état d’inquiéter [25].

En 1793, Philippe Pinel prend la décision de libérer de leurs chaînes les malades agités. Les « fous », les insensés acquièrent alors le statut de malade et peuvent et doivent faire l’objet de soins. Une  séparation s’effectue entre hôpitaux généraux et institutions chargés de soigner les malades mentaux (asiles). On voit apparaître l’ébauche de la relation soignant/soigné fondée sur la non violence, la recherche de l’équité et le respect de l’autre ainsi que des éléments éthiques et déontologiques relatifs à toute pratique soignante.

Le 19ème siècle est marqué par la loi de juin 1838 faisant obligation à chaque département de créer un asile qui prend en charge les aliénés.

Cette loi définit deux modes de placement : le placement d’office et le placement volontaire. Ils ont été mis en place d’une part pour protéger la société et d’autre part assister le malade mental. Elle permet l’apparition de l’idée d’une référence géographique, d’un découpage de l’espace en aires de soins, prémices de la sectorisation.

Esquirol prône l’isolement thérapeutique et parle de l’asile comme d’un outil efficace si il est utilisé à bon escient.

Le 19ème siècle est aussi marqué de manière indélébile par l’industrialisation et l’avènement du prolétariat. L’association entre classe laborieuse et classe dangereuse se grave dans l’imaginaire social. La psychiatrie devient alors l’un des outils du pouvoir répressif de l’état sur cette classe désignée comme dangereuse.

En 1870 Charcot démontre par l’hypnose que l’hystérie n’a pas d’origine organique. Sigmund Freud assiste à ces « représentations » mais s’aperçoit rapidement que l’hypnose a ses limites et va utiliser les associations libres.

Freud en collaboration avec le Dr Breuer va bouleverser radicalement l’étude des troubles mentaux. Il sera le précurseur de la psychanalyse et ses théories marqueront à long terme la psychiatrie avec la découverte de l’inconscient.

L’idée d’une psychiatrie publique fondée sur l’accueil et la prévention est semée.

Au début du 20ème siècle, des mouvements associatifs mettent l’accent sur une prise en charge globale du malade mental.

D’autre part on découvre de nouvelles thérapies comme l’insulinothérapie en 1933, la sismothérapie en 1938. Toutes ces avancées restent en suspend car en 1939 durant la deuxième guerre mondiale au nom de la pureté de la race aryenne les malades mentaux disparaissent avec les Juifs dans les camps de la mort.

Des analogies sont faites entre enfermement psychologique et maladie mentale, entre hôpital et univers concentrationnaire. Elles vont amener des gens comme Bonnafé, Daumezon, etc. à générer le mouvement des psychothérapies institutionnelles Ils vont remettre en cause l’action répressive de l’asile.

De nombreuses structures se créent : Club, ateliers thérapeutiques, toutes structures qui s’efforcent d’autonomiser les malades en évitant la rupture avec le tissu social.

L’apparition des neuroleptiques dans les années 50 facilite la relation entre  l’infirmier et le patient.

L’infirmier passe du rôle de gardien à celui de soignant. De là naît une formation infirmière spécialisée en 1955.

Le 15 mars 1960 une circulaire crée la sectorisation psychiatrique mais il faudra attendre le 31 décembre 1985 pour qu’elle fasse l’objet d’une loi.

La loi du 27 juin 1990 relative à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux conforte cette évolution  en faisant de l’hospitalisation libre la règle commune et l’hospitalisation l’exception.

La sectorisation à travers un long processus de désaliénation a refait de l’aliéné l’un de nos semblables[26] .

En 1992 un programme unique d’études unifiant les filières fait disparaître le diplôme d’infirmier psychiatrique et conduit au diplôme unique.

 

 

5)      VERS UNE RECONNAISSANCE ?

 

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé à confirmé la tendance rapprochant justice et santé, de considérer qu’aucune spécialité médicale n’a de spécificité et que la psychiatrie n’a pas lieu d’être isolée du moment où sont inscrit dans la loi les droits de la personne malade. Cette loi reprend en partie la « charte du patient hospitalisé »[27], qui avait été publiée en annexe d’une circulaire du 6 mai 1995. Néanmoins, cette charte est apparue très rapidement insuffisante pour certaines associations de patients. C’est donc en réponse à leurs attentes que cette loi a été mise en place.

La loi pose le principe de « non-discrimination, notamment en raison des caractéristiques génétiques ». La personne malade a droit au respect de sa dignité Elle proclame ainsi le « droit fondamental à la protection de la santé », qui doit être mis en oeuvre par tous les moyens disponibles. Les établissements de santé doivent ainsi « garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ». [28].

L’exigence d’information de la personne malade transmise par tout professionnel de santé constitue une pièce maîtresse de cette loi dans une optique d’équilibre de la relation soigné/ soignant. En effet elle donne le droit à toute personne d’être informée sur son état de santé. Cette information doit être délivrée au cours d’un entretien individuel, adapté au niveau de compréhension de chaque individu, portant sur « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles (ce qui exclut les risques exceptionnels) qu’ils comportent, ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ». La loi rappelle également : « aucun acte médical, ni aucun traitement, ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne» et que « ce consentement peut être retiré à tout moment. »[29]

Le décret n° 2004-11-28-802 du 29 juillet 2004, intègre dans le code de la santé publique le décret du 16 février 1993, relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières, et le décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier. Il  crée un nouvel article dans le domaine de compétence des infirmiers. En effet, l’article R 4311-6 du code de santé publique précise « Dans le domaine de la santé mentale outre les actes et soins mentionnés à l’article R 4311-5 (actes relevant de la compétence propre à l’infirmier), l’infirmier accomplit les actes et soins suivants : Entretien d'accueil du patient et de son entourage, Activités à visée sociothérapeutique  individuelle ou de groupe, Surveillance des personnes en chambre d'isolement, Surveillance et évaluation des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l'infirmier ou l'infirmière et le patient. »

Le texte insiste sur la notion de prise en charge individuelle. En effet, l’infirmier doit dans un premier temps s’entretenir avec le patient et son entourage puis veiller à l’adaptation des activités à visée sociothérapeutique aux besoins du patient. On peut noter l’évolution de la prise en charge du patient, elle est à la fois pluridisciplinaire et individuelle. Quel que soit le secteur d’activité, il est chaque fois rappelé la notion de soin individuel (l’information est délivrée lors d’un entretien individuel ; le projet de vie est défini avec le résident en tenant compte de ses aspirations etc.). La prise en charge d’un patient n’est pas seulement le fait d’un professionnel de santé mais chaque secteur de santé concerné intervient auprès du patient et définit un projet de soins en collaboration avec le patient. Le patient doit être associé à la prise de décision et cela quelques soient ses capacités de compréhension[30]. Dans les situations présentées aucune prise en charge spécifique en lien avec les troubles psychiatriques n’a été discutée en équipe pour accompagner les patients durant leur hospitalisation. Les patients étaient très peu associés à la prise de décision concernant leur traitement. Ces situations nous ont montrées un défaut de communication entre les infirmiers du service et ceux venus rendre visite à Mme A.

Plus récemment, en février 2005 une loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation, et la citoyenneté des personnes handicapée a été voté créant la commission des droits et de l’autonomie.

Aujourd’hui beaucoup de mesures sont étudiées pour faire face aux problèmes de violence dans les établissements en réponse au drame de Pau, ces mesures reposent sur l’augmentation des mesures sécuritaires. La psychiatrie en général craint un retour à l’enfermement et dénonce un manque de moyens pour la prise en charge des patients, ainsi que les fermetures récentes de lits et l’impact du plan hôpital 2007 sur l’organisation du secteur.

 

 

6)      CONCLUSION

 

Malgré l’évolution des pratiques et la volonté de reconnaître les patients atteints de troubles psychiatriques au travers des lois, la représentation dans laquelle le fou fait peur est partagée par la population mais également par le corps médical non spécialisé, comme nous avons pu le constater au cours des situations d’appel. Tout cela est très important pour la stigmatisation de la maladie mentale. Rien d’étonnant donc que nous nous trouvions devant des difficultés de réinsertion mais aussi d’accès aux soins somatiques. Or la maladie mentale n’exclut pas la souffrance physique[31].

Le diplôme unique au niveau infirmier devrait permettre aux patients atteints de troubles psychiatriques d’avoir accès à une prise en charge globale lors d’une hospitalisation en soins généraux. Or nous avons remarqué qu’il y a une prédominance de certaines représentations de la folie qui entrave la mise en place d’une relation soigné/soignant thérapeutique.

Pour essayer de mieux saisir ces difficultés, nous allons nous intéresser à la notion de représentation sociale et aux interactions dans la relation soignant/soigné.

PROBLEMATIQUE THEORIQUE

 

 

 

 

1)      QUE SONT LES REPRESENTATIONS SOCIALES ?

 

Depuis les travaux fondateurs de Serge Moscovici (1961), on a coutume de désigner certaines formes de savoir naïf sous le vocable de "représentations sociales". Ces représentations nous apparaissent comme des ensembles d’opinions, d’informations et de croyances associées à un objet social. Elles fournissent une grille de décodage, d’interprétation du monde.[32]

Les représentations sociales sont à la base de notre vie psychique. C’est à elles que nous faisons le plus facilement et le plus spontanément appel pour nous repérer dans notre environnement physique et humain.

Elles sont situées à l’interface de l’individuel et du social, du rationnel et du pulsionnel, de la conscience et de l’inconscient, de l’imaginaire et du discursif. Il n’y a pas de représentations sociales sans pensée mais pas de pensée sans représentation sociale.

Les représentations interviennent dans la production et la mise en circulation des savoirs quotidiens. Elles sont porteuses de significations.

 

a)      Elaboration

Dans une étude sur la psychanalyse et son public, Serge Moscovici montre que la représentation sociale transforme le savoir de type scientifique en un savoir de sens commun et réciproquement. Les processus qui permettent de comprendre comment s’élabore une représentation sociale sont l’objectivation et l’ancrage.

L’objectivation met en forme les notions abstraites constituant l’activité mentale et matérialisant les idées en fournissant un « contour ».

L’ancrage assure l’enracinement social de la représentation. Il opère en amont de la représentation sociale renvoyant à des univers de sens et de savoir. Il confère, en aval, une valeur fonctionnelle au contenu représentationnel, le rendant ainsi disponible pour son usage dans le groupe.

