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TRAVAIL AUPRES DE GROUPES D'ENFANTS ET DE PARENTS
DANS UN SERVICE DE PSYCHIATRIE INFANTO-JUVENILE

Yolaine ASTIER



I - INTRODUCTION

J’ai entrepris une formation d’assistante sociale dans le cadre d’une reconversion professionnelle, après avoir passé quelques années dans un laboratoire de recherche appliquée, travaillant sur le système nerveux central.
Au cours de mes études, je me suis très vite intéressée à la psychiatrie ; j’ai fait un stage de 6 mois en psychiatrie adulte qui m’a permis de confirmer mon intérêt et d’approfondir mes connaissances des pathologies mentales. J’ai aussi pu clarifier mon souhait de travailler auprès d’enfants.
Diplômée d’état depuis 1987, j’occupe un poste d’assistante sociale depuis douze ans dans un secteur de psychiatrie infanto-juvénile de la banlieue parisienne.
Durant ces années, j’ai été amenée à travailler dans différentes unités du service 
—    d’abord une unité d’accueil pour adolescents,
—    puis à plein temps dans une consultation médicopsychologique plus classique et une antenne de cette consultation située dans un quartier réputé difficile.

Le passage dans ces différents lieux m’a obligée à chaque fois à trouver une place qui soit spécifique à ma fonction et cohérente avec les projets particuliers de chaque équipe.
Dans chacun de ces endroits, j’ai animé des groupes groupes d’enfants, d’adolescents ou bien de parents.
Hormis mon intérêt personnel pour ce type de travail, cela me conduit à me poser la question suivante
« Quel est le rôle des groupes d’usagers dans une institution de soins ? »

Pour tenter de donner des éléments de réponse à cette question, je présenterai d’abord les grandes lignes de la sectorisation psychiatrique, en particulier celle concernant les enfants. Je parlerai ensuite du service où j’exerce, de ces différentes unités et de la composition de son équipe.
J’illustrerai enfin le travail de groupe par deux exemples 
- l’Atelier d’Ecriture que j’ai co-animé avec une éducatrice auprès d’adolescents pendant trois années,
- une animation plus informelle dans une salle d’attente auprès de parents dont les enfants participaient à un groupe thérapeutique.


II - QUELQUES REPERES LEGISLA TIFS

C’est la circulaire du 15 mars 1960 qui inaugure une politique de secteur en établissant un programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales pour les adultes.

A)    Circulaire du 16 mars 1972

En ce qui concerne la psychiatrie infanto-juvénile, il faudra attendre 1972 pour que paraisse une circulaire tentant d’organiser les soins offerts aux enfants et adolescents présentant des troubles psychologiques.
D’emblée est donnée la raison d’être d’un secteur qui
« se définit par l’action d’une équipe dans une aire géographique donnée dont la situation, la délimitation sont en rapport direct avec la nature des besoins à satisfaire et des actions à entreprendre. »(1)
Cette circulaire s’appuie sur une évolution marquée de la nosographie en psychiatrie infantile tenant compte du fait que la personnalité d’un enfant est différente de celle d’un adulte (et par conséquent que la pathologie mentale l’est aussi) et qu’elle est soumise à un perpétuel remaniement. Elle met aussi en évidence que l’environnement peut contribuer favorablement ou défavorablement à l’évolution du développement affectif d’un enfant.
On prenait ainsi conscience que des psychoses infantiles peuvent être cataloguées
« arriérations mentales » et que les névroses peuvent s’exprimer de façons très tenues, voire insignifiantes. Enfin, disparaît du vocabulaire psychiatrique la notion d’enfants caractériels au profit de celle de troubles prépsychotiques, réactionnels ou névrotiques. Cette circulaire de 1972 a pour objectif d’améliorer ce qui existe déjà en matière de prévention primaire (c’est à dire les actions à entreprendre pour prévenir l’apparition des troubles), de traitements et de prises de mesures d’adaptation socio-éducatives.
Il est rappelé qu’un enfant ou adolescent doit pouvoir être pris en charge dans son milieu ou au cas échéant, à en être le moins éloigné possible.
Un secteur infanto-juvénile recouvre 3 secteurs de psychiatrie adulte, ce qui représente environ 200 000 habitants, et des réalités socio-économiques très diverses.
D’autre part, les limites d’âge ne sont pas formulées précisément (l’âge de 16 ans est indiqué comme principe général) privilégiant la notion de continuité des soins.

