Docteur
CHRONIQUE DU PASSAGE
ENTRE
Entre Lucien
14ème ‘chronique du lundi’. Lundi 5
février 2007. Se former? La Formation Permanente
La formation
permanente n’est ce pas tout simplement ‘l’ouverture à l’autre’ ?
Rappelons que la
création de
La formation initiale
est une base pour chacun. Mais l’entrée dans la vie active vient bousculer tous
les acquis, toutes les certitudes livresques, chacun constatant que la réalité
trouvée sur le terrain n’est pas conforme aux descriptions qu’en ont faites les
maîtres.
En psychiatrie et en
santé mentale c’est encore plus évident que dans les autres champs d’activité.
La formation
permanente est la rencontre entre un ou deux formateurs et un petit ‘groupe’ d’acteurs
de terrain (il est évident qu’il est indispensable que les formateurs aient
eux-mêmes déjà une longue expérience ‘directe’ de cette activité de terrain ;
certains formateurs font cette erreur …d’éviter la pratique). Pour les divers
acteurs, la formation permanente c’est le plaisir trouvé à être ensemble et
l’étonnement de se sentir plus intelligent après.
En effet ce n’est
pas une rencontre individuelle, c’est une expérience ‘‘de groupe’’, et à ce
titre elle est plus ‘socialisante’ que la formation initiale, qui ne privilégie
que la réussite individuelle. Elle vient donc, non pas réparer, mais combler
une lacune.
Chacun fait la
découverte qu’à se parler en groupe du quotidien de notre vie active (et ceci
même pour les retraités), on comprend mieux cette activité et les possibilités
de s’y épanouir. Chacun sent qu’il est possible de ne pas se sentir enfermé
dans le carcan des règles imposées par le cadre de cette activité et que nos
capacités ne sont pas aussi limitées que nous le pensions. On commence à sentir
les diverses façons de ‘rencontrer’ les patients.
Certes des
expériences de vie en groupe ne remplaceront pas l’expérience de la vie active que
fait chacun, ni la nécessité que chacun a toujours à faire seul son choix parmi
les réponses possibles qui s’offrent à sa réflexion. Mais cette rencontre de
formation permanente, distincte de notre vie active, complète celle ci et donne
des réponses différentes que la simple addition des analyses et des
élaborations de chacun. L’’émergence’ de données nouvelles dans cette situation
est encore une découverte.
Nous savons aussi
que cette vision des choses est en même temps une illusion, produit de tout travail
de groupe ; cette illusion risque d’entraîner de graves déceptions lors de
la reprise de l’activité au lendemain de cette rencontre. Ce fait n’est pas
assez souligné dans les formations et montre la nécessité d’avoir une reprise
de ce travail de groupe pour consolider son efficacité. En effet alors que la
formation initiale semble se suffire à elle-même, la formation permanente
nécessite le maintien d’un lien en continu entre les membres de ce groupe, et
donc le renouvellement régulier de ces rencontres.
Rappelons que les
premières expériences de formation permanente faites par nos anciens au
lendemain de la guerre étaient basées sur le constat de la progression de
l’inhumain pendant la guerre (comme à l’asile) et la nécessité de
« résister » à l’oppresseur, et donc la nécessité de construire de
nouveaux outils. La formation permanente est très certainement un outil de
résistance active contre l’inhumain et contre l’oppresseur.
Si l’ennemi était
bien repéré pendant la guerre, et bien repéré comme étant l’asile pour la
psychiatrie, aujourd’hui alors qu’après 30 ans nous nous sommes battus pour qu’advienne
une psychiatrie dans la Cité, plus humaine, s’appuyant sur les ressources de
l’entourage, nous faisons aussi le constat que nous repérons mal qui est
l’ennemi, et de ce fait ciblons mal l’impact qu’aura notre résistance. Ce
repérage est notre première nécessité.
Par exemple notons
qu’entre-temps le capitalisme et le paternalisme se sont réveillés et ont
rapidement réagi en ouvrant la porte de ce nouveau marché du travail à des ‘marchands
de soupe’, cad des entreprises mobilisées par le seul appât du gain, et
engageant des formateurs sans liens entre eux, sans réflexion commune, se
bornant à faire répéter les idées de l’administration (laquelle n’a en tête que
la gestion, et pas le soin). De ce fait les techniques
cognitivo-comportementalistes sont à l’honneur.
Pour ces marchands
la défense de l’humanisme ne fait pas partie de leur ‘cahier des charges’ (de
leurs obligations). Ils sont plutôt garants devant les employeurs de pouvoir
‘gaver’ d’informations ‘objectives’, et de réflexes ‘éducatifs’ ces jeunes et
ces moins jeunes qui croient naïvement pouvoir contourner les règles que les
entreprises veulent imposer.
Le fonctionnement
démocratique (ce qu’il en reste dans les
hôpitaux ou qu’il faut reconquérir) instruisant la mise en place de la formation
permanente, doit permettre à chacun de faire de bons choix de formation, en
fonction de l’objet de notre travail en psychiatrie et en santé mentale :
le soin dans la Cité, et la place sociale de l’homme qui souffre.
Ensuite nous
constatons toujours que ces espaces de formation permanente sont tellement
enrichissants qu’ils deviennent le creuset de l’élaboration d’une politique de
santé mentale nouvelle refusant toutes les tentatives d’écrasement par
l’administration actuelle : dans l’utopie de cette politique le patient
serait soigné dans la Cité en s’appuyant sur les ressources relationnelles de
son entourage. Travaillons cette utopie.
La formation permanente permet de constater enfin que l’ennemi,
ce n’est pas la folie (comme certains parents de malades écrasés par la
souffrance, l’affirment), la folie fait partie intégrante de tout homme. Toute
créativité, même la plus modeste est moment de folie.
La vraie question
est « d’apprendre à vivre avec la folie, avec la maladie ». Les
usagers le savent clairement dans leur chair. Le lien est continu entre folie
et maladie. Nous y reviendrons plus tard.
Ah ! puisque
nous parlons des usagers, enfin, nous pouvons nous demander si ce ne serait pas
souhaitable, voire nécessaire, que pour un certain nombre de questions comme la
violence et … la contention il ne serait
pas utile au titre de la formation de faire participer des usagers !!!,
oui (des usagers patients surtout, pas les familles seules), à la réflexion à
mener autour de la compréhension des ‘situations de violence’ ; cela
permettrait de mieux comprendre comment naît la violence, comment un certain
nombre de facteurs dans l’environnement la favorisent. Le vécu des mesures et
des outils de contention, utilisés contre la violence, vécu raconté
concrètement (enfin) par des usagers qui y sont passés, serait l’occasion d’échanges
concrets fort utiles…pour la formation.
Le véritable ennemi d’aujourd’hui
c’est le manque d’espoir, c’est la solitude.
L’ennemi d’aujourd’hui
c’est aussi certes, la part exclusive donnée à l’argent, au pouvoir …. se
substituant à la solidarité
La formation
permanente, n’est ce pas l’espace d’un défi créé pour établir des liens avec
les patients, pour dépasser nos propres peurs de la folie…sans que cela coûte,
et dans la solidarité
Alors voilà un défi
à remporter… absolument.
Cette conquête
qu’est la formation permanente, il serait grand temps de la reconquérir, c’est
là que se reconstruit l’avenir de la psychiatrie ! gb