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LA CHRONIQUE du LUNDI

Guy Baillon





Docteur Guy Baillon, Psychiatre des Hôpitaux

CHRONIQUE DU PASSAGE ENTRE LA PSYCHIATRIE D’HIER ET LA PSYCHIATRIE DE DEMAIN - (novembre 2006 à Avril 2007).

Entre Lucien Bonnafé et les jeunes de demain, déjà au travail aujourd’hui.

 14ème ‘chronique du lundi’. Lundi 5 février 2007. Se former? La Formation Permanente

La formation permanente n’est ce pas tout simplement ‘l’ouverture à l’autre’ ?

Rappelons que la création de la Formation Permanente se situe dans le long chemin des conquêtes sociales faites sur le capitalisme et le paternalisme. Cela vaut la peine qu’on s’y arrête. Ce fut une conquête dans la suite des congés payés, de la Sécu…(-certes il y a eu d’autres conquêtes avant, après…Lucien Bonnafé en parlerait avec fougue), un peu aussi comme celle des moniteurs de colonies de vacances en 1936 ; alors de jeunes adolescents avaient à encadrer de plus jeunes enfants pour trois semaines de vacances, pour la première fois séparés de leur famille, et ils avaient envie de découvrir des attitudes stimulantes à avoir avec les enfants, attitudes qui ne soient pas seule surveillance et pure éducation, mais occasion de rencontres, dont le résultat dépendait de l’énergie et de la créativité que chacun apportait,… mais cela nécessitait des expériences nouvelles, des réflexions, un certain ‘entraînement’ à ‘des méthodes actives’ !.

La formation initiale est une base pour chacun. Mais l’entrée dans la vie active vient bousculer tous les acquis, toutes les certitudes livresques, chacun constatant que la réalité trouvée sur le terrain n’est pas conforme aux descriptions qu’en ont faites les maîtres.

En psychiatrie et en santé mentale c’est encore plus évident que dans les autres champs d’activité.

La formation permanente est la rencontre entre un ou deux formateurs et un petit ‘groupe’ d’acteurs de terrain (il est évident qu’il est indispensable que les formateurs aient eux-mêmes déjà une longue expérience ‘directe’ de cette activité de terrain ; certains formateurs font cette erreur …d’éviter la pratique). Pour les divers acteurs, la formation permanente c’est le plaisir trouvé à être ensemble et l’étonnement de se sentir plus intelligent après.

En effet ce n’est pas une rencontre individuelle, c’est une expérience ‘‘de groupe’’, et à ce titre elle est plus ‘socialisante’ que la formation initiale, qui ne privilégie que la réussite individuelle. Elle vient donc, non pas réparer, mais combler une lacune.

Chacun fait la découverte qu’à se parler en groupe du quotidien de notre vie active (et ceci même pour les retraités), on comprend mieux cette activité et les possibilités de s’y épanouir. Chacun sent qu’il est possible de ne pas se sentir enfermé dans le carcan des règles imposées par le cadre de cette activité et que nos capacités ne sont pas aussi limitées que nous le pensions. On commence à sentir les diverses façons de ‘rencontrer’ les patients.

Certes des expériences de vie en groupe ne remplaceront pas l’expérience de la vie active que fait chacun, ni la nécessité que chacun a toujours à faire seul son choix parmi les réponses possibles qui s’offrent à sa réflexion. Mais cette rencontre de formation permanente, distincte de notre vie active, complète celle ci et donne des réponses différentes que la simple addition des analyses et des élaborations de chacun. L’’émergence’ de données nouvelles dans cette situation est encore une découverte.

Nous savons aussi que cette vision des choses est en même temps une illusion, produit de tout travail de groupe ; cette illusion risque d’entraîner de graves déceptions lors de la reprise de l’activité au lendemain de cette rencontre. Ce fait n’est pas assez souligné dans les formations et montre la nécessité d’avoir une reprise de ce travail de groupe pour consolider son efficacité. En effet alors que la formation initiale semble se suffire à elle-même, la formation permanente nécessite le maintien d’un lien en continu entre les membres de ce groupe, et donc le renouvellement régulier de ces rencontres.

