L'internement, le traitement contraint, la contention : une nécessité dans le soin psychiatrique ?
La longueur de la chaîne ne peut être
inférieure à
Voilà ce
que nous dit un des rares textes de loi, en fait un arrêté interministériel
daté du 25 octobre 1982 réglementant la contention, sauf qu’ici ne sont pas
concernés les hommes mais les chiens tenus
à l’attache.
J’ai pourtant bien
cherché, taper les mots clefs dans de nombreux textes juridiques, je
n’ai rien trouvé qui puisse faire lien, celui-là de mot est pesé, je n’ai rien
trouvé qui puisse faire lien entre
internement, traitement contraint, contention, nécessité, soin psychiatrique.
Il n’y a qu’en les séparant des
uns et des autres que le moteur de recherche s’agite, il ferait mieux
d’ailleurs de se calmer ou alors…,
faudrait d’ailleurs que je me calme aussi ou alors … je risque devoir avaler de
force quelques pilules bleues, blancs, rouges.
Il n’y a qu’en les égrainant que
le moteur de recherche répond, en particulier quand on isole le mot soin de
tous les autres, qu’est-ce que je pèse mes mots aujourd’hui…
Il n’y a qu’en les égrainant que
le moteur de recherche répond, en particulier quand on isole le mot soin de
tous les autres, veut-il nous faire comprendre par-là qu’on se plante ?
Veut-il nous faire comprendre que l'internement, le traitement contraint,
la contention n’ont rien à voir avec le soin, en d’autres termes qu’ils ne sont
pas thérapeutiques ?
J’entends d’ici les collègues de terrain : « Bla, bla, bla
c’est bien joli les discours emprunts d’éthique ou de remord mais on fait
comment quand le patient s’agite, quand
il menace, qu’il casse tout, remue, hurle, déchire… ? ».
J’entends d’ici les collègues de terrain. Ils ont raison. Ils ont raison
de rappeler leur pratique, notre pratique. Parce que des bla, bla, bla, des discours emprunts d’éthique ou de remord,
y’en a marre.
Quand est-ce qu’on agit, ou plus
justement qu’on agit moins pour mieux penser, pour mieux panser ( non ce
n’est pas de l’écho…) ? Quand est-ce qu’on réfléchit, qu’on se donne le temps
d’imaginer autre chose pour éviter que le patient s’agite, qu’il menace, qu’il casse tout,
remue, hurle, déchire… ? Quand est-ce qu’on réfléchit, qu’on se
donne le temps d’imaginer autre chose pour apaiser le patient lorsqu’il
s’agite, qu’il menace, qu’il casse tout, remue, hurle, déchire… ?
Dans le petit Larousse illustré, le mot contention se trouve entre les
mots contentieux et contenu. Du latin contantio signifiant lutte, il y est dans
un premier temps défini comme une tension forte et prolongée des facultés
intellectuelles. Coluche nous dirait là et
ce sera mon unique référence
scientifique : « Le képi, çà empêche la tête de se
développer !».
Le même dictionnaire précise plus
bas que la contention est un appareil ou procédé destiné à immobiliser soit un
animal ( relire le début de ce texte
afin de boucler la boucle…) soit une partie ou la totalité du corps humain,
dans un but thérapeutique.
Quand est-ce qu’on réfléchit, qu’on se donne le temps d’imaginer autre
chose pour apaiser le patient lorsqu’il s’agite, qu’il menace, qu’il casse
tout, remue, hurle, déchire… ?
C’est ce que j’ai essayé de faire en ouvrant le petit Larousse illustré,
ouvrir un livre restant la piste à privilégier quand on cherche à éviter d’avoir à fermer une porte.
Sans même avoir abordé les notions d’internement et de traitement
contraint ce livre, ce petit dictionnaire m’apprend que tourner une clef dans
une serrure ressemble à ce que l’on pourrait nommer le commencement de la
contention.
Imaginons donc une situation, mais cela n’arrive jamais, où la première
rencontre d’un patient avec le soin psychiatrique commencerait par l’enfermement ? !
