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Le thé des pantins.



Ce matin, un pantin a pris la relève de Nadia. Nadia, triste comme un choux fleur sans gratin, triste comme la Beauce l’hiver, triste comme un imbécile qui joue les savants.

Le pantin de Nadia ressemble à Nadia.Même allure, à savoir un corps long  vêtu d’insouciances adolescentes et de vieilleries pudiques, le plus souvent une jupe sombre qui tente de tout recouvrir, contrastant avec cache-cœur qui dévoile volontiers la naissance de ses seins.

Même allure, à savoir, une démarche tant maladroite que féminine, oscillant entre séduction et retenue, et ce qui la caractérise, cette façon de dire bonjour comme on entre en scène.

Quand Nadia ne peut plus jouer sa vie, elle envoie son pantin.Et son pantin prend la relève de plus en plus souvent.

A savoir, un mauvais dimanche terrestre, un dimanche de Beauce et de brume, qui commença par un sentiment de gris indéfini, donnant à chaque instant la couleur du plomb.Ce jour là, quelqu’un d’aimé tomba, tomba par terre, pour finir un jour plus tard, sous terre.Le pantin prit la relève, et Nadia resta comme un peuplier déraciné dans un désert jamais traversé.Une solitude parfaite au bruit cristallin.Petit pantin pathétique qui nettoie les traces d’une chute rouge, qui attend et regarde la routine hospitalière des uns qui forme le drame singulier des autres, qui entend le solennel « foutu » d’une vie dans un jargon médical, et les sanglots d’une femme dans la même chambre qui pleure un mari foutu aussi, jargonné de la même façon, intimité insupportable à deux pas du pantin, intimité décloisonnée, brutale dans sa modernté stoïque.Non, madame, Non pantin, ici on ne veille pas les morts.Pantin rapporte à Nadia qu’on n’y veille pas davantage les vivants.

Nadia alla à la messe,et pantin prit la relève pour le cimetière ; c’était plus prudent.Pantin parfois se rend à des occasions plus nobles, un repas familial, un repas  au travail, Pantin rit, Pantin est poli, Pantin peut parler culture, Pantin peut parler friture,reproduction des moules à marée basse, dévastation des cultures par les pesticides, dévastation de l’approche psychanalytique par d’autres types de pesticides, tarte aux pommes…et autres humaineries.

Pantin parle sûrement à bien d’autres pantins, il paraît que chacun a sa relève.

Nadia n’a pas toujours eu son pantin.Celui ci est né quelques années après elle.Et elle lui a donné beaucoup de travail.D’année en année, de plus en plus de travail.Chacun a plus souvent affaire à son pantin qu’à Nadia.Du coup, Nadia ne sait plus bien qui elle est des deux.

Le soir, quand pantin revient, Nadia lui voue une tendresse maternelle.Elle l’accueille, lui fait une bosse tasse de thé au lait, des chocolats, biensûr, et Pantin raconte la journée.

Ainsi Nadia peut le lendemain reprendre une discussion de la veille, parfois pantin assure toute la semaine, et même en rentrant le soir, les douceurs des vies contemporaines, grongroneries des machines à laver, fritouilleries de la cuisine pour les enfants de Nadia.

Pantin et Nadia font bon ménage.Pantin boit beaucoup de thé au lait, et mange beaucoup de chocolats, mais Nadia y pourvoit car pantin lui rend grand service.Pantin part peu en vacances.

Nadia est un peu cruelle, elle se garde le meilleur.Longtemps, avant la naissance de pantin, la vie était plus cruelle, et Nadia sans relève assurait bien le pire !!!.

Des dimanches de Beauce et de brûme, il y en eut ! A écouter les tergiversations tristes d’un ascendant plus proche du whisky que de lui même, les cris des séparations furieuses et répétées,et la perversion sirupeuse  d’un homme laid plus proche des enfants que de lui-même...

Alors, la naissance de pantin, quelle délivrance ! Pantin joue les interimaires, et Nadia, elle , elle rêvasse, enlace, se débarasse.C’est pantin qui ressasse !Mais Nadia fait si bien le thé, juste à la bonne température, l’eau, et la plus délicate et parfaite infusion, et des si bons  chocolats, non pas ceux tout emmaillotés à la chaîne, des vrais et bienheureux respectables chocolats choisis un par un au goût de pantin, au lait, praliné, nougatine,et croquant.Nadia sait bien ce que pantin assume.Alors, elle gâte pantin.

Un autre dimanche de Beauce et de brume, pantin est rentré pour la première fois en pleurant.

Pantin veut une relève à son tour.Raz le bol -dit pantin des glougloutérations humaines, des tralalalères, et blablatérations, alors que je pourrais boire mon thé au lait peinard avec toi !

Alors petit pantin pris la relève de grand pantin qui avait prit la relève de Nadia.et ainsi de suite.Le soir, Nadia qui désormais n’assume plus rien que le thé, accueille ses pantins, les console, les peigne, les lave.C’est un boulot quand même !On dirait Blanche Neige !

Allons…. soyions un peu honnête, combien en logez-vous ? Et surtout….thé ou café ?

E.Peltier

 


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