CAS CONCRET
ETUDE CLINIQUE ET CONCEPTUELLE
Ce mémoire a bousculé une partie de mes
fonctionnements. J’étais certes, habituée à parler de mon vécu soignant avec
mes collègues de travail, mais jamais par écrit.
Pour faire ce travail, il était donc nécessaire que
j’accepte d’évoquer mes expériences sans compromis, c’est à dire sans nier les
difficultés ni donner une version édulcorée des faits. En cela je prenais un
risque auquel j’étais peu habituée. Mais une certaine honnêteté intellectuelle
me poussait dans ce sens. Il me semblait qu’au plus je serais proche de la
réalité, au plus je pourrais progresser dans mon travail thérapeutique.
De plus, la liberté donnée par l’absence d’enjeu social,
pas de nouveau diplôme, ni grade supérieur m’a permis de me dégager en partie
des consignes et de faire le travail que j’avais envie. Mon but principal,
outre la tentative de faire un travail correct fut donc de me procurer un
contentement certain. J’espère que vous aurez autant de plaisir à lire que j’ai
eu à écrire ces quelques pages.
Je vous remercie d’avance de votre indulgence et vous
souhaite une agréable lecture.
POURQUOI CETTE PATIENTE ?
« Le secteur est à la fois précurseur et modèle en
matière de démocratie sanitaire ou plutôt d’espace démocratique et éthique
».
Je
crois, que ce qui m’a le plus interpellée dans cette expérience, c’était la
liberté. Pour moi, la maladie ne peut pas être synonyme d’enfermement ni
d’isolement et encore moins favoriser une toute puissance alléguée par le désir
de soigner. Le patient est toujours au centre de toute prise en charge et il a
donc son mot à dire pour tout changement dans sa vie.
Je
trouvais formidable l’idée de sortir une patiente (que j’appellerai Nina) de
son pavillon de chroniques et de l’insérer dans la ville. Et je n’étais certes
pas la seule. Encore fallait-il être sûr que c’était là son désir.
De
plus, je vivais dans le même temps, le même mouvement que Nina. Je quittais un
pavillon d’entrée au centre hospitalier spécialisé pour intégrer un centre
médico-psychologique.
J’ai
appris par la suite, par un psychologue qui a bien suivi le chemin de Nina, que
c’était une habitude de cette dernière d’avoir comme infirmier référent une
personne qui était en marge des équipes.
Etais-je
dans ce cas ? En partie oui. J’arrivais dans une nouvelle structure et je
devais m’adapter à un fonctionnement différent et ceci n’est jamais très
facile.
Bref,
tout s’est mis en place pour que j’accompagne cette patiente un bout de chemin.
Je remercie donc Nina qui m’a permis de m’interroger notamment sur
l’accompagnement à domicile mais surtout pour sa spontanéité et ses
confidences, sans oublier ses moments d’humeur et de tristesse qui m’ont appris
à me positionner en tant que soignant et à approfondir sa pathologie.
INTRODUCTION
« l’expérience du secteur, c’est à la fois la somme
des connaissances issue de la clinique, les savoirs et les aptitudes à
travailler à plusieurs, les enseignements mobilisés depuis plus de 30 ans au
service de la population desservie, mais aussi un espace clinique d’observation
et de recherche, un lieu de l’éthique du soin, toujours à élaborer et à
préserver ».
A
l’heure, où la presse s’évertue à afficher la dangerosité de certains hôpitaux
et notamment les hôpitaux psychiatriques, à l’heure où nos gouvernants tentent
de refermer les portes des asiles pour des raisons le plus souvent économiques,
il me paraissait important de parler d’une expérience d’insertion dans la ville
d’une patiente qui, bien qu’elle n’ait pas à ce jour porté tous les fruits
escomptés par l’équipe initiatrice, reste une expérience positive. Elle est un
bon exemple de collaboration entre les services c'est-à-dire pour ce cas
précis, un service de chronique, un service de post-cure et un centre
médico-psychologique.
Ce travail repose sur un entretien qui avait pour but de faire participer la patiente aux décisions concernant son avenir en lui reformulant les données qui allaient changer et celles pour lesquelles il faudrait prendre de nouvelles dispositions.
Dans
le souci du respect de la malade, les noms des personnes et des lieux ont été
modifiés.
Il
est présenté avec mes commentaires de soignant entre les lignes.
J’ai
longtemps hésité pour savoir s’il était intéressant ou non pour une meilleure
compréhension de Nina de laisser la réponse de l’aide à domicile (que j’ai
appelé Nounou). Après réflexion : rester quatre jours à temps plein en
cohabitation pouvait donner un autre éclairage.
Dans
une deuxième partie, l’étude du comportement de Nina s’appuie sur un regard
psychanalytique avec les différents concepts qui peuvent en découler. J’ai
développé de façon plus approfondie les deux points qui m’ont semblé
particulièrement déterminant c’est à dire le fonctionnement obsessionnel et le
deuil traumatique.
LE CAS CLINIQUE
Ils ont dit : « tu es devenu
fou à cause de Celui que tu aimes. »
J’ai dit : « la saveur de la
vie n’est que pour les fous .»
Yaäfi’l, Raoukhal rayâhin
I
- Préliminaires
A peine arrivée au centre médico-psychologique, son
aide à domicile (que j’appellerai « Nounou ») installe Nina sur un
siège pliant devant la porte pour qu’elle puisse fumer une cigarette.
Elle
vient, ensuite, me voir et après les formules de politesse d’usage me
dit :
Nounou : « je
vous la laisse, j’ai beaucoup de choses à faire, 17 h 00, ça va ? »
Je
vous rappelle qu’elle boit du café avec des sucrettes, elles sont dans sa
poche, vous seriez gentille de faire attention ».
Cette entrée en matière, si elle est socialement
correcte, est d’une froideur notable. Je ne commente pas, je fais juste un
signe de tête et je réponds :
Moi : « A tout à l’heure, passez une bonne
après-midi ».
Ma réponse est distante malgré une petite amabilité.
Etait-ce l’effet miroir ?
Sa cigarette finie, Nina entre avec le sourire.
Habillée d’un long manteau blanc, en imitation fourrure, avec son foulard et sa
capuche sur la tête. A ce moment là, elle a vraiment une
allure de malade psychiatrique (très repliée sur elle-même, marchant tête
basse, traînant les pieds).
Elle ôte son manteau et son foulard puis s’assied
devant moi.
Là, le tableau change. Elle sort visiblement de chez
le coiffeur. Elle sait être très coquette, elle est bien maquillée (au début de
sa maladie elle se maquillait « comme un clown », avec de la couleur
posée n’importe comment). Elle me sourit.
Puis viennent les phrases rituelles qu’elle est
capable de répéter des dizaines de fois :
Nina : « La date de ma montre est-elle bien réglée,
qu’elle heure est-il ?
Tu
n’as pas de café ?
Elle
fixe avec obsession sa montre et me redemande au moins 10 fois si la date
est bonne. Puis au café de nouveau le même leitmotiv avec insistance :
« regarde
bien ».
Nina : « Mes intestins me font mal ».
Le
tout est accompagné de juron : « Merde,
con, me casse la gueule… »
Pas d’agressivité dans ces propos. Nina est ainsi,
elle utilise facilement un vocabulaire vulgaire. Voilà le cadre posé.. Mais
avant de continuer, attardons-nous brièvement sur l’histoire de cette patiente.
Sans
faire une longue biographie, Nina, née en 1946, a vécu seule avec sa mère. Elle
fait la connaissance, à l’âge de onze ans, de ses deux demi-frères et de son
père qui malgré son divorce avec sa première femme, n’épousera pas sa mère.
