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Souvenirs, souvenirs…

 

Sur mes cahiers d’écoliers

J’écris ton nom liberté

 

La première fois que je suis arrivée dans un service de psy, pour mon premier stage, en première année, j’avais beau avoir déjà une certaine maturité (28 ans) et plein d’expériences professionnelles derrière moi, je n’en menais pas large !

 

J'arrive donc, à 6 heure du matin, par une froide journée d’hiver. J’ai eu beaucoup de mal à me lever : le réveil qui sonne à 4h50 je trouve ça inhumain ! et encore, j’ai de la chance, je n’habite pas loin ! Je me dis que je ne m’y ferai jamais à ces horaires : 6heure / 14heure, 14heure / 22heure.

 

Par ailleurs, je n’avais pas encore le fameux sésame de l’infirmier psy : le trousseau de clefs. J’apprendrai à mes dépends que dans ce service « ouvert », on n’ouvre les portes qu’à 8 heure 30. Alors je sonne, je sonne, j’attends, je re sonne et au bout d’une bonne dizaine de minutes une femme d’une cinquantaine d’années l’air épuisée, et visiblement peu contente d’être là, vient m’ouvrir la porte, et sans un mot me fait signe de la suivre. Je m’engage sur ses pas le long d’un couloir sombre et malodorant, jusqu’à une pièce où sont assis une autre femme devant une tasse de café, la tête baissée, attentive… à ne pas perdre une maille à son tricot, et un homme rond, profondément plongé dans la lecture de son journal. Silence juste brisé par le cliquetis des aiguilles à tricoter et des pages du journal qui se tournent.

Au bout d’un temps qui me semble une éternité, les têtes se redressent et laissent échapper un « bonjour, c’est toi la nouvelle élève ? pose tes affaires, assieds-toi ». Le dialogue n’ira pas plus loin. Je tente maladroitement quelques mots auxquels on me répond par des onomatopées. Je n’insiste pas, je me tais, tendue sur ma chaise, j’attends.

A 7 heure, un soupir et une phrase : « c’est l’heure, on y va ».

L’homme enfile une blouse bleue, les femmes des blouses à fleurs. J’enfile la blouse blanche râpée et reprisée qu’on m’a attribué dans mon trousseau. Nous les élèves on a droit aux blouses blanches (stages en médecine et en chirurgie oblige) et je suis le mouvement. L’un ouvre la porte de la salle de bain et me jette « fais couler un bain », l’autre vaque je ne sais où, la troisième m’ordonne sèchement « viens », je la suis, elle ouvre une chambre fermée à clefs et hurle « debout là-dedans !  ».

Tout d’abord, une effluve épouvantable s’échappe de cette pièce et me saute au nez. Ensuite, j’entrevois une chambre lugubre, dépourvue de sanitaires, juste meublée de trois lits, trois corps d’hommes, (l’un difforme), allongés sur des draps souillés d’urines et de merde. Vision d’horreur. Jamais je n’aurais imaginé que cela existait, surtout pas dans un hôpital « pilote » ! « C’est nos régressés », me jette-t-on.

On me tend un seau, une serpillière douteuse, un balai, des sacs à linge, des draps propres et on me dit « au boulot ». Je me souviens de la nausée qui m’envahit, de mon incapacité à poser un seul mot devant cette horreur, de ma sidération. Je ne me dis même pas :  je claque la porte et je m’en vais. Abasourdie, stupéfiée, totalement déconcertée, j’obéis, je me mets « au boulot ».

 

Le lendemain matin, j’exige d’aller dans la salle de bain m’occuper des patients, mais l’horreur est identique : je n’en reviens pas de voir les trois hommes se précipiter ensemble dans la baignoire dans une eau immédiatement souillés par leurs déjections. Visiblement, cela fait partie d’un rituel, c’est inscrit dans leurs habitudes. On les frotte à la chaîne, avec un même gant savonneux, puis on les douche à grand jet! Aucune humanité, aucune compassion, aucune parole autour de tout cela. Là encore le « spectacle » me laisse interdite.

 

Pour les quatre semaines de ce premier stage de première année en psychiatrie,  je ne me fixerai qu’un objectif principal : que cesse cette horreur!

