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PREMIÈRES JOURNÉES FRANCO-UKRAINIENNES DE PSYCHIATRIE

RAPPORT DE MISSION EN UKRAINE

 

29-30 JUIN 1998

 

Docteur Patrick Bantman

Docteur Jacques Brafman

Docteur Jacques Jungman

Docteur Didier Sabatier

 

Contexte général de la mission

Rappel de la première mission réalisée en septembre 1997

avec les Drs Jolivet, Bantman et Sabatier

 

C'est à la demande du docteur Semion Gluzman et avec le concours de l'Ambassade de France à Kiev qu'a été organisée récemment une mission psychiatrique en Ukraine.

En effet à la demande du Dr.Semion Gluzman ,président de l'association des Psychiatres d'Ukraine (lettre de celui-ci au secrétaire d'état à la santé Mr Bernard Kouchner ) une mission fut mise en place par Mm.Catherine Wallisky (conseillère culturelle et de coopération scientifique et technique à l'ambassade de France à Kiev).

Les buts de cette mission étaient larges : information mutuelle des psychiatres ukrainiens et français sur les modes d'organisation et de fonctionnement de la Psychiatrie et jeter les bases d'une éventuelle coopération.

Rappelons que le Dr Semion Gluzman psychiatre a été arrêté en 1972 pour activités antisoviétiques, après avoir protesté contre les internements politiques pratiqués en URSS. Il a passé 7 ans de sa vie en camps sibériens. Depuis 1988, il mène un combat contre l'utilisation de la psychiatrie à des fins politiques. Il est Président de l'Union des Psychiatres Ukrainiens et du bureau Ukrainien pour la protection des droits de l'homme.

Nous étions trois psychiatres, le docteur B. Jolivet psychiatre, fondateur de la société psychiatrique d'aide à la santé mentale, le docteur D. Sabatier, praticien hospitalier travaillant en toxicomanie, et le docteur P.Bantman, tous deux membres de l'association psychiatres du Monde, à avoir fait ce voyage.

République indépendante depuis 5 ans, l'Ukraine est un pays de 52 millions d'habitants et de 600000 km2 qui connaît comme toutes les ex-républiques d'U.R.S.S., de nombreuses difficultés dans les multiples transformations du pays nécessaire pour ouvrir la voie à la démocratisation. Nous avons rencontré lors de notre séjour des responsables du Ministère de la Santé à Kiev. Le "psychiatre en chef" au Ministère, ainsi que le responsable de la santé mentale. Ceux-ci ont évoqués la mise en place des réformes dans le domaine de la Psychiatrie. En Ukraine. Les lois régissant la Psychiatrie sont héritières de l'ex-U.R.S.S. C'est actuellement le seul pays de la C.E.I. où les lois de l'ex-U.R.S.S. sont encore en vigueur.

Les réformes engagées visent à réduire le nombre de lits, à mettre en place des aides à domicile. On trouve officiellement le même désir que dans le monde de l'Ouest de faire évoluer la psychiatrie vers le "système médical.". Les "politiques" qui nous reçoivent usent d'un langage très officiel pour évoquer le passage en psychiatrie d'une approche "paternaliste" à une approche démocratique. Une loi élaborée récemment n'a pu être adoptée à cause de la pression des associations de familles. Cette loi définissait les aspects essentiels de la protection des droits des malades mentaux, la procédure d'hospitalisation sous contrainte et la garantie sociale des malades mentaux.

Il y a en Ukraine 4 000 psychiatres et plusieurs dizaines d'hôpitaux psychiatriques dont la capacité moyenne est de 1000 lits. Ces institutions sont reliées à des dispensaires couvrant la prise en charge ambulatoire, ainsi que des institutions recevant des malades dits "chroniques". Depuis l'indépendance, de nombreuses institutions connaissent des difficultés économiques considérables et sont contraintes souvent de solliciter des aides privées, d'associations religieuses entre autres, car l'Etat ne règle plus les budgets de certains hôpitaux. Le docteur Semion Gluzman nous a fait visiter deux hôpitaux, un plutôt classique, représentatif de l'état sanitaire de l'hôpital psychiatrique moyen en Ukraine, l'autre dont les moyens sont plus importants grâce à une direction médicale plus dynamique pour recouvrir des fonds extérieurs ainsi l'organisation d'une "loterie" a permis au directeur de recueillir 15000 dollars, par ailleurs le Consulat de Grande-Bretagne et la Hollande, ont aidé l'hôpital à s'équiper ou à humaniser les pavillons.

