Voici,
un texte qui reprend en substance une intervention lors du récent colloque
« 2èmes Rencontres de
La
psychiatrie de Secteur continue à être innovante !
Quoiqu’on en dise, en psychiatrie tant Générale qu’Infantojuvénile, il reste de nombreux lieux innovants et de créativité.
Parmi
ceux-ci je voudrais faire part de l’expérience de l’« Espace Ados 9ème
/ 10ème » que nous menons depuis 2 ans dans le 3ème
Secteur de Psychiatrie Infantojuvénile de Paris avec les adolescents.
Il
s’est mis en place progressivement d’abord à moyens constants et aujourd’hui
nous espérons des créations de postes pour pouvoir le développer.
D’abord
quelques mots sur ce qui nous a motivés dans la construction de cet espace
original. En 2000, avec le Docteur Albouker qui était à l’époque responsable du
CMP du 10ème, nous nous demandions comment il se faisait que nous ne
recevions pas plus de jeunes adolescents.
Notamment
de jeunes suicidants alors que chacun sait que c’est une problématique
dominante et particulièrement préoccupante dans cette population.
Par
ailleurs environ 25% des ados qui prenaient contact avec nous ne venaient pas à
leur première consultation et 25% autres ne revenaient pas après la seconde
consultation. Il nous semblait bien qu’il y ait là un problème. Ce qui nous
avait amenés à interroger l’accessibilité de notre dispositif.
En
effet à l’époque nous avions pour les ados les mêmes modalités d’accès que pour
les autres patients que nous recevions : Ils prenaient contact avec nous,
le plus souvent par téléphone. Et, sauf urgence, ils avaient un rendez-vous
dans les trois mois. Ce qui du fait de l’insuffisance de ses moyens est
malheureusement un délai raisonnable en pédopsychiatrie.
Ensuite,
pour ceux qui venaient, ils devaient accepter les modalités de prise en charge
que nous leur proposions ; à savoir pour l’essentiel :
Nous
avons donc commencé à réfléchir, dans le CMP du 10ème, à un accueil
pour les ados, ouvert, sans rendez-vous.
En
2003, le Docteur Dominique Brengard venant d’être nommée chef de service a
proposé de réfléchir à ce projet à la dimension des 2 arrondissements du
Secteur. Et lorsque le Docteur Ousset, en remplacement du Docteur Albouker a
pris ses fonctions au CMP du 10ème il a d’emblée été intéressé par
ce projet.
Nous
avons démarré L’Espace Ados 9ème / 10ème en 2004, avec 3
modalités de prise en charge :
Les
groupes thérapeutiques devant se mettre en place dans un second temps car,
conditionnés par l’attribution de moyens supplémentaires.
Le pivot de l’espace ado c’est l’accueil !
Il
est ouvert, sans rendez-vous, à tous les jeunes domiciliés ou scolarisés dans
le 9ème ou le 10ème Arrondissement de Paris, y compris
ceux qui ont plus de 17ans ou qui habitent ailleurs. Dans ces derniers cas,
s’il y a besoin d’un suivi plus important en CMP, nous faisons un travail de
lien vers le Secteur dont il dépend et d’accompagnement du jeune pour qu’il
puisse aller consulter
Les
jeunes peuvent y venir seuls ou accompagnés de leurs parents ou de copains.
Il
s’avère que ceux qui étaient venus accompagner un ou une ami(e) reviennent
souvent pour eux même.
L’équipe
d’ « accueillants » est composée d’une éducatrice spécialisée, d’un
infirmier, d’un assistant social et d’un cadre de santé. Après chaque séance,
nous sommes rejoint par le Docteur Ousset pour reprendre ce qui s’est passé
durant l’accueil. Ce temps de reprise nous permet de faire le point sur les
situations des jeunes qui sont venus. C’est à ce moment que nous décidons
éventuellement de la nécessité de faire un travail d’orientation de tel jeune
vers un CMP, avec tout le travail de soutien psychique que cela suppose. Au
cours de ces réunions nous continuons à interroger notre fonctionnement
institutionnel au travers de notre expérience que nous croisons avec quelques
apports théoriques.
Aujourd’hui
les jeunes que nous recevons, viennent aussi bien par le bouche à oreille que
sur les conseils de nos partenaires.
Ils
peuvent venir pour un instant ou y passer toute l’après-midi.
Lorsqu’un
jeune vient pour la première fois, nous le recevons systématiquement en
individuel pour qu’il puisse nous dire ce qui l’amène, pour lui présenter le
lieu et lui expliquer comment nous fonctionnons.
Durant
l’accueil nous utilisons diverses médiations (pâtisserie, jeu de société,
ping-pong,…) qui ne sont pas prévues préalablement mais que nous choisissons
avec ceux qui sont présents.
Les jeunes qui en sentent le besoin peuvent solliciter le membre de l’équipe de leur choix pour un entretien individuel. Il arrive également que nous proposions un entretien à tel ou tel jeune, lorsque nous sentons qu’il en aurait besoin.
