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LA CHRONIQUE du LUNDI

Guy Baillon





CHRONIQUE DU PASSAGE ENTRE LA PSYCHIATRIE D’HIER ET LA PSYCHIATRIE DE DEMAIN - (novembre 2006 à Avril 2007).

Entre Lucien Bonnafé et les jeunes de demain, déjà au travail aujourd’hui.

5ème ‘chronique du lundi’. Lundi 4 décembre. La démocratie ? dis tu ?

Ami

Ami entends tu

Le chant sourd

Des amis

Qu’on enchaine

Ami…

Mais où sont nos amis disparus ?

SERPSY veut de la poésie, dites vous, elle ne peut être que douloureuse en ce moment

La nouvelle de l’AFP est tombée, sèche, ce matin.«’ Ils’ ont, en une loi, maltraités délinquants et malades ».

Mais bon Dieu !

Où va la démocratie ?

Certes la démocratie n’empêche personne de s’exprimer.

Les grecs le savaient qui jugeaient leurs élus lorsque ceux ci avaient été capables de commettre des lois incompatibles avec la démocratie. Cela vient de se passer ici.

Demain il faut juger (‘mettre en examen’ disent ils aujourd’hui, voilà bien une preuve de l’hypocrisie de ce régime qui veut donner à la justice une couleur de guimauve ! Il nous faut des institutions sereines, une justice, mais une vraie, une police, mais une police de proximité). Demain il faudra passer en jugement ceux qui ont trahi la démocratie. Ce tribunal n’infligera pas le bannissement comme le faisaient les grecs, loin de la Cité. Il suffira de ne pas réélire ce ministre et ces parlementaires, ainsi que ceux qui voudront maintenir cette loi et ces ordonnances. C’est pour eux le châtiment extrême. C’est dire ce qu’ils sont devenus, assoiffés de paraître ‘au dessus’, plus que d’être citoyens.

 

Et comment traite-t-on les hommes aujourd’hui ?

Une question philosophique et humaine d’une importance essentielle aux conséquences profondes sur la vie de notre société, car mettant fin aux processus d’exclusion, vient d’être traitée comme une décision concernant une voirie abandonnée ! et encore !

‘A la sauvette !’, en pleine nuit.

Délinquance et troubles psychiques sont d’abord associés pour être par la suite amalgamés dans l’esprit des gens, ce qui flatte et facilite après les sentiments de rejet.

 

La délinquance vient d’être désignée du doigt comme un geste incontrôlé, donc un geste de folie qui doit faire peur ; et il doit faire peur plus qu’un crime, car il est prévisible, donc prémédité et prémédité inconsciemment, ce qu’il y a de pire ; ainsi il n’est même pas nécessaire qu’il y ait acte de délinquance, il suffit qu’il y ait ‘pressentiment’ de délinquance au dire de quelqu’un de l’entourage pour commettre un acte tel ! la délation est là le nouvel ordre moral.

Alors aussitôt on le mettra à l’écart, et s’il y a un doute de folie, c’est la psychiatrie et son obscurité qui s’en occuperont, donc les oubliettes…

 

Quand à la psychiatrie, elle reste toujours dans l’esprit des hommes en France une image renvoyant aux pires fantasmes des actes imprévisibles dépassant l’imagination, et qu’il faut donc exclure. Certes avant 1838 et sous le coup des tribunaux révolutionnaires (1793) les fous étaient associés aux animaux très dangereux. Après des mois de débat au parlement en 1838 ils sont revenus parmi les hommes…Ce fut un progrès immense ! mais « les malades mentaux » ont fait ensuite l’objet d’une exclusion de plus en plus surveillée, au fil des années du fait du désir d’une société de plus en plus sophistiquée, régulièrement réveillée par des medias en quête de ce qu’il y a de pire chez l’homme, sachant que lorsque l’on agite la peur, le crime, le scandale, on fait vendre le journal…

 

Depuis des générations de soignants la découverte de Pussin et Pinel affirmant que « la folie complète n’existe pas » et que l’humain est présent dans toute personne un moment troublée sur le plan psychique, cette découverte a formé les soignants, elle a accompagné tous les progrès thérapeutiques (psychothérapies, chimiothérapies, éducation et comportement), elle a démontré qu’en faisant l’effort d’instaurer une attitude d’abord humaine dans chaque rencontre, la personne troublée, même profondément, peut rétablir des liens avec nous et son entourage, et reprendre pied. Mais voilà, une telle évolution n’est pas encore connue de l’ensemble de la population, qui reste toujours aux prises avec ses fantasmes de terreur, venant du fond des âges.

 

L’homme politique seul, mais le vrai, est en mesure de convoquer à la barre des témoignages de la Nation tous ces acteurs pour éclairer les citoyens. Ce doit être un débat solennel, attentif, prolongé.