On devine à partir de là l’importance instrumentale de ces connaissances de sens commun qui permettent à tous les membres d’un groupe de « parler le même langage », de recourir au même capital cognitif favorisant ainsi les échanges entre les acteurs sociaux et régulant leurs rapports.

J.C Abric a écrit « Les sujets n’abordent pas une situation de manière neutre et équivoque. Les éléments du contexte (…) véhiculent une représentation de la situation, une signification. Et c’est cette représentation de la situation qui détermine le niveau d’implication du sujet, sa motivation, et l’amène à mobiliser plus ou moins et de manière différente ses capacités cognitives. ».[33] C’est ainsi qu’en entrant dans la chambre d’un patient souffrant de troubles psychiatriques l’infirmier va être sur la défensive et aura du mal à adopter une attitude favorisant l’écoute et la confiance nécessaire à la mise en place d’une relation thérapeutique.

Généralement, l'élaboration et la pérennisation d'une représentation sont motivées par l'incapacité ou le refus des individus d'adhérer totalement au discours des experts. Soit parce que ces derniers ne parlent pas de la même voix, soit qu'ils apparaissent comme peu légitimes au yeux des naïfs. C’est le cas pour la maladie mentale car il existe des savoirs multiples, parfois contradictoires, ainsi que des techniques qui mélangent théories et sens commun. Certes, les discours experts ne restent pas sans effets parce qu’il est rare qu’ils soient rejetés dans leur totalité. Mais ils constituent une source d’informations parmi d’autres, à laquelle on puise avec circonspection. Il se peut même que dans certains cas, ces discours, notamment le discours scientifique, soient “recyclés”, c’est à dire traduits et adaptés par les non spécialistes[34].

Les représentations sociales ne s’élaborent pas de manière rationnelle et logique. Nous devons à la psychologie sociale, plus particulièrement à Serge Moscovici, l’élaboration de ce concept. Les représentations sociales s’élaborent selon trois dimensions.

Une dimension informative qui regroupe les informations que nous possédons sur un sujet. Ils varient en qualité et en quantité selon le niveau de culture et de compétence que nous avons dans le domaine concerné.

Un champ de représentations qui est le degré de cohérence que nous donnons à notre pensée pour agencer les informations et savoirs recueillis et ce, quelles que soient leur quantité ou qualité. Ainsi, même avec très peu d’éléments, nous pouvons construire une représentation sociale sur un sujet donné, quitte à déformer l’information pour boucher les « trous ».

Enfin, une dimension d’attitude qui est une orientation générale envers le sujet. Elle est soit positive, soit négative. Chaque objet qui entre dans notre champ de conscience est catégorisé et classé en fonction de nos valeurs sociales et morales. C’est cette dimension d’attitude qui oriente notre conduite. Dés son arrivée Mr Xavier a été classé et catégorisé de façons négatives au vu de ses antécédents de toxicomanie et psychiatriques. Les soignants ont adopté une conduite de méfiance, et de réserve en accord avec leurs représentations.

La logique voudrait que nous prenions en compte les informations que nous possédons sur un sujet et que nous considérions ensuite la cohérence que nous donnons à ces informations pour construire notre représentation, afin de nous positionner pour ou contre face à l’objet.

En fait, c’est la dernière dimension, la dimension d’attitude, qui semble pré-exister aux deux autres. Nos valeurs et nos préjugés conditionnent notre jugement et orientent notre conduite. Toutes les informations reçues sont triées en fonction de leur pertinence. Nous choisissons les informations qui vont dans le sens de nos valeurs, négligeant les autres surtout celles qui nous dérangent.[35]

Si l’infirmier pense que les patients atteints de schizophrénie ne sont pas responsables et sont susceptibles d’être délirants (donc dangereux) à tout moment, il administrera systématiquement le traitement prescrit si besoin sans en parler avec le patient.

 

b)      Caractéristiques

La première caractéristique d'une représentation sociale est d'être organisée. Il ne s'agit pas d'une simple collection d'éléments cognitifs mais bien d'une structure. Cela signifie que les éléments qui la constituent entretiennent entre eux des relations. Plus exactement, cela signifie que les individus s'accordent à établir des relations entre ces divers éléments. Telle opinion est considérée comme équivalente à telle autre, telle croyance est jugée incompatible avec telle information, etc.

La seconde spécificité d'une représentation est d'être partagée par les individus d'un même groupe social. Dans ma situation le groupe social est l’équipe de soignants exerçant en médecine générale, nous remarquons que les représentations sont partagées par l’ensemble de l’équipe. Dans la première situation les antécédents de Mr Xavier font appel aux mêmes représentations chez l’ensemble des soignants comme nous l’avons déjà vu. Dans la deuxième situation, l’inquiétude à l’annonce de l’entrée de Mme Alice était aussi partagée par l’ensemble des soignants présents. Toutefois, les consensus que l'on rencontre à propos des éléments d'une représentation donnée dépendent à la fois de l'homogénéité du groupe et de la position des individus par rapport à l'objet de représentation. De telle sorte que, le caractère consensuel d'une représentation est généralement partiel, localisé à certains éléments de cette dernière.

La troisième caractéristique d'une représentation réside dans son mode de construction et d'évolution, elle est collectivement alimentée à l'occasion d'un processus global de communication collective. Les échanges interindividuels et l'exposition aux communications de masse permettent aux membres d'un groupe de mettre en commun les éléments qui vont constituer la représentation sociale. Cette mise en commun favorise l'émergence de consensus en même temps qu'elle confère une validité sociale aux diverses opinions, informations et croyances. Rien n'apparaît plus vrai et légitime que ce qui est partagé par le plus grand nombre. Cette caractéristique se retrouve au cours des transmissions orales, moment de communication avec l’ensemble de l’équipe soignante. L’infirmière annonce un comportement présumé qui est affirmé par le reste de l’équipe. Les représentations sociales de la folie sont aussi alimentées par les médias, nous pouvons prendre comme exemple le drame de Pau, mais aussi le cinéma où les thèmes sur les psychopathes sont très souvent repris.

Enfin, la quatrième spécificité d'une représentation sociale concerne sa finalité, elle est socialement utile. Cela signifie qu'elle est élaborée et véhiculée en fonction des intérêts du groupe social qui en est porteur[36]. Cette spécificité est difficile à mettre en évidence. Au sein de l’hôpital, on peut se questionner sur l’idée de contagion.

 

c)      Fonctions des représentations sociales.

-         Une fonction de savoir.

Les représentations sociales rassemblent des éléments permettant de décrire, de comprendre et d'expliquer les objets qu'elle concernent. Par bien des aspects, le savoir issu d'une représentation sociale s'apparente à un système de catégorisation. On trouve une belle illustration de cette fonction dans la célèbre étude de Denise Jodelet (1989), menée auprès d'une communauté rurale confrontée aux problèmes de la maladie mentale. Pour des raisons historiques et économiques, cette communauté constitue un lieu d'accueil pour des malades mentaux qui y vivent en liberté. L'étude montre que la population a élaboré une représentation de la maladie mentale organisée autour de deux notions clés : maladie des nerfs et maladie du cerveaux. Pour cette population, nerfs et cerveau sont, bien entendu, les lieux de la maladie et des manifestations observables distinctes leur sont associées. Ainsi, les malades des nerfs sont agités et parfois dangereux alors que la maladie du cerveau produit une folie douce entraînant des conduites comparables à celles de "l'idiot du village" d'autrefois. Pour expliquer les causes de la maladie mentale, les villageois interrogés ont recours à deux explications complémentaires. C'est le "choc" (émotionnel ou affectif) ou bien la "dégénérescence du sang" qui sont, selon eux, à l'origine du trouble mental. Ces deux causes, apparaissent donc comme les critères distinctifs de ce qui relève de la folie, elles correspondent à des évènements psychologiques ou physiologiques d'importance dans la vie d'un individu. Ce sont elles qui délimitent l'espace catégoriel défini par la représentation sociale. A l'intérieur de cet espace, on trouve des types particuliers correspondant à la classification nerfs/cerveau. C'est ainsi que "l'innocent" ou le "maboul" désignent différents niveaux de gravité du dérèglement cérébral tandis que le "fou mental" ou le "gars de cabanon" correspondent aux différents niveaux de gravité du trouble nerveux. Ces différents niveaux de gravité s'établissent sur des critères subtils qui échappent à l'observation immédiate. Par exemple, c'est par sa "méchanceté" que l'on peut identifier un "gars de cabanon". En d'autres termes, le premier niveau de cette catégorisation distingue le "fou" du "normal" et repose sur des critères plutôt grossiers. Mais à l'intérieur de cette catégorisation (ou représentation), on trouve des types dont certains correspondent à des critères très fins.

-         Une fonction d’orientation.

Rappelons ici que les représentations se développent à propos d'objets sociaux. Il s'agit donc d'objets qui comme nous le disions plus haut, motivent l'interaction sociale. Cela signifie que différents protagonistes, appartenant à différents groupes sociaux, vont interagir à propos de ces objets, ou au travers d'eux. En d'autres termes, ces interactions sociales vont être partiellement déterminées par les représentations que les différents protagonistes auront de l'objet[37]. L’existence d’une représentation de la situation préalable à l’interaction elle-même fait que dans la plupart des cas, les conclusions sont posées avant que l’action ne débute. Elles vont donc guider les comportements et les pratiques[38].

-         Une fonction identitaire.

Cela signifie que les groupes sociaux élaborent et véhiculent des représentations conformes aux positions qu'ils occupent ou souhaitent occuper dans l'espace social. Par exemple, Bellelli (1987) interroge, à propos de la maladie mentale, des étudiants débutants en  psychologie ou en médecine. Pour les premiers, la maladie mentale relève de la sphère psychosociale, son traitement passe par un changement dans l'environnement du malade, la thérapie doit être familiale et il convient d'éviter l'isolement social des personnes. Pour les seconds, la maladie mentale a des causes biologiques, son traitement nécessite des médicaments et l'hôpital est le meilleur endroit pour mettre en œuvre cette thérapie. Ici, les différences observées entre les deux groupes renvoient aux identités sociales de chacun. Chez les étudiants en psychologie, on développe une représentation qui justifie le travail des psychologues, chez les étudiants en médecine on tente, au contraire, de nier toute spécificité de la maladie mentale et, par voie de conséquence, on réfute la spécificité d'un secteur professionnel spécialisé autour de ce type de maladie. En d'autres termes, chacun élabore une représentation justifiant un statut, et donc une identité professionnelle future[39].