Il est mis l’accent sur le bilan diagnostic et la mise en place de traitements appropriés à l’état du sujet.
Dans le bilan diagnostic apparaît
« une étude sociale, comportant une investigation approfondie dans le milieu de vie de l’enfant, réalisée par l’assistante sociale en liaison avec toutes les personnes éventuellement concernées par exemple les éducateurs, les travailleuses familiales, les animateurs socio-culturels etc... »(1). Ainsi est campé de façon très précise le rôle dévolu à l’assistante sociale  aujourd’hui on parlerait d’un travail de liens avec le réseau. Après une synthèse des différentes données médicales et sociales, le médecin et son équipe sont amenés à proposer des réponses adaptées aux besoins mis à jour, privilégiant toujours le fait que l’enfant doit être maintenu à domicile. Le reste de la circulaire précise les critères d’admission dans les différents types d’établissement à séjour partiel - hôpitaux de jour, externats médico-pédagogiques - et ceux à séjour continu - services hospitaliers de psychiatrie infanto-juvénile, instituts médico-pédagogiques et médico-professionnels fonctionnant en internat.
Cette circulaire conclut sur la nécessité de coordonner et d’assurer une continuité du projet de soins et encourage donc la mise en place de relations étroites entre les différents acteurs, relations qui peuvent être formalisées par exemple sous forme de conventions entre des services par exemple, entre un CAMPS (centre d’action médico-social précoce) et un secteur infanto-juvénile. Dans ce dispositif, le secteur de psychiatrie infanto-juvénile occupe une position charnière dans l’articulation avec les institutions déjà existantes.

B)    Circulaire du 9 mai 1974

La circulaire du 9 mai 1974 précise les points concernant le personnel et les équipements nécessaires à la mise en place de la sectorisation psychiatrique. Elle préconisera qu’un secteur ne peut se créer sans, au minimum 

-    un médecin chef de secteur et un médecin assistant,
-    trois à quatre internes,
-     un psychologue,
-    une assistante sociale,
-     un temps infirmier pour 10 000 habitants en extra hospitalier,
-    une secrétaire médicale.

Elle stipule que « l’assistante sociale est indispensable pour assurer les nécessaires liaisons et coordinations à tous les niveaux (soignants, soignés, familles, autres services sociaux, employeurs, etc...) »(2). Il y est noté que la liaison entre l’équipe psychiatrique et la circonscription de service social reste un difficile problème. En matière d’équipement, on note la nécessité d’une large concertation entre les différentes instances concrétisée par la création des conseils de santé mentale de secteur. Là encore, on insiste sur la collaboration à instituer avec les assistants sociaux polyvalents de base.

C)    Circulaire du il décembre 1992

En 1992, soit 20 ans après la circulaire de 1972, la population des moins de 20 ans constitue plus du quart de la population totale de la France. Il semble alors nécessaire de faire une mise au point et une nouvelle circulaire relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents paraît.
Un préambule au ton énergique fait le constat que si la psychiatrie infanto-juvénile s’est considérablement développée il n’en reste néanmoins vrai que 
- certaines pathologies, classes d’âges ou catégories de population sont imparfaitement pris en charge,
- la coordination entre divers professionnels autour des projets de soins aux enfants reste insuffisante,
- enfin, les moyens sont disparates et très inégaux.

Pour remédier à ces constats, cinq actions prioritaires sont proposées 
- mieux assurer l’accueil et le suivi des populations difficilement accessibles. En font partie les nourrissons et les très jeunes enfants, les adolescents et les groupes très défavorisés,
- promouvoir les actions des secteurs infanto-juvéniles, au sein de la collectivité,
- développer les prises en charges à temps partiel, notamment dans les centres d’action thérapeutique à temps partiel (CATTP),
- maintenir en même temps le potentiel de soins à temps complet, quelquefois en réunissant plusieurs secteurs pour la mise en oeuvre,
- favoriser les actions partenariales avec l’ensemble des acteurs concernés par les programmes en faveur de l’enfance ou de l’adolescence (milieu scolaire, protection maternelle et infantile, aide sociale à l’Enfance, services de la justice...)

