Retour à l'accueil

Retour à enfance




Voici, un texte qui reprend en substance une intervention lors du récent colloque « 2èmes Rencontres de la Santé Mentale et des partenaires » organisé par la Mairie de Paris les 16 et 17 mars 2006. Serge Klopp

 

La psychiatrie de Secteur continue à être innovante !

 

 

 

Quoiqu’on en dise, en psychiatrie tant Générale qu’Infantojuvénile, il reste de nombreux lieux innovants et de créativité.

 

Parmi ceux-ci je voudrais faire part de l’expérience de l’« Espace Ados 9ème / 10ème » que nous menons depuis 2 ans dans le 3ème Secteur de Psychiatrie Infantojuvénile de Paris avec les adolescents.

Il s’est mis en place progressivement d’abord à moyens constants et aujourd’hui nous espérons des créations de postes pour pouvoir le développer.

 

D’abord quelques mots sur ce qui nous a motivés dans la construction de cet espace original. En 2000, avec le Docteur Albouker qui était à l’époque responsable du CMP du 10ème, nous nous demandions comment il se faisait que nous ne recevions pas plus de jeunes adolescents.

Notamment de jeunes suicidants alors que chacun sait que c’est une problématique dominante et particulièrement préoccupante dans cette population.

Par ailleurs environ 25% des ados qui prenaient contact avec nous ne venaient pas à leur première consultation et 25% autres ne revenaient pas après la seconde consultation. Il nous semblait bien qu’il y ait là un problème. Ce qui nous avait amenés à interroger l’accessibilité de notre dispositif.

En effet à l’époque nous avions pour les ados les mêmes modalités d’accès que pour les autres patients que nous recevions : Ils prenaient contact avec nous, le plus souvent par téléphone. Et, sauf urgence, ils avaient un rendez-vous dans les trois mois. Ce qui du fait de l’insuffisance de ses moyens est malheureusement un délai raisonnable en pédopsychiatrie.

Ensuite, pour ceux qui venaient, ils devaient accepter les modalités de prise en charge que nous leur proposions ; à savoir pour l’essentiel :

Nous avons donc commencé à réfléchir, dans le CMP du 10ème, à un accueil pour les ados, ouvert, sans rendez-vous.

En 2003, le Docteur Dominique Brengard venant d’être nommée chef de service a proposé de réfléchir à ce projet à la dimension des 2 arrondissements du Secteur. Et lorsque le Docteur Ousset, en remplacement du Docteur Albouker a pris ses fonctions au CMP du 10ème il a d’emblée été intéressé par ce projet.

 

Nous avons démarré L’Espace Ados 9ème / 10ème en 2004, avec 3 modalités de prise en charge :

Les groupes thérapeutiques devant se mettre en place dans un second temps car, conditionnés par l’attribution de moyens supplémentaires.

 

Le pivot de l’espace ado c’est l’accueil !

Il est ouvert, sans rendez-vous, à tous les jeunes domiciliés ou scolarisés dans le 9ème ou le 10ème Arrondissement de Paris, y compris ceux qui ont plus de 17ans ou qui habitent ailleurs. Dans ces derniers cas, s’il y a besoin d’un suivi plus important en CMP, nous faisons un travail de lien vers le Secteur dont il dépend et d’accompagnement du jeune pour qu’il puisse aller consulter

Les jeunes peuvent y venir seuls ou accompagnés de leurs parents ou de copains.

Il s’avère que ceux qui étaient venus accompagner un ou une ami(e) reviennent souvent pour eux même.

L’équipe d’ « accueillants » est composée d’une éducatrice spécialisée, d’un infirmier, d’un assistant social et d’un cadre de santé. Après chaque séance, nous sommes rejoint par le Docteur Ousset pour reprendre ce qui s’est passé durant l’accueil. Ce temps de reprise nous permet de faire le point sur les situations des jeunes qui sont venus. C’est à ce moment que nous décidons éventuellement de la nécessité de faire un travail d’orientation de tel jeune vers un CMP, avec tout le travail de soutien psychique que cela suppose. Au cours de ces réunions nous continuons à interroger notre fonctionnement institutionnel au travers de notre expérience que nous croisons avec quelques apports théoriques.

 

Aujourd’hui les jeunes que nous recevons, viennent aussi bien par le bouche à oreille que sur les conseils de nos partenaires.

Ils peuvent venir pour un instant ou y passer toute l’après-midi.

Lorsqu’un jeune vient pour la première fois, nous le recevons systématiquement en individuel pour qu’il puisse nous dire ce qui l’amène, pour lui présenter le lieu et lui expliquer comment nous fonctionnons.

Durant l’accueil nous utilisons diverses médiations (pâtisserie, jeu de société, ping-pong,…) qui ne sont pas prévues préalablement mais que nous choisissons avec ceux qui sont présents.

Les jeunes qui en sentent le besoin peuvent solliciter le membre de l’équipe de leur choix pour un entretien individuel. Il arrive également que nous proposions un entretien à tel ou tel jeune, lorsque nous sentons qu’il en aurait besoin.

Aujourd’hui je crois qu’on peut dire que cet espace fonctionne !