Elle
travaille comme aide soignante dans un bloc opératoire où elle est une employée
modèle.
Elle
se marie deux fois : un gendarme dont elle divorce, puis un policier qui a
de gros problèmes d’alcool.
Elle
a un fils et maintiendra toujours, des liens avec sa belle-fille.
L’histoire
de sa maladie débute, en juillet 1989, avec un accident de la circulation
qu’elle a eu avec son fils qui meurt sur le coup à l’âge de 25 ans.
Un
mois et demi de coma et plusieurs opérations empêchent Nina d’assister à
l’enterrement et au procès du « chauffard ».
Dès
lors sa vie bascule d’une autonomie complète à une dépendance importante, d’une
vie familiale à une vie asilaire, d’un travail de soignant à un état de
soignée.
Elle
est hospitalisée une première fois en 1991 pour « démence
post-traumatique. »
Malgré
un retour à domicile, sa vie sociale se délite, elle coupe les liens avec tous
ses amis et perd son travail. De plus son conjoint meurt dans son lit.
Dès
le lendemain, elle est de nouveau hospitalisée sous contrainte et ne quittera plus l’institution
hospitalière, excepté un essai de retour à domicile tenté sur une période de
trois mois qui se soldera par un échec.
Le
diagnostic posé quelque temps plus tard, est « état d’agitation
aiguë avec troubles du comportement avec éléments dépressifs et abandonniques ».
Une
tentative de retour à domicile a lieu de février 1996 à janvier 1997. Si dans
un premier temps, elle montre une certaine adaptation, très vite il s’avère
qu’elle a de gros problème de voisinage (bouche les toilettes avec ses
couches). A son retour à l’hôpital elle est dans un mauvais état général et
psychologique.
Mais reprenons le cours de cet entretien.
II – Et demain ?
Plus tard, je la rejoins et lui propose de nous
isoler pour parler un peu. Elle accepte sans aucune difficulté.
Nina :
ça me déplaît pas ici, les visages sont agréables.
Bonne entrée en matière pensais-je sur le moment,
elle est décidée à communiquer. Mais après réflexion, on peut se demander si
cette réponse est tout à fait adaptée à la demande.
Moi :
Nina, vous savez que Nounou arrête son
contrat à la fin du mois.
Nina :
Oui. Sans autre commentaire.
Elle semble indifférente à ce changement de
programme. Pourquoi ce manque de manifestations ? N’était-elle plus
capable d’aucun investissement affectif ou bien était-elle en difficultés avec
Nounou ? Probablement un peu des deux.
Moi : Pour
mieux préparer les mois à venir, nous aimerions que vous nous
parliez de vos journées avec Nounou.
Nina :
Superbe me gonfle la pastèque, elle n’est pas drôle, (silence)
Même si la maladie a affaibli certaines de ses
capacités, elle garde un certain sens de la répartie et de l’image.
« Superbe » est pratiquement un surnom. Il me renvoie au côté irréprochable de son
assistante de vie : repas impeccable, appartement où rien ne traîne, même
pas un grain de poussière, journées parfaitement organisées, mais ceci s’oppose
au résultat obtenu « me gonfle la pastèque ». Toute cette perfection
ne fait qu’irriter Nina.
Nina :
Elle n’est pas méchante, elle est très différente de moi, (silence)
elle cuisine très bien.
Elle a envie de parler de ses difficultés avec
Nounou, mais a peur d’être trop dure. D’ailleurs, elle dit souvent de façon
récurrente :
«Je ne suis pas méchante tu sais, mais on m’a
tué mon fils».
Quel
rapport fait-elle entre le fait d’être « méchante » et la mort de son
fils ?
Je ne la laisse pas repartir sur la colère envers le
chauffard qui est un leitmotiv. Par contre, j’essaie de comprendre ses difficultés
de cohabitation.
Moi :
Ce qui serait bien c’est que vous me
parliez de vos journées avec Nounou,
en commençant par le début de la journée.
Nina :
Le matin je me réveille seule.
En fait, elle se réveille, déambule dans
l’appartement, allume partout, fait couler les robinets et tire la chasse d’eau
plusieurs fois dans la nuit. C’est très inquiétant pour
Nounou, elle a déjà bouché les toilettes
avec des couches, obstrué délibérément les lavabos et inondé l’appartement.
Nina :
Quand nounou est réveillée, elle prépare
mon petit déjeuner, et je mange
seule, jusque là je n’ai pas de problème.
Puis, c’est le début des emmerdes.
J’essaie de faire ma toilette, à
l’hôpital je la fais seule.
Elle me lave le dos. Pour la toilette
intime, je me débrouille seule
Nounou dit le contraire et il est vrai qu’en service,
les infirmières doivent négocier beaucoup pour qu’elle ait un minimum
d’hygiène. La difficulté, pour Nounou, qui a été formée dans une structure de
soins somatiques est de comprendre qu’en psychiatrie, la toilette n’est pas une
priorité. De plus, la résistance à la toilette, est un moyen de dire non à
l’autorité, de se révolter, elle peut se sentir ainsi exister encore un peu.
Ceci se retrouve dans les lenteurs à se préparer pour sortir ou dans ses
cigarettes qu’elle fume en excès dans sa chambre malgré les désapprobations
bien marquées.
J’ai l’impression d’avoir en face de moi deux
réalités différentes. Celle de Nounou qui veut montrer ses capacités et vivre
avec des exigences de santé, d’hygiène et d’écologie et Nina qui est dans
l’instant présent et dans l’assouvissement instinctif de ses besoins.
Nina :
Elle m’aide à prendre le bain un jour sur
trois, j’ai peur de le faire seule.
Puis, comme si elle renouait avec ce qu’elle ressent
lorsqu’elle est chez elle, d’un coup elle rajoute.
Nina :
Je ne veux plus rester dans cet
appartement.
Je veux garder mes meubles.
J’ai toujours mal au ventre
Et ce mal au ventre qui revient souvent lorsqu’elle
évoque le passé et son désir de maintenir les liens. Qu’est ce qui est le plus
difficile à vivre ? Rester dans cet appartement ou bien se débarrasser de
ses affaires qui sont les restes de sa vie antérieure qu’elle a tendance à
idéaliser ?
Je recentre l’entretien.
Moi : que faites-vous après ?
Nina : Je fume sur le balcon pour ne pas l’emmerder.
Puis, elle veut que je
fasse la poussière. ça ne
me gène pas, mais avec elle ce n’est jamais bien fait. Avant, j’aimais le faire
mais maintenant je m’en fous royalement.
Le changement dû à la maladie s’est porté aussi sur
les habitudes de vie. Même si son domicile n’était pas toujours très investi et
donc pas toujours très propre, elle, maniaque du ménage au bloc opératoire de
l’hôpital, est aujourd’hui, assez insensible à son environnement.
J’imagine Nina dépoussiérant avec une irritante
lenteur les quatre meubles de l’appartement.
Nounou ne peut être que perturbée par cette femme qui
ne recherche plus que la jouissance du moment présent et qui se laisse porter
en grande partie.
Nina :
Puis je fume une cigarette en attendant
midi
Dérangée par la fumée ou dans le désir de recherche
d’un meilleur état de santé, Nounou a du mal à accepter les cigarettes. Ces
dernières deviennent des objets de chantage, et donc forcément source de
conflit.
Nina :
Nous mangeons ensemble, le repas est
toujours bon, mais elle m’oblige à
manger alors que je n’ai pas
faim. Alors je mange quand même.