Cette circulaire reprécise les missions déjà mentionnées en 1972, dans des termes « rafraîchis » et en tenant compte du fait que le contexte social et économique a des répercussions sur la constellation familiale (chômage, isolement, familles monoparentales...)
Elle insiste sur la nécessaire collaboration avec les parents et l’intégration des soins dans la vie quotidienne, en rappelant que les besoins de l’enfant au plan pédagogique, scolaire et social font partie du projet de soins.
Une fois, posé ce cadre réglementaire, nous allons pouvoir passer à la présentation du service dans lequel je travaille.


III - SECTEUR DE PSYCHIATRIE INFANTO-.!UVENILE 94104 VAL DE MARNE

Ce secteur est implanté dans le département du Val de Marne (94) et son activité s’étend sur plusieurs communes : Vitry sur Seine, Choisy le Roi, Orly, Thiais et depuis 1997, Villeneuve le Roi et Ablon. Certaines de ces communes constituent des « zones sensibles » avec des difficultés socio-économiques prépondérantes.

Historiquement, le service a été créé en 1978, s’appuyant sur un service d’hygiène mentale pour adultes préexistant et un Centre Médico-Psycho-Pédagogique. Cette double « appartenance », si elle n’est guère évoquée aujourd’hui, a cependant marquée l’équipe  la majorité du personnel para-médical a été longtemps rattachée à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales alors que médecin chef et praticiens hospitaliers étaient eux rattachés à un centre hospitalier spécialisé.
Les lois sur la décentralisation de 1982 et 1983, la réforme de l’organisation du financement de la psychiatrie publique (1985, 1986 et 1987) et enfin la loi du 31juillet 1991 portant sur la réforme hospitalière ont permis peu à peu une certaine homogénéisation des statuts et des financements. Il n’en reste néanmoins vrai que ce secteur a toujours gardé une certaine
« indépendance d’esprit » par rapport à notre administration de rattachement qu’est l’hôpital Esquirol (Saint Maurice) Ceci est renforcé par le fait que le service n’a jamais été doté de lits et par conséquent n’a jamais eu d’implantation à l’hôpital. Et pour se rendre à Saint-Maurice, il faut traverser deux fleuves, la Seine et la Marne...

Ce secteur est composé de plusieurs unités fonctionnelles, censées répondre à des besoins repérés sur notre territoire d’intervention.

Il    dispose donc 

-    d’un service médico-psychologique, offrant des consultations en ambulatoires et implanté à Choisy le Roi,
-    d’une antenne de cette consultation, située dans un quartier difficile. Bien repérée, elle permet un accès aux soins à une population qui ne se déplace pas ou peu en dehors de son aire habituelle,
-    un Centre d’Accueil pour Adolescents, dans un quartier plus commercial près du RER, qui offre des soins en ambulatoire assurés par une équipe qui a travaillé, réfléchi et inauguré des modes de prises en charge spécifiques et adaptées à cette tranche d’âge,
-    une Unité de Soins du Soir
« la Clairière », centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, située avec la consultation principale. Cette unité accueille une douzaine d’enfants âgés de 5 à 12 ans, scolarisés mais la plupart du temps en échec scolaire et vivant dans leur famille. Ces enfants fréquentent la Clairière, le soir après l’école ils y prennent leur goûter, ont la possibilité de faire leurs devoirs, mais participent surtout à des ateliers thérapeutiques dont l’objectif est de les réconcilier avec les apprentissages et/ou d’y avoir accès,
-    un Accueil Familial Thérapeutique encore embryonnaire puisqu’il compte actuellement 2 familles, embauchées par notre hôpital de rattachement, et accueillant des enfants avec des troubles psychologiques liés à leurs histoires familiales,
-    enfin, une consultation s’est ouverte à Villeneuve le Roi.