Déroulement de la mission

Nous avons rencontré à de nombreuses reprises le Dr.S.Gluzman ainsi que Mm.C.Wallisky et Mr.Tomasini . Nous avons été reçus au ministère de la santé par Mr. Pichtchikov, chef de la direction de l'aide médicale à la population ,Prof. Chuprikov, Psychiatre en chef au ministère, Bernatsky, conseiller économique ,Kvasnevsky, chef du département santé mentale au ministère. Nous avons visité deux hôpitaux Psychiatriques , l'un Tcherniguiv (150 kms au nord de Kiev ) .et Jitomir (120kms à l'ouest de Kiev ). Conférence dans les deux hôpitaux .

Les locaux de l'hôpital de TCHERNIGUIV (à 150 km au Nord de KIEV) sont assez vétustes, les malades par chambres de 18 ne disposent pas d'effets personnels, les lits sont côte à côte dans des pièces réduites. Pas de meubles pour les objets personnels, peu de traitement (l'hôpital dispose de "50 Kopecks" pour les médicaments (par patient et par jour soit le prix d'une baguette de pain ). Les moyens thérapeutiques sont réduits, physiothérapie par instillations de minidoses de médicaments, balnéothérapie avec "plantes aromatiques" . Ce qui nous frappe lors de cette visite, c'est que malgré le dénuement les gens ont l'air bien traités, le personnel soucieux de sa fonction. Lors de la discussion, le médecin chef, directeur de l'établissement, évoque sa révocation pour s'être plaint dans la presse de la situation de son hôpital. il a été depuis réinstallé à son poste. Alors que nous lui demandions ces attentes, il insistera beaucoup sur les obstacles politiques au niveau du ministère qui empêche la prise en compte de cette situation, son hôpital est quasi contraint à l'autofinancement. Dans la discussion avec les médecins et psychologues de l'hôpital alors que nous étions là plus pour écouter, ils étaient plus avides de savoir notre réalité professionnelle, signe d'une longue habitude de silence et d'une méfiance à l'égard d'occidentaux . La discussion sur la pratiques de soins et les présupposés théoriques fut brève. Les concepts en vigueur sont "kraepeliniens" et ils sont de plus en plus en rapport avec la classification internationale comme la CIM 10 ou le DSM 4, mais aucun travail d'évaluation se fait faute de moyens.

L'hôpital de JITOMIR à 120 km à l'Ouest est plus " cossu ". Plus habitué aussi à recevoir des visiteurs, anglais et hollandais pour la plupart. Notre conférence sur les pratiques en France souleva beaucoup d'intérêt de la part de nos collègues qui après un long moment où les questions étaient écrites et présentés au directeur, nous interpellèrent de vive voix cette fois plus sur les pratiques de soins à la fois hospitalières et ambulatoires, les règles d'hospitalisations, les conduites à tenir, le rôle des Associations de familles. Dans cet hôpital, nous retrouvions des réalités psychiatriques que nous partageons au sein de nos secteurs. Nous avons visité plusieurs services : enfants, adultes, ergothérapies, de malades placés sous contrainte. Les locaux sont assez attractifs, les chambres plus spacieuses. les traitements sont à la fois médicamenteux et psychothérapeutiques. En particulier de nombreuses techniques de groupes sont utilisés. les soins librement consentis par les malades sont variés. Un médecin nous déclare sur un ton "convaincant" que ses malades n'avaient pas de besoins sexuels dans l'unité mixte dont elle avait la responsabilité.

