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Pour ma première fois en psychiatrie, je vais essayer de me souvenir : je me rappelle de l'entretien d'entrée pour l'école d’infirmière, pendant lequel j’ai parlé à mon jury, quelque peu surpris, de…l’anti-psychiatrie! Mais je ne me rappelle pas du tout de la première fois où j'ai mis les pieds dans un service, « professionnellement » parlant ! C'est d'ailleurs bizarre de n'avoir aucun souvenir précis du 1er jour d’activité professionnelle, alors que j’en garde tant de ma formation : des visages de patients, de certaines de leurs paroles, d’actes très drôles, ou très tragiques, de situations, d’ambiances, de « climat » dans les différents services où j’ai exercé en tant qu’élève… De moments vraiment très violents aussi, sans aucun souvenir de peur réelle ( il y a en a eu après, de la peur…) Après plus de 20 ans de pratique, dans 5 établissements différents, dans plusieurs régions, plusieurs services ou structures de chaque hôpital, je garde vraiment des souvenirs très précis d’un très grand nombre de patients, et de situations que je pourrais décrire très précisément. Mais rien de mon premier jour dans un service de psychiatrie en tant que professionnelle !

 

Par contre ( et c’est certainement mon premier contact avec la psychiatrie, donc ma vraie « première fois en psychiatrie » ) j’ai des souvenirs d'enfance de mes premières rencontres, avec l’asile à l’époque, et de mes premiers contacts avec la maladie mentale, dans mon petit village de campagne, puis au lycée.

 

D’abord une visite à « l'asile départemental », je devais avoir 8 ou 10 ans, plutôt 8 je crois. Une infirmière faisait manger une très vieille dame, du pain émietté dans un bol plein de café au lait : une infirmière « en tenue » (petit voile sur les cheveux et tout !) qui m’avait paru d’une grande patience avec cette vieille femme étrange.

 

Puis (ou était-ce le même jour ?) une « journée de kermesse » ou de porte ouverte. Un membre de ma famille à qui nous rendions régulièrement visite tenait un commerce sur la place de la petite ville, toute proche de l’entrée de l’asile départemental en question ( une superbe bâtisse historique avec un parc immense et très beau ). J’y ai forcément croisé des patients, mais je n’en garde aucun souvenir particulier. Sinon que je suis revenue de cette visite avec un pendentif en émaux, que j’avais choisi dans les objets créés en ateliers par les patients qui étaient en vente ce jour-là. J’avais demandé à ma mère de me l’acheter. Je l’ai d’ailleurs toujours, 40 années et plusieurs déménagements après : un oiseau blanc qui volait dans un ciel très bleu. En réalité je ne l’ai jamais porté, mais il me plaisait pour ce qu’il représentait.

 

L’autre souvenir, c’est "la folle du village", que les enfants embêtaient à la sortie de l'école, en passant devant sa maison : elle hurlait en courant de fenêtre en fenêtre dans son immense maison à l'abandon où personne n’entrait, où elle vivait seule au fonds d’un grand jardin... Nous la croisions quelques fois dans la rue : une grande silhouette, très maigre, vacillante sur de hauts talons et entourée d’une fourrure grise toute mitée, les cheveux tout gris aussi : elle avait tout d’une vraie sorcière pour les enfants que nous étions. Nous avions tous peur d’elle, mais en même temps les enfants du village étaient très attirés et recherchaient un contact. Ou à comprendre ce que les adultes ne nous disaient pas ?

Elle est morte un jour : son fils est venu vider la maison pour la mettre en vente. Et nous étions tous bien étonnés : cette femme avait un fils. Elle avait donc eu une autre vie, « avant » ce que nous avions connu d’elle…Sa maison, qui avait du être fort belle mais presque en ruine a été vendue. Tout le monde l’a oublié.

 

Plus tard, en classe de première, la prof de français nous avait fait lire un livre de Foucault…Un terrible récit historique sur un jeune garçon qui avait tué toute sa famille. Il fallait d’ailleurs oser faire lire un livre pareil à toute une classe de notre âge ( 16 ans en moyenne) ! Aujourd’hui je m’interroge encore sur ce que la plupart de nous en ont retenu, ou compris…

Mais peut-être est-ce aussi pour cela que j’ai rejoins l’année suivante, en réponse à la proposition de ma prof de philo, un petit groupe d’élèves qui s’est réuni pour un  travail avec elle sur la psychiatrie. Et aussi sur l’anti-psychiatrie, qui était très en vogue à l’époque.

 

Et je me suis présentée dans un centre de formation pour devenir infirmière de secteur psychiatrique, où j’ai donc parlé à l’entretien d’entrée…d’anti-psychiatrie : c’était en 1977. Je voulais travailler, gagner ma vie, être autonome : la formation était payée. En réalité j’espérais devenir sage-femme. Je pensais que ce diplôme d’infirmière serait une étape pour m’y mener…et puis voilà

                                                                                                                                    Gabrielle                                                                                





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