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Jeux de main, jeu de maux

 

Jeux de mains, jeux de vilain… si tu suces encore ton pouce, je vais te le couper, hurle le mère à sa petite princesse blonde aux yeux bleus azur, chouchoute de tous les mâles qui espèrent la connaître encore dans quinze ans et lui faire découvrir d’autres… jeux de vilains, jeux de coquins ! chouchoute aussi de toutes les non-mères en mal d’enfant qui voient là l’ange qu’elles rêvent d’enfanter elles aussi depuis leur plus tendre enfance… et de tous les parents d’enfants pas très beaux, pas très gentils, pas à la hauteur de leurs espérances : avoir le plus intelligent et le plus brillant de tous les chérubins de la terre…

 

Si tu suces encore ton pouce, je vais te le couper… la petite blonde a trois ans, puis quatre, puis cinq, ses grands yeux bleus sont affolés, elle se réveille la nuit en hurlant le pouce dans la bouche, la lumière est allumée, le père va lui couper, j’l’ai pas fait exprès, ne me le coupe pas, ne me le coupe pas ! Elle est sage, très sage, trop sage, la petite poupée blonde aux grands yeux tristes, quel péché, sucer son pouce, à ton âge !

 

Si tu suces encore ton pouce, je vais te le couper…elle a grandi, elle sait maintenant que c’est faux, tout est faux, le Père Noël, Cendrillon, la Belle au Bois Dormant, on ne va pas lui couper le pouce, mais les adultes sont parfois méchants, ils racontent des histoires aux enfants, juste parce qu’ils sont grands, ils font peur aux enfants, qui hurlent dans le noir, dans la nuit, parce qu’ils sucent leur pouce et que le grand méchant loup va venir les manger, leur manger, le pouce, l’index, le majeur, et toute la main…

Si tu suces ton pouce, je vais te le couper…elle est sage, encore, comme une image, ses cheveux blonds ont été coupés, le père n’a pu lui castrer le pouce, alors, il lui coupe les cheveux, trop angéliques, trop féeriques, trop idylliques, trop emblématiques… la petite fille n’est plus si jolie, elle est triste surtout, elle ne rit plus, elle se cache, elle n’est pas belle, elle n’est plus celle qui plaisait à son papa, qui la prenait dans ses bras pour faire croire qu’elle était là, vraiment là, pour une fois…

 

La petite fille a grandi… elle a vu le loup… jeux de mains, jeux de vilain… jeux de mots, jeux de maux… le loup comme son père, après l’avoir choyée, l’a ravagée, humiliée, effrayée… la petite fille pleure, dans le noir, elle est seule, elle a peur, on lui a coupé l’aptitude au bonheur, elle croit avoir en elle le noir du loup, noir du deuil, malheur, mâle leurre, mal au cœur, malotrus, trublion, tourbillon du mâle d’amour, mal d’amour, mal amour, mal aimée…

 

La petite fille a vieilli, elle a eu peur, si peur, toute sa vie… elle s’est accrochée, attachée, décrochée, tâchée, déchirée, passionnée, noyée avec des loups comme son père, dont les dents l’ont broyée, déchiquetée, morcelée, dépecée, dépiautée… elle est harassée, fatiguée, déprimée, stop, arrêtez, pouce je ne veux plus jouer !

 

La petite vieille dans son fauteuil en skaï est retombée en enfance… en démence, en dépendance, désespérance, incontinence, innocence…elle appelle son père, sa mère… parfois, la nuit, elle se réveille en hurlant … et elle attend… la sentence, la pénitence ?

 

La délivrance…

                                                                                             

Bretzelde7@orange.fr







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