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La suicidée

 

-          Qu’est-ce qu’on a ?

-          Une suicidée, IMV de 50 comprimés d’antidépresseurs, secrétaire médicale, 19 ans à peine !

-          On va lui faire un lavage d’estomac musclé, ça lui passera l’envie !

 

Dialogue d’un autre temps… La jeune suicidée, je la connais, c’est mon amie. Elle vient de se faire humilier, une fois de plus, par son amant, marié, qui est aussi son patron, et qui la traite comme une merde depuis des mois, la considérant comme son objet sexuel… alors qu’elle croyait qu’il l’aimait ! Elle est folle amoureuse de ce monstre qui l’avilit, et comme elle n’en peut plus de l’attendre, et de son attitude envers elle, tendre au début de leur relation, mais juste encore cassant depuis quelques semaines, elle a perdu la petite flamme intérieure qui faisait tout son charme… il lui dit qu’elle est laide, triste, qu’il n’a plus envie de la toucher, et qu’elle a changé, que celle qu’il aimait respirait la joie de vivre, et l’enchantait par sa bonne humeur… il fait comme s’il ne savait pas que c’est lui qui la détruit jour après jour, et se moque de ses côtes saillantes : « on dirait une rescapée des camps de concentration, tu sais bien que les hommes aiment les rondeurs, pas les tas d’os ! ». Alors, au bout de ce qu’elle pouvait endurer comme souffrance, elle lui a écrit une dernière lettre d’amour, et a avalé un après un les comprimés qu’il avait dans son tiroir, échantillons laissés par de jeunes et belles déléguées médicales à son amant patron et médecin honorable qui la prenait entre deux patients debout contre le bureau.

 

-          Allez, avale le tuyau, ça va te faire vomir, ça te passera peut-être l’envie de recommencer ! Tu as pensé à ta mère ? Tu crois qu’elle t’a mise au monde pour faire ces conneries ?

 

L’infirmière est une matrone sadique. Aucune sensibilité. Elle n’a pas cherché à comprendre le geste de mon amie. Ca ne l’intéresse pas, de savoir pourquoi elle a voulu mourir, à 19 ans.

 

Mais tout ça, c’est d’un autre âge… aujourd’hui, ça n’existe plus !

 

Mon amie est devenue infirmière. Elle a presque 50 ans, a une vie bien remplie, des enfants, elle est drôle, pétillante, pleine d’humour, elle aime son métier et la vie. Il n’y a qu’un domaine où les choses ne sont pas si faciles : l’amour. Elle a cru au prince charmant, souvent, et a fini par comprendre qu’elle n’était pas faite pour être aimée. Elle a renoncé. A trouvé la paix. Mais elle a rencontré Michel. L’a aimé passionnément. A en crever, encore. Les vieux démons sont de retour.

 

-          Qu’est-ce qu’on a ?

-          Femme de 50 ans, IMV suite à une déception amoureuse, 50 comprimés d’anxiolytiques !

-          Une déception amoureuse, à cet âge-là ? Et ça veut mourir pour ça ? Y’en a vraiment qui ne savent pas quoi faire pour se rendre intéressante, c’est pas comme ça que tu le feras revenir, ton amoureux, à 50 ans, on est toutes cocues, faut s’y faire !

 

Dialogue d’aujourd’hui… monologue, plutôt ! Personne n’a pensé à lui faire dire, à mon amie, que l’homme qu’elle aimait passionnément, après l’avoir adulée, l’avait humiliée, avilie, salie… et que la souffrance qu’elle avait endurée était la même que lorsqu’elle avait 19 ans, parce que la force de l’amour-passion est la même quel que soit l’âge… elle est repartie chez elle, doublement humiliée, parce que l’infirmière qui l’avait accueillie… n’avait rien compris, rien demandé, juste jugé, clichés, préjugés…

 

                                                                                  Bretzelde7@orange.fr







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