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LA CHRONIQUE du LUNDI

Guy Baillon





Docteur Guy Baillon, Psychiatre des Hôpitaux

 

CHRONIQUE DU PASSAGE ENTRE LA PSYCHIATRIE D’HIER ET LA PSYCHIATRIE DE DEMAIN - (novembre 2006 à Avril 2007).

Entre Lucien Bonnafé et les jeunes de demain, déjà au travail aujourd’hui.

6ème ‘chronique du lundi’. Lundi 11 décembre. Courage garder.

 

« Ils » ne nous ont pas entendus.

Mardi les députés, en fait quelques uns d’entre eux, représentant tous les autres, (donc sans débat) se sont prononcés à la majorité, déjà acquise au ministre, pour maltraiter tout délinquant, et pour que la législation sur la contrainte en psychiatrie soit décidée « sur ordonnances », c'est-à-dire sans contrôle des citoyens ; les deux mesures s’appuient sur la mise à disposition du peuple de l’arme de la délation et une mise en otage des élus.

Sécuritarisme et peur de la folie ont régné en vainqueur dans cet espace où ‘l’humain’ n’était défendu par personne.

La peur est une arme sévère. La démocratie a perdu une bataille.

Le débat national n’a pas eu lieu sur le sens et la place de la folie.

Les professionnels de la psychiatrie et les usagers ne sont pas descendus dans la rue…ils ont pensé qu’il suffisait que leurs représentants nationaux signent une résolution commune affirmant leur refus de ces textes. Pourtant ils savent que ce parlement obéit à une majorité décidée à accepter tout ce que le ministre de l’intérieur imagine. Ainsi ils n’ont pas eu recours à cette autre expression de la démocratie qui s’exprime par la manifestation nationale dans la rue, la manifestation de la rue reste une attitude noble, courageuse et authentique.

 

Lorsque la chance permet de sillonner la France à l’écoute de ces soignants qui veulent approfondir leurs pratiques dans des démarches de formation permanente, force est de constater un écrasement des motivations chez beaucoup de professionnels. En écoutant ce qu’ils vivent au quotidien, il devient évident que le poids des mesures de contrôle actuelles de l’activité des équipes par l’administration est tel qu’il fait perdre à la plupart la capacité de penser. Il ne laisse plus de place qu’à la plainte, il écarte toute tentative de défense et ne permet pas de se demander comment répondre aux souffrances des malades. Certains de nos anciens nous avaient déjà parlé de cette attitude. C’est celle des citoyens dont le pays est occupé par l’agresseur, celui-ci déploie sa force sur tout, contrôle tout.

En réalité il n’y a pas que cette pression qui agit alors, il y a autre chose qui opère en sourdine, c’est l’effort fait pour répondre aux exigences de contrôle, il aboutit à un vrai « lavage de cerveau » ; on ne ‘pense’ plus que sur le mode imposé des grilles de lecture, on n’est plus mobilisé d’abord par la souffrance de la personne malade, on ‘obéit’ automatiquement à l’impératif premier de la concordance nécessaire des actes avec la machine à contrôler. On n’a plus l’énergie pour aller au-delà, vers la rencontre du patient.

 

Seule la disponibilité à la souffrance de l’autre, plutôt qu’à la nôtre, peut nous aider à réagir.

Une fois de plus c’est le patient, c’est l’usager qui directement pourra nous réveiller de cette torpeur, en nous demandant au service de qui nous sommes, de la machine ou de l’homme ?

Si c’est l’homme, alors nous allons « entrer en résistance » contre l’occupant, contre la ‘machine’.

Nous serons en mesure de réfléchir à la façon dont nous allons façonner nos armes.

Leur authenticité sera marquée par la présence première du sceau de la demande du patient dans notre décision, dans notre démarche.

Chacun pourrait ici donner des exemples de ces nouvelles armes : ce sera un appui fort pour notre ‘résistance’. La mobilisation reprendra peu à peu son souffle. A bientôt. gb


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