-         Une fonction justificative

La représentation a pour fonction de pérenniser et de justifier la différenciation sociale, elle peut viser la discrimination ou le maintien d’une distance sociale entre les groupes concernés.[40]

Dans l'étude de Denise Jodelet (1989) concernant les familles qui hébergent des malades mentaux, on constate que dans celles qui ont accueilli des malades des "nerfs", on pratique un hébergement distancié où les patients sont tenus à l'écart de certaines activités, notamment des repas. Cette conduite est justifiée par les croyances associées à la maladie des nerfs, les personnes qui en sont atteintes sont jugées potentiellement violentes donc dangereuses. Mais on pense aussi que la maladie des nerfs peut être contagieuse, par le biais de contacts avec les fluides corporels des malades.[41]

                                                                              

d)      L’objectivation du savoir.

Dans leurs modes de mise en œuvre, les représentations fournissent aux individus un savoir objectivé. Les connaissances relatives à l’objet social n’apparaissent plus alors comme des constructions sociales, destinées à rendre compte de cet objet, mais bien comme des éléments tangibles de la réalité, que chacun peut percevoir autour de soi. Contrairement au savoir expert, qui maintient peu ou proue une certaine distance à son objet, le savoir naïf abolit cette distance. Cette objectivation du savoir correspond à un besoin fondamental de réduction de l'incertitude. En effet, rien n’est moins naturel que notre environnement social. Le travail, tel que nous le connaissons aujourd’hui, les riches, les pauvres, l’art, la culture et par certains aspects, la maladie elle même sont autant de constructions sans cesse remaniées au cours de l’histoire. La forme sous laquelle toutes ces choses nous apparaissent est étroitement déterminée par les représentations que nous en avons. Mais admettre cette idée revient à reconnaître la différence qui peut exister entre le monde et la connaissance que nous en avons. Ce qui, en toute logique, nous conduirait à douter constamment de la réalité qui nous entoure. On comprend tout ce qu’il y aurait d’inconfortable à évoluer dans un monde ainsi habité par le doute. Pour échapper à cette situation, il convient donc de réduire la distance qui sépare la représentation de son objet. L'objectivation le permet car elle donne aux individus le sentiment que leur discours sur le monde n’est pas une construction sociale, mais le simple reflet de la réalité environnante. Elle permet l’inscription dans le réel d’une construction sociale. Par là, cette construction se trouve dissociée de ceux qui l’ont élaborée. Elle est ainsi mise ainsi à la disposition de tous, puisqu’elle se donne pour un élément de la réalité. Elle passe de l’état de culture à l’état de nature[42].

 

e)      Stabilité et dynamique des représentations sociales.

En raison de leur mode de construction, de leur structuration et des fonctions qu'elles remplissent, les représentations sociales se caractérisent par leur grande stabilité. En effet, remettre en question les croyances qui les constituent revient non seulement à  remettre en question nos visions du monde, mais aussi nos relations aux autres et notre identité sociale[43].

 

La représentation fonctionne comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus à leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements ou leurs pratiques. La représentation oriente les actions et les relations sociales. Elle détermine un ensemble d’anticipations et d’attentes.

Je vais maintenant m’intéresser aux représentations sociales dans les relations sociales, donc à leur deuxième fonction comme nous l’avons vu précédemment, pour comprendre comment elles influencent la relation soignant/soigné.

Je vais tout d’abord préciser les notions de rôle sociaux et de statut car elles interviennent au niveau de la relation.

 

 

2)      ROLE ET STATUT

 

Les notions de statut et de rôle, centrales en psychosociologie, participent fortement à la régulation des conduites interpersonnelles. Les mécanismes impliqués dans la définition ou la redéfinition des relations entre individus s’élaborent à partir des positions relatives des personnes concernées. Celles-ci s’appréhendent en effet dans la plupart des situations, selon la place socialement définie qu’elles occupent par rapport à l’autre, dans ma situation malade/soignant. Ce qui permettrait, sans faire trop violence au concept de représentations sociales, d’affirmer que se sont elles encore qui se profilent derrière statut et rôle. Il est à peine utile de souligner leur fréquence et leur importance dans les comportements interpersonnels, chacun étant appelé à régler sa conduite en fonction de la connaissance qu’il a des positions sociales respectives, la sienne et celle de ses partenaires.

Des rapports de rivalité, de soumission ou de complémentarité peuvent s’élaborer à partir de la mise en jeu des systèmes de représentation chez les intéractants, et la manière dont on se représente l’autre détermine la relation hiérarchisée que l’on va mettre en œuvre à son égard.[44]

Linton donne la première définition sociologique du statut en établissant une distinction restée célèbre entre statut et rôle. Pour lui, la première de ces notions doit être réservée à l’ensemble des droits et devoirs attachés de façon structurelle à une position institutionnalisée dans un système social ; et la seconde, désigner le type de conduite que devrait tenir l’individu qui met ces droits et devoirs en application[45].

Ralph LINTON a écrit :"Chaque société a une série de personnalités idéales qui correspondent aux différents statuts qu'elle reconnaît. (...) La personnalité statutaire ne correspond pas à la totalité de la personne mais simplement à certains aspects de son contenu et à ses orientations les plus superficielles, c'est à dire aux éléments qui concernent immédiatement l'accomplissement réussi des rôles de l'individu."[46]

Le statut est donc l’ensemble des attributs qui permettent à l’acteur de jouer un rôle social. Il permet de se positionner par rapport à la société. Le rôle est l’aspect dynamique du statut.[47]

Le rôle représente les comportements attendus par ceux qui occupent un certain statut, je vais donc approfondir cette notion.

Rôle vient de rotulus qui vient lui-même de rota qui signifie roue. Rotulus désignait soit une feuille roulée portant un écrit, soit par glissement le texte que devait réciter un acteur de théâtre. Dès le XIème siècle, le mot est utilisé dans le sens de fonction sociale et de profession. Autrement dit cette origine contient l’idée de texte appris et utilisé dans un certain contexte, qu’il soit théâtral ou professionnel.

Nous rappelons simplement que la première relation confuse du bébé à son entourage nommée relation fusionnelle est suivie de l’acquisition de la distinction entre lui et les autres. De là partent les diverses relations qu’il établira avec chacun des partenaires.

Passer de la fusion à la différenciation nécessite l’établissement d’un espace appelé espace de transition. C’est l’espace où s’inscriront les futurs rôles de l’individu.

Nous pourrons parler, lorsque cet espace s’organise, d’enveloppe ou d’écorce sociale de la personnalité. Cette enveloppe contiendra tous les rôles sociaux qui alimenteront les relations. Ces rôles ne sont pas suffisants en eux-mêmes pour créer des relations mais ils sont en quelque sorte les façons les plus efficaces d’exercer un comportement de communication. Chacun de ces comportements doit être adapté à une situation relationnelle particulière. Dans une relation entre deux individus, il y a habituellement une complémentarité de rôles. Si cette complémentarité ne se mettait pas en place rapidement, les deux interlocuteurs ne parviendrait qu’à un « dialogue de sourds » ou à ce que l’on appelle « un monologue parallèle » chacun restant sur son idée et des attitudes incompréhensibles pour l’autre[48]. Les troubles psychiatriques trouvent leurs origines dans les étapes du développement de l’enfant et notamment lors du passage de la fusion à la différenciation. Les rôles sociaux auront du mal à se développer ainsi que la communication. Cela se traduit souvent par une difficulté à entrer en relation. Ainsi les demandes incessantes de Mme Alice étaient pour elle l’expression de son besoin de réassurance, de reconnaissance et elle cherchait ainsi à calmer son anxiété. Les infirmiers ont répondu à ses demandes explicites mais n’ont pas eu accès à sa demande implicite.

Chaque rôle social qu’il soit d’ordre familial ou professionnel ou autre, contient un ensemble de connaissances et d’expériences particulières. Mais il doit aussi contenir un minimum de connaissances sur le rôle complémentaire.

Le rôle social est empreint d’éléments très personnels tels que les désirs, des rêves particuliers, auxquels il faut ajouter un ensemble adapté fait de connaissances et d’attitudes (Nécessitant plus ou moins d’un temps d’expérience et/ou de formation). Mais pour qu’un rôle s’exerce pleinement il faut prendre en compte l’attente du groupe social.

Chaque rôle social qu’il soit d’ordre familial ou professionnel ou autre, contient un ensemble de connaissances et d’expériences particulières. Mais il doit aussi contenir un minimum de connaissances sur le rôle complémentaire.

Le rôle du malade désigne la place d’un individu dans un groupe. Il justifie toutes les interactions soignant/soigné. Il contient un savoir et des comportements comme, prendre ses médicaments quand l’infirmière les tend, se déshabiller pour un examen…[49]

Or comme nous l’avons vu plus haut, lorsque le malade est un patient atteint de troubles psychiatriques beaucoup d’éléments viennent interférer dans les interactions. Tout d’abord la pathologie du patient, puis les représentations sociales du soignant sont autant de difficultés pour établir une relation. 

La réputation peut, à sa manière, participer à la définition sociale d’un individu, c'est-à-dire encore une fois à sa représentation. La divulgation publique d’affaires privées, comme dans notre cas la présence d’antécédent psychiatrique dans le dossier, déforme l’image à travers laquelle il sera appréhendé[50].

Les psychologues modernes ont approfondi l’analyse des mécanismes intervenant dans cet ensemble de phénomènes en révélant le rôle particulièrement important que pouvait jouer des notions comme l’attribution ou la catégorisation sociale[51].

 

 

3)      LA RELATION

 

Louis Malabeuf propose de prendre en compte quatre niveaux de relation soignant/soigné : la relation de civilité, la relation dite « de nature fonctionnelle », la relation de compréhension, de soutien, de réassurance et la relation d’aide thérapeutique.

Pour Malabeuf, la relation de civilité « ne différencie pas la relation soignant-soigné de la superficialité de bon nombre d’interrelations habituelles. Elle s’inscrit dans un rituel social, dans la volonté individuelle, d’un « agréable » comportement, d’une convivialité dans l’échange. C’est le niveau du propos banal, de la communication informelle où l’on parle surtout de tout, sauf de l’essentiel »[52].

