UNE EQUIPE DE
PASSAGE
Dax le 03.12.09
Equipe des Marmousets et de
LACAAN et plus particulièrement Myriam Muller, Pierre Tuniz et Edmond Perrier
PIERRE
Le
programme annonce donc maintenant une intervention de
Edmond
Perrier et son équipe… ce n’est certes pas tout un programme, mais une ligne
sur celui d’aujourd’hui, une ligne pour une vingtaine de minutes.
Evidement,
la première réflexion qui est venue à quelques esprits acérés et contestataire
fut de relever cela immédiatement et de demander si ils (les impertinents)
devaient venir avec la casquette ou le tee shirt « Perrier » en signe
d’appartenance à une sorte d’appellation.
Pourquoi
pas Myriam Muller et son équipe ?
Pourquoi
pas Pierre Tuniz et son équipe ?
Pourquoi
pas Pascal Liboni et son équipe ?
Pourquoi
pas Martine Jean et son équipe ?
Pourquoi
pas Liliane Kern et son équipe ?
Il
est vrai que des casquettes au nom de Muller ça faisait un peu Tintin et
clinique de fou…
Je
ne vais pas continuer cette liste, elle serait très longue car nous sommes une
centaine de personnes qui travaillons dans notre secteur de
pédopsychiatrie. Il n’était pas possible
que nous venions tous, et pendant que nous sommes ici, comme représentants d’un
travail d’une équipe, d’autres assurent la continuité des soins auprès des
enfants et adolescents de notre secteur.
Nous
avons finalement accepté cette manière d’être présenté en rapport avec ce que
disait notre ami Francis Jeanson, c’est à dire dans le sens du leader, terme
qu’il est difficile de traduire fidèlement en Français, car il indique à la
fois une proximité et une direction, c’est un terme qui pourrait se traduire
par meneur.
Pour
JEANSON, le véritable leader est un entremetteur.
Il se préoccupe avant tout de donner
la parole aux membres du groupe, de les aider à s'exprimer au plus près de leur
propre pensée et de leur signaler les malentendus qui peuvent apparaître au
cours de leurs échanges. Ce qu'on doit exiger de lui ce n'est pas qu'il renonce
à exister en tant que producteur de sens et parole vivante, mais qu'il se
refuse à devenir celui qui dit le sens, celui qui parle au nom des autres.
Faut-il ajouter que le véritable
leader est précisément celui qui considère tout leadership comme transitoire,
aussi éphémère que possible, nécessairement interchangeable selon les
circonstances. Alors ce chef de service, ce responsable de pôle nommé dans ce
programme, se doit d’exercer ses responsabilités pour qu’elles débouchent sur
une authentique responsabilisation de chaque soignant dans leurs actes
thérapeutiques et vis à vis de toute l’équipe.
Nos premiers débats autour de ce que
nous voulions exposer commencèrent par tenter de rappeler chacun à sa fonction
sans la confondre avec le statut. Il fut logique que cela commence par le seul
qui était nommé et le passage par des traits d’humours fut facilité par le nom
qui s’y prête assez facilement. La question des rapports hiérarchiques dans une
équipe se devait d’être en débat d’emblée pour la sincérité et la liberté
d’expression que nous pouvions exiger de nous même dans la suite de notre
travail. Nous devons bien le reconnaître, nous n’avons pas toujours été à
l’aise par rapport à ces questions, mais nous n’avons pas reculé devant la
difficulté de les évoquer avec tous (médecins, cadres notamment).
C’est aussi dès le début de notre
désordre fécond que les problèmes de navigations se posèrent. C’est bien connu
que la marine alsacienne ne craint pas les tempêtes et la création du nouveau
groupe de patients que nous avons appelé « groupe passage » ne s’est
pas annoncé d’emblée comme le coup de tabac qu’il allait provoquer. Nous y
reviendrons un peu plus loin.
