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Démâtons !

 

 

Nous ne sommes pas des matons ! Des infirmiers, des soignants, des personnes soucieuses de la sécurité des patients, ça oui, mais nous ne travaillons pas avec des prisonniers ayant commis une faute pour laquelle ils ont été punis, nous essayons de soigner, d’écouter, de réconforter, avec nos petits moyens, des personnes en souffrance qui parfois se comportent étrangement, sauvagement, agressivement, même, mais cela ne fait pas pour autant de nous des matons et des matonnes…

 

Alors, Mesdames (il y en a de plus en plus) et Messieurs les comptables, les matheux qui gouvernent les hôpitaux et services de psychiatrie avec des chiffres, revenez aux valeurs humanistes, laissez un instant les nombres, et mettez en mots, en lettres, lettres de noblesse, ces humains parfois inhumains mais que vous dépassez sur ce plan-là, parfois, la maladie mentale ce n’est pas une appendicite, un kyste, un goitre que l’on peut retirer par quelques gestes castrateurs, DMS trois jours, et au-delà vous êtes de mauvais soignants, dégagez, aux suivants, qui sauront mieux que vous retirer ces tumeurs, tant pis si tu meurs, on veut des résultats, des chiffres, du nombre, du plus grand nombre, du fric, pas de pertes d’argent, plutôt pertes de gens, allez, comptez, comptez, mais pas sur nous, virez-le, vite, tant pis s’il est dans la rue, clochard, pochard, on n’est plus un asile, qu’ils aillent se faire voir dans la ville, et pas de ça chez nous, on doit faire du rendement, rendez, rendez tout, rendez-vous, coup de semonce, rendez-vous à la police…

 

Descendez de vos observatoires, venez dans nos laboratoires, sur le terrain, oh ? les malades sont des gens ? comme nous ? Non, pas possible, du haut de mon mât je ne voyais pas ça, je matais pourtant, je mathais, aussi, des chiffres, mais là, ce regard triste et apeuré, cette folie dans les yeux, cette souffrance sur le visage, assez, je ne peux pas voir ça, je retourne en-haut de mon mât, phallique, les chiffres c’est plus pratique, laissez-moi compter, vous conter, vous en conter, schizophrénie ? DSM 8 jours, paranoïa ? Deux mois, isolement, mitard, allez, fouillez-moi ça ! Il a mis le feu ? Il avait un briquet ? Qui n’a pas fouillé, trifouillé ? Comment ça vous n’êtes pas des matons ? Fouille au corps, vous n’avez pas le droit ? C’est votre travail, en iso et à poil, comme au moyen-âge, il ne manque que les chaînes, matez, caméras, hublot, bête sauvage, il a pissé par terre, vous voyez bien qu’il n’est pas des nôtres… quoi, il n’avait pas d’urinal ? Embauchez des vigiles, ça coûte moins cher, des chiffres, je vous dis, les fous en tôle, ils coûtent trop cher, et ceux qui les surveillent aussi, ça y est, on a trouvé la solution, on les met en taule, avec des matons, pas besoin d’hôpitaux pour ça, quelle idée géniale, et les sous, tous ces sous qu’on va économiser, chiffres en baisse, objectifs atteints, moins de personnel, moins de patients, moins de lits, DSM en baisse, j’ai réussi ! Plus de fous, il n’y a plus de fous, on a guéri la folie, ça n’existait pas, juste un siècle à y croire, Pinel, Freud, Esquirol, des guignols qui nous ont fait croire en les déchaînant qu’il ne fallait plus les enchaîner…

 

Oh, hey, réveillez-vous… !

Démâtez un peu, juste un peu, parfois…

Venez nous voir, et les voir, aussi, ces malades qui vous ressemblent parfois… en plus humains…

Démathez… et déchiffrez, avec nous, avec eux… la souffrance, vous savez, ce truc qui fait que parfois, on pète un peu les plombs…

 

 

Bretzelde7@orange.fr







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