Des équipes pluridisciplinaires animent ces différentes unités. Elles regroupent médecins pédopsychiatres, psychologues, assistants sociaux, éducateurs, infirmiers, psychomotriciens, orthophonistes et bien sûr des secrétaires. La plupart des temps pleins répartissent leur travail sur deux, voire trois structures et hormis la consultation de Choisy le Roi, toutes les unités sont ouvertes certains jours de la semaine seulement. Ces données nous amènent à constater que nous ne pouvons répondre que partiellement aux demandes qui nous sont faites. Ceci s’est aggravé avec les restrictions budgétaires qui nous assaillent depuis maintenant 3 années et rendent pessimistes les plus aguerris d’entre nous. Les délais d’attente sont maintenant de rigueur (entre 1 à 3 mois) et il nous arrive même d’orienter, quand cela est possible, certaines familles dans le prive.
C’est dans ce contexte que j’exerce mon activité professionnelle d’assistante sociale dont nous allons, maintenant, appréhender une des facettes.


IV    PLACE DE L’ASSISTANTE SOCIALE DANS UNE CONSULTATION MEDICO-PSYCHOLOGIQ UE

Le poste que j’occupe dans le service, depuis maintenant douze ans, a été modifié à plusieurs reprises, à ma demande suivant les opportunités qui se présentaient. J’ai ainsi pu travailler dans trois des unités fonctionnelles. Rester sur un secteur permet, me semble t-il, d’acquérir une connaissance approfondie des structures environnantes et de savoir les utiliser d’une façon pertinente. Changer d’équipe présente des avantages  vérifier ses capacités d’adaptation, découvrir des projets institutionnels différents et s’y inscrire d’une façon singulière.

Le travail de l’assistante sociale dans une consultation pourrait peut-être se résumer de la façon suivante 
-    prendre en compte la réalité sociale de l’enfant et de sa famille, la communiquer aux membres de l’équipe et réfléchir sur la façon dont ces éléments de la réalité peuvent interférer dans la prise en charge. Tout ceci dans l’objectif d’élaborer un projet de soins adapté aux difficultés de l’enfant et tenant compte de son milieu de vie,
-    l’autre versant de notre travail constitue ce que nous appelons dans nos équipes, le travail de soutien et d’étayage aux soins auprès des enfants et de ceux qui vivent au quotidien auprès d’eux.

Entreprendre un travail de psychothérapie est difficile, ardu. Les moments de découragements et de rupture sont fréquents. Il faut donc trouver des moyens de soutenir ce travail, de le protéger et d’éviter l’arrêt des soins.
C’est dans ce cadre que pourrait se situer la mise en place du travail en groupe.

A) Mise en place d’un atelier d’écriture auprès d’adolescents

La première expérience que j’ai menée, a eu lieu au centre d’accueil pour adolescents. La prise en charge de ce type de population présente des aspects particuliers  les adolescents adhérent rarement à une psychothérapie classique, se méfient des adultes ou bien les idéalisent et leur font vivre de nombreuses et brutales ruptures.
Pour tenter de pallier ces difficultés, l’équipe avait mis en place un «accueil à deux» où l’adolescent était reçu par deux professionnels dont l’un avait une fonction de thérapeute alors que celle du second s’inscrivait plus dans la réalité. Le souhait que nous formalisions ainsi était d’avoir une prise en charge globale de l’adolescent, que celui-ci puisse s’adresser à deux interlocuteurs, différents, et éviter peut-être ainsi les ruptures de prises en charge.