Nous pouvons remarquer que dès le premier niveau de la relation les représentations sociales mettent un frein à son développement. En effet à l’accueil des patients, les soignants sont méfiants. Ils restent en retrait et attendent les manifestations de la « folie ». Par la suite le recueil de données sera fait en fonction des représentations présentes. Il pourra être focalisé sur l’agitation, le sommeil ou il pourra être fait auprès d’un accompagnant sans s’adresser au patient, comme s’adresser à la mère et non à l’enfant. La pathologie psychiatrique ne sera pas abordée avec le patient de peur d’être confronté et d’avoir à répondre à ses difficultés. Cela peut expliquer la rapidité mais surtout le manque d’échange au cours des soins ainsi que l’ambiance tendue dans laquelle il se déroule.

E.Goffman, dans son ouvrage intitulé « Stigmate », nous donne une explication à cette ambiance en parlant lui de malaise. Dans cet ouvrage il aborde la diversité des images sociales liées aux stigmates et leurs influences sur les interactions sociales, à l’intérieur d’une société donnée.

Dans notre cas les patients portent les stigmates de leur passage en hôpital psychiatrique. Pour E. Goffman, une personne ayant un stigmate n’est pas tout à fait humaine. Partant de ce postulat, nous pratiquons toutes sortes de discriminations, par lesquelles nous réduisons efficacement, même si c’est souvent inconsciemment les chances de cette personne. Lorsque nous sommes en relation avec une personne stigmatisée nous essayons le plus souvent de continuer à faire comme si en fait, lui, le stigmatisé, correspondait à l’un des types de personnes qui se présente normalement à nous dans la situation présente[53]. Les infirmiers ne mettent pas en place une prise en charge spécifique par rapport à la pathologie mentale présente. D’après E.Goffman, cela implique à nos yeux de le traiter comme quelqu’un de mieux qu’il n’est peut-être, ou de pire qu’il n’est probablement. Nous pouvons aussi agir comme s’il était une « non personne », absent en tant qu’individu. Cela peut expliquer la situation dans la salle de soins où la présence des patients n’est pas remise en cause.

« Il s’ensuit un repli sur soi et un « repli sur autrui », qui se traduisent pathologiquement dans l’interaction : C’est le malaise. »[54]

La représentation du stigmate pour le non-stigmatisé s’élabore à partir de la gêne que l’idée du handicap suscite en lui. L’attitude la plus fréquente consiste à ne pas reconnaître ouvertement en lui ce qui le discrédite, en un effort attentif d’indifférence qui s’accompagne souvent d’une tension, d’une incertitude et d’une ambiguïté ressenties par tous les participants, et surtout par le stigmatisé.      

En réponse à ses attitudes, l’individu affligé d’un stigmate peut tenter d’aborder les contacts mixtes en affichant une bravade agressive ou se protéger d’avance en se faisant tout petit. Il hésite parfois entre ces deux tactiques et passe à chaque instant de l’une à l’autre, menant à la désintégration des interactions face à face ordinaires[55].

Ainsi l’attitude du patient confirme les représentations sociales du soignant comme quoi il est imprévisible et dangereux, cela pourrait expliquer l’agression dans la première situation. Le soignant s’écarte de son rôle en se centrant sur ses représentations et en se focalisant sur les actes dits de « technique pure », comme la réfection du pansement de Mme Alice sans tenir compte de la demande sous-jacente de réassurance. Sa prise en charge ne tenant alors plus compte de l’individu en lui-même ne permettra pas alors de répondre aux besoins de réassurance et de soutien. La relation d’aide thérapeutique ne sera pas efficace voire inexistante.

 

 

4)      LES ATTITUDES

 

Dans la pratique les représentations sociales s’expriment par des attitudes positives ou négatives. Ce sont elles qui vont agir visiblement sur la relation. Dans la première situation d’appel, nous avons observé le changement d’expression et d’attitudes de l’aide soignante dans la chambre de Mr Xavier. Nous pouvons dire que la représentation du patient a influencé ses attitudes, car en présence des autres patients elle adopte une attitude d’écoute et favorise la relation soignants/soigné.

Allport définit l’attitude comme « une disposition mentale et nerveuse, organisée par l’expérience et qui exerce une influence directrice ou dynamique sur la  conduite de l’individu par rapport à tous les objets et à toutes les situations avec lesquelles elle est liaison. ... Une attitude est essentiellement une conduite anticipée, l’amorce d’une action qui n’est pas nécessairement accomplie. Dans ce sens, l’attitude est plus dynamique et annonce mieux les lignes du comportement que l’opinion ou l’idée. » [56]

L’attitude apparaît ainsi comme une disposition interne qui sous-tend une réponse favorable ou défavorable à un objet ou à une classe d’objets du monde extérieur ou social.

« L’attitude est aussi une disposition individuelle : l’individu est le lieu où se forme et se modifie une attitude ;  elle est le produit et le résumé de toutes ses expériences, directes ou socialement relayées, avec l’objet ou la classe d’objets. L’attitude possède aussi une signification sociale : au niveau individuel, le milieu social fournit des modèles et des supports ; au niveau interpersonnel, la communauté d’attitudes est une base d’attraction mutuelle et de formation des groupes ; au niveau collectif, la distribution des ressemblances et des différences individuelles dans une société constitue un fait sociologique. »[57].

Ces deux définitions de l’attitude nous apprennent que c’est une disposition individuelle qui se fonde sur les représentations sociales de l’objet face auquel on se trouve.

« Il suffit de dire que l’on travaille en psychiatrie pour qu’aussitôt apparaisse le côté exceptionnel de cette proximité avec la folie. « Moi, je ne pourrais pas ». L’exceptionnel n’est donc pas de réagir à la folie, de rejeter le fou, de le considérer comme quelqu’un d’à part, qui répond à d’autres règles que la règle commune mais au contraire de l’écouter, de lui prêter attention. Se légitiment ainsi toutes les réponses inciviles,  agressives et violentes au fou et à sa folie. »[58]

L’attitude est un ensemble à trois composantes (affective, cognitive, conative), elle remplit quatre fonctions :

- la fonction d’ajustement (chercher ce qui est agréable ou qui valorise et fuir les expériences désagréables en utilisant des attitudes qui ont réussi dans des circonstances plus ou moins proches ;

- la fonction d’expression (chercher les attitudes qui permettent de s’exprimer, de montrer ses valeurs, son être ce que favorise l’appartenance à un groupe)

- la fonction de connaissance (ce qui permet d’appréhender le monde en fonction d’une vision, d’une culture, d’un vécu, etc.)

- la fonction de défense (afin d’éviter de prendre conscience de ses propres faiblesses ou de la réalité extérieure mise en place de mécanismes de protection qui peuvent se traduire par des attitudes de rejet, de froideur, de distance, etc.)[59].

La relation d’incivilité que Jamet et Depré nomment « anathèmes infirmiers » repose sur la fonction défensive. Ses caractéristiques vont à l’encontre du soin qui vise la reconnaissance du malade comme sujet[60].

Jamet et Depré  identifient un certain nombre d’attitudes anathémisantes, que l’on pourrait aussi nommer contre-attitudes. Certaines de ces attitudes ont pu être observées lors de mon constat mais aussi par les auteurs A.Vega et D.Jodelet abordés lors de la problématique pratique.

Ces contre-attitudes sont :

- L’évitement du malade (« se réfugier en permanence dans la pharmacie, dans la pièce du personnel ou dans un bureau, ne jamais discuter avec les patients, ne pas leur tendre la main, éviter de les regarder en face, se trouver des excuses pour échapper à la relation dès qu’ils nous adressent la parole, » etc.); 

- Les remarques déplaisantes et le rappel des défauts du malade ;

- Réduire le malade à un simple diagnostic médical ;

- Prendre en considération ses propres désirs et non ceux du patient ;

- Omettre de lui donner les informations utiles ;

- Attitudes de  condescendance et de suprématie (faire sentir au patient qu’en accédant à sa demande, on lui fait une grande faveur) ;

- Accorder une importance excessive aux règlements (les protocoles sont un outil remarquable pour anathémiser le patient);

- Gestuelles corporelles (mimiques, ennui, etc.) ;

- Ironie, plaisanterie

- Avoir des jugements de valeur, attribuer des attitudes morales[61].

Confronté à de telles attitudes le patient ne saurait être rassuré par le soignant, ni par l’équipe. Au contraire. Comme nous l’avons vu précédemment aucune relation d’aide thérapeutique ne saurait advenir. Les dites réactions d’incivilités du patient peuvent fleurir et les soignants se plaindre de leur violence. Certaines de ces contre-attitudes vont à l’encontre des droits du patient, notamment par le manque d’information donnée au patient et  la réalisation de soins sans son consentement. Mme Alice ne sait pas que l’infirmier lui administre les gouttes supplémentaires, or Mme Alice fréquente une structure extra-hospitalière, elle doit donc gérer une partie de son traitement seule chez elle. Quant au patient atteint de la maladie d’Alzheimer l’injection lui est administrée malgré un refus flagrant.

 

 

5)      CONCLUSION

 

Toutes nos attitudes sont imprégnées de nos représentations sociales. Elles se traduisent dans la pratique infirmières par des contre-attitudes allant jusqu’au non respect de certains droits du patient. Ces contre-attitudes vont agir dès la première étape de la mise en place de la relation

Nous avons vu dans l’étude des représentations sociales que le savoir ne pouvait pas à lui seul les modifier. Nous observons ainsi en service, des soignants compétents qui maîtrisent la technique et possèdent les qualités nécessaires pour entrer en relation avec les patients, se trouver en difficulté face aux patients atteints de troubles psychiatriques et adopter ces contre-attitudes.

Leur répercussion sur la pratique infirmière est donc inévitable, et leur intensité est fonction de la personnalité de chaque individu et de son contexte social.

OBJECTIF DE LA RECHERCHE

Suite aux éclairages théoriques apportés précédemment nous allons pouvoir déterminer un objectif de recherche.

 

1)      OBJECTIF GENERAL

 

L’objectif général sera de mettre en évidence que les représentations sociales de la maladie mentale agissent sur la relation soigné/soignant lors de la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques.

 

 

2)      OBJECTIF SPECIFIQUE

 

L’objectif spécifique sera d’identifier les représentations sociales de la maladie mentale chez les soignants exerçant en M.C.O, et la présence d’éventuelles contre attitudes dans la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques.