Je voulais dire que, fort d’une
tradition maritime ancienne en alsace, c’est tout naturellement que les questions de rapport entre équipe et
hiérarchie nous ont conduit à rappeler que le dictionnaire Robert, au mot
« équipe », nous renvoie à son origine de l’ancien normand
« skip » qui veut dire navire et qu'il désigne tout ce qui constitue
le chargement du bateau, en matériel et en personnel. D'où la définition du
Robert :" groupe de personnes unies dans une tâche commune ». Pierre Delion évoque du
reste la marine lorsqu’il rappelle que le capitaine a des pouvoirs immenses sur
le groupe des hommes embarqués et je le
cite « C’est l’exemple typique d’une pyramide au sommet de laquelle le
capitaine règne sans partage sur tous les autres, disposés successivement du
haut vers le bas en fonction de leurs compétences en rapport avec le bâtiment
et les objectifs à remplir ». Sarkosy
fait du reste la promotion de ce type de hiérarchisation lorsqu’il se
dit convaincu que l’hôpital a besoin d’un unique maître à bord. Nous avons,
pour notre part une conception plus proche d’Elisée Reclus en ce qui concerne
notre navire… Et à celui qui nous parlerait d’un pouvoir nécessaire du
commandant nous nous plairions à lui répondre ainsi que le fait Elisée Reclus
dans les anarchistes : « Homme naïf que vous êtes…je puis vous dire
que d’ordinaire je (le capitaine) ne
sers absolument à rien. L’homme à la barre maintient le navire dans sa ligne
droite ; dans quelques minutes un autre pilote lui succèdera, puis
d’autres encore, et nous suivrons régulièrement, sans mon intervention, la
route accoutumée. En bas, les chauffeurs et les mécaniciens travaillent sans
mon aide, sans mon avis, et mieux que si je m’ingérais à leur donner conseil.
Et tous ces gabiers, tous ces matelots savent aussi quelle besogne ils ont à
faire, et, à l’occasion je n’ai qu’à faire concorder ma petite part de travail
avec la leur… Sans doute, je suis censé guider ce navire mais ne voyez vous pas
que c’est là simple fiction ? Les cartes sont là, ce n’est pas moi qui les
ai dressées. La boussole nous dirige et ce n’est pas moi qui l’inventai…. Notre
œuvre est commune et nous sommes solidaires les uns des autres ! ».
Sur
cette route que nous suivons, sur ces ponts qui font passages entres les rives,
nous avons à faire cheminer des enfants,
des adolescents souvent jeté dans l’isolement par des troubles importants.
La
clinique avec ces enfants met à l’épreuve ceux qui s’attachent aux titres et
aux statuts. En effet, ils s’adressent d’abord à quelqu’un sans se soucier de
son statut. Néanmoins, notre hiérarchie fonctionnelle contribue à donner un cadre structuré et structurant aux
enfants. Allier un certain désordre poétique et une rigueur dans nos principes
éthiques (engagement de chacun, formation indispensable, participation aux
régulations), travailler sans relâche à bâtir notre propre institution mentale,
s’avère indispensable pour rester toujours en éveil devant ceux qui pourraient
venir nous détourner de notre route du soin.
EDMOND
Avant
de poursuivre notre exposé sur la création d’un groupe thérapeutique de jeunes
adolescents je vais, en quelques mots vous donner le glossaire du secteur afin
de mieux suivre la suite de notre histoire.
Nous
sommes une équipe d’un secteur de pédopsychiatrie du nord de l’alsace. Une
équipe de secteur elle même composée de plusieurs équipes en référence à des
bassins de vie (Saverne, Haguenau et Strasbourg campagne.) Des équipes elles
mêmes formées d’équipes selon les structures occupées (hôpital de jour, CATTP,
CMP, unité mère-bébé temps plein).
Et
puis il y a quelques années, la créations d’une petite équipe ayant une mission
dans la prise en charge des adolescents jusqu’à 18 ans et parfois au delà sur
l’ensemble du secteur et de façon intersectorielle est venue compléter ce
dispositif. Cette équipe nous l’avons appelée LACAAN (La coordination
adolescent alsace nord) et cela fut l’occasion de beaucoup de questionnement
car son activité venait rompre une organisation en cercle ayant la fâcheuse
tendance à se fermer et à confondre lieu et équipe, structure et bastion. Les
soignants de Lacaan sont venus interroger l’ensemble des équipes sur leur possibilité de s’ouvrir et
d’accueillir d’autres équipes.
Et,
quelques années après ce même questionnement a
été adressé à Lacaan avec la naissance du groupe passage.
En
effet une partie des protagonistes de cette histoire se définissait comme
venant de l’équipe des hôpitaux de jour de la ville de Haguenau, et je devrais
plutôt dire l’hopital de jour de la rue du Aqueduc. Il se trouve en effet, que
dans cette rue si bien nommée pour notre mission, nous avons deux maison, une à chaque bout de
la rue, qui s’appellent respectivement les Marmousets A (pour les enfant à
partir de 7 ans environs) et Marmousets B (pour les petits de moins de 7
ans). Il faut au fond comprendre 1
Marmouset divisé en deux, 2 maisons mais
une seule équipe car si le matin chacun est en groupe (des soignants et des enfants)
stable, l’après midi les ateliers d’activités mélangent les soignants et les enfants des groupes du
matin.