La réflexion hebdomadaire sur notre travail nous avait aussi amenés à créer des groupes, groupes à médiation pour des adolescents pour lesquels «penser» restait trop dangereux. Ce travail de groupe était complémentaire aux entretiens, qu’il venait soutenir.
C’est ainsi qu’avec une éducatrice, nous avons monté un atelier d’écriture. Après nous être formées, nous-mêmes aux ateliers d’écriture d’Elisabeth BING, nous avons présenté un projet à l’équipe. Le groupe s’adressait à 6-7 adolescents de 13 à 18 ans, présentant des difficultés psychologiques très différentes. Le seul critère que nous avions était que ces jeunes aient accès à l’écriture, même si celle-ci pouvait s’avérer très défaillante. Cela excluait les pathologies lourdes comme certaines formes de psychose ou d’autisme. Le groupe fonctionnait une fois par semaine pendant 1 heure 30 minutes. A chaque séance, nous proposions aux jeunes une
« consigne » d’écriture  il pouvait s’agir d’une lecture, d’une photo etc... Cette consigne avait pour but de mettre les jeunes en position d’écrire, de contourner la difficulté de la « page blanche » et d’éviter aussi la rédaction d’un journal intime. Chacun se mettait alors à écrire pendant un temps dont nous convenions ensemble. Celle d’entre nous qui avait proposé la consigne restait disponible au groupe, attentive à ce que chacun avance à son rythme et puisse produire quelque chose. Quant à la seconde, elle rédigeait, elle aussi, un texte. Venait ensuite le temps d’échanger, de partager ces écrits. Ce moment, pas facile pour la plupart des jeunes, nous semblait primordial. Les commentaires que nous faisions sur les textes excluaient bien sûr toute interprétation d’ordre psychanalytique  il s agissait plutôt d’aider chacun à repérer, à travers son style, sa singularité et à prendre peu à peu conscience de ses capacités à construire sa pensée. Avec un thérapeute de l’équipe nous réfléchissions une fois par mois aux effets de ce travail de groupe pour chacun des jeunes. Cette réflexion nous permettait aussi de prendre la distance nécessaire par rapport à ce que nous vivions dans le groupe.
Cet atelier a fonctionné plusieurs années avec des jeunes différents à qui il a permis d’investir peu à peu leurs démarches psychothérapiques. Cet exemple illustre une façon originale d’exercer le métier d’assistante sociale en psychiatrie auprès d’un public spécifique d’adolescents. Voyons maintenant une autre orientation du travail auprès des parents.

B)Animation d’un groupe de mères dans une salle d’attente

La seconde expérience de travail de groupe que jai eue, s’est faite avec des parents. Elle a eu lieu dans une « antenne » de notre consultation, située dans un quartier excentré, constitué essentiellement d’habitations HLM, très dégradées depuis plusieurs années. L’appartement dont nous disposons est dans un de ces immeubles. En plus de son exiguité, il présente l’inconvénient majeur d’être très mal insonorisé, ce qui ne rend guère aisé les entretiens avec les enfants ou leurs parents.
Une matinée par semaine, un médecin et une infirmière accueillent en groupe, 6 enfants de
4-5 ans présentant pour la plupart des troubles du comportement, se traduisant surtout par une grande agitation et une quasi-impossibilité de se concentrer. Il semblait intéressant de les prendre en charge très tôt de façon à leur éviter un échec trop massif à l’entrée au cours préparatoire. Les enfants viennent au groupe le matin, accompagnés en majorité par leur mère. Femmes au foyer ou au chômage, en tout cas assez isolées, ces mamans attendent dans la salle d’attente pendant l’heure du groupe.
Nous avions remarqué que certaines restaient très réticentes à ce type de prise en charge et avaient beaucoup de difficultés à se séparer de leur enfant. Cela avait pour conséquence des attitudes assez hostiles dans la salle d’attente, des soupirs éloquents et surtout un absentéisme très préjudiciable au travail entrepris par les enfants. Nous avons alors réfléchi de quelle façon nous pourrions aider ces mères. Il se trouve que
j’étais présente à la consultation ces matinées là, profitant de ce moment relativement calme pour faire de nombreuses démarches téléphoniques. Etant contrainte de traverser la salle d’attente chaque fois que j’avais besoin d’aller au secrétariat, nous avions pris l’habitude de nous saluer courtoisement. Je ne connaissais aucune de ces femmes en particulier, la plupart ayant l’habitude de s’adresser à l’assistante sociale polyvalente de secteur.

L’idée de faire un groupe avec elles a commencé à faire son chemin, très soutenue par l’équipe qui sentait ces mamans fragiles et toujours au bord de la rupture de soins. Pour des raisons matérielles, je ne pouvais pas faire équipe avec une autre collègue et il ne pouvait avoir lieu que dans la salle d’attente (précisions qu’il n’y avait aucune autre consultation ces matins là) Je ne souhaitais pas trop formaliser ce groupe, car le risque était de les faire fuir... définitivement.

C’est l’une d’elles qui m’a permis de commencer ce travail. Arrivée un matin très en colère, elle est venue au secrétariat se plaindre du peu d’informations qu’elle avait sur ce qui se passait dans le groupe et du fait qu’elle ne notait aucun changement dans l’attitude de son fils, opinion partagée par la maîtresse ! L’exiguité des lieux a fait que les autres mères ont tout entendu et ont acquiescé.

