Cavalier au vent, il avait son corps raide,cheveulure ondulée, oscillant à peine avec le galop du cheval.
Il traversait une région d’Ecosse près d’Inverness, faisant des haltes au hasard de sa fatigue, au hasard de son désir, un village par moment lui rappellait ses années d’enfance muette dans la ferme de sa mère, désormais morte elle aussi..
Contre un peu d’hospitalité, il donnait de sa force et de son mouvement, s’affairant à des travaux autout de fermes plus ou moins isolées, participant de son élan, contre un peu de nourriture.
Il avait peu mangé depuis 10 jours,depuis son départ d’Edimbourg et restait a la merci des villageois qui l’accueillaient plus ou moins avec bonté.
Il n’avait plus rien que lui même, sa raideur fiere, et son cheval qu’il nommait « tignasse ».
Jadis il avait connu une femme qu’il avait aimé, et c’était en partie cela qu’il tentait de mettre derrière lui, comme si les champs traversées formaient des digues de protection, un impossible et nécéssaire non retour.
Il n’avait pas de direction particulière sinon l’élan de quitter un espace clôturant tout espoir d’une vie possible.
Lorsqu’il s’occupait de brosser son cheval, cela lui donnait quelque contenance, il devenait l’homme qui s’occupe de son cheval : pas seulement celui qui perdit sa femme.
Du ciel, comme des fissures dus aux séismes tombent, arrachant les coeurs, des nouvelles peu propices au bonheur.Ce sont des coups du destin, sans pitié, et si l’esprit ne s’arrange pas de ces fatalités inconfortables, il cherche dans l’espace ou le temps le soulagement de quelque peine.
C’est ce que fît notre homme, laissant derrière lui sa maison, le landau vide, et la femme morte en accouchant.
Certaines régions sont comme la psyché humaine, pleine d’épaisseur qui en même temps se soulage d’un rien :telle la percée du soleil sur ces grands espaces aux milliers de verts différents et touffus, camouflant quelque vieux chateau à l’abandon, en ruine, pathétique et fier.
A ce moment là, l’homme arrête son cheval, et simplement prend ce temps –d’être là malgré tout.
La cadence du cheval lui donne aussi de l’engouement, comme si la tenacité du cheval imprégnait le corps même de l’homme dessus.Certainement.
La veille, il avait dormi dans quelques granges, et mangé pauvrement malgré un travail épuisant dans les champs, mais il n’avait pas l’envie de se plaindre, bien en deça, il cherchait sa propre survie, arraché à ce qui ,quelques jours auparavant , semblaient bâtir sa vie.
La petite Aurore n’avait pas survécu non plus au décès de sa jeune mère, et comme un fantôme il avait porté son petit cercueil jusqu’à l’église, refusant que tout autre ni ne la touche ni ne la porte.
Pourquoi ?
Il s’était posé la question dans sa grange à la paillasse odorante, pleine de bestioles qui persécutaient son nécéssaire besoin de silence.
-Qui à sa place aurait pu le faire ?
Parfois nous vivons bien au delà du possible- simplement parceque nul de peut le vivre à notre place.
Solitude fondamentale un peu adoucie par le contact avec son cheval qui portait au delà de l’homme, son chagrin.
Surmontera t’il son chagrin, nul ne le savait.Par contre, dès l’aube, il prit Tignasse entre ses larges bottes, il galopa longtemps,plus libre que la veille.
Il parlait à son cheval, et parfois à nul autre.A quoi bon ce magma de mots déferlants de nos langues quand c’est le coeur qui gronde ?
Dans ces moments là, il encourageait Tignasse, et la poussait au triple galop, milles images de sa vie couraient dans le ciel, et mille morceaux de sa vies’entrechoquaient dans son coeur formant un tourbillon vivant de l’entièreté de sa vie, et le libérant du poids de la perte, quelques temps.
Il est une légende désormais dans ces régions d’un homme brave sauvé par les galops de son cheval