 

Du fait de l’important travail en réseau que nous avons du mener pour faire connaître ce lieu, la fréquentation de l’espace est en constante augmentation. Du coup, la file active adolescente des CMP augmente également. Par ailleurs l’existence de cet espace nous a amené à renforcer nos liens avec le Centre Interhospitalier d’Accueil Permanent  pour Adolescents (CIAPA) qui couvre le Nord de Paris.

 

Un travail sur l’ « ambiance »

Dans ce genre de structure, le plus difficile c’est de créer une ambiance :

une ambiance où le jeune se sente accueilli ;

une ambiance bienveillante, où il se sent en sécurité ;

une ambiance tolérante vis-à-vis des jeunes, mais également entre eux ;

une ambiance qui ne soit pas marquée par l’image négative de la psychiatrie véhiculée par les médias, mais qui soit malgré tout empreinte de sa dimension thérapeutique.

 

Ca paraît bête mais c’est fondamental, sans cette ambiance les jeunes ne reviendraient pas. C’est difficile parce que ce n’est prévu par aucun protocole. C’est une posture à trouver. Et rien n’est jamais acquis définitivement, cela demande une attention de tous les instants.

 

Aujourd’hui se pose la nécessité de développer cet Espace Ados en lui donnant tout à la fois, une dimension d’Accueil, une dimension de CATTP, une dimension de lieu de consultation,

une dimension de recherche et de formation, une dimension de prévention et une dimension de développement d’un certain type de travail de réseau.

Ces deux derniers aspects se déployant essentiellement dans la Cité.

 

Initialement, nous avions envisagé des plages horaires réservées à l’Accueil et d’autres plages pour des groupes thérapeutiques sur indication médicale : dispositif classique.

 

Mais l’expérience nous a amené à revoir ces modalités. Aujourd’hui nous imaginons la juxtaposition dans le même temps de l’accueil et des groupes thérapeutiques pour que ça puisse circuler.

 

Les 3 maîtres mots sont : AMBIANCE – CIRCULATION – FLUIDITE.

 

Nous souhaitons également nous ouvrir sur la Cité en utilisant notamment notre Association de Secteur, pour participer à des initiatives évènementielles, culturelles dans les Arrondissements, voire organiser des initiatives culturelles ou des débats ouverts au public dans nos locaux.

 

Plutôt que de partir d’un schéma de dispositif pré-établi nous avons fait le choix de construire le dispositif en fonction de la réalité des jeunes que nous recevons.

Ce dispositif nous oblige à travailler le Collectif. En insistant bien qu’il faut du « Je » pour faire du « Nous » !

Si au sein de l’équipe nous sommes de professions différentes, nous souhaitons travailler non pas sur le cœur du métier de chacun mais sur les « surfaces communes ». La spécificité de chaque métier n’étant mobilisée que dans des situations particulières, devenant par-là même une richesse. Nous voulons absolument éviter la segmentation de la prise en charge où chacun travaille sans en référer aux autres. De même qu’il faut veiller à ne pas tomber dans la confusion.

Ce qui est très exigeant en terme d’engagement thérapeutique vis-à-vis des membres de l’équipe.

Pour essayer de nous repérer, nous sommes en train de ré interroger des concepts tels que celui de « Transfert Multiréférentiel ». Concept qui permet de travailler la relation singulière du Sujet avec chacun des intervenants sans vouloir uniformiser, normaliser ces relations et sans tomber dans le clivage ou la confusion des rôles.

 

Par ailleurs, il nous paraît indispensable de travailler avec nos partenaires que ce soit ceux de l’enseignement, des services sociaux, des associations, des municipalités, ainsi qu’avec les parents, sans oublier bien entendu nos collègues des Secteurs de psychiatrie générale ou infantojuvénile.

Là encore pour nous ouvrir aux autres, sans pour autant tomber dans la confusion, sommes-nous en train de ré interroger le concept de « Constellation Transférentielle ».

 

Un mot concernant les parents.

Si l’autorisation des parents n’est pas un préalable pour accueillir les adolescents, il nous paraît important de pouvoir les entendre et de travailler avec eux. Nous envisageons de développer dans le futur diverses modalités telles que des groupes de parents…

 

Collectif, Ambiance, Transfert Multiréférentiel, Constellation Transférentielle, ça rappelle certainement des choses à certains d’entre vous.

J’ai souvent le sentiment que nous sommes en train de réinventer l’eau chaude. Une eau puisée dans le courant de la Psychothérapie Institutionnelle. Pourtant, il ne s’agit surtout pas de vouloir transposer un modèle.

Parce que, pour que cela fonctionne, il nous a fallu justement être créatif et inventer, et cela, après de multiples tâtonnements.

Nous ne nous définissons pas comme un espace de Psychothérapie institutionnelle.

Nous avons simplement fait l’expérience et le constat que si l’on veut innover en développant une psychiatrie centrée sur le Sujet et sa psychodynamique, plutôt que sur le symptôme et l’objectivation du Sujet, on en revient à des fondamentaux qui ont été à la source du Secteur en France !



Serge KLOPP
Cadre de santé






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