Quant à la visite de l'unité sous contrainte nous eûmes même droit à l'interview de malades dont un qui nous déclare être soigné par un médicament français (en fait il s'agissait du LEPONEX© qui lors de l'arrêt de sa commercialisation dans le monde occidental a été utilisé massivement dans tous les pays de l'Est). Là encore notre impression était d'avoir à faire à des soignants "soucieux" du respect dû aux malades et ce malgré des difficultés qui quoique moins criantes que dans le premier hôpital existait tout de même. Les collègues rencontrés à JITOMIR et avec qui nous avions discuté de toutes ces approches en psychiatrie de secteur ont été très attentifs à ce qui caractérise à la fois les aspects positifs - voire moins positif - de nos dispositifs : que ce soit en matière d'évaluation, de continuité de soins, d'effectifs. Ces questions ne sont pas déplacées dans le contexte ukrainien. Certes de graves difficultés sont rencontrées surtout dans le, domaine financier mais ce qu'il souhaite avant tout développer avec la France, c'est rencontrer des interlocuteurs dans le champs psychiatrique soucieux d'abord clinique, de soins psychiques et méfiants à l'égard des réponses types "fastpsychiatrie" que leur propose la psychiatrie Américaine.

Compte rendu des rencontres

Ces journées, qui se sont déroulées les 29 et 30 juin 1998 à KIEV en UKRAINE, ont réuni une centaine d'ukrainiens venus de tout le pays, et une délégation française de quinze personnes (des psychiatres, mais également des soignants et le Directeur du Centre Hospitalier des Murets ), sous l'égide du vice-ministre de la santé ukrainien et du secrétariat à la santé en France, qui avait adressé un message de réussite de B.Kouchner.

Elles ont été organisées conjointement par le Docteur Semion Gluzman président de l'Association des Psychiatres d'Ukraine et Catherine Wallisky, attachée culturelle de l'ambassade d'Ukraine à Kiev. Elles font suite à une mission psychiatrique réalisée en septembre 1997 par les Docteurs Jolivet, Sabatier et Bantman, avec le soutien de l'Association " Psychiatres du Monde ", afin de renouer des contacts interrompus depuis quelques années avec les Psychiatres français. Au retour, nous avons tenu assez rapidement à organiser ces journées afin de montrer notre volonté de collaboration et d'échanges avec nos collègues d'Ukraine.

Depuis un premier séjour de septembre 1997, après un premier rapport rédigé, nous avons mis en place un Comité franco-ukrainien de Psychiatrie (1), et fait part à nos collègues français de la situation de l'Ukraine à travers la presse spécialisé.

A. Organisation et déroulement des journées

Les premières journées franco-ukrainiennes de Psychiatrie ont été organisées en thèmes, par des psychiatres français et ukrainiens. La formule adoptée faisait intervenir un ukrainien et un français sur chaque thème. Les interventions concernaient la place de l'hôpital spécialisé, le point sur les thérapies, la place des associations et des familles la première demi-journée. Les deux autres demi journées concernaient les problèmes d'addictions et de toxicomanie, et les problèmes de formation pour les psychiatres et le personnel soignant. La dernière demi-journée faisait le point sur la pédo-psychiatrie et la place de la loi en Psychiatrie, sujets particulièrement importants pour les ukrainiens.

L'ouverture des journées fut réalisé par Mm. Raissa Bogatyriova, Vice Ministre de la santé d'Ukraine, et il était prévu un modérateur français et ukrainien pour chaque demi-journée .

 

1° - La première journée fut consacré à la présentation des aspects organisationnels en Ukraine et en France.

Les intervenants ukrainiens nous présentèrent un tableau assez précis de la Psychiatrie ukrainienne dont nous donnerons quelques éléments. Le Dr.Abramov de Kiev souligna la disproportion dans l'infrastructure des Hôpitaux, pas de distinction de placement avec comme principe souvent celui de l'isolement. A partir d'un échantillon de 3300 malades sélectionnés, 60% sont des schizophrènes, 30% des troubles psycho-organiques. 32% de ces malades sont hospitalisés 1 mois en moyenne. Dans "11% des cas, il y a un déficit de médicaments, et de nourriture"!!!... Dans "83% de cas, le niveau de vie des malades est au niveau du seuil minimum, 25% sont en dessous du seuil de pauvreté".

Dans 90% des cas les établissements psychiatriques sont des services fermés, alors que les lits "aigus" ne constituent que 15% du total.

A ce tableau assez sombre ; il faut ajouter la difficulté en Ukraine d'un véritable travail épidémiologique, tâche entreprise par le Dr S.Gluzman et l'association des Psychiatres ukrainiens.