Nounou a le sens du travail bien fait. Elle cuisine
des repas équilibrés qui lui prennent beaucoup de temps. Manger équilibré n’est
pas forcément ce dont Nina a le plus besoin, d’ailleurs, à l’hôpital, elle ne
mange pas souvent à midi et l’équipe le tolère.
Moi : Et à l’hôpital que faîtes-vous de plus.
Nina : Là-bas, je me sens plus chez moi, j’en fais plus
qu’ici. J’écris à ma mère.
Je lave du linge, je fume volontiers mes clopes.
Nina ose enfin dire qu’elle ne se sent pas chez elle
dans son propre appartement. A l’hôpital, le règlement est plus souple et
personne ne l’empêche de fumer. Par contre elle n’y est pas plus active mais
c’est probablement une façon de dire qu’elle est mieux là-bas.
Moi : Comment se passe le reste de la journée.
Nina : Elle m’oblige à faire la sieste :
« Repose-toi un moment » me dit-elle.
En général, elle ne fait pas de vraie sieste. Tout au
plus elle s’endort dans un fauteuil dans la salle commune. Mais peut-être que
Nounou a besoin de repos. Passer quatre jours complets sans quitter Nina
demande une telle énergie qu’il n’est pas difficile de comprendre ce besoin de
souffler un peu en milieu de journée.
Moi : Et puis ?
Nina : Nous sortons.
Elles
ont le choix. Soit elles viennent nous
voir au centre médico-psychologique où Nounou laisse Nina, soit elles vont à la
maison de retraite, soit au cimetière.
Se promener en voiture pour retrouver les coins qu’elle a connus, mais aussi à pied dans la rue piétonne sans oublier le petit café et la cigarette au bar sont les petits plaisirs de Nina.
Nina :
Nous retournons à la maison vers 17 h 30
et là je m’emmerde, je fume.
Nounou prépare le repas. Je vais me coucher de bonne heure car de toute
façon ce n’est pas moi qui choisis le
programme de télévision.
Selon Nounou, son plaisir est de
regarder Star-Academy. Etonnant, cette différence de
version sur le programme télé, presque
comme un vieux couple. Le rapport entre les deux n’est manifestement pas un
rapport soignant / soigné.
Moi : Nina vous savez que nounou arrête son travail à la
fin du mois.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Nina :
Après Nounou, il faut quelqu’un d’autre.
Je resterai toujours ici, mais je ne sais pas où j’en suis en fric.
Elle ne montre aucune émotion vis à vis de ce
changement de vie.
Etait-ce par manque d’investissement affectif ou au
contraire un soulagement ou bien les deux ? En fait, Nina est
redevenue enfant, (ou peut être l’a-t-elle toujours été) elle est très centrée
sur elle-même et sa problématique.
Je suis étonnée qu’elle se souvienne parfaitement du
souci économique que nous avons évoqué avec la tutrice.
Moi : Pensez-vous que nous pouvons vous laisser seule par
moment,
la nuit par exemple ?
Nina : La nuit, si on me laisse j’ai peur. J’ai peur de
faire des bêtises.
Je me sens plus chez moi à l’hôpital. Mais je me plais ici car je peux
aller voir ma mère et aller sur la tombe de Ken (son fils).
Elle l’appelle toujours son fils par son prénom. Il
est toujours bien vivant dans sa mémoire. Un peu comme, après l’ablation de son
membre, l’amputé le ressent encore présent, voire douloureux.
Nina :
Je voudrai un autre lieu avec un jardin,
même merdique pour avoir un
Walsh terrier. C’est un chien, j’en ai déjà eu un et il s’est laissé
mourir peu de temps après mon fils.
Cette évocation du chien me laisse perplexe. Après
avoir consulté des soignants qui l’ont connue en d’autres temps, il s’avère
qu’un lien pourrait être fait avec son fils. Souvent, elle traitait son fils de
« belle bête ». Il est vrai que je ne
connais Ken que par son physique. Elle me l’a toujours décrit comme un beau
gosse comme si rien n’existait d’autre que son corps. Penser qu’un lien de
l’ordre de la jouissance existait entre eux n’est alors pas exagéré.
Moi : Vous savez que nous réfléchissons en équipe, pour
votre devenir, mais
nous ne voulons rien décider sans votre accord, d’où l’intérêt de notre conversation.
Nina : Pendant quelque temps, je ne veux pas rester seule.
J’ai peur de faire
des conneries, de me tuer. Quand je pense à l’homme qui a tué mon fils,
ça me poignarde. Des fois, je pense à payer quelqu’un pour tuer le gars qui a
tué mon fils.
Deux ans et demi de prison c’est
insuffisant.
Evoquer le désir de détruire l’assassin de son fils
est fréquent chez elle. Mais c’est la première fois, qu’elle évoque la peur de
se tuer. Cette idée est-elle ancrée ou était-ce un moyen de nous interpeller,
nous les soignants.
Malgré tout, je ne relève pas, je suis embarrassée.
Depuis, c’est une phrase qu’elle n’a plus répétée, mais qui reste énigmatique
dans le sens où elle n’a jamais vraiment fait d’appel au secours de cet ordre,
ni de tentative de suicide.
Moi : Pour le projet, nous essaierons de rester au plus
près de votre demande.
Mais vous savez, nous avons des
contraintes économiques.
Nina : ça me
fait rien qu’on vende mon ancien appartement pour acheter
quelque chose ici avec un jardin.
Moi : Vu le contexte immobilier, ce ne sera pas une mince
affaire.
Si vous voulez bien nous reparlerons de
tout ça mardi avec mes collègues
des autres équipes.
Voulez-vous boire quelque chose ?
Nina : Vous reste t-il du café ?
Nina part s’asseoir dans le salon. Je lui sers son
café puis elle reste là une bonne heure sans avoir la moindre demande ni
échanger la moindre parole.
III - Nounou réagit
Vers dix sept heures, arrive Nounou. Cette dernière
s’installe dans un fauteuil, elle a visiblement envie d’être écoutée.
Alors je m’assoie en face d’elle et j’attends.
Il s’en suit alors une vague de reproches (qui ne
veulent pas l’être) sur l’équipe.
Nounou :
je ne suis pas écoutée.
Personne n’a pris en compte la difficulté de vivre avec Nina.
Au début, je n’ai jamais été informée de sa pathologie.
Ceci est tout à fait exact. Elle s’est retrouvée à
prendre en charge une patiente avec très peu d’informations à son sujet.
L’équipe était tiraillée entre le secret médical et l’information à donner.
Bien sûr, le médecin l’a rencontrée plusieurs fois, mais sa formation peu
adaptée et son inexpérience pour ce genre de pathologie ont compliqué la
situation.
Nounou :
Vous savez, Nina ne fait que ce qu’elle
veut. Elle ne percute pas.
Si je veux être écoutée, je lui supprime ses cigarettes et alors elle
m’écoute car elle veut récupérer son paquet de cigarettes.
Ceci est un exemple de manque de professionnalité
Elle considère Nina comme une enfant à qui l’on propose une récompense si elle
est bien sage.
Moi : êtes-vous sûre que c’est la bonne méthode ?
Nounou : vous ne vous rendez pas compte du travail que cela
représente d’être
en tête-à-tête avec Nina.
Et voilà. Ce que j’avais déjà perçu, c'est-à-dire une
sorte de méfiance voire de colère contre l’équipe commence à sortir. J’entends
derrière ces mots tout le désarroi de Nounou.
Je
voudrai faire avancer la situation, mais elle est sur la défensive et je ne
sais pas comment m’y prendre.
Moi : j’ai essayé de comprendre et j’ai demandé à Nina de
me raconter ses
journées ici.