 

 

3)      QUESTION DE RECHERCHE

 

 « Comment les représentations sociales de la maladie mentale chez les soignants exerçant en M.C.O se traduisent-elles dans la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatrique ? »

 

ELABORATION DE L’OUTIL D’ENQUETE

 

1)      Choix de l’outil et population cible

 

Afin de confronter mon travail de recherche théorique à l'expérience des soignants, j’ai opté pour la méthode clinique. Cette méthode est privilégiée dans les situations mettant en jeu les comportements et la pratique des soignants.

J’utiliserai pour cela des entretiens semi directifs auprès de 4 infirmières, d’une aide soignante et d’un cadre exerçant en M.C.O, intéressés par la participation à ce travail. La semi directivité des entretiens évitera que la personne s’éloigne du sujet.  La durée des entretiens sera fixée entre 30 et 45 minutes, ils seront enregistrés, avec l’accord des personnes interrogées, pour qu’ils puissent ensuite être exploités puis effacés.

Dans un contexte pratique je privilégierai un lieu calme et neutre à l’extérieur de l’hôpital pour favoriser leur disponibilité.

Avant chaque entretien j’expliquerais le contexte d’étude et je garantirais la confidentialité et l’anonymat.

 

 

2)      Objectifs et contenu de l’entretien

 

Je guiderai l’entretien par des questions qui nous permettrons d’identifier et d’analyser les représentations sociales de la maladie mentale chez les soignants. Nous verrons comment celles-ci agissent sur la relation et les éventuelles difficultés que rencontrent les infirmières exerçant en M.C.O dans la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques.

Les questions utilisées seront :

·        Q1 : Depuis quand êtes-vous diplômé ?

·        Q2 : Avez-vous choisi de travailler dans ce service ?

Ces deux premières questions me permettront de faire connaissance avec la personne interviewée.

 

·        Q3 : Qu’est-ce qui caractérise pour vous la folie ?

·        Q4 : Qu’est-ce qui caractérise pour vous la maladie mentale ?

Ces questions me serviront à repérer de quelle nature sont les représentations de la folie et de la maladie mentale de l’infirmière. Il sera possible de les relier et de les analyser en les comparant aux items correspondant de l’enquête santé mentale en population générale: Image et Réalité.

 

·        Q5 : Rencontrez vous des difficultés dans la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques ? Si oui lesquelles et à quel niveau ?

Cette question précisera les difficultés rencontrées par l’infirmière si sa réponse est positive. Nous nous confronterons au vécu des soignants et avancerons à partir de leur propre discours. Nous l’analyserons à partir des constats opérés par Anne Véga.

 

·        Q6 : Pouvez-vous me raconter la dernière prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques dans le service ?

Cette quatrième question, me permettra, à travers le récit de l’infirmière, de mettre en évidence les pratiques soignantes. Nous repérerons, entre autres, quel type de soin les infirmières proposent à ces patients. Se cantonnent-elles à une approche technique proche de celles que l’on retrouve classiquement dans les soins généraux ou leurs prises en charge se colorent-elles de soins que l’on décrira comme relationnels. Comment pensent-elles le soin, avec quels outils ? Différencient-elles les pathologies ? Nous pourrons repérer les éventuelles contre attitudes et les mettre en lien si cela est pertinent, avec les représentations de la folie exprimées lors des deux premières questions.

 

·        Q7 : Que pensez-vous de l’intervention des infirmiers psychiatriques dans les services de soins généraux ?

La dernière question permettra de mesurer si les infirmières préfèrent laisser le soin relationnel à d’autres soignants, sont prêtes à l’assumer ou envisagent une collaboration avec les ISP.

 

Une grille d’analyse des entretiens[62] me permettra d’analyser leur contenu. Cette grille est susceptible d’être modifiée en fonction du contenu des différents entretiens effectués par la suite.

Pour valider la pertinence et la faisabilité de cet entretien semi directif je l’ai testé auprès de deux infirmiers exerçant en M.C.O

CONCLUSION

 

 

 

 

 

« Totalement incompréhensible, échappant à la rationalisation, rebelle à l’explication logique, la folie engendre un sentiment irrépressible d’insécurité, la peur de l’inconnu : dés lors, des mécanismes de défense se mettent en place que sous tendent à la foi les divers courants de pensée qui prétendent rendre compte de la folie et nos propres attitudes personnelles vis-à-vis de l’irrationnel. »(ZARIFIAN.E «Les jardiniers de la folie », 1988)

 

 

 

Ce travail m’a permis de prendre conscience de mes représentations. La folie évoque pour moi l’insouciance, l’imprévisibilité, la légèreté. La folie fait partie de chacun d’entre nous.

La maladie mentale m’évoque plutôt l’hospitalisation, l’angoisse, le mal-être. Elle a une connotation plus grave. C’est un obstacle à la vie en société et entraîne de la souffrance.

Les difficultés dans la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques sont pour moi la gestion de leur angoisse et des éventuels comportements agressifs qui lui sont liée.

La question des représentations sociales de la folie semble susciter actuellement de l’intérêt, en effet l’Agence Régionale des Hospitalisations de P.A.C.A va reprendre l’enquête de l’O.M.S « Santé mentale en population générale : images et réalités » fin 2006 dans la région. 

Les représentations sociales influencent nos comportements et nos pratiques. Les infirmières en enfilant leur blouse blanche, endossent leur « costume » et sont ainsi prêtes à jouer leur rôle de soignant. Dans le service elles s’attendent à trouver des personnes hospitalisées occupant leur rôle de « patient ».

Mais les infirmières ne laissent pas leurs affects et leurs représentations au vestiaire. Ils agissent inconsciemment dans la relation soigné/soignant.

Malgré l’évolution des pratiques, le diplôme unique au niveau infirmier et la volonté de reconnaître les patients atteints de troubles psychiatriques par des lois, un bon nombre de représentations péjoratives de la folie persistent. Certaines d’entre elles entravent la relation soigné/soignant, ainsi que j’ai pu l’observer au cours des situations d’appels.

Nous avons pu mettre en évidence, par notre approche théorique, que les représentations sociales  agissaient sur la relation par l’intermédiaire des attitudes.

Les entretiens vont nous permettre d’avoir une approche plutôt pratique et de préciser les représentations sociales de la folie chez les soignants exerçant en M.C.O et les éventuelles attitudes agissant sur la relation soigné/soignant.

Ce travail sur les représentations de la folie ne traite du bon ou du mauvais soignant, mais du travail que le soignant doit faire sur lui-même.

Au niveau individuel, il appartient à chaque infirmier de s’interroger sur ses attitudes, sur ses contre-attitudes, sur sa place dans l’institution.

Savoir soigner ne se résume pas à savoir accomplir des actes infirmiers. C’est un travail constant sur soi. On peut bien se forger toutes les conduites à tenir du monde, il y a dans la relation à l’autre un investissement chaque fois différent.

Il semble important de permettre aux soignants de réfléchir sur leur pratique et leurs difficultés et de communiquer entre eux.

Changer les représentations sociales qui ont mis plusieurs siècles à se constituer paraît illusoire. La création de temps de réflexion clinique, à l’instar de celles qui existent souvent en psychiatrie, permettrait peut-être aux soignants exerçant en M.C.O d’améliorer la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques. Le but ne serait pas de changer les représentations mais de les comprendre.

« Dans toute représentation, sauvegarde ta faculté de comprendre »

Marc-Aurèle (121-180)


Soutenance orale

 

Au terme de l’approche théorique j’ai déterminé des objectifs de recherche : un objectif général qui était de mettre en évidence que les représentations sociales de la maladie mentale agissent sur la relation soignant/soigné lors de la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatrique. Puis un objectif spécifique qui était d’identifier les représentations sociales de la maladie mentale chez les soignants exerçant en M.C.O, et la présence d’éventuelle contre attitudes lors de la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques.

J’ai aboutit à la question de recherche suivante : Comment les représentations sociales de la maladie mentale chez les soignants exerçant en M.C.O se traduisent-elles dans la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatrique ?

J’ai donc opté pour une méthode clinique avec des entretiens semi directifs.

4 infirmières et 1 cadre infirmier se sont portés volontaires, ils ont tous été diplômés après 1993 et ont donc eu la psychiatrie dans leur formation.

Ils ont tous choisi de travailler en M.C.O et une infirmière a travaillé en C.M.P après l’obtention de son diplôme. C’est par choix qu’elle a intégré ensuite un poste en M.C.O.

Pour analyser les différents entretiens j’ai suivi la grille d’analyse des entretiens, fournie en annexe.

J’ai relevé d’abord les termes les plus fréquents puis j’ai fait une analyse de contenu en découpant les phrases employées lors des entretiens.

Ensuite j’ai décidé de faire une synthèse des résultats question par question.

 

 

 

Q3 : Qu’est ce qui caractérise pour vous la folie ?

 

Au cours des entretiens, la folie est souvent définie à l’aide du conditionnel et est ponctuée par « je ne sais pas », « je me demande »

Cela nous renvoie à la difficulté de définir la folie, observée par A.Vega qui a remarqué des doutes et conflits autour des définitions de la folie. Ces savoirs multiples, parfois contradictoires entraînent l’incapacité ou le refus des individus à adhérer totalement au discours des experts et motivent l’élaboration et la pérennisation des représentations sociales. (p18)

On retrouve au cours des différents entretiens, de manière dispersée, la plupart des items apparus dans l’enquête SMPG. Seules les idées de perte de contrôle de ses actes, de non maîtrise de ses actes et d’être en marge de la norme et de la réalité « ils sont complètement ailleurs » se retrouvent dans trois entretiens.

Dans un entretien la folie est décrite comme incompréhensible (p12), il semblerais que l’I.D.E concernée  n’accepte pas l’idée de perdre le contrôle. En effet au cours de l’entretien c’est un terme qui est souvent présent. Elle exprime ensuite le besoin de s’identifier à la personne pour la soigner, or elle n’arrive pas s’identifier à une personne atteinte de folie « je ne saurais pas comment la prendre ». Le soin est donc impossible. On peut se demander si cette incapacité à s’identifier et le besoin d’avoir le contrôle ne traduiraient pas la peur de devenir fou.

L’impossibilité de guérir et de soigner la folie se retrouve dans un autre entretien dont c’est la principale caractéristique avec une origine héréditaire et un caractère chronique. On peut soulever que ces deux dernières caractéristiques sont présentes dans l’enquête mais sont évoquées dans le cadre de la maladie mentale. Un autre entretien apporte un élément en opposition avec l’enquête, en effet une I.D.E associe au terme folie un nom de pathologie (psychose) médicalisant ainsi la folie. Cette I.D.E fait partie des 2 participants ne différenciant pas maladie mentale et folie. Nous avons vu qu’une des spécificités des représentations sociales est d’être partagée par des individus appartenant à un même groupe social, mais si nous revenons à l’élaboration d’une représentation sociale il y a une part individuelle. En effet lors de la construction d’une représentation sociale l’individu prend les informations en accords avec ses croyances. Cela explique que le caractère consensuel d’une représentation est localisé.