Un tout petit exemple vient de se dérouler à l’INSERM, où, après cette enquête tronquée commise sur la littérature anglo-saxonne, des ‘experts’ avaient cru pouvoir démontrer qu’il était indispensable de soigner tous les enfants de trois ans un peu trop agités, sous prétexte que c’était de la graine de délinquants, étant donné que dans les antécédents de ceux ci on trouvait de pareilles agitations. Après un an et 200.000 signatures (‘pas de zéro de conduite’) l’INSERM a accepté le 14 novembre un débat (public restreint, mais Presse présente) qui a démontré l’absence de sérieux de cette prétendue expertise et la nécessité d’observer l’enfant avec plus d’humanité en pesant l’importance du contexte, de son environnement à chaque fois, et en ayant le souci de ne pas isoler un signe, mais en tenant toujours compte de ‘l’unité’ de la personne dans sa complexité. Hélas la Presse n’en a à peu près rien traduit à l’opinion. La leçon était pourtant exemplaire sur la façon dont la folie constitue l’un des fantasmes les plus solides dans l’opinion, même parmi des ‘scientifiques’, et empêche de voir la réalité humaine et pas seulement statistique. Mais la Presse ne s’intéresse qu’aux scandales.

 

La majorité parlementaire, ‘faussement élue’ sur une terreur de l’extrême droite en 2002, est-elle fière de ce qu’elle vient de commettre en pleine nuit à la sauvette ?

Il faudra donc attendre un vrai parlement en 2007. Mais il faut s’y préparer dès maintenant et ceci après avoir écarté ceux qui viennent de se salir les mains cette nuit.

Car profiter de la nuit pour mettre sous ‘ordonnances’ des décisions sur la psychiatrie, qui vont augmenter (en les facilitant !!!) les mesures d’enfermement et provoquer la délation en mettant les maires en otage, est une atteinte grave à la démocratie : de ce fait il n’y a eu aucun débat sur une question de société fondamentale ! Où ces hommes ont ils appris ce qu’est la démocratie ? Est ce le fait d’un petit groupe de tyrans mis au pouvoir par erreur ?

 

Il faudra donc absolument un vrai, un grand débat au parlement, comme en 1838, un débat dont la nation se ferait l’écho jour après jour, pour que l’humain reprenne ses droits.

Il faudra que des familles, des patients viennent témoigner à la barre à côté de ces générations de professionnels qui ont transformé en 30 ans la psychiatrie asilaire et aliéniste en une pratique humaine. Qu’ils viennent tous témoigner sur le sens de « l’homme » et sur les espoirs d’une société.

C’est urgent car en plus cette psychiatrie est en voie d’asphyxie aujourd’hui. Il est urgent de dévoiler comment une administration qui a elle aussi au ventre la peur de la folie est en train d’écraser cette psychiatrie moderne et humaine. Cette administration est en proie elle aussi à des peurs sécuritaires et des idées de ‘management’, qui concernent peut être des usines d’informatique réglées comme des cartes à puce, c’est à dire dans la perfection hors du contrôle de la vue de l’homme, mais qui n’ont rien à voir avec l’homme.

 

Il faut ‘y mettre le paquet’ dans ce débat et parler de l’homme sous toutes ses facettes, retrouver l’émerveillement devant la naissance de l’enfant, ses premières acquisitions au fil des échanges avec mère et père…et surtout, ensuite, « ne pas perdre ce fil du développement  de l’homme » et du changement qui n’en finit pas jusqu’au dernier souffle, ne pas perdre ce fil car il faut que jamais l’homme ne soit laissé seul, ni dans les premiers jours de sa vie, ni à sa maturité, ni au dernier jour, il faut veiller sur ce changement formidable qui s’opère constamment en lui grâce à la vie, à ses rencontres avec les autres, changement qu’il faut soutenir.

« Frères humains qui après nous vivez… », si nous pouvions laisser un tel héritage !

 

« L’homme », après tout, justifie bien un débat, un débat digne de lui dans la grande Assemblée de son peuple, un débat où ses moments de folie, comme ses moments de distraction, reprendront leurs places toute simples, et ne soient plus une occasion pour agiter à nouveau comme une menace les vieux fantasmes de nos méchants contes d’enfants…Peut être qu’à partir de là, l’homme commencerait à prendre au sérieux la poursuite du bonheur, pas la réussite individuelle, non, le bonheur d’être ensemble, et écarterait la violence qu’il y a dans cette société qui croit qu’elle ne peut avancer qu’à coup de guerres et qu’à coup de coups en bourse…Peut être que cela lui permettrait de penser à une société plus accueillante pour tous et de s’y préparer ! Après tout, si on s’y mettait ?

Amitiés Vieux frère

guy baillon


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