Les
deux maisons sont reliées par une rue (la fameuse rue du aqueduc) qui devient
alors un véritable lieu de circulation, de rencontre, où se croisent enfants et
soignant.
A
côté d’une des deux maison, un petit chemin mène vers une plus petite maison,
un fond de jardin en quelque sorte, qui était une ancienne écurie et qui
accueille les groupes de la coordination adolescent.
Pour
le dire autrement, un enfant des Marmousets A sera accueilli le matin dans son
groupe constitué des mêmes soignants et des mêmes enfants. Après midi , soit il
rejoindra un atelier qui peu nécessiter de prendre la rue jusqu’à l’autre
maison pour rejoindre des soignants et des enfants différents du groupe du
matin, soit il ira à l’école (50% des
enfants pris en charge en hôpital de jour sont en intégration scolaire spécialisée où non spécialisée) accompagnée
par un membre de l’équipe qui est chargé du lien avec les écoles et les
familles ; cet accompagnement en Renault Clio est un temps que nous avons
appelé « cliothérapie » en raison de la qualité des échanges et de
leur tonalité. Enfin, certain petit repartirons chez eux en taxi en début
d’après-midi.
Cette
organisation complexe repose sur un dispositif institutionnel rigoureux
(réunions d’organisation, réunions de reprises, réunion de recherche et
formation) dans lequel chacun doit s’engager. Cette circulation d’un groupe
vers un atelier, d’une équipe vers une équipe favorise le passage d’une
situation à une autre, d’une personne à une autre tout en préservant une
certaine permanence et une certaine continuité indispensable pour les soins aux
enfants dont nous avons la charge. L’éthique institutionnel, le dispositif et
l’organisation représentent le sol indispensable sur lequel peut se déployer le travail de l’équipe avec
les enfants et les partenaires (parents écoles, familles d’accueil, IME…) le travail de chacun dans l’équipe et le
travail de l’équipe sur elle même.
Il
nous est apparu indispensable de vous préciser le cadre et le dispositif dans lequel nous prenons en charge nos
patients. C’est un dispositif pensé et travaillé en permanence qui nous
soutient tant sur le plan collectif qu’individuel et que nous élaborons
constamment à la lumière de notre pratique. Si nous savons que
les
équipes se mettent en forme progressivement et ne sont jamais définitive nous
avons constaté que la clinique pouvait toujours bousculer des bases théoriques
et organisationnelles et nous obliger à remettre nos croyances et nos
convictions sur le métier.
C’est
à la faveur de questions autour des soins de quelques adolescents de l’hôpital
de jour Marmouset A, qu’une fois de plus,
nous avons été mis à l’épreuve de la créativité et que nos repères
théoriques et organisationnels ont été fortement réinterrogé.
Deux
adolescents d’environ 14 ans, en soin dans le secteur depuis l’enfance pour des
troubles psychotiques important, se trouvaient être pris en charge aux repas de
midi et deux demies journées à l’hopital de jour le reste du temps étant
consacré à la scolarité. Ils se retrouvaient donc dans une situation de
« passage » sans que leur changement de statut (collégiens en unité
pédagogique intégrée) ne se soit accompagné de modification de lieu et
d’environnement pour leur prise en charge… et pourtant ces adolescents voyaient
bien la structure de LACAAN au fond de la cours… Le groupe d’enfant dans lequel
ils étaient encore au quotidien n’était, pour l’équipe, plus vraiment lisible
comme temps thérapeutique et il semblait difficile de quitter l’hôpital de jour
(les Marmousets A) sans opérer une transition.
L’équipe se trouvait en panne de prise en
charge avec ces adolescents, redoutant la routine et se sentant menacé par une
chronicisation et par l’impossibilité de déployer une histoire commune qui
tenait compte de toutes les modifications touchants ces adolescents. Il fallait
un second souffle, un nouveau mouvement et l’hôpital de jour a imaginé que pour
ces adolescents dans une sorte d’entre deux, un nouvel outil devait être crée.
C’est
ainsi que l’idée de constituer un groupe entre l’hôpital de jour et LACAAN fut
mise en chantier pour ces jeunes en
train de quitter une maison et pour une équipe qui avait tissé une histoire de plusieurs
années. Et voilà que cette idée venait démanger ceux là même qui se croyait le
seul poil à gratter, la coordination ado qui se montrait un peu surprise et
bousculée par cette demande.