L'intervention du Pr. Poltavets évoqua les méthodes de traitement. A ce propos, il insista à côté des méthodes "classiques" (médicamenteuses, psychothérapiques), sur l'importance des méthodes "ésotériques". Ce terme désigne l'utilisation de méthodes inspirées de sources religieuses, liées au retour des pratiques religieuses chez les psychiatres comme dans la population générale (Selon le Dr. Yourieva 50% des Psychiatres en Ukraine sont croyants et pratiquants et seraient près à avoir recours à des méthodes "ésotériques"). Pour lui, la Psychiatrie en Ukraine s'inspire de la Psychiatrie américaine et s'inspire sur trois mythes :

1/ Tout symptôme provient d'une anomalie biologique.

2/La Psychothérapie est contre indiquée pour les psychoses.

3/Tout facteur biologique ou clinique produisant un effet sur le psychisme du patient est prôné comme une méthode de soin (alors que rien ne le prouve scientifiquement).

En ce qui concerne la question des usagers et des associations de famille, le Dr. Choumliansky de Jitomir insista sur la faiblesse de leur organisation en l'état actuel des choses. Ce point contraste cependant avec leur impact au niveau politique puisqu'ils ont empêché la mise en place d'une loi sur la Psychiatrie il y peu de temps.

Par ailleurs, quelques membres d'associations de familles ont assisté à ces journées, dont un qui a pris à plusieurs reprises la parole.

2° - Les problèmes liés aux pratiques addictives et toxicomaniaques furent abordés l'après -midi.

Le programme composé à la fois par ukrainiens et français évoquait de nombreux sujets : "Pour soigner les addictions faut-il des institutions spécialisés ? Les traitements de substitution et leur avenir, Traitement de l'alcoolisme, où en est-on? ".

Le Dr. Vicvsky a insisté sur l'opportunité pour soigner les toxicomanes d'un travail très simple, "peu coûteux" et sans hospitalisation, basé sur la relation avec l'entourage, la famille, associé à la réflexion sur la cause de l addiction.

Le Dr. Skopitch abordant le traitement de l'alcoolisme a souligné lui aussi le contraste entre les méthodes actuelles et passées du " traitement par le travail et les médicaments aversifs ". On est passé depuis les années 70 à une approche "bio psychosociale". Mais le manque de moyens financiers menace les soins (par exemple les patients doivent payer leurs médicaments).

En Ukraine, c'est plus l'approche des problèmes alcooliques que la toxicomanie qui est développé. Nos collègues parlent de la Clinique Narcologique, pour évoquer l'approche des problèmes de dépendance. Le retard dans le domaine des traitements substitutifs, et de la prise en charge des toxicomanes semblent très importants. A noter le remarquable et très apprécié exposé à la fois psychopathologique et thérapeutique du Dr Descombey, qu'il illustra du rappel de la dette que la clinique alcoolique doit à Fouquet.

Nous eûmes droit à un exposé assez sidérant d'un collègue ukrainien de Karkhov sur " Les traitements substitutifs" qui laissa toute la délégation française très perplexe. Impossible de résumer son intervention où fût évoqué, l'usage de "radiations intra vasculaires dans la schizophrénie", "l'utilisation d'injection d'Haldol dans le LCR!!!, l'analgésie centrale" etc.

Ces travaux présentés à la fois du point de vue de la "recherche" et du" traitement" dans le cadre des affections psychiatriques, par un membre "imminent " des Psychiatres ukrainiens selon Gluzman, montrent, selon lui, la "diversité " du modèle psychiatrique ukrainien..(!)

3° - La troisième et dernière journée était consacrée à la question de la formation des Psychiatres et aux aspects juridiques.

En ce qui concerne la formation des médecins, il faut savoir que la Psychiatrie n'est étudié que pendant 12 jours ! pendant le cursus médical. Ceux qui se destinent à la Psychiatrie font un stage d'un mois dans un service de Psychiatrie. Il existe deux types de formation ; l'une est publique, l'autre " alternative". La formation concerne les abords généraux de la Psychiatrie, en particulier, l'usage des classifications, la CIM 10 notamment. Les programmes sont orientés vers la Psychiatrie biologique. Si on veut aborder la question des approches psychothérapiques, il faut avoir recours à la formation " alternative ". Celle-ci est payante et se fait sous forme de sessions de formation.