Rappelons que les premières expériences de formation permanente faites par nos anciens au lendemain de la guerre étaient basées sur le constat de la progression de l’inhumain pendant la guerre (comme à l’asile) et la nécessité de « résister » à l’oppresseur, et donc la nécessité de construire de nouveaux outils. La formation permanente est très certainement un outil de résistance active contre l’inhumain et contre l’oppresseur.

Si l’ennemi était bien repéré pendant la guerre, et bien repéré comme étant l’asile pour la psychiatrie, aujourd’hui alors qu’après 30 ans nous nous sommes battus pour qu’advienne une psychiatrie dans la Cité, plus humaine, s’appuyant sur les ressources de l’entourage, nous faisons aussi le constat que nous repérons mal qui est l’ennemi, et de ce fait ciblons mal l’impact qu’aura notre résistance. Ce repérage est notre première nécessité.

Par exemple notons qu’entre-temps le capitalisme et le paternalisme se sont réveillés et ont rapidement réagi en ouvrant la porte de ce nouveau marché du travail à des ‘marchands de soupe’, cad des entreprises mobilisées par le seul appât du gain, et engageant des formateurs sans liens entre eux, sans réflexion commune, se bornant à faire répéter les idées de l’administration (laquelle n’a en tête que la gestion, et pas le soin). De ce fait les techniques cognitivo-comportementalistes sont à l’honneur.

Pour ces marchands la défense de l’humanisme ne fait pas partie de leur ‘cahier des charges’ (de leurs obligations). Ils sont plutôt garants devant les employeurs de pouvoir ‘gaver’ d’informations ‘objectives’, et de réflexes ‘éducatifs’ ces jeunes et ces moins jeunes qui croient naïvement pouvoir contourner les règles que les entreprises veulent imposer.

Le fonctionnement démocratique  (ce qu’il en reste dans les hôpitaux ou qu’il faut reconquérir) instruisant la mise en place de la formation permanente, doit permettre à chacun de faire de bons choix de formation, en fonction de l’objet de notre travail en psychiatrie et en santé mentale : le soin dans la Cité, et la place sociale de l’homme qui souffre.

Ensuite nous constatons toujours que ces espaces de formation permanente sont tellement enrichissants qu’ils deviennent le creuset de l’élaboration d’une politique de santé mentale nouvelle refusant toutes les tentatives d’écrasement par l’administration actuelle : dans l’utopie de cette politique le patient serait soigné dans la Cité en s’appuyant sur les ressources relationnelles de son entourage. Travaillons cette utopie.

La formation  permanente permet de constater enfin que l’ennemi, ce n’est pas la folie (comme certains parents de malades écrasés par la souffrance, l’affirment), la folie fait partie intégrante de tout homme. Toute créativité, même la plus modeste est moment de folie.

La vraie question est « d’apprendre à vivre avec la folie, avec la maladie ». Les usagers le savent clairement dans leur chair. Le lien est continu entre folie et maladie. Nous y reviendrons plus tard.

Ah ! puisque nous parlons des usagers, enfin, nous pouvons nous demander si ce ne serait pas souhaitable, voire nécessaire, que pour un certain nombre de questions comme la violence  et … la contention il ne serait pas utile au titre de la formation de faire participer des usagers !!!, oui (des usagers patients surtout, pas les familles seules), à la réflexion à mener autour de la compréhension des ‘situations de violence’ ; cela permettrait de mieux comprendre comment naît la violence, comment un certain nombre de facteurs dans l’environnement la favorisent. Le vécu des mesures et des outils de contention, utilisés contre la violence, vécu raconté concrètement (enfin) par des usagers qui y sont passés, serait l’occasion d’échanges concrets fort utiles…pour la formation.

Le véritable ennemi d’aujourd’hui c’est le manque d’espoir, c’est la solitude.

L’ennemi d’aujourd’hui c’est aussi certes, la part exclusive donnée à l’argent, au pouvoir …. se substituant à la solidarité

La formation permanente, n’est ce pas l’espace d’un défi créé pour établir des liens avec les patients, pour dépasser nos propres peurs de la folie…sans que cela coûte, et dans la solidarité

Alors voilà un défi à remporter… absolument.

Cette conquête qu’est la formation permanente, il serait grand temps de la reconquérir, c’est là que se reconstruit l’avenir de la psychiatrie !                                     gb


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