Un siècle sans lumière
C’est
qui qu’a éteint la lumière ?
Il
est à qui l’aquarium ?
Pourquoi
les poissons ils vont tous dans le même sens ?
La
fête est finie, Robert endormi dans un coin relève la tête et découvre le monde
du silence invisible jusque là.
Pas
certain de ne pas être chez lui, c’est d’ailleurs le cas. Pas sûr d’avoir
besoin de savoir quelle heure il est. Quel jour il fait.
Non
mais d’un seul coup ce truc qui apparaît dans la pièce avec des bestioles
dedans qui tournicotent et accaparent son regard.
Le
problème dans la fête et si on n’y prend garde, c’est qu’on y ingurgite tout un
tas de solides, liquides, on participe à tout un tas de discussions
différentes, avec des connus qu’on a pas vu depuis longtemps ou hier seulement,
des inconnus qui nous disent rien, pas grand-chose ou nous racontent leur vie.
Le
problème dans la fête et si on n’y prend garde, c’est qu’on peut s’y
perdre rapidement, pris dans un tournis,
une ivresse générale faite de mots, de visages, de consommations diverses menant
inévitablement à la fatigue, à la lutte contre l’engourdissement,
l’anesthésie, où le seul remède alors
précaire est de bouger, bouger encore, bouger toujours, discuter, discuter
encore, discuter toujours au risque de s’effondrer d’un seul coup, au risque de
se réveiller quelque part qu’on ne connaît ou reconnaît pas.
Robert
aura fait de sa vie une immense fête jusqu’au jour où justement la nuit en
prendra le relais. Ce texte lui rend hommage. Ce texte rend hommage à son choix
d’angle de vue poétique sur une vie qui le méritait bien, le nécessitait
surtout.
C’est
qui qu’a éteint la lumière ?
Que
fait-on d’autre dans cet aquarium qu’attendre le tapotement de l’index du
maître sur la boîte à manger pour qu’un
ersatz de nourriture bouche notre horizon visuel, intellectuel, culturel...nous
oblige à nous jeter dessus espérant y voir ensuite plus clair ?
C’est
qui qu’a éteint la lumière ?
C’est
qui qui nous a replongé dans les ténèbres et leur peur ?
Qui
a osé mettre fin à la fête ? Pourquoi
n’est-elle plus vraiment possible ou tout du moins qui nous interdit les quelques
espaces envisageables pour lui donner forme. Quelles que soient les limites,
nous saurions pourtant les reconnaître, les redimensionner au besoin, dans la
mesure, la demi-mesure ou sans commune mesure.
Là,
aujourd’hui, pour être plus exact aunuitd’hui, il y a comme un étau qui réduit
notre capacité festive, créative, artistive (fallait bien trouver une rime). Une mauvaise sensation où les deux côtés de la
rue où nous marchons chacun à notre rythme, notre envie, notre destin, se resserrent
progressivement jusqu’à nous obliger à la file indienne, aux œillères, au
piétinement…
Une
rue où un faux espoir serait d’y voir des portes s’entrouvrir car éliminant
celles et ceux qui paradoxalement ne vont pas droit, ralentissent voire essaient
de stopper net cette chaîne menant nulle part sinon à rien ou alors pire, quelque
promesse d’un monde lisse, policé, policier.
A
la lutte contre l’engourdissement, l’anesthésie, le seul remède alors précaire
est de bouger, bouger encore, bouger toujours, discuter, discuter encore,
discuter toujours au risque de s’effondrer d’un seul coup, au risque de se
réveiller quelque part qu’on ne connaît ou reconnaît pas.
Au
risque de se réveiller boxeur K.O. debout regardant tournoyer autour de lui des
étoiles, des étoiles emportant avec elles un monde qui n’a pas su accrocher,
s’accorder avec sa part nécessaire de rêve.
Bachi-bouzouk