L’entretien effectué auprès du cadre nous donne une autre représentation de la folie. Pour lui on est tous un peu fou et on peut avoir des coups de folie comme décider de ne pas aller travailler pendant 15 jours. On retrouve l’imprévisibilité de la folie et le décalage avec la réalité. La folie serait aigue. Il a ensuite parlé de folie pure au sens pathologique qui se révélera être à la question suivante associé à la maladie mentale.

Pour ma part la folie est caractérisée par l’insouciance, la légèreté, l’imprévisibilité. La folie se situerais en marge de la réalité et des normes car être insouciant signifie ne pas tenir compte de la réalité qui nous entoure, des règles en vigueur.

A partir de l’échantillon interrogé la folie se caractériserait par une perte de tout contrôle et la non maîtrise de ses actes et serait impossible à guérir. Les personnes atteintes de folie se situeraient en dehors de la norme et de la réalité.

Q4 : Qu’est ce qui caractérise pour vous la maladie mentale ?

 

Les réactions à cette question ont été mitigées. Chez deux participants la question les a surpris. Après un moment de réflexion, un des I.D.E a affirmé ne pas pouvoir les différencier. L’autre I.D.E après avoir qualifié le terme de maladie mentale comme « C’est plus joli », admet ne pas pouvoir différencier les deux termes autrement. On retrouve le coté péjoratif de la folie exprimé lors de la SMPG.

Les autres participants quant à eux ont caractérisés la maladie mentale de façon plus sure. Ils associent spontanément la maladie mentale au domaine médical, l’un part le biais des thérapeutiques et l’autre par l’association à des pathologies « Schizophrénie, psychose ». Le coté péjoratif de la folie apparaît au cours d’un de ces entretien où la maladie mentale est caractérisée à l’inverse de la folie. En effet elle se soigne à l’aide de thérapeutiques médicamenteuses mais surtout relationnelle. La maladie mentale est accessible au soin mais la notion de guérison n’est pas évoquée.

Les traitements médicamenteux permettent ainsi d’avoir accès aux soins relationnels. Cela nous renvoie à l’histoire de la psychiatrie avec l’apparition des neuroleptiques en 1950 qui a permis à l’infirmier de passer du rôle de gardien à celui de soignant. 

Elle considère que la folie est flagrante aux yeux de la société contrairement à la maladie mentale qui elle peut passer inaperçue. Cela implique que le « fou » est porteur de stigmates qui l’exclu de la société alors que le malade mental peut être intégré à la société.

On voit apparaître au cours de l’autre entretien la notion d’étiquette. Pour être considéré comme « Malade mental », le « fou » doit être étiqueté. Il semblerait que l’I.D.E ait besoin que des mots soient mis sur la folie. Le malade mental est mieux accepté car mieux définit et moins abstrait pour l’I.D.E. L’étiquette ici permet de rassuré l’I.D.E qui sait quelle attitude adoptée.

Le cadre interrogé a aussi été surpris par la question et après réflexion a caractérisé la maladie mentale comme la folie au sens pathologique. La maladie mentale serait la conséquence d’un problème survenu dans l’enfance ou à l’adolescence qui se manifesterait après un choc émotionnel ou avec un facteur déclenchant. Comme lors de SMPG pour le cadre la maladie mentale peut s’expliquer, alors que le coup de folie n’a pas d’explication.

Pour ma part la maladie mentale se caractérise par l’hospitalisation, l’angoisse, la souffrance. Le soin est nécessaire pour permettre à la personne d’être bien. C’est un terme qui me renvoie au côté sombre de la maladie.

A partir de l’échantillon interrogé la maladie mentale se caractériserait comme accessible au soin et faisant partie du domaine médical. La maladie mentale peut donc s’expliquer et être comprise.

 

Q5 : Rencontrez vous des difficultés dans la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques ?

 

Sur les 5 entretiens 3 personnes, dont le cadre, affirment ne pas avoir de difficultés mais nous verrons que les difficultés attribuées à leurs collègues sont souvent en lien avec leurs réponses aux questions leur demandant de caractériser la folie et la maladie mentale. Par exemple une I.D.E dit « Elles ne savent pas comment prendre la personne », or elle a employé la même phrase dans la question 3 qui consistait à caractériser la folie « je ne saurais pas comment la prendre ». Elle exprime ainsi la difficulté de ces collègues à se positionner face à ces patients.

  1. Le Malaise

Dans son entretien face à un patient atteint de troubles psychiatriques elles ne savent pas quelle attitude adopter être autoritaire ou passive. Ce questionnement sur l’attitude nous renvoie à la dérégulation des interactions induite par les patients atteints de troubles psychiatriques abordée par GOFFMAN. Il semblerait que les deux seules attitudes à avoir sont d’être autoritaire (marquer  d’emblée sa position dominante et de contrôle) ou passive (laisser faire par non considération ou pour ne pas entrer en conflit et ainsi éviter toute agressivité). Attitudes qui comme nous l’avons vu dans la théorie peuvent parasiter la relation de civilités nécessaire à la mise en place d’une relation thérapeutique.

On retrouve ce problème d’attitudes au cours d’un autre entretien où l’I.D.E affirme ne pas être à l’aise avec ces patients, ne pas savoir quoi faire, ni quoi dire.  Elle exprime clairement le sentiment de malaise décrit par goffman. Au niveau des équipes le cadre a aussi remarqué que certaines vont avoir du mal à s’adresser aux patients psys. Elles ne sont pas naturelles.

  1. L’agressivité

Les difficultés principales se situeraient au niveau de la communication et du comportement, elles sont reprises dans tous les entretiens. Nous allons voir qu’elles sont directement liées aux comportements agressifs imputés aux patients atteints de troubles psychiatriques.

Une I.D.E précise « ils répondent à l’agressivité par l’agressivité » en nous évoquant les difficultés de communication et de comportements. Nous voyons apparaître pour la première fois le terme agressivité qui qualifie le comportement des patients mais aussi des soignants.  Nous avons aussi relevé cette difficulté à prendre en charge l’agressivité ou l’agressivité supposée dans la première situation d’appel P26..

Pour une autre I.D.E les difficultés sont présentes lorsque les patients sont en crise c'est-à-dire lorsqu’il y a des hallucinations, des délires, mais surtout lors de la manifestation de comportements brutaux, qu’elle décrira même à une reprise comme violent. L’I.D.E se sent alors personnellement agressée et a du mal à ne pas répondre à cette agressivité. La difficulté alors exprimée est celle de garder une attitude soignante.

  1. La peur

Apparaît ensuite dans cette partie la notion de peur à deux reprises.

Le philosophe André Comte-Sponville en parle comme d'une "émotion qui naît en nous à la perception, ou même à l'imagination, d'un danger. Se distingue de l'angoisse par l'aspect déterminé de ce dernier." COMTE-SPONVILLE André, Dictionnaire philosophique, Puf, Paris, novembre 2001, p.440.

La peur est d’abord liée à un manque de formation puis au monde de la psychiatrie. Ensuite une I.D.E nous parle de la peur des gens qui débordent qui sortent donc du cadre. Elle exprime aussi la peur de l’incontrôlable qui semble traduire la peur de la folie car la caractéristique principale de la folie donnée par cette I.D.E a été la perte de tout contrôle. Elle nous décrit ensuite la prise en charge d’un patient autiste et le sentiment de peur lié à son comportement définit comme différent. L’incompréhension des attitudes de ce patient a mis en échec les soignants. On voit apparaître la notion de différence qui fait peur.

Dans l’autre entretien la peur principale est d’être confronté à une personne en crise, à l’agressivité. C’est la peur de dire ou d’avoir un comportement qui semble agressif pour le patient. Dans un article intitulé "Peur, moi jamais! La peur vécue par les soignants" paru dans le Soin psychiatrie n°92-93 on retrouve ces différentes natures de peur chez les soignants travaillant en psychiatrie. On retrouve les peurs décrites lors des entretiens.
        Il décrits ainsi les peurs : - "Peur d'être agressé physiquement, de la violence, certes, peur des coups, du corps à corps,

-        "Peur de ce que l'on peut induire chez les patients, des passages à l'acte, des suicides."
-        "Peur d'être incapable, insuffisant, de ne pas être à la hauteur, de mal faire, de ne pas savoir se maîtriser, se contrôler physiquement, "de lui rentrer dans le lard"."       
Pour résumer, on peut dire que ces peurs concernent soit le comportement du patient avec sa dose d'imprévisibilité, la difficulté à l'appréhender et donc à anticiper ses réactions; soit le comportement du soignant.

Mais il y a aussi une autre sorte de peur, chronique cette fois-ci, "permanente, insidieuse devant certains patients, dont "on se méfie"." Soins psychiatrie, n°92-93, juin-juillet 1988, p.26 qui est liée étroitement aux représentations que l’on a de la folie qui ne semble alors pas s'enraciner dans un fait réel.

Dans tous les cas, la peur paraît freiner la relation avec le soigné. En effet, l'accueil, la communication et le soin, semble difficile si le soignant enferme le patient dans une image menaçante qui le dépasse.

Nous pouvons soulever le lien étroit entre les notions de peur et d’agressivité qui s’entremêlent on ne saurait dire si la peur est la conséquence de l‘agressivité ou vice versa.

De façon isolée nous voyons apparaître la difficulté de ne pas les infantiliser qui peut nous rappeler les situations d’appel et les contre attitudes observées.

Q6 : Pouvez vous me raconter la dernière prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques ?

 

Cette partie est riche en contre attitudes. Nous pouvons remarquer qu’elles sont présentes au cours de tous les entretiens et similaires.

 

  1. La Catégorisation des patients

Tout d’abord j’ai pu noter qu’une seule I.D.E m’a spécifiée le motif d’hospitalisation dans le service mais n’a pas précisé la pathologie psychiatrique. Une autre a présenté le patient en mentionnant sa pathologie psychiatrique sans le motif d’hospitalisation. Dans 3 autres récits le patient est caractérisé par le comportement générateur de difficultés sans aucune précision sur le motif d’entrée dans le service, ni la pathologie psychiatrique.

