Certains y préfèrent le lait chaud !!!
Tu crois que tu sais.Et puis, c’est la dissolution des
espaces.Le monde est devenu comme toi : triste.Tu regardes l’agitation autour de
toi, et la tienne plus intérieure, tout te bouscule, tes doigts aux mains, tes
mots aux choses. Tu es entourée de matière, là, il y a la petite lampe verte au
pied de porcelaine.Tu sais qu’elle vient de l’enfance, en même temps, cela ne
veut plus rien dire pour toi, tu t’y accroches dans l’attente impérieuse du
retour de la familiarité.Même l’idée de tristesse tu la cajoles, tu la préfères
à la rupture, je te parle de ce déracinement, et de cette stupeur froide qui
t’assiège alors.
Tu crois que tu sais.Enfant, conformément aux impérieuses
exigences d’un professeur d’histoire, tu avais collé des feuilles les unes aux
autres pour faire la ligne du temps.
D’un coté l’énigme, tu sais le temps sans temps et sans
racine, celui qu’il nous fallu nommer bing bang pour l’extraire de sa propre
stupeur, de l’autre, l’avenir incertain qui s’écrit peu à peu, bercé par les
noms de ces grands petits hommes.Et puis tout le long, répétés à l’infini, les
temps jonchés de guerres et de découvertes, Alexandre le Grand, le Moyen Age, la
Renaissance.Toi, tu as fait comme les autres, mais tu ne comprenais déjà
pas.
Alors tu l’as rangé dans ton cartable jusqu’à ce
jour.
Tu regardes l’agitation autour de toi, et la tienne plus
intérieure.Tu es toi aussi matière, parfois tu découvres une marque sur ta peau
que tu ne connaissais pas .
1969 , ils se posèrent sur la lune, et ton père, sans le
savoir, t’appela lui aussi Lune.
Quelque part sur tes feuillets du temps, il y a la lampe
verte au pied de porcelaine.
Il t’arrive de convoiter la voix lactée, les trains à
grande vitesse, ou même ce chat persan que tu croisas hier soir.Tu regardes un
couple qui s’embrasse là sur le quai.Tu sais que tu devrais baisser les yeux,
regarder ailleurs, pourtant tu les regardes.Tu crois que tu
sais.
Tu vis à Paris.Il te faut te le répéter souvent pour
atterir dans ton corps, comme un bas que tu enfiles.Paris et ses fontaines,
Paris sa Tour Eiffel, Paris by night.
Tu regardes les lumières autour de toi, et la tienne que
tu rallumes à coup d’encre.
Tu trouves la vie difficile, les mots croisés sont
difficiles.Alors tu convoites la voix lactée,
les trains à grande vitesse.Tu envoies ces mots au ciel
comme des messages de NASA, et tu enfiles tes valeurs comme des gros chaussons
de laine.Les mots croisés sont difficiles.
Tu es toi aussi matière, tu te sens triste matière.Ta
tritesse te donne matière.Certains préfères le lait chaud.Tu envoies ces mots au
ciel, ils croiseront les mots difficiles.
Ma ligne du temps est
rangée dans mon cartable.Et toi ? Les maux croisés sont difficiles.Alors,
j’ouvre :la matière, la voix lactée, je contiens toutes les
matières.
Je te parlais hypoténuse, je te parlais
stratosphère.L’hypoténuse m’a consolé, la strastophère m’a
épargné.
Je trouve la vie difficile.Certains y préfères le lait
chaud.