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Le serrurier de l’hôpital

 

Le serrurier de l’hôpital en pince pour moi… si, si, je le sais, il me regarde langoureusement, tant, que ça me met mal à l’aise, et je ne me fais pas d’idées, il ne cesse de dire à tous les agents de l’équipe que leur « surveillante est charmante » (avec l’accent s’il vous plaît !), et les œillades qu’il me décroche me font rougir comme une vierge effarouchée qui aurait vu le loup… ou sa queue, ou plutôt, restons courtois, l’ombre de la queue d’un loup…

 

Car moi, qui suis une timide, mais si, mais si, ça m’arrive, d’ailleurs, c’est même ma vraie nature, contre laquelle j’ai tant lutté que ça ne se voit presque plus, sauf de temps en temps lorsqu’on me prend au dépourvu, et sans que la bise ne soit venue… moi, donc, Bretzel, me voilà bien, avec la serrure du service qui débloque, ou bloque, je ne sais plus, un comble quand on travaille en psychiatrie, d’avoir des déblocages ou blocages de serrures, c’est pas moi je vous l’assure, même si j’ai parfois envie d’envoyer valdinguer tout ça, laisser tous ces peudo-fous en liberté, ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, moineaux, dingos, schizos, parano, hystéro, bobos, courez, courez, fuyez, fuyez, avant qu’on ne vous attrape, matraque, patraques poursuivis par les énarques qui n’ont qu’une idée en tête : enfermer tous les fous dans les asiles !

 

Alors, quand ce mercredi matin, j’appelle le centre de dépannage pour qu’on vienne changer le barillet de la serrure qui paraît bien grippée, c’est dans la culpabilité, après trois jours de lutte infernale contre moi-même et mon satané inconscient qui ne me fiche même plus la paix comme avant, et montre le bout de son nez régulièrement, pour que je ne l’oublie pas, gros dégueulasse, fiche-moi la paix et fais ton travail dans l’ombre, l’inconscient, c’est justement ce dont on n’a pas conscience, alors pourquoi le mien veut-il toujours que je m’intéresse à lui et pourquoi suis-je tombée sur ce spécimen-là, qui est si imparfait et si hystérique qu’il n’arrive plus à rester caché, tapi discrètement à l’endroit qui lui incombe ?

 

-          Je vous envoie le serrurier tout de suite, Madame !

 

Merci mais bon, y’avait pas le feu… on aurait pu attendre un peu, demain, justement, je suis en congé, on vient me changer le conteur, pardon, le compteur, mais non, pas le mien, il y a longtemps qu’il ne marche plus, celui-ci, c’était un diesel mais il a rendu l’âme à l’aube de mes quarante ans, épuisé de tout ce qu’il avait subi inlassablement, plus à l’argus, inutile de compter, maintenant, contons si vous voulez, mais c’est foutu de toute façon, non, donc, pas ce compteur-là, mais celui du gaz, je dois sacrifier un sacro-saint, pas sarkosaint rtt pour ça, et toi le serrurier, tu aurais bien pu attendre demain pour venir changer la serrure du service quand je ne suis pas là mais occupée avec le plombier !

 

Assise derrière mon bureau, je trône dans mon fauteuil de surveillante, de cadre de santé, pardon, quand il entre immédiatement après avoir frappé et sans attendre la réponse, pressé, empressé de me montrer…sa pince, de me serrer la pince, ça se voit, il en pince pour moi, c’est gros comme… voyons, un nez au milieu de la figure, soyons classique et correct, j’aurais pu trouver une métaphore bien plus originale mais je m’abstiens, la bienséance, mais bon le nez… vous comprenez, bien sûr, symbole phallique par excellence…

 

Excellence, Son Excellence ? Ben quoi, il en pince pour moi, Monseigneur !

 

                                                                       Bretzelde7@orange.fr







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