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LA DECHRONIQUE de BACHI BOUZOUK



Vla la relève !

 

Stage de module optionnel. Késako ? Je me souviens plus très bien. Va falloir que je fasse tourner mon disque dur.  Stage de module optionnel, une donnée implantée au burin par l’école de cadre.  Stage de module optionnel, j’en entends aussi parler dans les réunions. Et de son évaluation, et de qui s’y colle, et pourquoi pas moi vu que c’est forcément mon tour puisque je suis le nouveau. Stage, module, évaluation, trois mots pesant lourd face au petit optionnel. Ya pas d’issue. Je suis enthousiaste.

 Le mieux c’est de ne rien préparer, d’ailleurs pas de temps cette année pour préparer une chose plus qu’une autre.          Le mieux est d’attendre la rencontre, découvrir, écouter, regarder, improviser si besoin. Et puis il y a les enseignants, veillant au grain, rompus à l’exercice. Une grille pour le torréfier, le moudre, le décaféiner. Virginie omniprésente, assise sur la pyramide,  scrutant l’horizon sombre du soin psychiatrique. Je suis enthousiaste.

Les mois passent. Je l’ai déjà oublié ce truc. Evaluation du stage de module optionnel. C’est déjà demain. Je suis enthousiaste.

J’ai bien dormi merci. J’ai pas rêvé de Virginie. De procédure, De protocole. De toutes ces choses qui justement empêchent de penser, de  rêver le soin. Je vais rencontrer toute une bande d’étudiants  qui vont me parler de mon quotidien de psy. Je suis enthousiaste.

Emilie, Véronique, Rachel, Laure, Sabine, Marie, Vanessa. Que des filles et un sketch sur la réinsertion professionnelle des personnes souffrant de troubles psychiatriques.

 Une table ronde, un plateau TV. C’est du comme si on y était. Devant le petit écran  qui déroule les vies comme du bitume. Sombre, gluant collant, manque plus que l’odeur. Un micro-trottoir, une vidéo. Une animatrice, 5 chroniqueurs à la JLD, quelques psys, psychiatre, psychologue, du public.

-         « Et mon Doudou, vous allez faire quoi pour mon Doudou ? ! Vous allez me le soigner mon fils? ! J’ai peur vous savez, y veut pas sortir de la maison, il reste là à regarder la télé, y veut pas travailler !  »

-         « Nous allons le recevoir au CMP, le centre médico psychologique. Il y  verra un psychiatre qui proposera ou non un traitement, une hospitalisation. Des structures alternatives pourront  être envisagées. L’hôpital de jour ou le Cattp, centre d’accueil thérapeutique à temps partiel où votre fils pourra se rendre dans la journée… »

-         « Mais  mon Doudou, vous allez me le prendre  mon Doudou  ! Je veux juste qu’il soit soigné mon Doudou ? ! Je veux qu’il reste à la maison mon Doudou !».

Cette dame s’agite, elle veut comprendre, qu’est-ce qu’ils sont en train de lui dire, de lui promettre ces technocrates du soin ? Elle connaît bien le problème, elle connaît bien la souffrance, la sienne induite par celle  de son fils, ou peut-être le contraire voire les deux, c’est pas important. L’important c’est son DouDou et ce que l’on va vraiment faire pour lui.

Une table ronde, un plateau TV. Sarcommence. C’est du comme si on y était.      Devant le petit écran  qui déroule la psy comme du bitume. Sombre, gluante collante, manque plus que l’odeur. Un micro-trottoir, une vidéo.

-         « A ma pauvre dame, bien sûr qu’on peut les aider mais les plus fous faut bien les enfermer tout de même ? »

-         «  L’autre jour à la télé y ont dit qu’il y en avait plein dehors ! »

-         « Avec beaucoup  de soutien peut-être qu’il y en a qui s’en sortent, qui arrivent à mener une vraie vie ? »

Une animatrice, 5 chroniqueurs à la JLD, du public, quelques psys, psychiatre, psychologue, pas d’ISP ou alors je les ai oubliés, effacés... Tout ce monde là se dit au revoir, se remercie. Tout va bien, les fous sont identifiés et il y a des spécialistes pour s’en occuper. Des structures, des CMP, des CATTP, des HDJ. Mais surtout des hôpitaux, spécialisés, comme tout le reste.

Le petit écran s’éteint, il n’y a plus de lumière, il n’y a plus de son. Le petit écran s’éteint, il a montré la solution. Tout ce que l’on peut vivre au quotidien n’est qu’illusion, déraison, pessimisme. Le petit écran a toujours raison, tout va aller très vite très bien  en psychiatrie.

Stage de module optionnel. Une donnée à déplacer certainement dans les favoris. Un truc à parler dans les réunions. Un truc qui permet de penser le soin sans faire appel aux  américains.

Stage de module optionnel. Toute une bande d’étudiants qui me renvoient mon quotidien de psy. C’est du comme si on y était.     .

Emilie, Véronique, Rachel, Laure, Sabine, Marie, Vanessa et un sketch sur la réinsertion professionnelle des personnes souffrant de troubles psychiatriques.

Sophie, florence, Candylène, Elodie, Blandine, Elodie encore et Thibault ( tiens ! un garçon) jouant une saynète sur le  sport collectif et la médiation thérapeutique vue par le conseil de service. Là encore c’est du comme si on y était. Je vous raconterai, promis.

Je tiens toujours mes promesses. Un truc important. Un truc de soignant. Un truc soignant.

Je lui  ai promis aussi à cette  bande d’étudiants en soins infirmiers. Promis d’écrire mon ressenti, ce que j’ai vu, entendu, évalué. Parler de leur drôle de façon de valider un module, leur drôle de façon de répéter la  leçon. Un peu à  l’envers, à contre courant.

Ils sont venus, ils ont vu et ont tout compris. Nos travers, notre ritualisme, notre immuabilité, notre chance, notre envie. Quelques-uns d’entre eux nous rejoindrons. Ils ont compris qu’une grande aventure soignante est encore jouable en psychiatrie. Reconstruire sur les ruines de nos espoirs. Faire le contraire. Plus que des mots, une solution d’actualité.

J’ai bien dormi merci. J’ai pas rêvé de Virginie. De procédure, De protocole. De toutes ces choses qui justement empêchent de penser, de  rêver le soin. Je suis enthousiaste.

 

Olivier Mans


nous contacter:serpsy@serpsy.org