Un cœur désolé
La Sibérie.C’est une histoire en
Sibérie.
Et tu m’as cru ?
Non , simplement une histoire.
Et qu’est-ce que c’est -une histoire ?
Eh bien, dit le petit enfant c’est quand le loup il
attend dans la forêt.
Eh bien moi je vais te raconter une histoire sans loup et
sans forêt.
Une histoire en Siberie, et tu peux me croire cette
fois-ci.
la Sibérie, c’est comme une chanson d’autrefois pour
quelqu’un qui ne vient pas d’autrefois.
Steppe, taïga, toundra.Des mots d’ailleurs qui réveillent
l’ailleurs en soi.
Alors, ça virevolte de froid et grand bonnet, et la vie
peut s’y résoudre, à n’être qu’un long paysage de brume, celui dans lequel les
mots sortis de la bouche s’accompagnent d’une petite fumée
blanchâtre.
Une histoire en Sibérie, c’est aussi peut-être celle du
cœur désolé.
Un cœur désolé dit l’enfant ? Le cœur du loup ou de la
forêt ?
Un cœur désolé, c’est un cœur qui pleure tout
doucement.Il pleure à l’intérieur,et c’est là que mon histoire de Sibérie est
avant tout, une histoire intérieure.
L’enfant ouvrit grand son regard, comme un rideau sur une
scène de théâtre.
-Elles sont compliquées tes histoires, oh lalalala répéta
t’il comme une mobylette qui démarre.
-Il était une fois un cœur désolé en Sibérie.Changez de
pays disaient les uns, mettez votre bonnet disaient les autres, ne vous écoutez
pas, un bon bain chaud peut-être.
Ohlalalalala dit l’enfant , et il répéta
ohlalalalala !!!!
-Alors ce cœur désolé, il ne veut pas changer de pays, ce
n’est pas cela qu’il veut changer.
Il veut quoi dit
l’enfant ?
Eh bien ce cœur désolé, il veut pleurer en dehors, et il
pense que peut-être alors ça s’arrêtera. Les larmes du dedans lui ont brûlé le
corps,brûlé la gorge, brûlé le sang, et son sang est devenu fatigué, fatigué
autant que son cœur était désolé désolé.
-Ohlalalalalala dit l’enfant faut qu’il
dorme.
L’enfant était assis sur un petit tabouret en bois,
adoptant la posture du penseur.
Il ajouta, -ben oui, s’il pleure quelqu’un lui dira, tu
veux un mouchoir ?Tu veux les bras ?…..Puis lui dira « mais pourquoi tu
pleures ? », oui,c’est ça qu’elle dit maman.
La Sibérie est une terre
désolée.
Une terre aride, un cœur
ravagé.
Ohlalalala dit
l’enfant, j’y comprends plus rien à tes histoires.C’est de la poésie ou
quoi ?
-La poésie est une terre
désolée !
Oui …dit le pauvre adulte un peu dérouté par l’idée de
devoir finir cette histoire à peine commencée, le cœur s’est mis à pleurer
en dehors, le cœur s’est mis à rimer
peut-être, puis quelqu’un venu de loin, de très loin, d’un pays de taïga et de
steppe reconnut dans ce cœur la nature de sa
terre.
Ohlala dit l’enfant, et il lui a dit
quoi ?
Il a dit,-je te
comprends.
Alors ce n’était pas impossible conclut l’enfant, fermant
le rideau du théâtre.