Les situations choisies mettent en scène des personnes ayant en commun un comportement demandant de l’attention. Les troubles psychiatriques sont caractérisés par l’agressivité et l’anxiété. On retrouve la catégorisation des bons et des mauvais patients décrits dans l’ouvrage de A.Vega par l’emploi de différents qualificatif comme patient fatigant, lourds et la remarque d’une I.D.E : « les personnes venant des pavillons qui sont toutes mignonnes, toutes gentilles et rentrent dans le cadre de la M.C.O sont moins sujettes aux réflexions ».

Cette catégorisation se retrouve lors de l’annonce des entrées des patients provenant de pavillon.  Lorsque des patients hospitalisée en psychiatrie reviennent régulièrement certaines réflexions se font entendre comme « Ca y est au pavillon ils en ont marre ils lui ont trouvé quelque chose de physique pour avoir un petit peu de vacances. », « Elle arrive, à savoir quand ils vont la reprendre maintenant ». La charge de travail est mise en cause ainsi que le temps nécessaire pour s’occuper de ces patients « au bout d’un moment ça devient lourds ». Le cadre justifie la difficulté des I.D.E à gérer ces patients sur la durée par leur besoin de repères. En effet pour elle les patients n’aiment pas être déraciné de leur service et cela expliquerait les problèmes de comportements dans les services de M.C.O. Elle ajoute qu’ils ne peuvent pas offrir à ces patients ce que leur offre la psychiatrie au niveau de l’expérience et des savoirs du personnel. Ce manque d’expérience expliquerait alors l’absence de prise en charge spécifique. Pour le cadre la psychiatrie est une spécialité, sa présence dans le tronc commun est très bien pour apporter les bases qui sont utiles au sein de tous les services. Pour elle ce n’est pas suffisant et pense que les anciens infirmiers psys ont un savoir que les I.D.E actuels n’auront plus.

  1. Prise en charge spécifique

On retrouve à deux reprises la mise en place d’une prise en charge spécifique. Dans un premier récit l’I.D.E décrit l’attitude qu’il a adoptée et ses conséquences sur le patient qui adhère alors à la prise en charge. Dans l’autre récit L’I.D.E dit avoir fait une relation d’aide, terme dont elle a du mal à se souvenir, on peut alors supposer qu’elle est rarement utilisée. Elle emploie le « je » qui laisse penser à une initiative individuelle car en effet il n’y a pas eu de suivi par le reste de l’équipe.

Dans les deux situations on voit une prise en charge spécifique se développer. Dans ces récits la personne soignée est associée au soin et y tient une place active. Les 2 I.D.E emploie les mêmes mots « j’ai pris le temps » et relient directement leur prise en charge au retard qu’ils ont causé au sein du service.

Ils qualifient ce manque de temps comme un obstacle pour établir une relation avec le patient et ainsi diminuer l’agressivité                        .

Dans le récit d’une autre prise en charge la difficulté majeure a semblé être la sollicitation régulière des soignants et la difficulté de ceux-ci à répondre à l’anxiété du patient. La prise en charge s’est réduite à l’installation d’un traitement qui a entraîné la dégradation de la personne et l’utilisation de contention pour des problèmes de chutes. L’I.D.E décrit cette situation comme très difficile pour l’équipe. Elle précise que souvent lorsqu’il y a des problèmes de comportements chez les patients, le psychiatre de garde est appelé et le problème est réglé « à coup » de traitement médicamenteux. Aucune prise en charge spécifique autre n’est instaurée.

  1. Contre attitudes.

On retrouve certaines contre attitudes décrites par JAMET et DEPRES au cours des différents entretiens : on rentre moins souvent dans la chambre, les soignants parlent toujours en négatifs de ces patients, ils sont mis plus loin dans le service, elles sont moins relationnelles et plus agressives sans justification, l’évitement des chambres, les soins effectués rapidement, les réflexions lors des transmissions. Ces contre attitudes sont liées au sentiment de surcharge qu’éprouvent les I.D.E lorsqu’une situation demande un peu plus d’attention. En reprenant les différentes partie des entretiens, ces contre attitudes sont à mettre en lien avec la représentation négative des patient atteints de troubles psychiatriques et de la psychiatrie elle-même, mais aussi avec la peur et la difficulté à se positionner en tant que soignant face à ces patients. L’I.D.E qui a travaillé en C.M.P rajoute que ses collègues les lui laissent « Tu as l’habitude ». On retrouve cette notion d’habitude dans le livre de Denise JODELET « Les représentations sociales de la folie » et dans un article où les habitants d’un village accueillant un C.H.S ont été interviewés sur leur ressenti avant et 35 ans après la construction de celui-ci. Cet article montre que les habitants se sont habitués à leur présence mais les représentations sociales ne se sont pas modifiées et l’habitude ne suffit pas à assurer une véritable intégration des patients.

Elle a souvent remarqué un manque d’intérêt pour les pathologies psychiatriques, comme se renseigner sur le stade de la maladie d’Alzheimer. En essayant un jour de se renseigner sur la pathologie psychiatrique d’une personne elle s’est retrouvée face à ces réponses « On n’en sait rien, on s’en fiche ».

  1. La dimension relationnelle

L’I.D.E a le sentiment d’être une extraterrestre car elle s’occupe du bien être mental des personnes hospitalisées. Cette remarque peut nous faire penser que les autres I.D.E ne se préoccupent pas de l’état psychique des patients en général jusqu’à le voir comme une perte de temps et inutile.

Elle nous fait part de l’importance qu’elle accorde au relationnel, et ponctue cette affirmation par « Malgré que je ne travaille pas en psychiatrie car ça me fait peur ». On retrouve la notion de peur de la psychiatrie déjà abordée lors de la partie concernant les difficultés rencontrées. L’emploie du terme malgré nous laisse sous entendre que le relationnel ne se retrouve qu’en psychiatrie.

 

III/ L’INTERVENTION DES I.S.P

 

Q7 : Que pensez–vous de l’intervention des infirmiers psychiatriques dans les services de M.C.O ?

 

Tous les participants sont favorables à leur intervention mais dénoncent un clivage de la profession « la M.C.O et la psychiatrie sont deux mondes séparés », « il y a un mur entre la M.C.O et la psychiatrie ».

Les participants travaillant sur un site où psychiatrie et M.C.O sont réunies voient cette proximité comme bénéfique. Ils font la différence entre les infirmiers travaillant dans les pavillons ou pour le secteur et l’infirmière psychiatrique intervenant au sein de la M.C.O.

Ils sont perçus différemment. Les infirmiers s’occupant des patients sur le secteur ou en pavillon apportent plus à l’équipe. Les soignants attendent de leur part des informations pour comprendre les attentes, le comportement du patient pour les aider dans la prise en charge. Mais aussi pour savoir quelles attitudes adopter. Ils regrettent le manque d’échange entre eux et se plaignent d’avoir à aller à la pêche aux informations.

Or nous avons vu lors de la description des situations qu’aucune aide n’est demandée aux infirmiers psychiatriques, seul le psychiatre de garde est sollicité.

L’infirmière psychiatrique rattachée à la M.C.O apporte plus une aide ponctuelle au patient. Ils regrettent qu’il n’y ait pas plus d’échange entre eux. « Elle voit le patient, écrit trois mots dans le dossier, puis s’en va ». Pour les soignants interrogés ses interventions n’apportent rien à l’équipe.

On voit apparaître l’idée de décharge des soins. En effet ils font souvent appel à elle pour des personnes à qui l’on vient d’annoncer une pathologie grave, qui sont dépressifs ou qui ont simplement besoin d’être aidé, de parler. Nous pouvons observer l’abandon du rôle d’accompagnement et d’écoute des I.D.E exerçant en M.C.O. Cela nous donne l’impression qu’elles n’ont pas la possibilité de répondre au besoin de parler des patients en général voir que ce n’est pas dans leur fonction. L’infirmière psychiatrique remplirait alors ce rôle.

On retrouve cette idée où apparemment le relationnel est exclu de ces services. Une I.D.E confirme cette idée par cette remarque « Dans ce service, ils coupent la personne en deux, la tête et le corps ».

CONCLUSION

 

Malgré les représentations négatives de la psychiatrie et de ses pathologies, les participants semblent être prêts à faire un pas vers la psychiatrie pour aider les patients.

Une ID.E termine son entretien par un appel au secours « Il faudrait nous aider ». Cette phrase prononcée par une I.D.E diplômée après 1993 nous montre le sentiment d’impuissance face à ces patients et l’insuffisance de la formation à atténuer les difficultés liées aux représentations sociales de la folie.

Le cadre confirme cette idée. Pour lui la psychiatrie est une spécialité, sa présence dans le tronc commun est très bien pour apporter les bases qui sont utiles au sein de tous les services. Mais trouve que ce n’est pas suffisant et pense que les anciens infirmiers psys ont un savoir que les I.D.E actuels n’auront plus.

Ces entretiens expriment bien les difficultés auxquelles se heurtent les soignants face à ces patients.

Ils pointent aussi l’abandon de la dimension relationnelle de notre profession. Le manque de temps est souvent mis en avant et le soin technique semble être un refuge face aux patients mettant en difficulté les soignants. Cela nous renvoie aux notions de maîtrise et de contrôle souvent évoquées.

Mais lors de la dernière partie de l’entretien nous pouvons remarquer que le simple besoin de parler d’un patient motive l’intervention de l’infirmière psychiatrique.

Pour mener les entretiens j’avais choisi d’interroger en plus des infirmiers un cadre infirmier et une aide soignante pour voir si la formation avait un impact sur les représentations de la folie et de la maladie mentale. Malheureusement aucun volontaire aide soignant ne s’est manifesté.

J’ai pu remarqué que les réponses du cadre infirmier ne se distinguaient pas franchement de celles apportées par les infirmiers, mais cela ne me permet pas d’exploiter cette hypothèse.

J’ai décidé de faire une analyse question par question mais l’analyse entretien par entretien était tout aussi intéressante notamment sur les relations à établir entre les différentes questions et sur la conception de la profession de chacun des participants.

L’outil de recherche m’a permis d’établir des liens avec la partie écrite et il a permis d’approfondir les difficultés rencontrées par les infirmières et de confirmer la présence de contre attitudes.