Maladresse
ou honnêteté de ma part ? En tout cas, je vois Nina se recroqueviller,
s’enfoncer dans le fauteuil, elle n’ose plus regarder Nounou. De temps en
temps, elle esquisse un sourire.
Nounou :
que vous a-t-elle dit ?
Moi : Elle m’a raconté comment se déroulait une journée.
Mes collègues et moi avons
besoin de comprendre aujourd’hui pour mieux préparer demain.
Je
regarde Nina et tente de lui demander ce qu’elle pense de tout ça, mais je sens
vite que je la mets mal à l’aise, alors je n’insiste pas.
Nounou : Nina devrait avoir des massages.
Le soin par le corps est aussi important que par la parole.
Ma petite voix intérieure me dit qu’elle ne fait pas
confiance à l’équipe. Elle a envie de nous dire comment il faut travailler,
mais tente d’être diplomate.
Moi : quand vous l’aidez à prendre le bain, vous
arrive-t-il de lui masser le dos.
Nouvelle erreur de ma part, car j’obtiens le résultat
inverse de celui escompté, je déclenche d’autres reproches.
Nounou :
ce n’est pas mon travail, j’en fais assez comme ça. (silence)
Je ne suis pas soutenue.
L’équipe ne m’écoute pas. (silence)
Nina aurait besoin de massages, de
quelqu’un qui s’occupe d’elle
autrement.
Moi : j’ai entendu, ne vous inquiétez pas je parlerais de
vos suggestions au reste de l’équipe.
J’essaie d’interrompre l’entretien car je suis dans
une impasse. Mais Nounou ne peut en rester là. S’en suit alors une diatribe
verbale concernant les soignants, les difficultés à prendre des décisions, la
lenteur de réaction, le manque d’écoute.
Je tente vainement de lui expliquer que nous ne
décidons jamais seul, que nous faisons un travail d’équipe, que nous pratiquons
une thérapie institutionnelle et que nous devons prendre en compte divers
paramètres comme notamment les prescriptions médicales, les contingences
matérielles, sociales et économiques. Elle ne m’écoute absolument pas. Je la
sens persécutée. (Une de mes collègues qui ne participe pas à la conversation
mais qui entend tout d’une autre pièce a le même ressenti). J’essaie de la
rassurer sur la qualité de son travail afin de pouvoir réfléchir ensemble sur
l’avenir, mais mes efforts sont vains. Elle se sent jugée, incomprise. Depuis
le début de cette prise en charge, nous ne sommes pas parvenues à travailler en
équipe avec elle et du coup, elle se sent exclut.
Cela nous donnera d’ailleurs, par la suite,
l’occasion de réfléchir sur l’accompagnement des personnes qui interviennent à
domicile pour nos patients.
Nous nous quittons sur ces paroles d’incompréhensions
mutuelles non sans prendre rendez-vous pour la prochaine fois.
I- Notions de concept
Pour commencer cette étude, il me semble important de
comprendre ce que signifie le terme :
concept.
Si je m’en tiens à la conception du « Grand
dictionnaire de la Psychologie »[3] :
« Unité cognitive, liée en mémoire
à un mot ou à une expression et sous laquelle peut être regroupée une classe
d’objets, d’évènements, de relations etc., qui possèdent des éléments ou des
propriétés en commun. »
Cette définition étant encore trop imprécise, j’ai poussé
plus loin ma lecture et trouvé une extension pour la psychologie cognitive
qui me semblait éclaircir un peu plus, le sujet [4] :
« un concept
est d’abord une représentation individuelle, une unité cognitive présente dans
l’intellect, c’est à dire, en principe dans la mémoire cognitive d’un sujet
particulier. Mais comme le support en est normalement un mot ou une expression,
le contenu d’un concept est toujours, pour un sujet donné,
« partagé », au moins partiellement avec les autres, parlant la même
langue et susceptibles de communiquer avec lui. »
En fait, un concept est un mot ou un ensemble de mots qui
ont un lien entre eux, qui peut ou peuvent être regroupés en système et en
partie discutés avec d’autres. Il repose donc sur la communication orale et
donc l’expression d’une idée. En général, une table ou tout autre objet
palpable ne peuvent être considérés comme un concept il faut donc rajouter la
notion d’« abstraction » à notre définition.
Mais comme rien n’est simple, dans l’art conceptuel les
artistes font apparaître des objets usuels et les sortent de leur contexte pour
en faire ressortir leur coté abstrait, soit en les insérant dans des sites
inhabituels (une télévision en plein milieu d’un désert) soit en les associant
avec d’autres objets avec lesquels ils sont rarement associés (une bouée et un
couteau). Dès lors ces objets deviennent des concepts car ils facilitent la réflexion
au niveau du sens.
Mais arrêtons notre définition des notions plus usuelles. Le
concept nous permet de poser les bases du discours et être ainsi certain qu’on
parle tous du même sujet. C’est un outil de pensée qui aide à relier et à
discerner. Il peut être soit fédérateur soit diviseur mais dans tous les cas il
donne un sens à ce qui est dit.
Prenons comme exemple ce cas clinique et nous trouverons
entre autres : la relation d’emprise, la cigarette et le soin, l’effet
miroir, le contre-transfert, l’institution.
Toutes ces notions, certes importantes, ne prédominent pas
chez Nina. Le deuil non fait, étudié dans les paragraphes suivants est
certainement une des clés de sa pathologie.
II - Le deuil
Avant
de parler de toutes les formes de disfonctionnement il est intéressant de
comprendre dans quelles conditions le deuil est dit « normal. »
1. Le deuil normal
Pour S. Freud dans Deuil et mélancolie 1915-1917 :
« Le deuil est régulièrement la réaction à la perte d’une personne aimée ou d’une abstraction mise à sa place, la patrie, la liberté, un idéal etc. (…)
Il est aussi très remarquable qu’il ne nous vient jamais à
l’idée de considérer le deuil comme un état pathologique et d’en confier le
traitement à un médecin, bien qu’il s’écarte sérieusement du comportement
normal. Nous comptons bien qu’il sera surmonté après un certain laps de temps
et nous considérons qu’il est inopportun et même nuisible de le perturber. »[5]
Cette définition qui a servi largement comme référence dans de nombreux ouvrages parle de la notion de « perte » c’est à dire qu’elle concerne non seulement la disparition de quelque être cher, mais aussi aborde un sens plus large et se réfère à une idée ou un concept dont l’individu peut avoir à se soustraire. Ainsi le prisonnier doit-il faire le deuil de sa liberté. Freud précise que cette notion de perte est le plus souvent vécu sans déclenchement d’aucune manifestation maladive, le temps étant le plus souvent le meilleur remède.
A ce sens très large du deuil, le Docteur Marc Louis
Bourgeois dans Neuropsy[6],
ajoute une précision « c’est un
comportement et une réaction consécutifs à la perte d’un « autre
significatif », tel qu’un conjoint, un parent, un enfant, un proche, un
être aimé ». Il
écarte tout sens figuré du deuil et prend uniquement la notion de perte d’un
être cher.
Mélanie
Klein[7], dans
« Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressif » présente
« la mort en un persécuteur qui ébranle aussi la foi du sujet dans ses
bons objets intérieurs ».
A
la notion de disparition, évoquée plus haut elle ajoute, une modification
momentanée de la personnalité qui est secoué par l’épreuve et qui met à mal les
fondements profonds de l’individu qui a perdu l’être aimé. Ce dernier devra
alors passer par une période d’agitation pour retrouver notamment des qualités
cités par le même hauteur comme « la bonté, la solidité et la
sécurité ».