Imaginons tout ce temps qu’il faudrait rattraper avant d’espérer mettre
en place une once de ce qui est trop communément nommé alliance
thérapeutique ?
Surtout que, mais c’est une lapalissade, un quart d’heure avant son
enfermement il était libre et de se poser la question : « Dans
quelle mesure le fait d ‘être plutôt dedans que dehors réduira
sa souffrance psychique ?».
Ne nous trompons pas, appelons un chat un chat, ce qui nous invite à traiter cet autre nous-même qu’on dit fou comme
un animal n’a pas de raison clinique mais trouve son origine dans une injonction sociétale pluriséculaire
quelquefois relayée par les soignants
eux mêmes.
Cette anecdote de Lucien Bonnafé résume bien d’où le secteur nous a sorti mais vers quoi l’actuelle politique de la peur souhaite nous faire revenir :
« Lorsque j'étais interne dans le service de
Chanès, à Ville-Evrard, j'ai recopié de ma main tous les certificats, en
commençant par le contingent des femmes qui avaient passé plus de vingt ans dans
le service. J'ai découvert que l'étude des certificats dépeignait bien mieux
les certificateurs que les certifiés... Notamment, celui qui disait toujours :
"Fond mental pauvre", c'était le plus con de tous ! »[1]
Zut, je n’ai pas tenu parole, encore une citation scientifique. Pourtant
un des fondamentaux de la psychiatrie est bien de parole tenir ?
Facile pour l’infirmier de tirer sur les médecins certificateurs, j’avoue
qu’un moment donné ou à un autre, exacerbé par la situation nous sommes tous
capables, coupables de maltraitance dont la plus sournoise reste la maltraitance ordinaire.
« Que
chacun regarde en soi. La bête est là, tapie, sournoise, prête à tout
dévorer. L'hydre du fascisme est en chacun de nous. Chaque soir je la
décapite. Chaque nuit ses tètes repoussent dons ma tète. Parfois, elle me
soumet. Parfois, je suis vainqueur. En moi : l'intolérance, moisissure fadasse
je ne vaincrai jamais définitivement. Mais, sans relâche, je décapiterai le
monstre. »
Une citation
encore et plus qu’un livre cette fois, la
poésie de Gilles Servat.
Depuis 50 ans, dans le sillon du
désaliénisme est né ce qu’on
appelait le secteur psychiatrique. J’ai bien dit on appelait pour vous
rappeler, nous rappeler l’urgence.
Plus qu’un symbole, ce sont des centaines d’idées qui ont germé,
poussé dans la tête des psychistes
concernés. Nous, je, tu, vous, ils ont imaginé, inventé une autre façon de
soigner. Être avec plutôt que face, des hommes et pas des murs réduisant de
leurs mots la rupture.
Pierre Pan divague au propre comme
au figuré. Il alterne course, saut et ralenti en long et en large de la maison.
Il envahit l’espace comme lui est envahi.
Quoiqu’il fasse, quelle que soit sa position, une voix parle, lui parle dedans la tête, dedans
ce corps qui est partout à la fois. Pierre court après son ombre et la fée clochette ensorcelle son esprit.
L'internement,
le traitement contraint, la contention, ça va changer quoi dans sa vie ?
Pierre Pan divaguera au propre comme au
figuré. Il alternera course, saut et ralenti en long et en large du pavillon.
Pas de grande différence. Quoiqu’il fasse, quelle que soit
sa position, une voix parle, lui parle
dedans la tête, dedans ce corps qui est partout à la fois. Pierre court après son
ombre et la fée clochette
ensorcelle son esprit.
Des hommes, des femmes autour de
lui, avec lui. Un traitement humain au sens littéral et bien plus. Mieux que
l’empathie, de la sympathie et de l’attention comme contention.
J’entends d’ici les collègues de terrain : « Bla, bla, bla
c’est bien joli les discours emprunts d’éthique ou de remord mais on fait
comment quand le patient s’agite, quand
il menace, qu’il casse tout, remue, hurle, déchire… ? ».
C’est bien ça le problème, nous savons
faire mais n’en avons plus les moyens.
Bachi-Bouzouk