Puisqu’elles me côtoyaient depuis un certain temps, je leur ai proposé que nous en discutions ensemble et que je pourrais ensuite retransmettre à l’équipe leurs doléances et leurs inquiétudes. Je me suis donc installée avec elles, dans la salle d’attente, et toutes ont pu exprimer qu’elles se sentaient « mises à l’écart » de la prise en charge de leurs enfants et qu’elles le supportaient très mal.

Cette première discussion, à bâtons rompus, les a soulagées et nous avons décidé de profiter de ce temps d’attente qu’elles avaient chaque semaine pour aborder les questions qui les préoccupaient. Il me semblait vraiment intéressant qu’elles puissent se réunir en même temps que leurs enfants. D’ailleurs, ceux-ci ont manifesté leur accord en m’apportant chacun un dessin lors des séances suivantes. Ces moments d’échange se sont avérés très riches pour ces mamans, qui se trouvaient confrontées à la difficulté de laisser « grandir » leur enfant et de s’en séparer peu à peu. J’ai appris énormément lors de nos réunions et cela m’a aidée dans les prises en charge individuelles que j’ai par ailleurs.

Ce groupe a fonctionné plusieurs mois, suffisamment pour en mesurer certains effets. Alors que ce n’était jamais le cas, certaines ont pu se retrouver d’abord à la sortie de l’école, se rendre des services de voisinage et même se mettre à faire du sport ensemble.
L’une d’entre elles a pu dire son souhait mais aussi son inquiétude de retravailler après un long congé parental. Des bribes de leur histoire, racontées, écoutées avec le plus grand respect par les autres, leur ont permis de cheminer et pour l’une d’engager un travail psychothérapique personnel.

Mon rôle dans ce groupe s’est borné à écouter, à faciliter des échanges fructueux, au-delà des récriminations amères, et à faire des liens entre ce qu’elles vivaient dans ce groupe et ce que vivaient leurs enfants dans le leur.
Ce travail a aussi permis de créer pour l’enfant un espace de confidentialité, tout en tenant compte du légitime désir d’information des parents, de la nécessité de les éclairer sur les difficultés de leur enfant et de leur apporter un soutien.

Ces deux exemples nous donnent des éléments de réponse par rapport à notre question initiale.

-    le travail de groupe auprès d’adolescents a pour fonction d’éviter le face à face adolescents/thérapeute, de reconnaître la fonction du groupe des pairs et peut-être aussi de pouvoir formuler une demande d’aide personnelle.

-    celui auprès des parents permet d’accompagner le travail thérapeutique fait avec leurs enfants et de les conforter dans leur rôle d’éducateurs, responsables de leurs enfants.


V - EN GUISE DE CONCLUSION

Il m’est apparu au cours de l’élaboration de cette monographie la grande difficulté à formaliser, organiser une réflexion qui se vit au quotidien, le plus souvent de façon empirique.
Je me suis trouvée confrontée à cette
« page blanche » qui m’a souvent donné envie de fuir.

Dans les équipes de psychiatrie, nous parlons beaucoup, lisons des articles, des ouvrages, en majorité écrits par des psychiatres ce sont eux qui détiennent le savoir et peu d’entre nous osent prendre la plume !
Ecrire sur le travail de groupe m’a permis de clarifier les objectifs, pas toujours énoncés, que je me fixais faire émerger une demande de soin, soutenir celles engagées, aider des parents à accepter les soins donnés à leur enfant.

Il resterait d’autres domaines à explorer bien sûr...
Par exemple, m’est advenue cette question quel serait le rôle de ces groupes dans la vie institutionnelle? Quels impacts sur une équipe
?...

(1)    Circulaire DG5/443/MS 1 du 16 mars 1972
(2)    Circulaire DG5/89 1/MS 1 du 9 mai 1974


BIBLIOGRAPHIE

-    Circulaire DGC / 443 / MS 1 du 16 mars 1972 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies et déficiences mentales des enfants et adolescents.

-    Circulaire DGS / 891 / MS 1 du 9 mai 1974 relative à la mise en place de la sectorisation psychiatrique infanto-juvénile.

-    Circulaire n070 du il décembre 1992 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents.