Psychanalyse dentaire
Mon dentiste est un être
charmant et plein de délicatesse, tout le contraire de l’homme que j’ai
rencontré voilà quelques mois et sur lequel j’ai flashé comme on tombe en amour
quand on a quinze ans, avec passion, désespoir, délectation, dévotion,
soumission, pour finir, forcément, en déception…
Comme un psychanalyste, il
m’allonge sur son divan tous les vendredis soirs, il est derrière moi, près de
moi, contre moi, inaccessible mais présent, et je le paye pour souffrir un peu,
mais me sentir mieux après…
Il me parle, me pose
quelques questions, souvent répond lui-même, traduisant mon regard qu’il capte,
penché sur moi, à l’envers, en tête-bêche, il m’a renversée dans son fauteuil
magique et ma mâchoire bloquée, je me dis qu’il est le seul homme qui me cloue
le bec sans violence, sans maltraitance, avec une certaine élégance…
Je repense quelquefois, tête
en bas et pieds surélevés, un projecteur allumé sur mes mille imperfections
dermiques et buccodentaires, à l’amalgame… entre maux d’amour et maux
dentaires. Je gamberge, sans pouvoir répondre, lorsqu’il sonde mes méandres
intérieurs ; parfois, il se raconte un peu, lui aussi, avec humour et
douceur.
Le lien qui m’unit à mon
dentiste, le rituel mis en place est le même que chez le psychanalyste :
toujours le même soir, toujours à la même heure, j’y pense sans cesse,
« sortir vendredi ? non, impossible, j’ai un rendez-vous », on
ne dit pas avec qui, comme une sorte de honte, quoi, tu vas encore voir ton
psy ? ton dentiste ? mais qu’est-ce que t’as comme tares pour bloquer
ainsi une soirée aussi importante, tu ne peux pas l’annuler, ton
rendez-vous ? Je ne peux pas, non, tous les vendredis j’essaye d’y
échapper, un mal de tête, un train en retard, une flemme insurmontable, je suis
son dernier rendez-vous, je pourrais poser un lapin, juste une fois, il
rentrerait plus tôt chez lui et ne m’en voudrait pas, mais non, allez, c’est
pas si terrible, t’en as vu d’autres, et me voilà encore dans la salle
d’attente, fidèle, à l’heure, le cœur qui palpite et un nœud à l’estomac…
Ne pas oublier les kleenex…
chez le psy pour essuyer ses larmes, chez le dentiste, c’est la bouche qui
pleure…
Comme avec un psy, il y a le
moment du transfert…alors, on en tombe amoureux, et/ou on le déteste…en même
temps parfois ! Mon dentiste à moi, il est si charmant qu’on ne peut pas
le détester, même s’il est dentiste !
Alors, souvent, quand je
sors de chez lui, détendue, je fais un crochet par l’étang, et je regarde, la
larme à l’œil, le coucher du soleil…sur ma vie et mes amours…
Heureusement, le dentiste,
contrairement au psychanalyste, ça s’arrête parfois… pendant quelques mois où
tout va bien, la maladie d’amour, ça laisse du répit, ça va et ça vient, ça
dort et surgit par crises…
Allez, au revoir, charmant
dentiste, je reviendrai te voir à mon prochain chagrin d’amour, merci pour
tout !
Bretzelde7@orange.fr