Travail effectué pour une présentation aux : " Petites Sessions d’Enseignement Psychanalytique, le 29 mars 2000, au centre médico-psychologique " Le juvénis " à Gap.
Dans : Introduction à la psychanalyse, Freud pose la question : " Que devons-nous faire pour remplacer chez nos malades l’inconscient par le conscient ? " puis il s’explique : " Nous avions cru un moment que la chose était très simple, qu’il nous suffisait de découvrir l’inconscient et de le mettre pour ainsi dire sous les yeux du malade. Aujourd’hui, nous savons que nous étions dans l’erreur " écrit-il ; " Ce que nous savons de l’inconscient ne coïncide nullement avec ce qu’en sait le malade ; lorsque nous lui faisons part de ce que nous savons, il ne remplace pas son inconscient par la connaissance ainsi acquise, mais place celle-ci à coté de celui-là qui reste à peu près inchangé . Nous devons plutôt nous former de cet inconscient une représentation topique, le rechercher dans ses souvenirs là même ou il a pu se former à la suite d’un refoulement ". Freud ensuite évoque la phase de travail, après la recherche du refoulement, la suppression de la résistance qui maintient ce refoulement , on la supprime en la découvrant et en la mettant sous les yeux du malade. Il rajoute : " Nous faisons donc à présent ce que nous voulions déjà faire au début : nous interprétons, nous découvrons et nous faisons part au malade de ce que nous obtenons ; mais cette fois nous le faisons à l’endroit qu’il convient. " Puis il s’explique ; " La contre-manœuvre ou la résistance fait partie, non de l’inconscient, mais du moi qui est notre collaborateur, et cela alors même que la résistance n’est pas consciente. " " Nous comptons d’abord sur le désir du malade de recouvrer la santé, désir qui l’a décidé à entrer en collaboration avec le thérapeute ; nous comptons ensuite sur ses capacités de discernement à laquelle nous fournissons notre appui et notre soutien. Il est certain que " l’intelligence " peu aider à reconnaître plus facilement la résistance et trouver la traduction correspondant à ce qui a été refoulé, si nous lui en fournissons la représentation de ce qu’il y a à reconnaître ou à trouver. " De la même façon, l’interprétation d’un texte, ne peut être jamais que la tentative de proposer un autre texte, équivalent mais plus satisfaisant pour telle ou telle raison. En l’occurrence le défi qui m’a intéressé ici, est de mieux apercevoir, derrière une relecture possible, du rêve d’Irma : ce que le besoin d’interpréter apporte à la clinique infirmière sachant qu’elle ouvre sur des espaces devenus légitimes à explorer ? !… 2. " Kesky " peut bien pousser ces gens de parole et de silence que sont les soignants en psychiatrie…
Quand on remplace dans les écoles primaires, la traditionnelle rédaction à thème imposé, par une narration à sujet libre, on s’étonne de constater combien de poètes, de nouvellistes et même de romanciers en herbe la classe contient au sens de contenir mais aussi de contention. Les documents établissant la proportion des enfants doués en rapport avec les conditions du milieu sont ventilés au ministère des affaires sociales. Ainsi les choses restent en ordre, ce qui permet sans doute à chacun de faire son métier. On rencontre parfois des circonstances favorables à l’écriture : murs d’université ou de prisons, mais elles sont rares et si l’on a été mal élevé, on se contente de ceux des cabinets public ou des monuments historiques . De fait, à part un éventuel journal intime à l’adolescence, quelques poèmes et autant de lettres d’amour, on a plus l’occasion d’écrire : on manie le stylo bille pour des écrits fonctionnels et administratifs, mais on n’écrit pas. Pour sommaire et triste qu’elles soient, ces constatations concernent indirectement la psychanalyse si tant est qu’on remarque qu’elle est à la fois , le lieu, le prétexte et l’inspiration de nombreux écrits : universitaires, rarement politiques surtout littéraires, quelquefois médicaux. Le discours analytique fondé dans le travail singulier, à chaque fois unique, effectué par