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LA DECHRONIQUE de BACHI BOUZOUK
Faudrait pas louper le dur !




Alfred ne sait plus s'il commence ou finit sa nuit dans ce train. Un métro parisien aux sièges en bois ciré, clinquant, grinçant, bruyant. Un métro parisien qui a de la classe. Une pour les riches, une pour les pauvres. Une idée qui le révolte.
Il se rend à la porte d'Italie d'où il prendra un bus pour le cimetière de Thiais. Il est cantonnier des cimetières parisiens. Eux aussi à plusieurs classes. Sépultures pour riches, sépultures pour pauvres, une fosse pour les plus que pauvre, une fosse pour de vrais hommes.

Bousculé, secoué par le mouvement de la rame sur les rails, les arrêts, les départs, les aiguillages, il scrute machinalement le compartiment, fatigué d'une nuit sans sommeil, fatigué d'un combat sans fin.
Des femmes et des enfants d'abord, puis 2 ou 3 vieillards. A gâpette, en Vichy. Amaigris, sans sourire.

Son regard croise celui de Paul lorsque les verts de gris montent. " Ausweiss, schnell, polizei control ! ". Deux hommes en noir les accompagnent. Silencieux, ils détaillent minutieusement les pièces d'identité, les laissez-passer et autres autorisations de circuler. Alors que chacun cherche dans ses poches, dans son sac à main, ils emmènent Paul qui suit sans résistance. Sans un mot, sans un geste. Juste un non des yeux, presque imperceptible.

Juste un non pour dire au-revoir à son ami, continue, continuez, sans moi, pour moi, pour les autres, pour tous…
Rien ne vient de se passer, les portes se referment dans leur claquement sec et habituel, le train repart, la vie continue en effet.
Rien ne vient de se passer, d'où la nécessité de continuer la résistance.
Jusqu'à ce que le jour se lève et empêche à jamais la nuit de retomber.





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