Dans
« l’encyclopédie du savoir absolu »[8],
Bernard Werber, fait remonter la première angoisse de deuil à l’âge de huit
mois. A cet âge, le bébé souffre de l’absence de sa mère qui s’accompagne de la
peur de ne plus la voir revenir. Le tout est accompagné de la prise de
conscience difficile que le monde lui échappe mais dans le même temps il
découvre le plaisir que peut engendrer l’autonomie.
La
mort, c’est donc la question du manque. Mais paradoxe de ce dernier, c’est
justement lui qui nous fait avancer.
Cette
expérience de perte universelle peut affecter les proches et engendrer des
conséquences sociales, économiques et financières. Ce qui explique le stress
important voire majeur et les manifestations physiques et psychiques qui en
découlent.
b. Les signes
cliniques
Les
études de Clayton[9] listent les symptômes les
plus fréquents liés à la perte d’un conjoint : « les pleurs, les
troubles du sommeil, la baisse de l’humeur, la perte d’appétit, la fatigue, la
perte de mémoire, la perte d’intérêt, les difficultés de concentration,
l’amaigrissement, la culpabilité, l’agitation, l’inquiétude, l’irritabilité,
les désirs de mort, le désespoir, les hallucinations, les idées suicidaires, la
peur de perdre la raison, les idées d’inutilité. »
A
ces signes il ajoute un critère indissociable celui du temps et précise qu’au
plus les symptômes sont présents dans le mois qui suit le deuil, au plus ils
seront persistants un an après.
Il
est intéressant de noter, que ces manifestations sont proches de celle de la
mélancolie pour laquelle il manquerait principalement l’auto-dépréciation et la
perte de l’estime de soi.
Certains
auteurs, comme S. C. Jacob[10]
classe ces différents signes en stades. Il existerait quatre phases du
deuil :
- une phase de l’annonce qui s’accompagne souvent
d’incrédulité, surtout si la mort est subite et de cauchemars. Elle dure une à
deux semaines,
- une phase de désespoir avec des manifestations
dépressives telles que les pleurs, les angoisses compulsives et les
« comportements de recherche », qui va se prolonger pendant deux mois
environ,
- une phase d’adaptation souvent appelée « phase
de deuil proprement dit » pendant laquelle se mélangent souvenirs,
culpabilité, regrets et colère,
- enfin une phase d’acceptation avec diminution du
syndrome anxio-dépressif et élaboration
de projets qui permettront d’appréhender l’avenir autrement.
Ces
stades peuvent varier selon les individus, et se chevaucher les uns les autres.
Les cauchemars, par exemple, peuvent se retrouver dans toutes les phases, ainsi
que les pleurs ou la culpabilité, mais l’auteur, parle de traits dominant.
Le
docteur Elisabeth Kübler-Ross a aussi déterminé des stades mais se sont ceux de
l’acceptation de sa propre mort. Il est intéressant de constater qu’il existe
une grande similitude entre le deuil de sa propre vie et la perte d’un être
cher. Elle distingue ainsi dans « La mort dernière étape de la croissance »[11] :
-
tout
d’abord la « dénégation » de la maladie qui peut se rapprocher de la
phase d’incrédulité citée plus haut,
-
la
rage et la colère que l’on retrouve également mais dans la période
d’adaptation,
-
le
marchandage qui n’est pas cité dans la phase après la mort puisque plus rien ne
peut être discuté, sauf en cas de délire de résurrection,
-
la
dépression qui est récurrente et commune aux deux périodes,
-
l’acceptation
qui finit toujours par prendre le dessus sauf si nous sommes dans un deuil
pathologique.
Bien
entendu ces étapes ne sont pas identiques pour tous, que ce soit dans la durée,
dans l’intensité ou dans la chronologie, mais il est important de savoir les
identifier pour pouvoir, dans la mesure du possible accompagner l’endeuiller. A
chaque instant peut aussi apparaître le désir de s’isoler soit par pudeur et
désir de ne pas montrer sa peine ; soit par impossibilité de communiquer,
c’est le repli sur soi ; soit par fatigue : la perte entraîne des
modifications et des excitations internes qui sont consommatrices d’une énorme
énergie.
Selon
John Bowlby[12] « les changements
psychologiques qui suivent habituellement la détresse prolongée due à la
séparation ne sont autres que le refoulement, le clivage et le déni. »
Rappelons que ces trois points sont des mécanismes de défense dont le rôle
principal est de permettre au sujet de se protéger de la souffrance issue de
ses conflits internes. Par le refoulement, cette dernière est enfouie à
l’intérieur de soi, ce qui n’en exclue pas un retour ultérieur en cas de danger
ou de fragilité excessive ; par le déni, la perception traumatisante est
refusée au profit parfois d’une toute puissance interne ; par le clivage
du moi, rarement dissocié du déni, il y a fractionnement du moi qui occasionne
un fractionnement de la réalité et donc de l’objet pour permettre une meilleure
gestion de l’angoisse.
Ces
phases de deuil « normal » peuvent se prolonger dans une étape que
l’on pourrait qualifier de « compliqué » où le sujet peut sombrer
dans une période de dépression profonde où les pensées suicidaires sont
fréquentes et les passages à l’acte nombreux. Cette période, demande de la part
de l’entourage, une surveillance rapprochée mais qui reste souvent difficile
dans la mesure où le sujet n’exprime pas forcément ses idées noires.
Tous
ces phénomènes sont donc qualifiés de « non pathologiques» quand ils
surviennent dans des conditions habituelles. Voyons ce qui se passe dans
d’autres cas.
2. Le deuil traumatique
Dans
le DSM-III il existe un état de stress post-traumatique dénommé :
PTSD (post-traumatic stress disorder). Il est défini comme un événement
repérable dans le temps et où l’individu a pu voir la mort de près, soit par
mort subite, soit par accident, soit par agression physique, soit par
catastrophe naturelle qui a pu toucher un inconnu, un proche ou lui-même. Ceci
sous-entend qu’est exclu le deuil lié à une mort survenue à la suite d’une
longue maladie.
Cité
dans Neuropsy[13], les signes cliniques du
deuil traumatique sont :
Dans Deuil et mélancolie[14],
Sigmund Freud fait le parallèle entre la souffrance occasionnée par le deuil et
celle de la mélancolie.
Il en résulte une conclusion « Des trois conditions présupposées par la
mélancolie : perte de l’objet, ambivalence et régression de la libido dans
le moi, nous retrouvons les deux premières dans le cas des reproches obsédants
après un décès. »
Il
est à noter que l’absence de deuil peut être aussi pathologique. Au bout de
plusieurs jours, voire plus, l’endeuiller n’a manifesté aucun des signes cités
plus hauts. Ce qui ne signifie pas qu’il n’éprouve rien, mais plutôt qu’il a
enfoui sa peine au plus profond de lui-même et que celle-ci pourra ressortir au
décours d’une autre situation douloureuse ou bien d’une manifestation
dépressive tardive.
Sans
rentrer dans les détails, une étude neuro-biologique post-traumatique a permis
de déterminer les conséquences biologiques de l’état de stress. Ainsi,
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a révélé tout d’abord, une diminution
de la taille de l’hippocampe ce qui pourrait à lui seul expliquer les troubles
de la mémoire, mais ce n’est pas la seule. On a pu constater également une
diminution de l’activité du cortex ainsi qu’une baisse des agents chimiques
comme le taux de cortisol et une augmentation des catécholamines. D’autres
études sont en cours pour montrer s’il en était besoin de l’incidence du
psychique sur le physique.