certains patients et spécifié par la parole, parole orale, parole dite et non écrite est aussi le lieu d’une autre production, récupération du discours analytique, au service du travail clinique institutionnel ou l’infirmière pour parler d’elle, sans changer de statut, effectue dans le travail de transmission de l’information qu’est l’écriture, une élaboration que l’on peut qualifier de tertiaire, voir une version interprétative cohérente et lisible en se servant ou s’inspirant de la théorie de soin qu’est la psychanalyse. Avec la connaissance que l’infirmière a de l’autre, sans les caractéristiques réflexométrique de la graphologie mais bien sur l’économie de son fonctionnement mental, l’économie des désorganisations et des réorganisations, ce qui n’était déjà plus un discours au sens analytique du terme, devient aussi alors et entre autre chose ; une production d’écriture, celle du cahier de transmission, des fiches de synthèses, de la démarche de soin, des comptes-rendus de bilans ou des travaux de recherche, voir du postit laissé sur le coin du bureau, explicitant, élucidant, analysant, mais aussi construisant, colmatant, fermant, camouflant, voilant sous réserve qu’elle soit écriture et qu’elle permette la lecture. Pour la clinique de l’Infirmière en psychiatrie, sans préjuger si sa production de textes écrits a ou non une valeur littéraire, artistique ou marchande, en s’aidant de guides de recueil de données diverses ou d’échelle d’autonomie sociale, on dit aussi qu’elle trouve sa fonction dans un " rapport " entre le travail du soin et le travail de l’écriture, qui, à maintes égard, comme dans la vie courante, est le refuge privilégié dans lequel quelqu’un trouve ou retrouve la nécessité d’écrire. Ce travail réalise un vœu, celui de comprendre cet autre en souffrance, du moins d’en comprendre quelque chose, et autour de ses objectifs de soins, d’en donner une version qui satisfasse à la fois le désir et la censure, sachant que le travail de l’écriture utilise, lui aussi, le déplacement et la condensation, important des fantasmes, des souvenirs, des idées toutes faites, procédant là aussi, comme l’élaboration secondaire du rêve, triant, figurant et défigurant, cherchant à maîtriser les affects en les nommant, en les inscrivant dans des mots. A ce propos, je reviens sur le mot " écriture " qui ne concerne pas seulement l’éventualité d’une œuvre imprimée et diffusée, mais aussi la rédaction d’un texte personnel, ou d’une simple fiche, d’un pense-bête : noter pour ne pas oublier ; Fixer une parole et son instant, se prémunir ainsi contre une élaboration ultérieure où nous aurions peut-être peu de goût à affronter ce qu’il en adviendrait en la laissant libre. Lister des symptômes, des malaises ou des interrogations, n’est peut-être pas si différent de l’exercice mental consistant à faire que l’espace du rêve devienne une communication qui s’appuie sur les représentations, les symboles et les langages préconscients. Dans le même temps, il arrive qu’un malade sensible au partenariat de ce thérapeute qu’est l’infirmière lui lise une lettre qu’il a écrite ou lui confie son journal, qu’il utilise des notes pour rapporter un souvenir, des émois une impression comme pour " s’entraîner ", " se recentrer ", " se concentrer ". Une carte postale parfois suffit. Si de simples phrases sont révélatrices de ce que pourrait être une écriture : " Ma vie est un roman ", ou plus subtilement ; " je vais te raconter mon rêve " d’autres malades évoquent sur un mode douloureux, leur impossibilité d’écrire, telle Céline qui, le matin à l’ouverture du Foyer, m’accueille en voulant me faire le cadeau pressant de son rêve nocturne, comme pour se débarrasser d’un vêtement trop encombrant, d’une incapacité à maîtriser l’angoisse du réveil qu’elle associe à son rêve. Le récit de ce rêve qu’elle à déjà fait avec des variantes et qu’elle préfère me raconter plutôt que l’écrire comme je lui suggère, déjouant la fonction que je lui réserve d’une possible percée vers le conscient de ces fantasmes. Le récit semble de toute façon