Lors
d’un bon passage de relais il y a toujours un moment où on court ensemble, une
main saisissant de plus en plus fermement le témoin tandis que l’autre s’ouvre
progressivement pour finir par lâcher.
Cela nécessite beaucoup de doigté car chacun doit ressentir au travers du
témoin l’intensité de la tenue de l’autre.
Il fut donc décidé, en réunion d’organisation
que nous proposerions la création d’un groupe passage en faisant appel à des
soignants des Marmousets et des soignants de LACAAN pour leur regard différents
et leur habitude de travailler avec des adolescents . Cela inscrirait
aussi pour les patients leur statut d’adolescents par rapport aux enfants plus
jeunes de l’hôpital de jour.
Aussitôt
dit aussitôt proposé à la réflexion collective en réunion de recherche et en
réunions de chacune des structures concernées sans compter le nouveau casse
tête pour les cadres qui doivent jongler avec un effectif de soignant très
serré.
Aussitôt dit, aussitôt réfléchi, aussitôt
organisé… quasiment aussitôt fait à la rentrée de septembre (en
pédopsychiatrie, nous avons cela d’intéressant que les impératifs de nos
partenaires du scolaires nous bornent le
temps).
Le
premier Mardi après la rentrée scolaire, en fin d’après-midi, le groupe passage
débutait avec deux soignants des Marmousets et deux de la coordination adolescent.
Une nouvelle équipe existait sur le papier, les personnes volontaires allaient
l’incarner et cela devait se faire naturellement puisque tous se connaissent
depuis longtemps et font parti de la même équipe de secteur.
Pourtant,
ce fut l’occasion de ce que nous pouvons appeler une crise au sens de Mises, c’est à dire d’un moment
indispensable qui exprime au moins l’absence d’unification mortifère.
MYRIAM
Ce nouveau groupe transfrontalier,
à la frontière de 2 pratiques, cet entre deux a amené beaucoup de discussions
autour de notre façon de travailler.
Pour les uns il s’agissait de
mettre en place un accueil thérapeutique, pour les autres une activité
thérapeutique. Nous n’avions pas encore commencé que déjà les pratiques étaient
en débat marquant au fond une sorte d’appartenance quasi identitaire aux
Marmousets d’un côté et à LACAAN de l’autre.
L’accueil du symptôme et la
permanence dans les soins sont à la base de notre pratique quotidienne,
l’activité n’étant au fond qu’une médiatisation, le prétexte à la rencontre, à
l’histoire qui va se construire et se dire avec un enfant ou un adolescent
(allusion à la narrativité décrite par Jacques Hochmann. Pour nos collègues de
LACAAN, Loïc et Pascal, l’activité avec les autres adolescents en compagnie des
soignants est à la base de la création d’une histoire à dire. Si la référence à
la narrativité nous est commune, la manière de le débattre entre nous, nous a
semblé importante afin de passer d’une équipe à l’autre pour nous retrouver
dans cette équipe de passage. Travail du
groupe des soignants entre eux indispensable pour le travail des adolescents
dans le groupe.
Alors, fléchettes, terre, jeux
vidéo, discussions sont autant de moments de rencontre dans une ambiance
particulière, travaillée par tous, qui participent à l’accompagnement du
passage que l’adolescence de ces patients les pousse eux même à emprunter.
C’est
en créant une histoire commune, avec nous qui tentons d’en être les passeurs,
que l’adolescent peut s’inscrire dans un collectif mais aussi exprimer ses
difficultés, ses souffrances. En venant dans ce groupe, en se confrontant aux
autres, il interroge, se questionne, cherche sa position mais aussi aide
l’autre à l’intérieur du groupe à se positionner comme sujet par ses échanges,
ses réflexions, ses émotions, ses agressions. Il participe lui même à tracer ce
sillon pour lui et les autres grâce à la médiatisation des soignants dans le
cadre de la cure institutionnelle.
Mais
qu’est ce que nous faisons là ? Qu’est ce qu’on raconte ? Par cette première question quasi inaugurale
de ce nouveau groupe à venir, par les échanges suscités par l’idée même de
cette nouvelle équipe, c’est bien la question
de ce qui fait que la juxtaposition d’individu pendant deux heures toute
les semaine puisse devenir un collectif doué de la capacité de donner du soin.
