Docteur
CHRONIQUE DU PASSAGE
ENTRE
Entre Lucien
10ème ‘chronique
du lundi’. Lundi 8 janvier 2007 : conte de Noël ? Vœu ? ou Détermination ?
La détermination
« Une nouvelle psychiatrie doit naître grâce
à une alliance de tous les acteurs, faisant preuve de lucidité pour dresser le
bilan de la réalité et établir les lignes solides de son avenir. »
Il est nécessaire de
travailler ensemble non à la refondation, ni à la reconstruction, mais à la
« renaissance » de la psychiatrie de secteur. C’est
de détermination qu’il s’agit ici.
Une chose est
évidente. L’Etat tel qu’il est
aujourd’hui n’a rien compris ni à la psychiatrie ni à la politique de secteur, (pas plus que ses conseillers et
missionnés). Le domaine de la folie est un domaine suffisamment étrange pour
échapper à la compétence de l’Etat ; après l’avoir constaté, il faudra en
comprendre les raisons pour les dépasser. Il y a des explications à cela :
l’Etat a divisé (en France) la santé mentale entre les soins et l’aide sociale,
et ceci dès 1970, de plus à l’intérieur du champ médical il n’a reconnu aucune
spécificité à
Ainsi à l’égard de
cette pluie de contraintes et de méconnaissances les acteurs de la psychiatrie
de secteur ne peuvent se reconnaître que dans la résistance.
Mais quelle
résistance ?
L’Etat en même temps
ne saurait être rendu responsable de tout. Il n’est que le reflet de l’opinion
publique.
Il est clair que la
psychiatrie de secteur n’a pas encore su mettre fin à la stigmatisation considérable
dont la folie est toujours l’objet.
La résistance ne
peut donc être qu’une résistance active ayant pour objet premier de tordre le coup à
cette stigmatisation. Il faudra du temps. C’est ce que le passé récent nous a
appris. L’expérience a montré que c’est aux citoyens, non à l’Etat, de définir
les besoins des personnes qui souffrent et les réponses à proposer.
Ce doit être une
résistance qui sait faire la part de nos propres responsabilités.
En effet pour être
pertinente elle doit être utilisée contre des ennemis bien ciblés :
-il y a l’ennemi
extérieur, c’est la méconnaissance par l’Etat et par l’opinion de l’existence
de moments de folie chez l’être humain, mais aussi la méconnaissance du fait
que lorsqu’un trouble psychique se développe chez une personne, celle ci garde
toujours une partie saine et ne devient pas un être ‘aliéné’, un sous homme,
-il y a l’ennemi
intérieur qui joue un rôle considérable chez les professionnels : c’est la
méconnaissance qu’ils ont du poids gigantesque que joue la stigmatisation de la
folie dans l’opinion, et donc dans l’Etat, celle-ci ne peut disparaître d’un
coup de baguette magique avec les seules ‘intentions’ des soignants ;
l’autre ennemi est le poids considérable de l’idéal qu’ont les soignants
voulant faire disparaître toute folie : ces deux raisons s’associent pour
entraîner un grand nombre de soignants dans les pleurs et la dépression.
Reconnaissons que ceux
qui parmi nous choisissent les pleurs et les plaintes pour ‘résister’ jouent en
fait le même jeu destructeur que les persécutions dont la psychiatrie est
l’objet.
La psychiatrie de
secteur se doit d’avoir un message plus clair et plus simple :
-peut être faudrait-il
reconnaître que le terme de ‘secteur’ qui a été choisi en utilisant les armes
de l’adversaire voici 50 ans comme un terme de combat, est obscur ; il a bien joué
son rôle, mais aujourd’hui il n’est absolument pas compris par les citoyens et
doit être remplacé par un terme plus précis : « La psychiatrie dans la Cité », c'est-à-dire celle qui se construit
autour du fait humain central qu’est la construction et la vie de la Cité, celle
qui permet à l’homme de retrouver l’estime de soi et celle des autres.
Rangeons donc le
terme de ‘secteur’ dans nos souvenirs de guerre, et soyons présents à la
société d’aujourd’hui. Je ne crois pas trahir Lucien Bonnafé en affirmant qu’il
se reconnaîtrait tout à fait dans cette locution « Psychiatrie dans la
Cité », d’autant que le terme de ‘secteur’ avait perverti souvent le sens
de notre travail, en le laissant réduire à un cadrage cadastral et il se
donnait bonne conscience en l’étendant et en incluant les lits enfermés dans
l’asile lointain. Avec ‘la psychiatrie dans la Cité’, la localisation des lits sera
aussitôt reconnue comme devant être la Cité…et non la campagne, et la fuite
vers ‘l’intersectorialité’ jugulée.
Le lien du soin avec
la citoyenneté sera évident, et ainsi nous pourrons
accepter qu’en psychiatrie les soins et l’action sociale soient constamment
mêlés, au lieu d’être soigneusement séparés.
De ce fait aussi la
‘solidarité’ entre les citoyens, et d’abord le lien avec la famille, seront
reconnus comme des appuis constants, diminuant considérablement l’utilité de
recours à des mesures de contrainte lorsqu’à certains moments des patients méconnaissent
l’existence et la nature psychique de leurs souffrances.
C’est une résistance
active, car ce que nous affirmons sur la psychiatrie de secteur n’est plus de
l’ordre imaginaire, n’est plus une pure incantation pour l’avenir, c’est
maintenant un témoignage, centré sur l’expérience de ce qu’apporte d’impérissable
la ‘continuité des soins’, même réalisée de façon fragile ; elle est
devenue le fil conducteur de la construction de la psychiatrie, à chaque fois
qu’il y a eu une élaboration de liens suivis entre les acteurs participant aux
différents soins d’une même personne.
Enfin elle a mis en
évidence que cette résistance ne
pouvait être que collective. Les
résistances individuelles sont souvent masochiques donc dangereuses et inutiles,
la résistance des catégories professionnelles n’est que corporatiste, la
résistance d’une seule structure de soin est la pure reconstitution de l’asile,
la résistance d’une seule équipe ne mène pas loin. La vraie résistance est
d’abord un travail d’union avec les autres et s’appuie sur des alliances
Une renaissance de la
psychiatrie de secteur en ‘psychiatrie de la Cité’ doit jaillir aujourd’hui de
cette résistance active et collective autour et de la solidarité citoyenne
s’inspirant des leçons du secteur et des usagers.
Ceci n’est possible qu’avec l’appui de l’élu. Mais l’élu
dans toute démocratie a deux responsabilités. L’une est d’être membre d’un
parti, convaincu que le pouvoir est nécessaire pour réaliser le projet de
société que défend son parti, la folie met en cause l’ordre de la cité et n’a
pas droit de cité. L’autre est de se vouloir un homme, sensible aux peines et
aux joies des hommes de sa Cité, attentif à ses besoins et ses désirs, il sait
que la folie fait partie de tout homme, il la respecte et cherche à soutenir
ceux dont la folie dépasse leurs capacité à la contenir, il établit des liens
avec lui ; pour lui la folie a sa place dans