*L'hôpital on ne s'en évade pas, (parce que d'habitude) on en sort.*
C'est d'une prison qu'on s'évade pas d'un hôpital.
Cette situation reste pourtant confuse pour certaines personnes admises
à l'hôpital sur décision de justice plus que par nécessité de soins.
Accusées de ni crime ni délit, objets d'un non lieu judiciaire, sans
peine et donc sans possibilité de réduction de peine, elles ne sont plus
le sujet de leur avenir, condamnées à une errance institutionnelle,
signifiant dans certains cas la perpétuité psychiatrique.
Le week-end dernier, un homme a quitté sans le consentement des
soignants, l'établissement de soin où il était accueilli. Cela arrive
tous les jours, un hôpital même psychiatrique restant avant tout un
hôpital, il n'y a pas de raison qu'il soit organisé comme une prison.
Parce qu'hier il n'a pu bénéficier pleinement de la justice citoyenne de
ses semblables, cet homme risque d'être aujourd'hui condamné si ce n'est
exécuté par celle du peuple. En cavale, aux abois, que se passe-t-il
dans sa tête alors que toute la France le recherche, alors que toute la
France connait son nom, son visage, la maladie dont-il souffre?!
Que se passe-t-il dans la tête de toutes les personnes atteintes de
schizophrénie à qui la presse ne cesse d'associer les crimes qu'il a
commis, le risque de récidive, son potentiel de dangerosité?!
Si justifiée qu'elle soit, cette traque ne concerne qu'un individu dont
le comportement délictuel mérite d'être isolé, restitué dans son
contexte dramatique et encore très douloureux pour la famille de sa
victime.
Mesdames, Messieurs les journalistes. Mesdames, Messieurs les
responsables du gouvernement, arrêtez de semer le scandale, d'utiliser
le sensationnel pour vous acharner sur les malades mentaux, les
stigmatiser tous les jours un peu plus. Vous le savez ou alors vous ne
vous intéressez pas aux études les concernant, ils sont bien plus
victimes de crimes qu'ils n'en commettent!
La prise en charge de la maladie mentale s'appuie en France sur un
dispositif thérapeutique nommé secteur. Un outil de prévention, de soin,
d'accompagnement, de réhabilitation, développés par une seule et même
équipe ancrée dans la cité, au service d'une seule et même population.
Le secteur a été inventé après la seconde guerre mondiale, à partir de
l'insupportable comparaison qui pouvait être faite à l'époque entre les
camps de concentration et les asiles psychiatriques Français où 45000
malades mentaux étaient morts de faim durant l'occupation. L'enferment
devant laisser place à la psychiatrie de secteur, c'est à dire aller
soigner les gens là où ils vivent.
Les lois sont certainement mal faites, en particulier lorsqu'elles ne
sont pas équitables pour tous, lorsqu'elles refusent la citoyenneté aux
plus fragiles, ces autres nous-même qu'on dit fou, quand ils commettent
comme chacun d'entre-nous peut en être malheureusement capable, un acte
délictuel, un acte fou.
Les lois sont certainement mal faites lorsqu'elles ne leurs accordent
pas une peine définie dans un temps limité assortie de la prise en
charge sanitaire et éducative nécessaire à leur future réinsertion,
effectuée par un personnel suffisamment nombreux et suffisamment formé.
Autant de soins dont bénéficient déjà aujourd'hui dans leurs bassins de
vie, à domicile, la majorité des personnes psychologiquement souffrantes.
Les lois sont certainement mal faites qu'elles méritent d'être
actualisées, améliorées pour se rapprocher jusqu'à garantir pleinement à
chacun d'entre nous, la liberté, l'égalité, la fraternité.
Les lois sont certainement mal faites ou à l'image de notre société qui
a échoué car ayant encore recours à la réclusion à perpétuité, une
oubliette moderne à laquelle il ne faut pas associer l'hôpital
psychiatrique.
Les lois sont certainement mal faites, c'est d'ailleurs pourquoi Mme
Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la Santé, de la Jeunesse, des
Sports et de la vie associative, a initié une commission composée d'
usagers et ex-usagers de la psychiatrie, des représentants de leurs
familles, de professionnels les prenant en charge, pour réfléchir
ensemble sur les missions et l’organisation des soins en psychiatrie et
en santé mentale.
Pourquoi ce groupe de travail, animé par M. Edouard Couty, ne
s'exprime-t-il pas sur une actualité si bruyamment relayée par la presse
et le chef de l'état ?
Olivier Mans (SERPSY) 2009