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Optimisme forcé

 

 

Amalgamée à la récente réforme de l’hospitalisation sous contrainte, imposée par le conseil constitutionnel, l’obligation faite au juge de la détention et de la liberté (un titre sans équivoque), de vérifier et garantir les droits du patient citoyen avant même et sans même qu’il en émette le souhait, vient en vérité contrecarrer la détermination ultra sécuritaire du législateur. Les différentes formes d’auditions proposées, élaborées dans l’urgence par les techniciens ministériels sont loin d’être parfaites et s ‘il n’en faut retenir qu’une parmi l’audience au tribunal de grande instance (procès de la folie ?), la visioconférence (à réserver à Madame Irma) et la « foraine » (plus conviviale comme la fête du même nom), c’est bien cette dernière qui semble la mieux appropriée, ouvrant enfin à la citoyenneté les portes des hôpitaux psychiatriques.

 

Cette situation nouvelle, pas inattendue car très attendue sur le fond, aura un impact sur l’évolution des pratiques de soins, des contraintes aux soins, bien au-delà voire inversement à ce que la loi dite du 5 juillet 2011 indique.

 

Les certificats lus à haute voix à un auditoire qui est nécessairement publique se devront d’être édulcorés au risque de trahir le secret médical, le secret de vie du patient citoyen, en clair, un pan de sa vie privée qui par définition ne devrait regarder que lui.

 

La restriction d’aller et venir du patient, encore monnaie courante en psychiatrie, jusque là banalisée, est dorénavant contrôlée par la justice. Gageons qu’au-delà des problèmes de forme (non respect de la procédure) voire de fond (remise en cause de la décision clinique), cet autre  regard s’attardera sur l’idée, dénoncera  le fait, que le manque de moyens humains, le manque de soignants, bien plus que la symptomatique du patient est le véritable facteur d’atteinte à sa liberté, tant il grève les possibilités de prise  en charge d’accueil de sa souffrance dans le respect de la dignité, d’humanité qui lui est bien plus que légitime, qui  lui est nécessaire.

 

Faute de temps, d’espaces dédiés dans la cité, de constellation soignante, la folie est vouée à l’errance jusqu’ à contrarier la normalité alors qu’elles deux méritent de se conjuguer.

 

Faute de temps, de possibilités de traduction dans les écoles, les hôpitaux généraux, les prisons, les foyers, les maisons de retraite… la folie reste inexpliquée, incomprise, étrange, inquiétante, menaçante.

 

Faute de temps, elle ne se voit proposer aujourd’hui comme seul écho à sa douleur, la contrainte, l’enfermement, la surveillance jusqu’au chez soi qui n’en devient plus un. Comme seul recours systématique, l’entrevue tardive à quinze jour, puis à six mois puis à, puis à, puis à…les oubliettes ne se refermeront donc jamais.

 

Faute de temps pour remplir jusqu’à cinq certificats en cinq jours, retranscrire les différents avis experts, renseigner les kilomètres de formulaires, d’assouvir la boulimie bureaucratique…plus que de résister, d’être frappé d’illégalité, il nous suffit de faire le contraire, privilégier la psychiatrie de l’avec en opposition à celle du face, celle de la liberté plutôt que celle de la contrainte, occuper notre temps si précieux, à soigner la rencontre jusqu’à en obtenir son consentement.

 

Bachi-bouzouk

 


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