avoir un effet sur moi ; Céline me dit qu’il est question de " trois moutons dévorer par le loup, celui-ci devenant moribond après avoir tué deux des moutons et s’être rendu à la merci du troisième ", l’angoisse profonde dont elle dit avoir été submergée au réveil ne cesse de l’inquiéter de la même manière que si le rêve avait franchi la barrière du réel, la plongeant du même coup dans une stupeur irréelle qui semble encore la fasciner. En me référent autant au diagnostic infirmier utilisé dans la démarche de soin de Céline qu’à mon ressenti personnel, je savais que chez cette patiente, il existe des risques élevés d’automutilations volontaires, liés à la difficulté à maîtriser ses impulsions et si je me risque volontiers à une interprétation, c’est à la fois parce que j’ai l’impression que Céline peut la rejeter autant qu’elle peut mesurer ainsi l’attachement qu’il existe à son égard. Je me rendrai compte plus tard, à l’occasion de la création d’un collage décoratif pour fêter le nouvel an au foyer, avoir alors emprunté une piste " payante " en suggérant à Céline, dans le rôle du loup, non pas la place de sa mère, qu’elle décrit comme froide, mauvaise et manipulatrice, ne l’ayant pas désirée à la naissance et lui reprochant de ne pas l’avoir protégé d’un père alcoolique et incestueux, mais plutôt celle de son ambivalence à vouloir réellement sortir de la culpabilité à laquelle les enfants de l’inceste sont souvent réduit. C’est justement en tentant de mesurer avec Céline l’effet structurant de la culpabilité et le souvenir de la relation à son père, malade : comme " elle ", que s’élabore ensemble, par la parole, l’expérience d’une lecture de la pulsion, restitutoire de sa fonction de sujet. Les moutons dans cette hypothèse logique là, occupant le rôle vainqueur de son fragile pré-inconscient, Céline semblera sans renoncer, " intéressée " par la fabrication probable de l’énoncé autour de son histoire et d’un mouvement économique dans l’inorganisation . De là je verrai que l’unique mouton survivant, sans doute pour un temps revivifié, quelques jours plus tard, se manifestera lorsque Céline me présentera au milieu d’un collage, une photo découpée sur un magazine représentant un Gnou poursuivant un lion, exemple subordonné de sa vie instinctuelle à la raison, illustration de ses fantasmes homosexuels, avec l’écho d’une règle plus contre-nature que la soumission à l’inconscient, celle du transfert qui permet que soit abordé les traumatismes de l’enfance mais également qu’une construction soit possible autour d’objectifs à fixer où, l’écriture se noue avec la lecture et n’est plus " étrange air ". Qu’est-ce qui peu bien justement pousser ses gens de paroles et de silence que sont les soignants en psychiatrie à écrire ?, certes il y a la contribution à une pratique qui n’est pas uniquement orale, à une formation qui fait part de l’introspection amenant ces soignants à se sentir concerné par l’écriture. Tous ? !…peut être pas car il y a ceux qui écrivent beaucoup et il y a ceux qui écrivent peu ou pas. Il n’y a qu’a entendre ce qui se s’évoque ici ou là au nom de l’inhibition, de la mégalomanie, de la transgression ou tout simplement de la paresse pour repérer les besoins spécifiques se cachant dessous tant de justifications et rejoignant l’apparition de l’écriture chez les malades. En somme, s’il y a une différence sensible, quant à l’écrit, entre le malade et l’infirmier, elle réside entre ce qui reste dans le tiroir et ce qui est publié, posant par la- même la question de ce qu’on peut appeler " l’obscure exigence " de ceux qui fréquentent l’inconscient. Lorsque l’écriture en servant le soin effectue une approche analytique, elle documente le travail soignant, s’astreignant, au contraire du travail du rêve, à établir des liens logiques, une grammaticalité, une temporalité et suscite les représentations sans les produire directement. 