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L'HOMME ASSIS

 

 

Dans cette ville grouillante,

Passent des passants et des passantes.

Foule bigarrée d'humains anonymes,

Ils déambulent et ils ont souvent bonne mine.

Leurs regards sont perdus comme dans une brume,

A moins qu'ils ne soient baissés contemplant le bitume.

Leurs oreilles, par des écouteurs entravées,

Sont aussi stériles que leurs bouches cadenassées.

 

Rien entendre, rien dire et rien voir,

Dans les rues il fait de plus en plus noir.

 

Comme les trois singes de la légende,

Ils avancent stéréotypés et exsangues.

Jamais ils ne s'arrêtent pressés qu'ils sont,

Leur mouvement est perpétuel tous à l'unisson.

Tels des fourmis marchant en colonnes,

Presque au pas jamais ils ne s'étonnent.

Avec leurs œillères ils avancent,

Sans pour autant du cheval avoir l'élégance.

 

Rien entendre, rien dire et rien voir,

Dans les rues il fait de plus en plus noir.

 

Dans toute cette vibrillonante agitation,

Un homme est assis comme par provocation.

Il est posé là sur un banc,

Dans cet hiver qui envoie son grand blanc.

Immobile, son visage est sans réciproque,

Du troupeau passant l'ignorance est sans équivoque.

Pourtant, son regard profond semble implorer

De la foule trépidante un peu d'humanité.

 

Rien entendre, rien dire et rien voir,

Dans les rues il fait de plus en plus noir.

 

Il a été catalogué c'est un mendiant,

Pour les passants il est comme un miroir réfléchissant.

Et c'est bien pour ça qu'ils détournent les yeux,

De peur de se sentir trop merdeux.

Depuis longtemps il est toujours à la même place.

De sa barbe pointent quelques petits filets de glace,

Tout aussi figés que lui encore et encore.

Personne ne s'en est aperçu ... il est mort.

 

Rien entendre, rien dire et rien voir,

Dans les rues il fait de plus en plus noir.

 

Hervé BOYER