1. Le lien
Il existe un lien entre la névrose obsessionnelle et le
deuil non fait. En effet selon Freud : « là où la prédisposition à la névrose obsessionnelle
est présente, le conflit ambivalentiel confère de ce fait au deuil une forme
pathologique et le force à s’exprimer sous la forme d’auto-reproches selon
lesquels on est soi-même responsable de la perte de l’objet d’amour, autrement
dit qu’on l’a voulu. »[15] Il
était donc indispensable pour bien comprendre notre cas clinique de compléter
notre étude par ce type de dysfonctionnement.
2. Le caractère obsessionnel
Comme toute névrose, les troubles obsessionnels se
développent dans l’enfance et dans ce cas précis au stade préœdipien. En effet,
la relation œdipienne n’a pu se faire du fait de l’absence du père
« symbolique » ou non et l’enfant n’ayant pu trouver de tiers qui
l’aide à se distancier de la relation fusionnelle avec sa mère, reste fixé au
stade anal. Le père absent est alors idéalisé.
Il va alors osciller entre le désir d’offrir une partie de
lui-même (ses excréments) en sacrifice à la personne aimé et se retenir par plaisir,
par jouissance mais aussi par opposition à la mère. Cette fixation à ce stade,
et l’importance non dépassée, donnée aux matières fécales, fixent les notions
de passivité et d’activité, de contention et de maîtrise. Ceci va conférer un
trait de caractère très présent chez l’obsessionnel c’est à dire l’obstination.
L’enfant obsessionnel met en place des défenses excessives du moi et dans le
même temps invente des stratèges pour les contourner ce qui l’enferre dans des
systèmes de fonctionnement disproportionnés et donc épuisants.
A l’attirance vers la saleté et tout ce qui la caractérise,
il oppose une maîtrise de lui-même qui s’étendra vers d’autres centres
d’intérêt qui pourront être un ordre sans faille, une attirance pour les
comptes et un désir d’économie allant presque jusqu’à l’avarice, enfin une
personnalité entêtée qui pourra l’entraîner vers des colères et des disputes
sans fin. Ce désir de perfection, peut l’isoler car il a tendance à éliminer
toute personne qui ne fonctionne pas comme lui. Le clivage fait partie de la
personnalité obsessionnelle. Il est à la fois victime et bourreau.
Selon
M. FISHMAN-MATHIS[16] il
existe deux grands modes d’évolution de ce type de névrose « l’un,
lentement, progressif et monotone…avec aggravation de la gêne à l’adaptation
sociale, l’autre paroxystique où les crises d’obsessions sont souvent
accompagnées de phobies… ». A priori, le premier exemple serait plus
grave et « dans les cas les plus défavorables, l’angoisse de l’obsédé
devient de plus en plus lancinante. Le martyre qu’il subit et fait subir à
l’entourage devient insupportable. »
On
comprend alors mieux les difficultés de l’obsessionnelle à ne pas sombrer dans
la mélancolie. L’énergie qu’il met en place est si importante que lors
d’un traumatisme comme la perte d’une personne aimée il n’a plus de ressource
pour pouvoir faire face et ses mécanismes de défense s’effondrent.
Ces
phénomènes ne peuvent être qu’aggravés par un traumatisme crânien et un coma
qui, à leur tour, vont augmenter la fissure de la personnalité.
Tout
ceci concerne tout particulièrement notre cas clinique mais il manque un
élément qui fait partie intégrante du « cas Nina », c’est à dire les
conséquences somatiques liées à l’accident et les séquelles encore bien
présentes à ce jour même si on ignore quel en est véritablement l’origine.
IV – Le traumatisme crânien
Complétons
donc notre étude sur les conséquences d’un traumatisme crânien sur la
personnalité d’un individu afin de déterminer quelle est la part liée à la
perte d’un être cher et quelle est la part liée au choc accidentel. L’une étant
plus « soignable » que l’autre.
Avant
d’aller plus loin, commençons par définir le sujet :
Il
y a habituellement traumatisme crânien lorsque qu’on se trouve en présence
d’une atteinte cérébrale caractérisée par une destruction ou une dysfonction du
tissu cérébral provoquée par contact brusque.
Il
peut s’en suivre une période de comas qui peut aller de la confusion légère à
l’absence d’éveil ou au coma profond.
Les
séquelles d’un traumatisme crânien et d’un coma sont variées. Sur le plan
somatique elles peuvent aller de l’hémiplégie, aux mouvements involontaires des
membres avec des pertes d’équilibre, à la diminution de tous les sens (odorat,
goût, vue, ouie et toucher) jusqu’aux crises d’épilepsie.
Sur
le plan neuropsychologique, le plus notable est la perte mnésique dont la
conséquence la plus prégnante est la diminution de la sensibilité aux
évènements et aux êtres chers une sorte de stérilisation de l’affectivité avec
mise à distance de l’objet de l’amour.
L’accident
peut en outre engendrer une diminution de la compréhension et de l’expression,
avec des lenteurs, des difficultés à organiser ses activités, et à s’orienter
dans l’espace, des problèmes d’attention et de concentration, une perte de
raisonnement logique. A cela, peuvent s’ajouter des désordres sur le plan
affectif avec des variations de l’humeur, une irritabilité, une diminution du
contrôle émotif, une agressivité et une impulsivité, des attitudes dépressives
et une désinhibition[17]
pouvant aller jusqu’à l’encensement de la saleté et l’obscénité.
A
la suite de cette étude, il est difficile, de savoir quels signes cliniques
relèvent du deuil et lesquels relèvent du choc accidentel et du coma. Si ceci
peut être fort intéressant d’un point de vue épidémiologique, il l’est
également sur le plan de la prise en charge même s’il est difficilement
envisageable de réparer les cellules détruites.
L’éclairage
donné par l’étude conceptuelle du deuil traumatique nous permet de faire des
parallèles avec les symptômes montrés par Nina.
Si
nous avons de sérieuses difficultés à déterminer précisément sa personnalité
antérieure à l’accident, nous avons des signes à ce jour qui révèlent encore
des traits de caractère obsessionnels.
En
premier lieu, l’appartement où elle résidait avant d’être hospitalisé est
envahi d’objets en tout genre n’ayant le plus souvent aucune valeur. Cela passe
de bibelots en porcelaine et de bouteilles en verres de toutes formes, aux
petits parapluies et jeux en papier divers distribués avec les glaces dans les
bars, à des crèmes de beauté que nous avons retrouvés en quantité quand nous
avons nettoyé son logement et cette liste n’est pas exhaustive…
Un
autre signe, est donné par ses collègues. En effet, ils
attestent de la qualité de son travail au bloc opératoire : les tâches
répétitives, les multiplications de contrôles, l’ordre, la propreté, le suivi
de la réglementation à la lettre, le souci du détail font d’elle une employée
modèle.
Enfin,
il est facile de remarquer certains de ses actes ritualisés comme la prise de
cigarettes mais ce n’est pas là le plus marquant. Sa tendance à répéter de
façon récurrente, les mêmes phrases est très agaçante pour son entourage
De
plus si l’on considère avec Freud[18] «..l’entêtement
tourne au défi auquel se rattache la tendance à l’emportement et l’esprit
vindicatif », il est clair que cette aspect de personnalité est très
présent chez Nina qui a par moment du mal à retenir ses colères et ses
critiques vis à vis de Nounou. Elle sait parfaitement maintenir des
positionnements ferme allant jusqu’à l’entêtement lorsqu’elle désire quelque
chose même si cela doit s’accompagner de « tu sais je ne suis pas
méchante ».
