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Ma première fois, ma première clé

On ne sait pas à quel point, elle est importante cette première fois
Tellement d'appréhensions présentes
L'imaginaire qui a travaillé
Pour se représenter parmi tant d'autres, cette grande inconnue
La Psychiatrie

J'ai fait l'école d'infirmières à 35 ans
en promotion professionnelle
aprés avoir travaillé de nombreuses années
en crèche, comme auxiliaire de puériculture

Cette idée-là, je l'avais depuis longtemps
J'avais projeté secrètement de devenir puéricultrice
donc, il me fallait d'abord devenir infirmière.
La chirurgie comme la psychiatrie étaient des spécialités
qui m'étaient totalement étrangères mais qui étaient incontournables.

Voilà, j'y étais
un concours d'entrée réussi à l'IFSI d'Esquirol.
Esquirol, allez comprendre pourquoi,
je ne savais même pas que je choisissais un « établissement spécialisé »
son grand parc, son architecture, ...m'avaient totalement séduite.
Je trouvais ce lieu particulièrement joli et avais décidé que ce serait là !
Et puis, un jour, j'ai compris et cela m'a fait sourire que c'était ce même lieu qu'on nommait,
lorsque j'étais enfant, de manière très péjorative : "l'asile de fous ".

En première année, voilà donc qu'arrive le premier stage à effectuer
Pour moi, comme pour quelques autres étudiants, c'est en psychiatrie.
J'étais évidemment orientée dans un service de l'hôpital.
Je n'avais aucune idée de ce que j'allais découvrir
On m'avait indiqué le nom du médecin-chef du service, pour m'aider à m'orienter.
Je savais juste que l'endroit se situait tout près de la cour d'honneur
On m'avait demander d'y emmener ma blouse.

Mon anxiété était si grande qu'elle devait être perceptible à distance
J'arrive donc par un froid matin de novembre, dans un service que je découvre fermé.
Je me manifeste pour que quelqu'un vienne m'ouvrir
Une infirmière arrive. Je me présente.
Elle m'invite à entrer, referme la porte à clé derrière moi
me guide jusqu'au bureau infirmier,
utilise de nouveau sa clé,
pour en ouvrir la porte
me propose d'entrer dans ce bureau, de poser mes affaires, d'enfiler ma blouse
et puisqu'elle est, avec ses collègues, dans la salle de repos
en train de prendre un café
(elle me la montre, au bout du couloir)
elle me tend son trousseau de clés
en m'expliquant qu'après avoir refermé la porte à clé
Je pourrai les rejoindre là-bas

Prête à de nombreux efforts pour m'intégrer dans ce nouvel univers,
j'accepte sa proposition
(je ne vois pas bien ce que je pouvais faire d'autre)
Le problème, c'est que je ne savais pas comment utiliser sa clé

Si, si, vous les professionnels de l'hôpital,
ça vous paraît évident!
Pourtant, ça ne l'est pas !
Comment aurais-je pu deviner qu'il y avait un mouvement particulier à faire
de pression au fond de la serrure, avant de pouvoir tourner cette fameuse clé ?

Du coup, je me suis retrouvée, vêtue de ma blouse, devant la porte,
à essayer de la fermer à clé
pendant que des patients
qui n'avaient pas l'air de l'être tant que çà,
commencaient à s'agiter autout de moi,
avec un en particulier, dont je garde encore l'image aujourd'hui. Il portait un imperméable et me demandait expressément de lui ouvrir la porte....
J'étais tellement impressionnée que je n'ai même pas osé lui répondre.
Je ne sais même pas si j'ai osé le regarder. J'avais probablement moi-même verrouillé mon accès.
Je me souviens aussi de l'odeur particulière et peu agréable qui se dégagait de cet endroit.
Je ne me sentais pas du tout à l'aise.

Pourtant, j'essayais de rester zen, au moins extérieurement.
Je continuais à tournicoter la clé dans tous les sens, dans la serrure
Et je lançais quelques regards désespérés au loin, vers cette fameuse salle de repos,
en espérant que quelqu'un vienne à mon secours,
puisque j'avais bien compris que je ne pouvais pas laisser le bureau ouvert.
Cette infirmière qui m'avait fait entrer allait bien finir par se demander ce que je faisais !
Au loin, quelqu'un en blouse est passé,
Me voilà à faire de grands signes
Je ne pouvais quand même pas crier !

Aille aille aille,
La personne est passée et ne m'a même pas vue !
Je ne savais vraiment plus quoi faire, j'étais plantée là, au milieu de ce couloir
nouvelle gardienne de cette clé, de ce bureau,
près de la porte d'accès extérieure avec des patients visiblement décidés à sortir.
Et je me disais :
"Non, non, s'il vous plait, ne me demandez pas d'ouvrir, je ne sais pas ce que je dois faire, je suis une élève, je viens juste d'arriver......Pourvu qu'ils arrivent les autres en blouse, vite..."

Ce laps de temps m'a paru interminable

Et puis, enfin,
une infirmière(sans blouse ?) est arrivée vers moi
Adorable sauveuse,
elle a compris très vite ce qui se passait
Souriante, elle m'a souhaité la bienvenue
En plus, elle m'a invité à rester tout près d'elle
autant de temps que nécessaire. Ce dont je ne me suis pas privé. Et ce n'était pas du luxe !
Je me sentais respirer de nouveau.
Cette démarche personnelle, qui peut sembler anodine, a joué un grand rôle dans la suite de l'histoire.

Cette infirmière-là est pour moi une grande dame
qui a su me montrer comment utiliser cette clé
mais également donné envie d'ouvrir d'autres portes.
Je lui en suis toujours reconnaissante.

Aujourd'hui, sans travailler en psychiatrie,
j'accueille moi-même des étudiants en stage
et je ne veux pas oublier ce qu'on peut ressentir,
lorsqu'on arrive en terrain inconnu.
Essayons d'y penser.
Ces petites graines semées, si modestes soient-elles, peuvent toujours servir un jour à quelqu'un, à quelque chose..

Monique




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