Je tenterai malgré tout en me référant à mes cours, de comprendre quelque chose à la psychose infantile.

Je vais essayer tant bien que mal d’apprivoiser ceux que l’on traite comme des animaux sauvages, j’apprendrai à connaître un peu mieux ces trois personnages complexes que sont Michel, Bibi et Emile. J’essayerai de me faire « adopter » par eux.

 

J’ai d’emblée accepté l’idée qu’il ne me fallait pas attendre quoi que ce soit de l’équipe (infirmière ?) et que je devrai me débrouiller. J’ai heureusement trouvé du soutien auprès du « faisant fonction de surveillant » et de l’interne de ce service… et surtout de l’ensemble des patients qui se sont montrés autrement plus accueillants et chaleureux, bavards et curieux, que mes « collègues ». Sans eux je n’aurais pas tenu le coup !

Par la suite je rencontre heureusement des collègues différents et je me découvre moi-même, au fil du temps, au décours de cette expérience étrange, difficile mais passionnante.

 

Au terme des quatre semaines de stage, j’essaie de faire le bilan :

Bibi sera resté apparemment insensible à mes approches, si ce n’est qu’un sourire viendra illuminer de temps en temps son regard et que j’ai la certitude que cet être qui se traîne par terre sans parvenir à se servir de ses jambes, est un homme qui ressent des émotions fortes, souffre, mais perçoit également du plaisir quand je prend soin de son corps atrophié, quand je lui adresse des paroles de réconfort et que c’est déjà pas si mal...

Malgré mes tentatives de réassurance, Michel continuera à se balancer inlassablement d’avant en arrière, assis par terre en tailleur en regardant indéfiniment ses mains s’agiter  sous ses yeux, à s’arracher les cheveux, à se cogner la tête contre les murs en psalmodiant « oh non, oh non, oh non ». Inlassablement il tentera de s’enfuir dans le parc avant que je n’ai réussi à l’habiller ou à lui enfiler des chaussures, totalement insensible à la température extérieure, et à l’état du sol sur lequel il courrait. Il pouvait revenir les pieds en sang comme s’il ne s’apercevait de rien. Il m’ignorait totalement quand je lui faisais remarquer que c’était gênant qu’il se masturbe frénétiquement dans un coin de la salle de télé et qu’il serait bien mieux dans sa chambre à l’abri des regards. Je ne pouvais que constater que nous n’étions visiblement pas dans le même monde et que la communication s’avérait difficile… mais je n’acceptait pas l’idée qu’elle soit impossible.  J’ai aussi un autre souvenir très vivace de notre incompréhension mutuelle : un jour au repas de midi, il y avait du poisson. J’ai donc pris naturellement la peine de retirer précautionneusement les arêtes, même les plus petites et de les pousser sur le bord de l’assiette, comme je le ferais pour moi-même, et quelle ne fut pas ma stupéfaction quand ayant terminé son poisson, Michel se mit à manger les arêtes avec autant d’appétit que la chair du poisson, si bien que je n’arrivais pas à le stopper !

 

Que peut faire une étudiante de passage qui ne connaît rien à la psychose infantile, si ce n’est découvrir l’étrangeté de ces comportements et tenter de s’imaginer quelle perception du monde peut bien avoir le patient ?

 

Quand à Emile grand et costaud gaillard, ne maîtrisant nullement sa force et ses émotions il se prendra pour moi d’une affection démesurée et deviendra mon protecteur acharné, me défendant immédiatement dès que quelqu’un faisait mine de vouloir toucher à un de mes cheveux ou élever la voix contre moi. J’ai souvent eu du mal à me sortir de ses bras puissants : il adorait me soulever sous les bras pour me faire tourner dans les airs. Il m’attendait souvent quand j’étais d’après-midi, à la porte de l’hôpital et s’accrochait à ma voiture qu’il secouait en tous sens, éclatant de rire en criant mon prénom. Il aimait aussi, (à défaut de s’installer sur le siège passager, ce qu’il adorait, mais que je tentais de lui interdire) m’aider à démarrer quand je repartais, en poussant la voiture et en courant derrière. Il m’aimait et il aimait la mécanique ! J’ai très vite compris qu’il était excessif en toutes choses et qu’il fallait que ce soit moi qui pose des limites strictes à ses débordements sinon je serai complètement laminée, dépassée par les évènements.