C’est
donc probablement sur une personnalité obsessionnelle que le drame a du
s’ancrer et devenir pathologique. En effet, les mécanismes de défense mis en
place dès l’enfance et demandant une énergie importante, n’ont pu résister au
choc émotionnel doubler d’un choc traumatique suivi d’un coma. Sa personnalité
s’est alors effondrée et il est difficile, en vérité, de savoir quelle part est
liée au deuil pathologique et laquelle au choc traumatique.
Mais pour mieux
comprendre faisons un retour sur le passé avec les données dont on dispose.
Parenthèses : la
suite, de ce texte mériterait d’être au conditionnel, mais pour plus de
légèreté je l’ai laissé au présent, en sachant bien que tout ceci, même si cela
semble cohérent, reste des suppositions. Mais elle permet un éclairage sur le
passé de Nina qui peut aider à la réflexion.
Nous savons que le
caractère obsessionnel organise ses défenses à partir d’une régression
partielle du conflit œdipien au stade sadique-anal.
Nina
est élevée par sa mère. Elle ne rencontre son père qu’à onze ans. Cela signifie
que la phase œdipienne ne peut se réaliser correctement. En effet, pour qu’un
enfant naisse humainement il doit naître de la mère mais aussi du père, au
moins symboliquement. On sait, par exemple, que la forclusion du nom du
père entraîne les psychoses. Au moment de l’œdipe, le père doit séparer la mère
de l’enfant pour instaurer une relation à trois. Or justement, ce foyer est
dépourvu de cette présence masculine et symbolique. La séparation de la mère et
de l’enfant ne peut pas se produire, les relations restent en grande partie
fusionnelles et une faille en découle. La structure névrotique de Nina se fixe
au stade pré-œdipien avec donc une régression au stade anal. Rappelons qu’à ce
dernier point, l’enfant fait l’apprentissage de la propreté, mais aussi il
s’éloigne des aspects masochistes et sadiques de la personnalité.
En
grandissant, il est indispensable que Nina ait un comportement adapté. Elle se
développe sans avoir vraiment intégré les différents stades et les « compromis
réalisés s’avèrent particulièrement coûteux et produisent un équilibre précaire
en raison de la pression importante des pulsions inconscientes. Des stratégies
défensives, de plus en plus contraignantes, entravantes et épuisantes, sont
alors nécessaires ». J. Sarrazin[19].
En
fait, il y a conflit d’intérêt entre le « ça » qui demande
l’assouvissement de ses désirs et le « surmoi » qui pose les règles
et engendre de la culpabilité s’il n’est pas entendu. L’angoisse, née des
conflits intérieurs entre pulsions éroto-anales et adaptation sociale
nécessaire, engendre des mécanismes de défense pour éviter que l’intégrité de
sa personnalité s’effiloche. Elle est d’autant plus prégnante que s’ajoute la
peur de la pulsion et de l’intensité de la pulsion. Nina pour se protéger l’a
déplacée sous la forme d’une attention et d’un amour exagérés pour son fils.
Sur
le plan affectif elle ne s’adapte qu’en partie, sa relation avec Ken est
très ambivalente et même si elle refait sa vie deux fois avec des partenaires
qui semblent stables elle n’en parle jamais, comme si ces personnes n’avaient
jamais compté dans sa vie. Son fils prend beaucoup de place dans son esprit,
elle est complètement dépendante de lui, elle a des difficultés à vivre sans
lui. On peut même se demander si inconsciemment elle ne le considère pas comme
une partie d’elle-même. Rappelons que le cordon ombilical n’a probablement été
jamais réellement coupé. Elle parle de lui en tant que « belle bête »
comme si seul son corps physique existait.
Mais
ces compensations obsessionnelles ne peuvent résister à l’effondrement
dépressif engendré par le décès. Ce phénomène est accentué par le fait qu’elle
n’a jamais pu voir son fils mort, pas plus qu’elle n’a pu se rendre à son
enterrement, du fait de son coma.
Son
univers relationnel s’écroule comme un château de cartes montrant la fragilité
de ses amitiés et donc de ses affects laissant place à l’indécision voire même
par moment à la sidération.
Elle
souffre également de graves troubles mnésiques qui ne contribuent certes pas à
la rassurer. Elle désinvestit le monde extérieur jusqu’à ne plus savoir ni se
laver, ni se maquiller au profit d’un monde de rancune de haine vis-à-vis du
chauffard qui a tué son fils. Sa pensée laisse la place au passage à l’acte
agressif, avec un désinvestissement narcissique, et une dépréciation de soi. Le
mot avenir a perdu tout son sens. Sa dégradation est telle que certains
soignants se sont posés la question de la nature psychotique de ses troubles.
Son
passage au pavillon de chroniques est marqué par le clivage des équipes, dans
lequel elle excelle. Elle aime jouer sur le côté bon ou mauvais auquel les
soignants répondent en écho. Elle met en difficulté une équipe déjà prise dans
des problèmes de place dans l’institution.
La
gestion des couches en est un autre exemple : soit elles sont distribuées
en excès soit elles sont refusées. Ces demandes incessantes de couches
renvoient à tout ce qui touche le bas du ventre, et notamment à ses maux
d’intestins.
La
violence interne qui l’habite lors de ses premières années asilaires, a pour
miroir l’agressivité du personnel. L’inverse n’est-il pas également
possible ?
Avec
l’investissement thérapeutique des nouvelles infirmières, la prise en charge va
changer radicalement. L’équipe ne va plus focaliser en permanence sur les
couches et redonner la parole à Nina : elle commence à parler de son fils
et du fait que la tombe la hante. Elle commence à réinvestir le passé :
c’est pourquoi aujourd’hui elle tient probablement et de façon insistance à
récupérer, à son ancien appartement, des objets dont elle ne servira
probablement jamais comme la séparation de la cuisine en marbre que son fils
Ken avait fabriqué.
Elle
a gardé une tendance à vouloir attirer l’attention sur elle (histrionisme),
même si pour cela elle doit avoir recours à du maquillage étalé n’importe
comment ou à une présentation d’allure psychotique. Elle sait parfaitement
présenter plusieurs tableaux, elle sait passer presque sans transition de la
malade psychotique déambulant dans les rues avec un foulard serré sur sa tête
et traînant les pieds à celle capable de se maquiller, d’aller chez le coiffeur
pour aller par exemple, voir sa mère.
Elle
sait encore par son attitude exacerber les colères, les tensions et les limites
qui peuvent exister chez Nounou. Elle a l’art et la manière de se rendre
insupportable. On parle souvent d’effet miroir. Le propre de ce dernier est de
refléter une image et de la restituer
devant soi.
Elle
a pu, quitter son service de chroniques pour vivre dans un pavillon de
post-cure et les infirmiers ont tenté une expérience de réinsertion à domicile.
Elle passe quatre jours sur dix dans son appartement en compagnie d’une aide
familiale, et le reste du temps elle est à l’hôpital. Elle se maquille
correctement, se lave à peu près seule, parle de son plaisir de manger au
restaurant et de rencontrer sa mère. Bien sûr son anxiété est encore bien
présente, elle ne veut pas rester seule la nuit, elle se sent en sécurité à
l’hôpital, elle a encore besoin d’être entourée et cadrée.
L’entretien décrit à partir de la page 6, s’est
déroulé au mois de mars. Depuis, Nounou a terminé son contrat de travail. Nina
est restée vivre « à plein temps » au foyer de Post-cure avec
quelques « passages » chez sa mère. Même si les équipes essaient de voir
quel serait le meilleur projet à mettre en place, elle ne manifeste aucune
demande. Elle est retournée voir sa mère à la maison de retraite et son fils au
cimetière une seule fois et ceci sur la proposition d’une infirmière.
