Retour à l'accueil

Retour à Première fois


 

 

Magnifique Marie Marie, j’ai trouvé sur quel mur tu voulais que je tag ma « première fois »…

 

Et si aujourd’hui, je devais me plaindre, ce serait pour les autres…


Pourtant bon sang, quand je suis arrivé en psychiatrie, jeune étudiant employé d’été, accroché à mon argent de poche pour me payer mes goldos, je ne savais pas que j’allais très vite y trouver mon nid professionnel et y consacrer mes trente années à venir.

 

Alors avec mes 17 ans, mon regard juvénile et mes cheveux longs qui se seraient bientôt pris dans la chaîne de mon 103 Peugeot orange, j’ai débarqué sur une grande place de village. Là, il y avait une église, un coiffeur, un bureau de tabac et une cafetéria, un « bar »…

 

Peur de rien je l’aurai juré, j’ai avancé à découvert épié par une trentaine de paires d’yeux qui me regardaient comme un Marsien débarqué de son OVNI… Que d’étrangers et d’étrangères à me regarder comme un étrange étranger. Nicole est sortie et est venue vers moi. N’ais pas peur mon petit tu n’as rien à craindre…

 

Elle m’a fait entrer dans la grande salle et m’a dit tu vois ici, c’est la sociothérapie et durant l’été tu vas travailler là pour servir les malades et tenir la caféteria. Voici Michel et  Jean, ils travailleront avec toi. Ils connaissent très bien le fonctionnement et sont là depuis plus de dix ans…

Je me suis vite adapté au lieu et aussi aux personnes. Michel et Jean travaillaient pour un « pécule » ce qui leur permettait d’avoir un semblant de vie sociale. Semblant car cette vie était derrière des murs. Qui aurait pu penser qu’ils n’auraient pu effectuer ce job hors les murs. Leurs situations administratives d’hospitalisés en PO les contenait là mais.. là-bas le travail aurait été le même.

 

Le pécule avait une valeur de lien social et de reconnaissance. Il permettait  de voir rétribuer un travail. Un jour il a été supprimé et les activités sont alors devenues essentiellement ergothérapeutique. Jean, Michel et les autres ont alors cessés de travailler ne comprenant pas pourquoi ces travaux qu’on leur proposait n’apportaient pas récompense. La télévision est arrivée dans les services et comme les habitants du monde extérieur ils se sont abêtis, ne quittant plus la boîte qui parle…

 

A mon petit bar de l’asile, Jean et Michel étaient les maîtres des lieux. Et un « cou’ de cit » demandait pauline qui voulait un jus de pomme. Un petit rouge pour Emile dont les papilles gustatives allaient s’émerveiller sous l’effet du jus de raisin… Car dedans on fait semblant, semblant vivre comme dehors. Mais la différence est l’indifférence. Alors, le raisin devient vin. La pomme respire le cidre. Le faux feu fou de cheminée remplace l’odeur d’âtre. Il ne reste plus que le plaisir d’être. Je venais de découvrir l’exclusion, je n’y aurais jamais pensé avant.

 

Après deux mois de plaisir à travailler, moi qui étais habitué aux plaisirs lycéens comme glander, je me suis promis d’y revenir l’année d’après.


Olivier ESNAULT



nous contacter:serpsy@serpsy.org