 

Quel stage ! que d’émotions !  Heureusement qu’en retournant en cours nous allions pouvoir décanter tout cela.

 

Par rapport aux conditions désastreuses d’encadrement, j’ai sans peine obtenu de mon formateur l’assurance que plus aucun élève ne serait envoyé en stage dans ce service tant que cela perdurerait, ce qui a rapidement porté ses fruits parce que les soignants se retrouvant privés d’une main d’œuvre bien pratique, ont bien dû se remettre en question.

 

J’en ai tiré la première grande leçon qui empreindra à tout jamais ma pratique : ne pas me résigner à accepter ce qui me semble inacceptable. Faire du mieux que je le peux avec les moyens dont je dispose mais continuer à me battre pour avoir les moyen pour que ça change.

 

Mes compagnons de promo avaient eux aussi vécu des expériences très fortes dont nous avions beaucoup parlé et confronté nos expériences et nos pratiques. De plus, à chaque retour de stage, nous consacrions une journée, en demi groupe (soit 5 et 6 élèves regroupés par affinité, pour ma promo de 11 ! ) avec un psychologue pour analyser ce que nous avions observé, aimé, détesté, ce qui nous faisait peur, ce qui nous amusait, comment nous avions réagi face à certaines situations. C’était intime et chaleureux. Pas question d’évaluation, de notation, sur ces temps précieux : alors on pouvait se mettre à nu sans crainte. C’est sans nul doute dans ces moments là que j’ai le plus appris sur ce qu’était le travail en psy.

Avec notre regard tout frais et aiguisé, nous avons fait le bilan de ce qui à nos yeux était vraiment inacceptable, et nous avons rédigé une pétition que nous avons fait circuler sur l’ensemble de l’hôpital. Il était tout à fait hors de question que nous acceptions ce que nous estimions insupportable. Notre petite promo était dynamique et réactive. Pas facile tous les jours pour Jean-Pierre, notre moniteur ! 

 

Vint le temps du deuxième stage de quatre semaines de psychiatrie dans un autre service : j'ai entendu parler de ce pavillon pendant les cours par des collègues que j'estime et dont je respecte le jugement. Je n’ai donc pas trop d’appréhension et peu de défenses à priori. Je ne connais pas encore grand chose, mais je suis plus une novice. J’ai déjà essuyé les plâtres.

 

J'arrive donc, à 6 heure du matin, le 11 avril 1983, je me gare près de ce triste pavillon un peu déglingué et vieillot que je ne connais pas encore en me disant qu’il ne devait pas avoir été construit pour durer. Je sors de ma voiture, j’écoute un moment les oiseaux briser le silence en chantant sur les branches des grands arbres. Notre hôpital est assez isolé, mal desservi par les transports, mais quel bonheur ce superbe parc boisé immense et calme ! A part les oiseaux tout le monde semble paisiblement dormir.

J’arrive donc au petit matin, la tête dans le sac, mais avec un préjugé favorable sur l’équipe que je vais rencontrer. L'accueil est effectivement chaleureux autour de la traditionnelle tasse de café. On se présente, on échange, on plaisante : tout va pour le mieux.

Je suis en stage, mais j’ai conscience que je suis également salariée de l’établissement. Je suis là pour apprendre mais je fais partie de l’effectif et je suis inscrite au planning, au même titre que les infirmiers diplômés du service. Je dois accomplir ma part de labeur.

Les trois premiers jours je travaille avec la même équipe, dont un ancien infirmier, Armand se distingue par son fonctionnement particulièrement organisé, programmé, chronométré. Avec lui, tout est clair et précis : je n'ai absolument pas le temps de me poser de question. De plus, je suis dans « un bon pavillon », donc j’ai mis en veilleuse mon esprit un peu trop systématiquement critique. Ici, au moins, on sait ce qu'on doit faire, à quelle heure. Tout est parfaitement organisé. Les transmissions sont rapides, autour du café : les deux collègues de nuit sont pressés de rentrer. L’une doit préparer ses enfants pour l’école, l’autre … commence son travail (dans un tout autre domaine) à 8 heure !