Après l'exposé du Dr Marylin Vinograde sur l'approche en Psychiatrie de l'enfant en France, le Prof. Kouznetsov évoqua la situation des 235000 enfants qui sont suivis en Ukraine, à travers des écoles spécialisées et quelques institutions. Dans ce domaine l'abord reste essentiellement médicamenteux et psychopédagogique. Rappelons à ce propos qu'il y a en Ukraine 10 millions d'enfants sur une population totale de 50,6 millions d'habitants.

L'intervention du Dr. Ostachko de Donietzk montra la différence entre la mentalité française et ukrainienne dans le cadre des soins et de l'éducation. Il propose de confronter le "tu peux" (te comporter comme tu veux, dire tout ce qui te vient à l'idée ) de la mentalité européenne par l'impératif " tu dois ".(tu dois être honnête et sans préjugés) de la mentalité ukrainienne. Comment comprendre cette assertion qui nous renvoie aux souffrances anciennes du peuple ukrainien sous le régime communiste et avant tsariste ? Faire qu'à l'impératif "tu dois" vienne à la place la liberté de le faire si tu le veux. Ce psychiatre est un des rares parmis nos collègues ukrainiens à avoir une "approche" de la Psychanalyse, qu'il découvrit lors d'un séjour en France. Il est aussi un des rares à parler français.

De cet exposé il ressort que l'aspiration à la liberté semble forte dans les changements souhaités dans la Psychiatrie, et au-delà de la Psychiatrie, dans la société dans son ensemble.

L'enseignement de la Psychothérapie et de la Psychanalyse est apparue il y a peu de temps en Ukraine. Il existe des cours de courte durée pour les étudiants en médecine, et pour les étudiants qui veulent se spécialiser en Psychiatrie. Une école de formation vient même d'apparaître en Ukraine à Lvov, où la formation dure 5 ans. Dans cette école il existe 4 axes d'enseignement de la Psychothérapie 1/Psychanalyse2/Psychothérapie familiale 3/Psychodrame4 /Gestalt thérapie. Cette école est entièrement payante.

 

B. Commentaires

Ces journées organisées rapidement ont de l'avis de tous été un succès , à la fois par le nombre de participants compte tenu du contexte du pays , et par le nombre d'échanges tout au long du colloque . Nos interlocuteurs ukrainiens ont apprécié l'organisation scientifique des journées où alternait intervention ukrainienne et française .Ils ont le sentiment d'avoir été traité à "égalité".

Quelques remarques sur ces journées. La première est le manque d'habitude de nos collègues d'Ukraine à respecter le temps de parole attribué. Il a fallu les interventions "musclées" des modérateurs français et ukrainiens pour appeler au respect du temps.

Il y eu deux interventions longues, non prévues au programme. L'une, d'une psychiatre de Donietzk sur les problèmes de Santé Mentale suite à la "liquidation" des avaries de la centrale atomique de Tchernobyl. Beaucoup de " liquidateurs" (2) souffrent en effet depuis, de problèmes psychiatriques et d'alcoolisme aggravant les problèmes somatiques et sociaux. Chaque année le nombre de ces patients augmente.

L'autre intervention, non prévue, fût celle d'un représentant d'une association de familles, afin de protester sur le cadre réglementaire de la loi sur les internements en Ukraine (cadre par ailleurs toujours non défini, et héritier de l'ancienne loi soviétique). Le litige porte sur le fait que les associations de famille souhaitent avoir la possibilité de participer à l'internement par un avis équivalent de celui de l'hospitalisation à la demande d'un tiers en France. Nous fûmes surpris de la réaction des Psychiatres ukrainiens à la suite de cette intervention, somme toute banale dans le contexte français. Dans un premier temps, ce représentant ne pu être entendu, car son micro était coupé.

Ces journées devaient se clore par la visite de l'hôpital Pavlov de Kiev. C'est le seul hôpital psychiatrique de Kiev. Il comprend 1700 malades partagés en 26 unités de Psychiatrie adultes, d'adolescents et d'enfants. Cet hôpital, à la différence d'autres dans la province a moins de difficultés. Il dispose de différentes sortes de psychotropes, les personnels : psychiatres, infirmiers sont "payés", (autour de 100 dollars/mois). Les effectifs sont restreints 3 médecins pour 80 patients, 1 à 2 infirmiers pour 80 malades. Ils travaillent sur 24 heures!!! Certaines méthodes thérapeutiques assez archaïques sont encore utilisées, tel l'électrosleepthérapy" afin d'induire le sommeil chez les enfants agités, ou encore certaines méthodes électrophorétiques dans l'énurésie de l'enfant...