Elle n’est plus dans un régime asilaire, elle dispose d’un appartement avec une
permanence infirmière journalière.
La prise en charge consiste donc à mettre un cadre
soignant souple avec la patiente au centre du soin. Les repas, les activités
servent entre autres, à rythmer les journées, se lier avec les autres patients
et replacer les notions d’espace et de temps. Le coiffeur, les vêtements, les
balades l’accompagnent dans sa renarcissisation. Les entretiens ainsi que les
visites à sa mère et au cimetière l’aident à renouer avec sa propre histoire
afin qu’elle puisse faire le lien entre le moi et le surmoi. Ils ne servent
surtout pas à faire disparaître les symptômes obsessionnels qui lui tiennent
lieu d’identité et qui sont probablement de l’ordre de la jouissance. Cette
liste n’est certes pas exhaustive, mais ce n’est pas le but ici de faire un
traité sur le soin infirmier.
Pour conclure, ce chapitre sur cette étude du cas
clinique, je poserais la question : quel intérêt Nina a à être
malade ?
Il semble que la seule raison d’exister pour elle
maintenant c’est vivre l’instant présent, même si cela doit se poser sur une
souffrance ancrée et non dépassée.
Ken mort est plus que jamais une partie d’elle-même,
elle reste la seule gardienne de sa mémoire. Il lui appartient pour toujours.
Elle peut, tout à loisir, l’idéaliser et garder l’emprise sur lui. Il reste
« l’objet » dont elle ne se sépare pas même si parfois elle s’énerve
contre celui qui a tué son fils.
Les « garde-fous » sont posés par
l’institution qui joue le rôle de la fonction paternelle qui lui a tant manqué
quand elle était jeune. Elle peut enfin jouir du moment présent « à temps
plein » sans être dérangée par qui ou quoi que ce soit. Elle peut téter
avec frénésie ses cigarettes. Elle n’a plus à batailler pour maintenir une
défense obsessionnelle épuisante, le travail ne la motive plus, elle n’a plus
besoin d’afficher une hygiène parfaite. Inutile aujourd’hui, de boucher les
toilettes avec ses couches pour mobiliser les soignants.
Je terminerai sur une note optimiste. Nina a bien
évolué pendant toutes ces années de prise en charge et elle a de plus en plus
une conduite adaptée. Il est d’ailleurs bien probable qu’elle termine sa vie
dans une maison de retraite où elle ne posera pas plus de problèmes que les
autres personnes.
CONCLUSION
« Votre effroi face à la mort n’est que ce
tremblement du berger lorsque le roi lui fait l’honneur de le recevoir et
s’apprête à poser la main sur sa tête.
Or, en allant recevoir l’insigne du roi, le berger ne
sait-il pas qu’un frisson de joie s’éveille déjà sous sa frayeur ?
Et pourtant
n’est-il pas encore plus conscient de sa peur ? »[20]
Les difficultés soignantes face à
cette prise en charge m’ont permis de poser les assertions suivantes : le
soin ne peut être une suite d’actes répétitifs et automatiques. Il est à
réinventer chaque jour et pour cela il doit être observé, écrit et parlé afin
que l’équipe pluridimensionnelle (je préfère à pluridisciplinaire) et
complémentaire puisse intervenir et apporter, chacun à sa mesure, ses
découvertes. Chaque élément de la vie quotidienne doit devenir un acte pensé et
une source d’interrogation sur le sens caché du discours car une demande peut
en cacher une autre. Ne pas répondre dans l’immédiateté, repérer toute
nouveauté et tout geste inhabituel est un acte soignant.
En écrivant les dernières lignes de ce texte, je me
rends compte de la richesse de ce cas clinique et bien au-delà, de la
complexité de toute prise en charge. Réfléchir sur les comportements de Nina
m’a amenée à me pencher sur les fonctionnements de l’institution, sur la
psychanalyse puisque j’ai choisi l’étude de ce point de vue, mais aussi et
surtout de me rendre compte que tout ce qu’on raconte de l’histoire d’une
patiente passe à travers le filtre de notre propre histoire.
Ce que je découvre avec étonnement en fin de parcours
c’est le choix du thème par rapport à ma propre vie. Facile d’être attiré par
le thème de la liberté, mais de là à penser que cela m’amènerait à travailler
sur le deuil, il y a une marge. Et pourtant, la fin de vie de ma mère que je
vis dans le même temps que l’écriture de ce mémoire ne peut pas ne pas
m’interpeller.
De la liberté au deuil : tout un programme. Je
n’ai pourtant pas eu de difficultés à faire le lien.
La vie telle que je la conçois est une recherche
incessante d’une plus grande liberté d’être.
La mort n’est en soi qu’une fin momentanée, une perte
qui permettra un nouvel élan vers autre chose. Faire le deuil c’est accepter de
se séparer d’une part de nous même pour construire du neuf.
Je terminerais sur cette assertion : chaque jour
nous sépare de nos petits conforts et ceci nous aide à la longue, à évoluer
dans une plus grande qualité d’être.
Je ne peux terminer sans dire merci, non seulement au
lecteur, mais à toute l’équipe de formateurs qui nous a accompagnés pendant
cette année.
BIBLIOGRAPHIE
John Bowlby, « Attachement et perte » collection PUF
Sigmund Freud dans « Deuil et mélancolie » 1915-1917 ;
Paru sous le titre de « Métapsychologie » collection folio essai page 146
Sigmund Freud dans
un article de 1908 intitulé « caractère et érotisme anal »
Romain Gary « La vie devant soi » ; collection folio
Khalil Gibran « Le prophète » collection j’ai lu page 95
« Grand dictionnaire de la Psychologie » édité chez Larousse
« L’information psychiatrique » volume 79, N°7, septembre 2003
Neuropsy, mars 2003, numéro spécial
Soins psychiatrie : « les obsessions » nos 110/111 décembre 89 et janvier 90
Internet : http://www.traumacranien.org/mieux/mieuxcom1.htm
Dessin de première de couverture : « Psy Cause » page 36 Didier Bourgeois
Dessin sur les concepts : « Psy Cause » page 10 Didier Bourgeois
Dessin sur la sectorisation dernière de couverture
« Soins psychiatriques » N°235 nov et déc 2004
Soins psychiatrie : « les obsessions » nos 110/111 décembre 89 et janvier 90
Internet : http://www.traumacranien.org/mieux/mieuxcom1.htm
[1] « l’information psychiatrique » volume 79,
N°7, septembre 2003 page 574
[2] « l’information psychiatrique » volume 79, N°7, septembre
2003 page 576
[3] édité chez Larousse page 156
[4] idem
[5] Métapsychologie collection folio essai page 146
[6] mars 2003, page 78
[7] cité dans le grand dictionnaire de la psychologie page 214,
[8] page 24
[9] cités par Neuropsy, mars 2003, numéro spécial, page 80
[10] cité dans Neuropsy, mars 2003, numéro spécial, page 79,
[11] page 34 et 35
[12] dans le tome I d’attachement et perte page 29
[13] mars 2003, page 81
[14] paru sous le titre de Métapsychologie, chez Folio Essai, page 170
[15] paru sous le titre de Métapsychologie, chez Folio Essai, page 158
[16] dans soins psychiatrie : les obsessions page 6
décembre 89 et janvier 90
[17]inspiré par article sur internet : http://www.traumacranien.org/mieux/mieuxcom1.htm
[18] Article de 1908 intitulé « caractère et érotisme anal »
[19] dans la revue « Soins Psychiatrie » n°110/111 décembre1989 et janvier 1980 page13 colonne 1
[20] Khalil Gibran « Le prophète » collection j’ai lu page 95