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LA VIE AUTREMENT.

Le blanc avait succédé aux tornades, ce n’était ni le blanc des monts de Cëuze, ni le blanc des pages que je tape de mes doigts lourds, mais le blanc de ce qui a perdu la couleur, et seulement cela.

J’avais écrit un texte sur ton départ, et celui-ci m’a tranché en deux : me remettre à l’écriture, c’était aussi reprendre le mot là où je l’avais laissé, piquant comme une destinée fâcheuse.

Les mots sont parfois d’une compagnie désastreuse, je les ai évité en moi-même au point de m’être évité moi-même.

Nul ne vivra à ma place, voilà qui déjà me pèse.

Place blanche, pattes noires, foutoir contemporain, des moments étranges d’inadéquation au monde formulent tout l’hermetisme que peut revêtir une formule vieille comme le temps : être.

Le faut-il donc ? Et pourquoi donc ?

La vie défile, place blanche, pattes noires, foutoir contemporain.

Le blanc me désabuse.

Le cynisme me rend grise.

Heureusement que les mots chatouillent.

Je les avais mis par poignée dans mes cavernes métalliques.

Des poignées rouges et de tempête,  dans mes cavernes métalliques.

Je suis devenue gris métal.

Et puis, pour ton anniversaire, il fallait que le blanc se taise.

Le blanc vous envahit comme la douleur vous inonde de glue.

La vie défile comme un foutoir.

Mais au blanc, je préfère le foutoir.

Ils remontent à petits pas griffus, les mots, et c’est un plaisir cru, aussi cru que la rage, que de taper des doigts.

Simplement cela.

Il y a treize ans tu es né : ta vie venue engageait désormais la mienne.Je me suis alors pensé autrement, un nouveau mot collait à ma poitrine, comme une faveur ou une fatalité, ta place supposait la mienne,et la mienne supposait la tienne.

 

Ta naissance a formulé en moi toutes sortes de mots , et ces mots sont devenus ce que je suis.

Ton départ a formulé en moi toutes sortes de mots, et je suis devenue ce départ : je me suis cognée la tête contre ma tête, tous les jours, toutes les minutes, toutes les nuits, et plus encore.

Et après, c’était le blanc.

Celui qui vide les gens vidés, celui qui entoure les pupilles, celui qui décore les outrages, celui qui détourne la vie, les idées, et les idées sur la vie, et....

 je me suis cognée contre ma propre naissance,c’était une faveur ou une fatalité.Indésirable.

Le blanc, je le pense désormais : c’est la couleur de l’absence.

Difficile point de rencontre de ce qui en soi échappe.

 Les couleurs reviennent autrement, de mes démesures à mes mesures, de blanc en blanc vers d’autres teintes, quand du soleil depuis Cëuze pénètre les montagnes et la vie, autrement.


Elena


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