Hôpital indigne

 

Oh rage ! Oh désespoir ! Oh Gouvernance ennemie ! Avons-nous tant soigné que pour cette infamie ?

 

De notre hôpital, dont la mission première est de prendre en charge la santé des fous,  ne croît qu’une barbarie. Une barbarie humaine, avec son lot de souffrances toujours plus sévères, les unes succédant aux autres : pénurie d’effectifs, pénurie de lits d’accueil des malades, pénurie de moyens, pénurie de regards responsables et d’actes assumés par les hommes d’une direction zélée, pénurie de lien entre tous ceux qui pensent la même chose et pourtant qui ne trouvent pas la force de s’allier pour crier leur révolte. Une barbarie économique et financière dont les discours hantent chaque catégorie de personnels, chaque demande, chaque projet. Une barbarie procédurale enfin, où le soin doit entrer de gré ou de force, quantifié, mesuré et surtout rentable, quitte à en perdre son sens.

Et le reste ? Ce qui ne se compte pas, ce qui n’entre pas et n’entrera jamais dans les cases à cocher (ou à décocher) ? Le temps passé à discuter de façon informelle en fumant une cigarette avec un malade et qui apaisera son angoisse ? Le temps d’aller soigner un chat pour cette dame qui refuse les soins et risque l’HDT parce que personne n’ira nourrir sa bête ? Le temps à soutenir sa collègue parce qu’elle est secouée d’avoir dû ficeler cette vieille femme hurlante, éperdue et alcoolique ? Le temps de l’écoute, du regard, de l’échange, du partage. Tout ce qui fait la dignité des Hommes qui travaillent pour un hôpital.

Aujourd’hui notre hôpital perd de sa valeur. Celle qui fait sa nature, son essence et qui lui est inaliénable, celle qui fait sa grandeur aussi, la hauteur de sa mission. L’hôpital, par la conduite de ses acteurs et dans les conditions dans lesquelles ils travaillent, n’est plus digne de sa dignité. L’hôpital vend son âme pour quelque enveloppe censée être salvatrice d’un système en déclin. Nous consommons la rupture entre les valeurs du soin et une logique industrielle. Nous avons perdu notre Âge d’Or et sommes entrés dans l’ère de la race du fer. Nous y coulons des jours pénibles et sommes condamnés à ne connaitre aucuns répits dans le travail. Celle des Hommes avides de pouvoirs au risque de perdre tout respect de ce qui est juste et bon pour nos malades.

 Indignons nous donc de cette indignité hospitalière dans laquelle nul ne se retrouve. C’est par cette indignation que les soignants se soulèveront pour faire valoir ce pour quoi ils devraient être reconnus : leurs compétences à regarder l’autre et à le placer au cœur de leur métier :

le Soin.