Le soleil a rendez-vous avec la lune
-Papa, j’ai eu des nouvelles
de ta frangine sur Face Book… !
-Ah ? Elle a écrit un
bouquin ?
La première fois que j’ai
entendu ce mot-là, ça c’est vraiment passé comme ça.
Depuis, j’ai compris. En
vérité on m’a appris, initié à ce réseau social Internet…
De face book au cake book,
tout est partageable sur le web, une espèce de pizza géante dont la pâte
est perpétuellement malaxée sur une toile gigantesque, sans fin, où chacun
ajoute un ingrédient, dévoile volontairement ou pas, patibulaire mais presque, au
choix sa face cachée, sa face avouée.
Facilité cathodique ou face
pas cathodique du tout, tout le monde sait tout, tout de suite, sur tous et
chacun d’entre tous. Racontars du soir, photos du saut du lit, le monde regarde
le monde et dévore sans faim l’actualité de son voisin, son prochain, son
proche pour le coup si près, si vrai, si….virtuel ?
Là est bien la question. A
quoi, à qui avons-nous affaire ? Du pour de bon, du pour de faux ?
Comment tout ça est-il possible
alors que derrière et dedans l’écran ya que des prises et même plus de fils,
des composants électroniques utilisant le langage binaire, une suite très
définie où un zéro va précéder ou suivre un un ou inversement jusqu’à ce
que communication s’en suive ?
Est-ce le réel cherchant
ici et donc nulle part, au décours d’un détour virtuel, sinon à confirmer, prouver
son existence, délimiter ses contours, imposer des bornes au possible ?
T’es pas sur le net, c’est
pas net. Ta pas actualisé ta photo, c’est que t’es mort. Dieu à du mouron à se
faire s’il veut pas louper la prochaine teuf d’enfer.
Ou bien est-ce autre chose,
du nouveau, du presque vrai, de l’ordre du ressenti, de l’observé, de l’envie,
un contre déni implacable car écrit, photographié, discuté, critiqué, validé
par tous.
Des morceaux de vie mis en
ligne soulignant la réalité, grossissant le trait. Du virtuel comme adjuvant à
un réel déjà bien compliqué au risque de rajouter de l’entropie à l’entropie
jusqu’à atteindre paradoxalement le formatage général, universel.
Les hommes ont longtemps
cherché à voir ce qu’il y avait de l’autre côté de la lune, maintenant qu’ils
le savent ils sont bien avancés.
La vie reste une incessante
alternance de jour et de nuit. Le soleil et sa promise s’en sont faits raison, seule
la poésie garantit l’aléatoire et donc leur rencontre.
Alors pour de vrai ou pour
de faux, sur un clavier ou du bout des lèvres, abusons-en, donnons de la
couleur aux mots.
Pour sûr, nous nous ferons de
nouveaux amis.
Bachi-bouzouk