 

A 6 heure 30 précise, on sort sur le quai, devant la cuisine. Un petit train nous a livré « notre chariot ». Une plate forme (recouverte d’une bâche), sur laquelle se trouvent de grosses gamelles métalliques, à double parois pour conserver les aliments à température, les énormes bidons de lait et de grandes caisses contenant le pain, le beurre, le sucre.  On escalade le chariot et on décharge les gamelles : ça pèse une tonne !

On prépare le petit déjeuner, on transvase le café chaud dans des brocs, qu’on met sur le gaz, au bain-marie, on coupe le pain en tartines d’ un centimètre d'épaisseur. C'est clair net et précis.

Ensuite, dans l’ordre, on lave la salle de soin, on va faire les toilettes en commençant par Me Machin, puis Mr Truc. On change les draps, on trie et on met dans les sacs le linge sale que l’on aura comptabilisé et noté sur des feuilles spécifiques : quinze culottes, douze slips, seize maillots de corps, 24 draps, 12 couvertures etc. On porte les sacs bien étiquetés et les feuilles de comptabilité correspondant dans le chariot qui nous a amené le petit déjeuner et qui va repartir à la cuisine après un passage à la lingerie. On discute cinq minutes sur le quai avec le chauffeur du petit train qui nous relate sa soirée de la veille et en profite pour draguer gentiment la « petite nouvelle ».

A huit heures tapantes, on installe sur une table roulante les bols, les couverts, le pain coupé et le café, le beurre, le sucre, les confitures et c'est parti pour le petit déjeuner. Ça roule, les patients connaissent parfaitement la musique. Chacun accomplit sa tache : l’un met les bols, un autre les couverts, un troisième distribue les serviettes. Précisons que les patients qui « travaillent » sont rémunérés : oh pas beaucoup, mais ils touchent un pécule (calculé sur le prix du timbre poste) en fonction de leur assiduité et de l’importance de leur mission, ce qui leur permet de s’offrir quelques « extras » à la cafétéria.

Chacun son rôle, sa place à table, pas d’imprévu. A 8 heure 30 arrive le surveillant, un homme jovial, souriant, chaleureux, qui serre les mains des patients et embrasse avec plaisir les infirmières. Les huit heures se déroulent sans accrocs. Les entretiens avec l’interne s’enchaînent, entre deux on aide les patients à faire leur lit et le ménage dans leur chambre. On décharge du chariot le linge propre qui nous a été livré et on le range dans la lingerie. En fin de matinée le psychiatre hospitalier nous rejoint, l’ambiance est détendue, conviviale. A midi on attend le petit train, on décharge les gamelles ( toujours aussi lourdes : par curiosité, j’avais pesé la plus grande à vide : 17Kg ! ), on les ouvre et ça sent bigrement bon. On regarde ce que les cuisiniers nous ont mijoté. On sert dans des plats qu’on pose sur les tables. Ensuite nous lavons et essuyons les gamelles pour les remettre sur le chariot. C’est du sport ! je me souviens surtout des jours de hachis Parmentier, délicieux, plein de fromage et bien gratiné, fait avec des vrais pommes de terre, pas de la purée mousseline, mais quelle galère pour laver la gamelle où ça avait bien attaché ! Enfin, on s’attable avec les patients pour partager le repas en discutant de choses et d’autres. On essaye de les maintenir un peu plus longuement à table parce qu’ils mangent si vite, que quand on peut enfin les rejoindre, ils en sont pratiquement au dessert. La vie d’une grande famille quoi. On surveille du coin de l’œil que tout le monde mange, se tient bien à table, on va donner un coup de main à Me Truc pour couper sa viande, engueuler Mr Machin qui se sert pour quatre et ne laisse rien à ses voisins, remettre autour du cou de Me trucmuche la serviette de table qui a glissé.

Ensuite les patients débarrassent, on invite ceux qui « sont de vaisselle » à se mettre au boulot. On regarde discrètement si celui qui lave ne se contente pas de rincer les assiettes sous le robinet et s’il n’inonde pas la cuisine. Un deuxième patient essuie la vaisselle, un troisième la range. Quelle organisation !

