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Châteaux de sable

Les châteaux de sable ne sont pas éphémères, la marée les adopte au zénith pour loger les sirènes. Tout ce qui a été construit l’est pour l’éternité, nos sœurs les étoiles sont là et témoignent. Elles éclairent notre doute  naissant avec la nuit, elles se moquent de l’ennui.

Bachi-bouzouk

Quelques hommes jouent aux cartes derrière la fenêtre, je suis dehors eux dedans. Les  uns transparents, d’autres en blanc, moi en bleu. « Tu dors facilement au moins ? ! » demande Raymond Lauberge, infirmier surveillant à l’hôpital psychiatrique de Villejuif. « Oui, sans problème » réponds-je  pensant naïvement que cette question concerne la première nuit, la première journée de travail que je vais passer à l’asile. Un tour de  passe Deny, la clef du paradis et nous voilà dans un hall très éclairé. L’odeur de ce lieu est envahissante, une odeur renfermée au sens le plus inquiétant du terme. « Combien de temps, combien de temps passé dans ce fauteuil en cuir ? » : demande Charlélie à la radio. Nous sommes en 1982 et c’est l’hiver

63 lits  et des bonshommes dedans, deux longs couloirs à l’étage,  au rez-de-chaussée le service fermé. Un service encore plus fermé que les autres, un endroit dont on ne s ‘évade pas et où la nuit tout le monde dort grâce à la chimie. Je suis assis dans la pharmacie, tentant de lire je ne sais quoi, j’ai peur de la folie,  je la sens autour de moi, endormie, elle fait du bruit.

« En cas de problème, tu nous passe un coup de fil, nous sommes là-haut, un qui veille l’autre qui dort, ici tu ne ferme pas l’œil de la nuit, demain on inverse les rôles, c’est la règle ! »

Peu de consignes, quelques mots seulement, rassurants d’ailleurs, sur un monde qui mériterait plus d’égard de la part des hommes debout.

Les nuits suivent, je prends confiance, j’apprivoise l’ambiance, peut-être l’inverse, je deviens un asilaire

DRIINNG ! ! !

 

DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! !            DRAANNG ! ! !

 

Beaucoup de blanc, du bleu aussi, les patients s’écartent, se collent aux murs, se rangent, les costauds se tapent le 100 mètres, coup d’œil sur les téléscripteurs, c’est au 17  que ça chauffe, vite, vite, les portes s’ouvrent et se ferment à une vitesse incroyable, le renfort  est sur les lieux. 

DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! !            DRAANNG ! ! !

Un barreau de lit dans la main, Pilou est en colère, il va tous nous tuer, faut pas qu’on avance, il ne veut pas de la piqûre, c’est des choses dans sa tête qui résonnent, qui résonnent...

DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! !            DRAANNG ! ! !

Du bruit, du bleu, du blanc, 1 2 3. Nous sommes tous sur lui. Le bruit, le bleu, le blanc, ses cris. « Je n’en veux pas de la piqûre ». 1 2 3 et s’est fini. Il va passer une bonne nuit.

DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! ! DRAANNG ! ! !            DRAANNG ! ! !

Un tour de passe Deny dans l’alarme et tout est calme, c’est comme la clef du paradis mais ça dépend pour qui. Dormez bonnes gens, tout est calme. Dormez bonnes gens. Nous les dingues, on les soigne, on les calme,  ...[1]».



[1]  Clin d’œil à Raoul Volfoni, tonton flingueur.

 


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