Chronique hebdomadaire de la semaine du 6er
novembre 2006.
C’est le 9 novembre 1971 qu’étaient créés à Ville-Evrard en
Seine St Denis les 14 secteurs pour le million d’habitants pour lesquels
l’hôpital recevait la responsabilité de créer les soins, la prévention et la
postcure dans le cadre de la politique de secteur (qui allait être redéfinie
dans le beau texte des circulaires des 14 et 15 mars 1972). Le but était de
partir de l’hôpital pour réaliser les soins dans le secteur. Bien sûr entre le
point de départ et le point d’arrivée il faut passer par des étapes
intermédiaires, et
Cela montre à quel point les générations qui ont précédé l’époque actuelle, en fait n’étaient pas toutes préparées à ce grand chambardement qu’allait être la politique de secteur. Elles continuaient à discutailler autour du nombre de lits, alors que l’essentiel du soin avait à s’imaginer ‘hors les lits’, avec l’appui quotidien de l’entourage relationnel, ET dans la perspective que ‘tous’ les soins seraient déployés en ville, y compris les lits. Non ! la guerre a campé sur… l’hôpital, chacun prenant un malin plaisir à critiquer le directeur, l’hôpital, les contradictions administratives, et ainsi consolidaient les soins dans l’hôpital au lieu de les entraîner avec armes et bagages en ville.
Je laisse chacun retrouver ce qu’a dit
Pourquoi ? Mais tout simplement parce que la politique de secteur, puisqu’il faut le leur expliquer avec attention et enthousiasme, c’est soigner dans la continuité en s’appuyant sur l’environnement relationnel des patients, donc en installant les 20 ou 30 lits, dont a besoin chaque équipe, dans le secteur même ou le secteur voisin, au milieu des autres espaces de soin, et surtout en s’appuyant sur la solidarité de la population du secteur. A partir de là, la fatigue des familles, celle des soignants, diminuent considérablement, les problèmes de sécurité s’évanouissent, la violence diminue. La dimension humaine des liens et des espaces devient un levier considérable pour travailler les liens et permettre le soin de secteur. Contrairement à ce que semble croire une majorité de personnes, cela n’est pas impossible. C’est même déjà réalisé dans la moitié du 93, de Paris, du Nord… (plus d’une cinquantaine de secteurs).
Dans ces secteurs là, il en est fini de l’intra et de l’extra, termes qui accompagnent l’exclusion !!! Les lits d’hospitalisation sont en ville, hors hôpital psychiatrique et pour beaucoup d’entre eux, même en dehors de tout hôpital général.
Pourquoi pas ailleurs ? Eh bien par simple frilosité de l’Etat, des médecins chefs des équipes de secteur et des directeurs d’hôpitaux.
Une telle évolution est elle hors d’atteinte ?
Peut être qu’aujourd'hui un acte permettrait de réamorcer ce mouvement ? Souvenez vous de ce qu’a fait un directeur, qui malheureusement pour lui a été très décrié. Monsieur Mordelet, directeur de Maison-Blanche, à Neuilly sur Marne recevant les patients des secteurs du nord-est de Paris. Il était convaincu que l’éloignement des services d’hospitalisation loin des villes était une honte et était inhumain, il a cru que cette opinion était celle de la majorité des médecins et des soignants, et son erreur a été de croire naïvement qu’un changement aussi important pourrait ne reposer que sur la volonté de sa seule personne, alors que ce ne peut être que l’acte commun d’une communauté entière, la communauté des soignants associée aux usagers et aux politiques. Du coup il a été ‘déplacé’. Mais reconnaissons qu’actuellement les services hospitaliers de Maison-Blanche quittent l’hôpital sans lui, grâce à l’ensemble des acteurs. il serait juste de reconnaître aussi que l’un des atouts qui a certainement fait évoluer ainsi les idées a été un acte impératif initial, sur un ‘détail’ : il a décidé ‘d’abord’ de déplacer toute la direction hors de son hôpital et de l’installer en plein Paris. Le reste a suivi ! ‘Après’ !
Alors aujourd'hui si tous les directeurs d’hôpital avaient le désir de se montrer humains et avaient la volonté de faire évoluer la psychiatrie, ils pourraient eux aussi décider dans l’année d’installer leur bureau dans la ville.
Dès lors les responsables, comme toutes les instances de direction, travailleraient immédiatement avec un autre état d’esprit ; ils n’auraient plus sous les yeux la grande étendue protégée et artificielle de leur hôpital avec leurs jardins à la Versailles, mais les quartiers de leur ville et leurs ressources humaines variées, ainsi que leur solidarité concrète. Cela leur permettrait de trouver l’intérêt qu’il y aurait à déplacer les lits dans les villes au lieu de les laisser ‘exclus’. Ils mettraient fin à cette terminologie absurde, car elle marque le blocage total de la psychiatrie de secteur : « l’intra et l’extra » !
Il est urgent et possible d’y mettre fin. Il suffit de comprendre la portée d’une telle décision et de se souvenir que Bonnafé en avait saisi l’importance dès le début de la psychiatrie de secteur, même s’il n’a pas su en définir toutes les étapes. De son temps la psychiatrie de secteur n’était qu’une hypothèse. Depuis elle a fait les preuves de sa qualité et de son efficacité. Pourquoi faudrait il hésiter encore ? Faudra t il attendre que les usagers l’exigent ?
PS : Savons nous que personne n’interdit à un médecin
chef d’installer son bureau de chef dans le lieu qui lui plait ? un CMP,
un centre d’Accueil, ou le service d’hospitalisation, quand il est hors hôpital.
Cette installation lui revient et donne le sens de son regard… ‘Suivez mon
regard’. Si c’est dans le secteur peut être qu’ils amorceraient le mouvement !