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" Gênoiserie"

Vous mélangez les jaunes d'œuf avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse. Vous montez les blancs en neige avec une petite pincée de sel. Puis délicatement vous incorporez les blancs à votre premier mélange. Allez-y doucement, avec beaucoup de délicatesse. Une fois votre mélange effectué ajoutez la farine et déposez la préparation dans un moule. Enfournez. Lorsque votre gênoise aura pris quelques couleurs, qu'elle sera bien dorée, sortez du four, laissez reposer et démoulez. Dégustez votre gâteau, sous le palet un succulent met: fondant, aérien, moelleux, léger, un régal pour vos papilles, du miel pour votre cœur.

Quelle douceur! Là je vous entends maugréer dans votre barbe, oui vous lecteur inconnu, professionnel de la santé, pragmatique, cartésien vous demandant déjà si vous aviez confondu votre site préféré avec un site culinaire, tout émoustillé, un brin énervé par cette digression impromptue en cette journée de travail chargée, ne pouvant vous permettre de perdre une minute. N'est-ce pas j'ai raison?

Ne vous cachez pas derrière votre souris, je vois votre nez dépasser, tout frétillant, vos yeux pétillants, les narines palpitantes de l'odeur inhalée, imaginant une table dressée, la gênoise offerte dans votre assiette. Attention voilà une miette qui s'est prise dans votre barbe! Non vraiment zut alors ce n'est pas sérieux et votre travail?

Bon je l'avoue moi aussi l'évocation du mot " Gênes" m'a détourné l'espace de quelques instants de mon labeur. Mais sur le coup je n'ai pas imaginé la célèbre pâtisserie, la gênoise bien nommée ou encore le club de football la Sandoria de Gênes, non je me suis retrouvée deux-trois années en arrière marchant dans les ruelles étroites de la ville, lovée au bord de la méditerranée, inondée de soleil, caresse agréable sur une peau plus bronzée, cherchant mon chemin vers le port, flânant au gré des découvertes.

Puis les " Cinque Terre" me sont apparues en songe, coteaux de vigne à perte de vue sur les pentes escarpées non loin de là. Paysage magnifique, idyllique, irréel, magique! Encore plus vers le sud la Toscane s'offrait à moi: Pise et sa tour penchée, Florence et sa cathédrale, ses palais ducaux, son pont avec les échoppes d'orfèvre, les jardins de Boboli, la librairie française à l'ombre d'une église cachée, Sienne et les jours de Palio, la ville transformée en hippodrome, les gâteaux au massepain dans les vitrines de pâtisserie, San Gimignano, ses places, ses tours, les promenades au décours des rues pavées…La route menant à la mer d'un bleu intense, bleu cyan, reflet du ciel, promesse de bain de soleil, d'une plongée dans l'eau tiède, un enveloppement, une caresse, au loin la Sicile, l'Orient, la route des épices, un ailleurs rêvé, imaginé que l'on touche du bout des doigts…

Dans les yeux de Marco, d'un bleu limpide, azur, cheveux bouclés, bruns, tel un angelot, toute l'Italie se mirait, elle se pavanait, se dérobant soudain dans un discours loin dêtre angélique. L'ombre de l'homme au chapeau et aux bottes de cuir se découpe sur le mur, il se déplace, ombre furtive, presque vacillante, fugitive et fugace, fragile, la femme du bureau confirme les soupçons de l'Italien. Le suspens monte, des gouttes de sueur perlent sur son front, l'angoisse est à son paroxysme: que veut cet homme?
Qui est-il?
Un chantier, des outils précieux entreposés dans un garage et convoités par un groupe, notre Italien énigmatique: un artiste- peintre, des fresques a réaliser, une femme mystérieuse dans un train en partance pour Paris: son amoureuse, une dame plus âgée cuisine un repas, sa logeuse, sur la cuisinière une poelée de champignons, empoisonnée. Voilà ce qui amène notre Italien, l'objet du délit en somme! Il en est malade, nausées, vomissements, teint gris, vert, bref il en voit de toutes les couleurs, pris de douleurs atroces, il déverse son mal- être, sa souffrance.

Il se répand en un flot ininterrompu, tire le fil, tisse son histoire, déroule la toile et derrière tous ces personnages fictifs, fruit de son imagination, une autre réalité, plus cruelle: celle de la maladie. Sa réponse la fuite. Encore aujourd'hui je me demande s'il a mis son projet à exécution…S'il est retourné en Italie, comme un ailleurs salvateur, un voyage …pathologique?!!

Alors tenaillée par le doute, pleine de mes interrogations je décide de jeter mon dévolu sur la gênoise, me léchant les babines, balayant toute culpabilité, enfin presque, histoire de le rejoindre un peu dans cet ailleurs


Delphine Ohl. 






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