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LA DECHRONIQUE de BACHI BOUZOUK



Que se passera-t-il quand les psychiatres auront disparu ?

(Raprural)

 

D ‘abord  la crise, logique, bon nombre de personnes ont  affaire avec les psychiatres. Leurs patients, leurs familles, les médecins, les paramédicaux, les labos, les organismes sociaux, la police, les pompiers, les urgences, les tribunaux, les prisons, les élus, les médias, les lofteurs, la star calamity …Tout ce Monde là se met donc à paniquer : « Qui va m’écouter maintenant, me renouveler mon ordonnance ? », « Mon fils ma fille que vont-ils devenir ? », « J’ai besoin d’un avis moi ! », « Et ma prescription, qui va me la faire ? », « Quel avenir pour ma molécule ? », « Sans spécialiste pas de Cotorep ! », « Pour le HO Monsieur  le Maire, je fais comment ? », « Y déprime ou y déprime pas ? », « Vite vite un psychiatre ! », « Soignez-vous ! », « Pénalement responsable ? », « Françaises, Français… », «Tube cathodique recherche psychoprofiler à oreille absolue pour sculpture auriculaire… », «Y sont tous fous là dedans ! ».

Après le chaos, l’organisation. Les esprits se rassemblent, individuellement bien sûr mais aussi collectivement,  le travail de deuil commence. Il n’y a pas que les psychiatres pour écouter, comprendre, prescrire et inventer de nouvelles thérapeutiques. On se passera d’eux, on n’a pas le choix. En tout cas pas le temps de laisser passer les passants qui demandent en passant devant le CAC c’est du quel côté la Seine ? En tous cas pas le droit d’utiliser nos oreilles qu’à  écouter de grands ploufs suivis de glouglous incertains remontant  à la surface des eaux troubles dans lesquelles nous naviguons aujourd’hui.

Les psychiatres disparaissent mais dehors on s’organise. En vérité c’est très simple parce que souvent dehors c’est déjà organisé ou plus exactement dehors ça vie ou plus exactement dehors il y a  de la vie   ou comme disent les usagers de la psychiatrie intérieure, dehors c’est la vraie vie. Bref dehors sans psychiatre on s’organise. Autour de ce qui représente la vie de la personne. Ce qui fait qu’elle est citoyenne. Ce qui fait qu’elle reste debout. De toute façon c’est quoi d’autre une société à part un système qui permet à chacun de rester debout ?

Les psychiatres disparaissent mais dehors on s’organise. Au début, c’est comme quand les parents sont partis passer le week-end à la mer avec belle maman, désolé mais je n’ai pas encore passé le stade de l’adolescence c’est grave docteur ? Je reprends. Au début c’est comme quand les parents sont partis passer le week-end à la mer avec belle maman, on joue au grand,  on se fait à bouffer tout seul, on met la musique à donf, on se couche à pas d’heure… 

Les psychiatres disparaissent mais dehors on s’organise. On bouffe des pâtes collées, les poubelles dégueulent, les tympans se mettent à siffler (je crois qu’on  parle de moi, c’est grave docteur ?), les yeux sont tout cernés.

Les psychiatres disparaissent mais dehors on s’organise, mal. Allons voir ce qu’il se passe à l’intérieur.

Les psychiatres disparaissent, les patients restent. Quelques-uns s’en portent un peu mieux, quelques autres s’emportent un peu plus.  La société ni voit que du feu,  l’asile existe encore et c’est providentiel.

Les psychiatres disparaissent, retournons à l’intérieur, là où sont concentrés les fous s’agglutinent sûrement  les psychiatres. Les psychiatres disparaissent retournons à l’asile, c’est très organisé. Des lits, des clefs, des infirmiers, un psychiatre. C’est l’équation gagnante. Des lits, des clefs, des infirmiers, un psychiatre, ça rassure. La théorie du chaos est confortée. Après l’entropie, l’organisation. Après moi le déluge.

Les psychiatres disparaissent, retournons à l’intérieur. A l’intérieur c’est encore mieux organisé qu’à l’extérieur, c’est formaté. Dedans c’est comme dehors mais sans les risques, sans les aléas. Dedans, il y a des lits, des clefs, des infirmiers, un psychiatre. La personne reste couchée, la citoyenneté souvent aussi.  De toute façon c’est quoi d’autre un asile à part un système qui aide les gens à se maintenir du dehors voire même et plus souvent le contraire.  Dedans il y a de la vie aussi mais comme le disent les psytoyens de l’intérieur,  ce n’est pas une vie. Dedans est une mauvaise réplique de dehors.

Les psychiatres disparaissent, à l’intérieur c’est organisé mais ça sonne mal. Quelquefois ça résonne même, un peu trop, jusqu’à l’intérieur de l’appartement des voisins. Rapprochons nos structures isolantes de la cité mais SVP sans bruit, sans odeur, sans fracas… restons psychiatriquement correct. Même tout petit, même en tenue de camouflage, l’asile reste l’asile.

Que ferons-nous quand les psychiatres auront disparu ?  L’avenir nous le dira. Mais si nous le voulons moins sombre, que faisons-nous pour que les asiles disparaissent ?

OLIVIER MANS


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