Au niveau de l’objectif de recherche spécifique il n’est pas possible de conclure sur la nature des représentations sociales de la maladie mentale chez les soignants en M.C.O car le nombre de personnes questionnées n’est pas suffisant. Mais nous avons pu observer que les difficultés des soignants participants sont en lien avec leur représentation. Néanmoins l’observation semble être la méthode la mieux indiquée pour mettre en évidence les représentations sociales mais aussi les attitudes.

Nous pouvons observer sur le terrain que les patients atteints de troubles psychiatriques ne sont pas les seuls à occasionner ces contre attitudes.

Ce travail m’a amenée à m’interroger sur la dimension relationnelle de la profession. Au terme des entretiens un questionnement m’est venu : La difficulté vient-elle vraiment des patients atteints de troubles psychiatriques ou vient-elle de toute situation demandant un minimum d’investissement relationnel ?

Une infirmière m’a dit « Les autres soignants s’occupent des maux mais pas des mots ».

La dimension relationnelle du soin semble être mise au second plan dans ces services et la technique surinvestie.

L’organisation du travail hospitalier tend à faire passer au second plan l’humanité des soins (care), par rapport à l’efficacité technique du travail (cure). Beaucoup délaissent ainsi leur rôle propre au profit de la technique qui pour certains est plus valorisante.

Or l’accompagnement des personnes dans les différentes étapes de la vie est à l’origine de la profession d’infirmière.

La technique semble être aussi un refuge pour certains, car le rapport à autrui est fortement teinté d’ambivalence. On a affaire à des personnes dont les dégradations mentales et physiques peuvent susciter l’angoisse et, comme nous l’ont montré les entretiens, la peur. C’est pour cela qu’il est nécessaire de réfléchir sur les situations qui nous empêchent de jouer notre rôle de soignant pour nous permettre de composer au mieux avec ces éléments au lieu de les ignorer.

Pour ma part j’ai du mal à séparer ces deux dimensions du soin. Le soin est fondé sur « le prendre soin » qui consiste à aider, soutenir, accompagner les personnes et les familles confrontées à un problème de santé. Il est vrai que dans certains services le temps est compté, le soin technique doit alors servir de support à la relation soignant/soigné. Cela demande une certaine maîtrise du geste pour être disponible à la relation. La personne soignée plus en confiance se détourne de l’acte pur et s’exprime plus facilement.

Bien travailler consiste à construire le meilleur compromis entre technique et relationnel.

Je terminerais avec cette image : ma perspective professionnelle est de rester sur mes deux pieds un pied relationnel et un pied technique pour me permettre d’avancer dans la profession en accord avec les besoins de la personne soignée et ma conception des soins.

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

OUVRAGE

 

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REVUES ET ARTICLES

 

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-         Loi n°7443 du 30 juin 1838, dites « Loi sur les aliénés », traitant des institutions et de la prise en charge des malades mentaux.

 

-         Loi n°85-1468 du 31 décembre 1985, relative à la sectorisation psychiatrique intègre les secteurs dans la carte sanitaire générale.

 

-         Loi n°90-527 du 27 juin 1990, relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation modifie la loi du 30 juin 1838.

 

-         Loi2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

 

-         Loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

 

-         Décret n° 2004-11-28-802 du 29 juillet 2004, intégrant dans le code de la santé publique le décret du 16 février 1993, relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières, et le décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.

 

-         Circulaire du 15 mars 1960, relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.




[1]HAREL-BIRAUD Hélène, « Manuel de psychologie à l’usage des soignants » éd MASSON, Paris, 1990, p 82

[2] Lire partout : médecine, chirurgie, obstétrique.

[3] Lire partout infirmières et infirmiers

[4] VEGA Anne « Une ethnologue à l’hôpital » éd des archives contemporaines, Paris, 2000

[5] VEGA Anne « Une ethnologue à l’hôpital » op.cit p128

[6] Ibid p113

[7] Ibid p170

[8] DOUGLAS Mary, « De la souillure » édition la Découverte Poche, Collection Sciences humaines et sociales, Paris, 2001

[9] VEGA. A,  « Une ethnologue à l’hôpital », op.cit, pp.141, 142

[10] Annexe I, p. 37

[11] CCOMS, DRESS, « Troubles mentaux et représentations de la santé mentale » Premier résultats de l’enquête Santé mentale en population générale, n°347, octobre 2004 p.1

[12] HENRY Marion, « Discrimination à l’œuvre » Supplément de l’infirmière magasine, n°209, Octobre 2005, p.5 à p. 9

 

[13] HENRY Marion « Discrimination à l’œuvre » op.cit p.6

[14] Ibid p. 7

[15] Ibid p. 8

[16] LAUBERT C. et coll., Public acceptance of restrictions on mentally ill people cité par DENEUFGERMAIN David, « Psychiatrie marque déposée » in  Santé mentale n°93, décembre 2004, p 43

[17] CRISP A et coll., Stigmatisation of people with mental illnesses cité par DENEUFGERMAIN David, « Psychiatrie marque déposée » in  Santé mentale n°93, décembre 2004, p 43

[18] DENEUFGERMAIN David, « Psychiatrie marque déposée » in  Santé mentale n°93, décembre 2004, p 43

[19] HENRY  Marion, « Discrimination à l’oeuvre » op. cit. p7

[20] DENEUFGERMAIN David, « Psychiatrie marque déposée » op. cit. p 44

[21] DEFROMONT Laurent « Les mots pour dire la folie »,in  Santé mentale n°93, décembre 2004, pp 47, 48

[22] DEFROMONT Laurent  « Les mots pour dire la folie », op.cit. p. 47

[23] DEFROMONT Laurent  « Les mots pour dire la folie », op.cit. p. 48

[24] PROUFF.J « Comprendre les cas concret en psychiatrie » éd HEURE DE FRANCE, Thoiry 1995 p.16

[25] BOURDEUX Christian « Pour un autre regard sur la folie» in Soins psychiatrie n°229, nov-dec 2003, p.15

[26] J.PROUFF « Comprendre les cas concret en psychiatrie », op.cit p.18, 19, 20, 21, 22, 23

[27] Annexe II, p. 50

[28] Fédération Hospitalière de France, « Les droits du patient dans la loi du 4 mars 2002 »

http://fhf.ecritel.net/fhf/docs/guide_droits_du_patient.pdf,  p. 6, consulté le 5 mai 2006

[29] Maxence CORMIER, « Les droits des malades dans la loi du 4 mars 2002 » adsp n° 40, http://hcsp.ensp.fr/hcspi/docspdf/adsp/adsp-40/ad400610.pdf, septembre 2002, p.7, consulté le 5 mai 2006

[30] Nathalie LELIEVRE, « Analyse du nouveau décret de compétence de la profession d’infirmier du 29 juillet 2004 » Infirmier.com, http://www.infirmiers.com/doss/nouveau_decret.php, 30 juin 2005, p.1, Consulté le 16 Avril 2006

[31] Claude FINKELSTEIN, « Point de vue de la Fnap-Psy » Santé mentale n°93, décembre 2004, p 57

 

[32] MOLINER Pascal «  Je pense, je sais, je crois… » in Santé mentale n°93, Décembre 2004 p 25

[33] MANNONI Pierre « Les représentations sociales » éd PUF, Paris, 2003, pp.5, 71, 119

[34] MOLINER Pascal «  Je pense, je sais, je crois… » op.cit. p 25

[35] PETIT Brigitte « Changer nos représentations pour mieux soigner » Santé mentale n°229, novembre/décembre 2003 p 26

[36] MOLINER Pascal «  Je pense, je sais, je crois… » op.cit, p. 26

[37] MOLINER Pascal  «  Je pense, je sais, je crois… » op.cit, p. 27

[38] ABRIC Jean-claude  « Pratiques sociales et représentation » éd Presses universitaire de France, Paris, 1994, pp. 16, 17 (252)

[39] MOLINER Pascal  «  Je pense, je sais, je crois… » op.cit, p. 27

[40] ABRIC Jean-claude  « Pratiques sociales et représentation » op.cit. p. 18

[41] MOLINER Pascal  «  Je pense, je sais, je crois… » op.cit, p. 27

[42] Ibid p. 27

[43] Ibid pp. 27,28

[44] MANNONI Pierre  « Les représentations sociales » éd PUF, Paris, 2003, pp. 93, 94

[45] OGIEN Albert « Le remède de Goffman ou comment se débarrasser de la notion de self » Cesames, http://cesames.org/Textes%20et%20documents/goffman'sself.pdf, 20 janvier 2005, p.3, consulté le 6 avril 2006

[46] LINTON Ralph  « Paroles de sciences sociales »  http://www.citations-ses.net/index.php/?q=statut, 7 mai 2006, p.1, consulté le 7 mai 2006

[47] FERREOL Gilles « Dictionnaire de sociologie » éd Armand COLIN, Paris, 1995, pp. 251, 256

[48] MANOUKIAN.A, MASSEBEUF.A « la relation soignant soigné » éd Lamarre, Paris, 1995, (p157), pp. 12, 13

[49] MANOUKIAN.A, MASSEBEUF.A « la relation soignant soigné » éd Lamarre, Paris, 1995, (p157), pp.14, 17

[50] MANNONI Pierre « Les représentations sociales » éd PUF, Paris, 2003, p. 95 

[51] Ibid p. 95                                                                                                                                                                                      

[52] MALABEUF.L, « La relation soignant/soigné : du discours au passage à l’acte » in Soins Formation, pédagogie, encadrement, n° 4, 1992, pp. 4, 7.

[53] GOFFMAN Erving  « Stigmate » Les Editions de Minuit, Paris, 1975, p. 31

[54] GOFFMAN Erving  « Stigmate » op.cit. 31

[55] Ibid pp. 30, 31, 57

[56] FOULQUIE.P, SAINT-JEAN.R « Dictionnaire de la langue philosophique » PUF, Paris, 1969

[57] Grand dictionnaire de psychologie Larousse, Paris, 1991

[58] FRIARD Dominique « La relation d’incivilité » in Soins psychiatrie, n°205, novembre/décembre 1999, pp. 6, 7

[59] DEPRE.V, JAMET.J.M « L’accueil en psychiatrie, Aspects juridique, théorique, pratique ». Editions Hospitalières, Paris, 1997

[60] FRIARD Dominique op.cit pp.8,9

[61] DEPRE.V, JAMET.J.M, « L’accueil en psychiatrie, Aspects juridique, théorique, pratique. » Editions Hospitalières, Paris, 1997

[62] Annexe III, p. 59