I went to the market.
De son balcon au rez-de-chaussée, Paulette appelle Mirka son petit chien sorti faire un tour dehors du HLM. Pas envie de revenir si tôt. Y fait beau, c’est les vacances et tous les jeunes du quartier sont dehors de leur HLM aussi à profiter de l’instant.
Paulette est retraitée. Elle a bossé toute sa vie, élevé 10 gosses, pendant la guerre, après la guerre et continue aujourd’hui de plier des cartons publicitaires en écoutant sa TSF comme elle dit, histoire de s’occuper, de gagner plus, d’offrir plus, de gâter plus tout le monde autour d’elle.
« Pffi ! Elle ne répond pas cette bique. Encore à traîner avec les mômes. Va falloir encore que je la fasse démurger des buissons… » Excusez le langage, plutôt non respectez-le, il est émaillé, enjolivé de quelques mots issus d’une langue encore ici ou là vivante, l’argomuche Parisien.
Mirka n’a pas sa pareille. Contrairement à ce que l’on croit c’est elle le plus souvent qui promène sa maîtresse.
Une bonne excuse, une bonne raison, une bonne idée, pour aller faire un petit tour, une petite pause sur le banc d’à côté du bâtiment.
Paulette reste assise là, à regarder, écouter la vérité du monde sortir de la bouche des enfants.
Un inconnu s’assied à côté d’elle. La salue, respire fort, écarte de grands bras vers le ciel en chantant presque : « Quelle belle matinée s’annonce là… ».
« Gilles. Je me nomme Gilles. Nous ne nous connaissons pas, je suis hébergé pour quelques nuits chez un copain. Vous habitez dans l’immeuble ? ».
Gilles a besoin de causer. C’est marrant comme sa tête me revient.
« Moi c’est Paulette. Je loge là, oui. Avec mon fils, qu’est au turbin, il est facteur. Là-bas c’est Mirka, ma petite chienne. Mirka c’est presque comme Mirza. En tous cas ici tout le monde connaît le refrain, Z’avez pas vu Mirka ? ». Paulette se marre.
« Je connais la chanson même si j’suis canadien. Suis d’ailleurs venu par là vous en chanter d’autres ».
« Je me disais bien vous avoir déjà vu quelque part. A la télé hier. Vous chantiez j’en suis fort aise ». Paulette se marre, toujours. « En English, en Français, un petit panier, des canards, le syndicat…mon mari était syndicaliste, résistant, communiste et musicien, il jouait du jazz… lui aussi y disait qu’après les allemands on aurait les ricains, qu’on en serait dépendant, qu’on parlerait tous l’anglais… Ho dou you dou ?... » Paulette tape du coude son voisin et se marre, encore.
« Paulette, je crois que revient ton chien, va falloir que j’y aille, je te fais la bise tu veux ? Au théâtre ce soir, tu viens me voir ? T’inquiètes pas, c’est pas un rancard ». Gilles se marre, aussi.
Bachi-bouzouk