Retour à l'accueil

Retour à chronique


Une touche de caresse devant la mort

 

Le petit enfant est mort… sans soins, sans tendresse, sans caresse. On l’a nourri, tous les jours, comme on arrose une plante verte, mais jamais touché, comme sans corps, alors, il est mort un matin de printemps, il faisait beau, mais il avait froid, toujours, manque d’amour, manque de chaleur, toujours peur, il est parti de son corps, comme on s’en sort, comment on en sort, je ne veux plus vivre encore, sans qu’on me touche, ne me touche pas quand je serai mort…

 

Ils ont tous pleuré, révoltés, comment ne pas se laisser touché par un enfant mort, coquin de sort, des années que personne ne l’avait touché, caressé, fessé, on l’avait juste arrosé, alimenté, quoi, ça ne suffit pas pour grandir, fallait le dire, on ne savait pas qu’on pouvait en mourir, en pourrir, sans sourire, sans caresse, sans tendresse !

 

Et les enfants grandis, vieillis, que personne ne caresse jamais, que personne ne touche jamais, si ce n’est le médecin traitant pour un bobo qu’il va tenter de palper sous ses mains professionnelles, qui s’en soucie ? Les adultes meurent-ils aussi à petit feu lorsque personne, jamais, ne touche leur corps ?

 

Ne la touche pas, elle est intouchable, imperturbable, indifférente, différente, démente, elle ne veut plus jamais se laisser toucher au cœur, pas de caresse, pas de tendresse, indifférence, silence, la mort est déjà dans son corps, la mélancolie est sa seule amie, tout est noir, le brouillard, cafard, plus rien ne la touche, elle est une vieille souche, ne lui serre pas la louche… refus de la main tendue, c’est un symptôme, pour elle c’est un aveu, elle veut… la mort, l’Amor est mort…

 

Corps à corps, douceur, chaleur, berce, berce cet enfant devenu grand, trop grand pour qu’on le touche, mélancolique, psychotique, elle n’a plus de corps ou celui d’un autre, mort, encore, ou si grand, géant, intouchable, je suis la fille de Dieu, qui dit mieux, mon père à moi, je n’en veux pas, pour je ne sais pas quel mystère, adultère, pervers, déni, je te nie, tu n’es pas mon père, je n’ai pas de mère, juste Dieu, dans les cieux, intouchable, impalpable, ne me touche pas, tu ne le mérites pas, mon corps n’est pas à moi, pas là, pas d’émoi…

 

Là, là, je ne te veux pas de mal… juste la main, doucement, je te prends la main, je la caresse, tu me regardes avec tristesse, il est trop tard, il fait trop noir, tu vas mourir, ne veux plus te nourrir, je voudrais réparer, tout ce qui t’a manqué, mais je n’en ai pas le pouvoir, je ne suis pas Dieu, je n’ai que mes yeux pour t’accrocher un peu, encore, pour te toucher… et ma main, d’infirmière, de mère, tu vas partir et ça me touche, je n’ai pas pu te guérir, je dois m’aguerrir, ne pas pleurer, accompagner jusqu’à la mort, jusqu’au dernier souffle, souffle de vie, passage vers la mort…

 

Elle est morte cette nuit, sans bruit, sans qu’on la touche…

 

Prends soin de son corps, même s’il est mort… là où elle est, peut-être, sentira-t-elle la tendresse, la caresse, la tristesse qui t’étreint, là, infirmière impuissante devant son enveloppe sans vie, mortuaire, suaire, ossuaire, bière…

 

                                                                                                          Bretzelde7@orange.fr

 







nous contacter:serpsy@serpsy.org