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Délirovale

 

Samedi soir. Je sors de l’hôpital, fatiguée, pressée de rentrer chez moi, une petite heure de trajet et je pourrai m’affaler devant la télé après avoir pris un bain purifiant qui me lavera de tous les virus de folie que j’ai côtoyés aujourd’hui, folie de ceux que l’on dit malades mentaux, folie surtout des autres, bien plus tordus, mesquins, malades de leurs petits pouvoirs dont ils usent et abusent sous prétexte qu’ils sont du bon côté, celui des gens normaux, ceux qui savent, ceux qui peuvent… dire oui, dire non, ouvrir, enfermer, libérer, répondre oui ou non, ceux qui ont la clef, la solution, la réponse…


Je roule vite, à cette heure-ci, pas de bouchons, c’est déjà ça, il fait nuit, froid, musique et chauffage dans la voiture, ça commence à me ramollir, me détendre, j’ai encore la tête au boulot mais les pieds déjà dans les charentaises, pas de galipettes ce soir, juste un tête à tête avec moi-même et la mousse de mon bain à l’horizon… quand soudain, une horde d’hommes, cent, mille hommes sur le bord de la route qui se précipitent vers moi, au secours, j’ai été contaminée par la bactérie multi-résistante de l’hallucinose, pas celle des buveurs, non, l’autre, à mon âge ça doit être la fameuse PHC, celle qui arrive quand enfin on croit avoir échappé à tout, qu’on n’a plus l’âge de la schizophrénie, de la PMD, de la psychose puerpérale, qu’on n’a plus les moyens et les atouts de l’hystérie, que l’on a réussi à vaincre nos petites superstitions et manies qui nous faisaient craindre un moment la névrose obsessionnelle et qu’il nous reste juste à nous préserver de la paranoïa, de la maladie d’Alzheimer… et de la PHC !! (je viens de vous faire la presque totale de la clinique psychiatrique à l’ancienne… sinon, bien sûr, je connais aussi l’histrionisme, les TOC, les troubles de la personnalité, les schizoaff, la bipolarité, mais on n’est pas là pour montrer son savoir de la psychiatrie liftée et relookée, il faut que je continue mon histoire, je sens que je vous tiens en haleine avec mes mille hommes sur le bord de la route….).

 

Donc, des meutes masculines m’obligent à ralentir, et déjà je me demande si je vais supporter les neuroleptiques nouvelle génération sans effets secondaires sauf un énorme ventre ou si devant mon tableau de gravité extrême on me proposera plutôt des électrochocs, au secours, je ne veux pas qu’on m’électrise, électronise, électrolyse, dépersonnalise, analyse, je veux garder mon symptôme, c’est pas tous les jours que mille hommes se précipitent vers moi, laissez-les moi, ils sont pour moi, à moi, au secours, à moi !

 

Ils courent, volent, je dois freiner pour ne pas les renverser, ne soyez pas si empressés, je veux bien changer mon programme de la soirée, mais pas tous à la fois, laissez-moi choisir, un peu, je préfère les leptosomes avec la jovialité des picniques, laissez-moi vous jauger, juger, peser, sous-peser, soudoyer, évaluer, où est la grille d’évaluation pour cocher les items qui m’aideront à choisir celui qui a les meilleurs atouts, atours, attributs, qu’on me l’attribue, quel bonheur, tout ça pour moi, et il est là, l’homme de ma vie, le prince charmant, je savais bien que je le rencontrerai un jour, comme la belle au bois dormant, même si j’ai plutôt l’âge de la belle-mère, de la sorcière, de la rombière !

 

Y’en a des grands, des petits, des jeunes, des beaux, des charmants, des chevelus, même des géants chauves mal rasés aux yeux bleus océan, je crois que je vais me laisser tenter, pour commencer…

 

Quoi « rêve pas Bretzel, c’est juste une sortie de stade »? Quoi, je me suis encore racontée des salades ? Quoi je vais encore être en rade ?

 

Tous ces mecs préfèrent un ballon ovale, c’est pour ça qu’ils cavalent ?

Ben m… alors !

 

                                                                                                          Bretzelde7@orange.fr







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