 

C. Bilan et Perspectives

Il est difficile de faire un bilan de ce court voyage mais soulignons quand même plusieurs choses.

La satisfaction des collègues ukrainiens après la conférence, grâce à l'écho que cela pût avoir dans leur pays (présence de la vice-ministre de la santé, interviews télévisés des conférenciers), et aussi de par la formule utilisée, qui "invitait" Psychiatres français et ukrainiens à communiquer sur le même thème. "Ils se sont sentis à égalité ", nous confia Semion Gluzman. La question de la réforme de la Psychiatrie en discussion dans ce pays, à pu aussi par notre intermédiaire être abordée.

Mais 2 jours de rencontre ne peuvent changer un système aussi malade et au bord de la ruine qu'est le système psychiatrique ukrainien, avec son héritage du système soviétique. Ces contacts qui se sont renoués à travers ces deux visites doivent avoir des prolongements, et les collègues français doivent apporter leur soutien à l'Association des psychiatres ukrainiens.

Le travail entrepris par le Dr Semion Gluzman, Président de l'Association Ukrainienne de psychiatrie, vise à mettre en place une coopération avec différents courant de la psychiatrie Européenne dont la psychiatrie Française.

Les contacts établis avec des psychiatres français il y a quelques années se sont quelque peu ralentis. Actuellement beaucoup de littérature psychiatrique américaine est traduite et éditée en Ukraine. Le Dr Semion Gluzman se dépense sans compter afin de soutenir ses collègues à travers le pays mais "il s'amuse" à dire qu'il a plus de soutien des ex-représentants du KGB que du ministère de la santé en Ukraine. (3) Il nous demande, à nous Psychiatres français, de le soutenir à plus haut niveau. Afin qu'à la suite de l'emprise bureaucratique liée à l'exercice de la psychiatrie dans le contexte soviétique, les dirigeants politiques ne puissent continuer à défendre leurs propres intérêts, privés ou personnels, au dépend des intérêts de santé publique et ce malgré un discours officiel très "ouvert" qui nous évoque la fameuse langue de bois des années communistes.

Le contenu humaniste de la psychiatrie française peut peut-être aider nos collègues à rompre l'isolement dans lequel ils sont. Nous envisageons de proposer plusieurs actions, la traduction du manuel de psychiatrie d'Henri EY est déjà engagée et sera achevé à la fin de l'année. On peut envisager des échanges de stagiaires et des partenariats inter-hospitaliers.(4) Plusieurs responsables auprès de l'Ambassade de France rencontrés à Kiev et au ministère de la santé à Paris se disent prêts à aider à mettre en place cette collaboration.

 

 

Dr Patrick Bantman - CH "Esquirol" à Saint-Maurice (94)

Dr Emmanuelle Fakhri - CH "Les Murets" La Queue en Brie (94)

 

RÉFÉRENCES

 

 

(1)Ce comité s'est réunit pour la première fois en mai 1998 , il est constitué de membres représentatifs d'associations et de du corps professionnels des psychiatres français associé à un comité semblable en Ukraine (Toute demande de participation peut être adressé au Dr. Bantman au CH. St-Maurice .

(2)Ce terme désigne les 250000 ouvriers envoyés à Tchernobyl en 1986, afin de colmater les avaries de la centrale atomique, souvent sans aucune précaution vis à vis des radiations. Beaucoup sont morts ; d'autres ont souffert des multiples conséquences de l'exposition aux radiations .

(3)Le Dr. Gluzman était invité aux journées de Strasbourg de l'AFPPou il parla de "La Psychiatrie en Ukraine dans les années post-totalitaires".

(4)Cette délégation en juin comprenait Mr.Gellion, directeur du CH "Les Murets" à La Queue en Brie(94), le Dr. Brehier et Martin, Président et vice-président de la CME des Murets, le Prof. Moron et le Dr. Tollemer de Toulouse, ville jumelée avec Kiev ainsi que les Drs Bantman, Descombey, Fakhri, Haddad, Brafman, Jungman, Sabatier et Vinograde et M.Cazabat cadre infirmier .

 

 


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