Pour traiter de cela, nous avons
l’habitude, pour chaque type de prise en charge, d’être engagé dans une réunion
avec une psychologue, réunion que nous appelons réunion de reprise, comme si il
s’agissait de réparer ensemble les accrocs de fonctionnement et ceux des
questions transférentielles dans ce temps sans hiérarchie. Il est apparu
naturel de revendiquer une reprise pour le groupe passage…mais ce qui nous
semblait aller de soi, et bien, n’allait pas de soi… Pourquoi multiplier des
temps qui existent déjà pour chacun ? Ne peut on pas évoquer les accrocs
de ce groupe passage dans les réunions de reprise auxquelles nous participons
déjà ? C’est ainsi que la question fut posée à l’ensemble des équipes des
2 maisons et de LACAAN lors de notre réunion de recherche hebdomadaire. Une question émergeante de ce groupe venait
alors questionner le fonctionnement de tous.
Il en est ressorti que pour
pouvoir effectuer un travail d’équipe il était primordial, voir obligatoire
d’avoir des temps de mis en commun entre collègues et de pouvoir prendre de la
distance avec un tiers par rapport aux différentes situations et aux transferts
multiples. Comme ce groupe ne fait rien
comme les autres et que nous sommes une expérience vivante, nous testons
l’autorégulation, c’est-à-dire qu’une fois sur deux nous nous réunissons juste
entre collègues, sans cadre, ni médecins, ni psychologue. On
invente, on réfléchit et on pense dans ce temps de réunion que nous
appelons : autorégulation. C’est ainsi que nous, les trois mousquetaires
ou les quatre soignants nous nous retrouvons autour d’un café à essayer de
s’écouter.
Chacun parle, prend soin de
formuler par des mots son propre parcours, sa propre vision du groupe. Dans un
premier temps, la réunion sert de défouloir et de remise en cause de la
hiérarchie médicale et administrative, on interroge la pertinence des choix et des indications
pour la composition du groupe. Mais nous
ne sommes pas dupe de ces moments où nous tentions de nous souder dans le
partage d’une opposition à des figures d’autorités. Passé ce temps, nous
pouvions revenir à l’essentiel du groupe, le travail clinique. Lors d’un
passage, il s’agit non seulement d’une transition entre deux lieux de prise en
charge mais aussi de permettre un mouvement qui crée un nouveau paysage pour
les patients. Cet outil a été construit pour répondre à des situations
précises, il n’est pas question de l’utiliser absolument et nous n’hésiterons
pas à le remiser si il n’est plus nécessaire.
EDMOND
Cette tranche de vie d’une équipe
de pédopsychiatrie de province n’a au fond pour objectif que de partager une
expérience pratique articulée à une réflexion théorique sur la mise en place
d’un dispositif de soin institutionnel. Ce qui nous semble essentiel c’est ce
travail d’expérimentation, même si cela concerne des choses qui peuvent
paraître simple et déjà théorisées dans de nombreux ouvrages. Les
questionnements autour de la prise en charge d’adolescents nous ont amener à
réaliser que notre
dispositif est instable, que l’équipe n’est pas faite une bonne fois pour toute
lorsque les ingrédients théoriques et organisationnels sont en place, qu’elle
ne se décrète pas, mais s’élabore continuellement et se fonde sur le respect de
la fonction et des talents de chacun.
L’action n’est pas la réaction, mais bien la
création. Créer un nouveau groupe, c’est modeler une nouvelle forme, une
nouvelle réponse, réfléchir, penser, projeter et surtout s’investir.
L’engagement dans l’équipe, l’engagement dans le
maintien d’une éthique de la cure institutionnelle dont vous parlera
certainement Yves Carraz demain, cet engagement est indispensable pour éviter
de ne donner que du sens unique, car, pour reprendre à nouveau Francis Jeanson,
le sens unique en matière humaine condamne au non-sens.
Ce non-sens est aujourd’hui plus que jamais véhiculé
par une politique d’homogénéisation, un rapport purement comptable de notre
activité, une non reconnaissance et une hiérarchisation contraignante, une
protocolisation stérilisante, une informatisation obsessionnelle, qui ont le
pouvoir de broyer ceux qui ne trouvent plus de ressources dans leur travail
clinique quotidien avec une équipe qui ne lâche rien sur le plan éthique.
Pour maintenir ce souffle de vie nous revendiquons
un engagement militant plus politique
sur le plan des instances de l’établissement dans lequel nous
travaillons. Et nous retrouvons dans l’équipe du groupe passage, un
représentant au CTE (comité technique d’établissement), un du CHSCT (comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et un président de