Les jours suivants même programme.

 

Mais le quatrième jour, changement d'équipe, et changement de programme, comme je fais la même chose que les jours précédents je me fais engueuler : « comment, tu coupes le pain ! il n’en est pas question,  je ne suis pas d'accord !  Réfléchis un peu avant d'agir, tu les infantilise. C’est thérapeutique pour eux de couper leur pain, il doivent se prendre en charge ».

A cela, j'ai répondu que j'arrivais, et qu'avant de me permettre de prendre la décision d'intervenir sur le fonctionnement du service, je voulais dans un premier temps observer, respecter sans intervenir ce qui se pratiquait habituellement dans le service.

Josselin, le jeune infirmier qui me houspille vertement, n’est pas diplômé depuis très longtemps. Il a l’air cependant de poser les choses avec beaucoup de pertinence, bien que je le trouve un peu violent à mon encontre. Mais je ne lui en veux pas : il a un charme fou, une pêche d’enfer, un sourire éclatant; il ressemble beaucoup à Yannick Noah dont il a d’ailleurs copié la coiffure, je craque.

Et puis, je découvre, que dans ce service qui me semblait fonctionner sans heurts, rien n'est en fait si évident ni systématique. Mon étonnement est à son comble quand je découvre que les patients s’adaptent totalement à cette nouvelle équipe et savent parfaitement ce qu’on attend d’eux !

Je n’en reviens pas ! Je découvre que Mr Machin qui hier avait besoin d’aide pour se laver et se raser, fait tout cela tout seul, très bien et sans problème !  Quel filou, il est même fier de venir me montrer comme il se débrouille bien ! Me Truc me surprend également : sans qu’on lui ait demandé quoi que ce soit, elle va chercher des draps propres et fait son lit aidée par sa voisine de chambre. Quand je pense qu’hier on a tout fait pour eux et qu’ils semblaient réellement incapables de se débrouiller… Je les ai drôlement sous-estimés.

A la pause autour d’un café et de tartines grillées, le surveillant, l’interne et le psychologue nous ont rejoint, et je demande donc des éclaircissements. J’apprend qu’il existe depuis longtemps un conflit insoluble entre « ceux qui maternent trop » et « ceux qui ne maternent pas assez » les patients. La discussion est vive, enflammée, chacun défend sa position avec force, expliquant, justifiant, et je remarque que chacun a des arguments qui tient, et apporte des éléments positifs. Je constate également que même s’ils ne sont pas du même avis, chaque soignant joue le jeu et respecte la position des autres. Au bout du compte, la diversité se révèle très positive.

Ce que j’ai trouvé le plus ahurissant dans l’histoire, c’est que les patients avaient une capacité d’adaptation que je n’aurais jamais soupçonnée : ils sont bien moins troublés que moi par ces changements de leur rythme de vie… et c’est finalement pas mal que certains jours ils se laissent un peu porter et que d’autres jours qu’ils soient plus actifs.

 

C’est bien compliqué la psy !  Il ne s’agit pas d’avoir tort ou d’avoir raison, mais d’évaluer continuellement le pour et le contre pour comprendre au final ce qui s’avèrera le plus enrichissant pour le patient.

 

Je pense que ce fut la deuxième grande leçon qui marquera à tout jamais ma pratique : on peut ne pas être d’accord, si on est capable de l’argumenter. Il est indispensable de s’autoriser à exprimer le plus clairement possible ce que l’on pense, même si (ou surtout si) cela ne va pas dans le sens généralement admis. C’est dans ce débat contradictoire mais respectueux de l’autre que s’enracine une réflexion clinique riche et positive.

 

 

… 22 ans après, je pense toujours qu’exercer en psy est un art fort complexe dont je suis loin d’avoir fait le tour.  Chaque jour m’apporte de nouvelles rencontres, un nouvel enseignement. Chaque jour vient ébranler mes certitudes et je suis ravie d’en être toujours aussi surprise.

C’est sans doute cela qui fait que j’aime autant ce métier et que malgré ses nombreux désagréments, ses difficultés, ses contraintes et que je continue d’avoir envie de savoir de quoi demain sera fait.





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