Aujourd’hui
je crois qu’on peut dire que cet espace fonctionne !
Du
fait de l’important travail en réseau que nous avons du mener pour faire
connaître ce lieu, la fréquentation de l’espace est en constante augmentation.
Du coup, la file active adolescente des CMP augmente également. Par ailleurs
l’existence de cet espace nous a amené à renforcer nos liens avec le Centre
Interhospitalier d’Accueil Permanent
pour Adolescents (CIAPA) qui couvre le Nord de Paris.
Dans
ce genre de structure, le plus difficile c’est de créer une ambiance :
une
ambiance où le jeune se sente accueilli ;
une
ambiance bienveillante, où il se sent en sécurité ;
une
ambiance tolérante vis-à-vis des jeunes, mais également entre eux ;
une
ambiance qui ne soit pas marquée par l’image négative de la psychiatrie
véhiculée par les médias, mais qui soit malgré tout empreinte de sa dimension
thérapeutique.
Ca
paraît bête mais c’est fondamental, sans cette ambiance les jeunes ne
reviendraient pas. C’est difficile parce que ce n’est prévu par aucun
protocole. C’est une posture à trouver. Et rien n’est jamais acquis
définitivement, cela demande une attention de tous les instants.
Aujourd’hui
se pose la nécessité de développer cet Espace Ados en lui donnant tout à la
fois, une dimension d’Accueil, une dimension de CATTP, une dimension de lieu de
consultation,
une
dimension de recherche et de formation, une dimension de prévention et une
dimension de développement d’un certain type de travail de réseau.
Ces
deux derniers aspects se déployant essentiellement dans
Initialement,
nous avions envisagé des plages horaires réservées à l’Accueil et d’autres
plages pour des groupes thérapeutiques sur indication médicale :
dispositif classique.
Mais l’expérience nous a amené à revoir ces modalités. Aujourd’hui nous imaginons la juxtaposition dans le même temps de l’accueil et des groupes thérapeutiques pour que ça puisse circuler.
Les
3 maîtres mots sont : AMBIANCE – CIRCULATION – FLUIDITE.
Nous
souhaitons également nous ouvrir sur
Plutôt
que de partir d’un schéma de dispositif pré-établi nous avons fait le choix de
construire le dispositif en fonction de la réalité des jeunes que nous
recevons.
Ce
dispositif nous oblige à travailler le Collectif. En insistant bien qu’il faut
du « Je » pour faire du « Nous » !
Si
au sein de l’équipe nous sommes de professions différentes, nous souhaitons travailler
non pas sur le cœur du métier de chacun mais sur les « surfaces
communes ». La spécificité de chaque métier n’étant mobilisée que dans des
situations particulières, devenant par-là même une richesse. Nous voulons
absolument éviter la segmentation de la prise en charge où chacun travaille
sans en référer aux autres. De même qu’il faut veiller à ne pas tomber dans la
confusion.
Ce
qui est très exigeant en terme d’engagement thérapeutique vis-à-vis des membres
de l’équipe.
Pour
essayer de nous repérer, nous sommes en train de ré interroger des concepts
tels que celui de « Transfert Multiréférentiel ». Concept qui permet
de travailler la relation singulière du Sujet avec chacun des intervenants sans
vouloir uniformiser, normaliser ces relations et sans tomber dans le clivage ou
la confusion des rôles.
Par
ailleurs, il nous paraît indispensable de travailler avec nos partenaires que
ce soit ceux de l’enseignement, des services sociaux, des associations, des
municipalités, ainsi qu’avec les parents, sans oublier bien entendu nos
collègues des Secteurs de psychiatrie générale ou infantojuvénile.
Là encore pour nous ouvrir aux autres, sans pour autant tomber dans la confusion, sommes-nous en train de ré interroger le concept de « Constellation Transférentielle ».
Un
mot concernant les parents.
Si
l’autorisation des parents n’est pas un préalable pour accueillir les
adolescents, il nous paraît important de pouvoir les entendre et de travailler
avec eux. Nous envisageons de développer dans le futur diverses modalités
telles que des groupes de parents…
Collectif,
Ambiance, Transfert Multiréférentiel, Constellation Transférentielle, ça
rappelle certainement des choses à certains d’entre vous.
J’ai
souvent le sentiment que nous sommes en train de réinventer l’eau chaude. Une
eau puisée dans le courant de
Parce
que, pour que cela fonctionne, il nous a fallu justement être créatif et
inventer, et cela, après de multiples tâtonnements.
Nous
ne nous définissons pas comme un espace de Psychothérapie institutionnelle.
Nous
avons simplement fait l’expérience et le constat que si l’on veut innover en
développant une psychiatrie centrée sur le Sujet et sa psychodynamique, plutôt
que sur le symptôme et l’objectivation du Sujet, on en revient à des
fondamentaux qui ont été à la source du Secteur en France !