3. Il faudrait connaître les écrits qui ne sont pas mentionnés. Partant du postula que l’écriture d’un rêve, pour reprendre les termes de Freud au début de l’interprétation des rêves : " jouant avec les pensées voulues et les pensées non-voulues, consomme une énergie qui apparaît dans l’écriture entre la réflexion intellectuelle et l’auto-observation associative ", ne permet-elle pas aussi d’arranger le rêve, ne peut on dire que l’écriture d’un rêve est le compromis d’un compromis ? !. Au delà des thèmes bien connus : plaisir masturbatoire de l’écriture, maîtrise et plaisir que celle-ci apporte en écrivant, exhibitionnisme de la lecture frustrant l’auditeur en le forçant à se taire, au moins pendant le temps de la lecture. Destinée à avoir un effet, l’écriture s’arrange pour qu’on la comprenne mais pas trop, suffisamment pour apaiser, mais pas trop pour sévir. " En réalité, " dira Freud dans l’interprétation des rêves Chapitre. II ; " Il n’est pas trop difficile…de se mettre dans l’état d’auto-observation sans critique. Je peux le faire très facilement surtout si j’écris toutes les idées qui me viennent, ce qui peut être aussi un secours. ". Si l’on tient compte de l’analogie en le relisant, le premier rêve que Freud a, selon ses propres termes, " soumis à une analyse détaillée " est un rêve qu’il a noté le matin dès le réveil et qu’il a analysé en l’écrivant et en écrivant ses associations d’idées qui lui venaient à l’esprit. Pour reprendre le rêve d’Irma où Freud précise qu’il a tout dit, que d’autres interprétations sont possibles, que d’autres pistes peuvent êtres suivies, il présente un texte clos terminé par une interprétation définitive : " Mais si j’embrasse tout cela d’un coup d’œil, je peux le réunir en un seul groupe de pensées que j’étiquetterais : inquiétude au sujet de la santé ( la mienne ou celle des autres, scrupule de la conscience médicale.). L’interprétation que Freud donne de son rêve, la minutie avec laquelle elle est menée, l’obstination, l’enthousiasme de tout expliquer et en même temps de rester inébranlable au plus près d’une version interprétative apparente presque dès le début du récit peut laisser dans l’embarras, d’autant plus qu’il s’agit d’un rêve " historique ", celui qui ouvrira quelques années plus tard " L’interprétation des rêves "
paru dans : " L’interprétation des Rêves " .
1. Nous devons nous former de cet inconscient une représentation topique.
1) Pourquoi Freud a-t-il eu ce rêve de l’injection faite à Irma ?.
2) Pourquoi l’a-t-il écrit et analysé ?.
3) Pourquoi en a-t-il donné une interprétation qui paraît si peu satisfaisante ? .
Dans les critiques psychobiographiques, on apprend qu’avant la nuit du 23 au 24 juillet 1895, Freud n’a jamais encore analysé un rêve mais une note dans " les études sur l’hystérie " parue avant le rêve de l’injection faite à Irma, prouve le contraire apportant une contre-épreuve à cela. Freud connaît bien la famille d’Irma et de l’autre jeune veuve dont il ne cache pas qu’il désire vivement la soigner. Dans le récit préliminaire, il est question de " relations complexes ", de " sentiments mystérieux ", et d’une atmosphère de désaccord faisant réfléchir à l’aspect regrettable d’une recherche psychobiographique. Néanmoins on peut remarquer que si le texte manifeste du rêve exprime le vœu de Freud de n’être pas responsable de l’échec du traitement d’Irma, le contenu latent de ce rêve est " lié directement à l’ambition de Freud : guérir les névroses et interpréter les rêves "
Sommes-nous plus satisfait pour autant ? ! : Entre échec, reproche, déception, refus, un seul succès : " Alors, elle ouvre bien la bouche ". L’image est reprise dans l’analyse du rêve sous une forme différente et atténuée : " La bouche s’ouvre bien alors. l’image est l’objet d’une note en bas de page , peut-être un peu laminaire pour notre curiosité ; " J’ai le sentiment que l’analyse de ce fragment n’est pas poussé assez loin pour qu’on en comprenne la signification secrète. Si je poursuivais la comparaison des trois femmes, je risquerais de m’égarer. Si l’on reconnais qu’il y a dans tout ce rêve de l’inexpliqué ; cela revient à dire qu’il participe de l’inconnaissable. ".
Comme à propos d’Irma, ne peut-on dire que l’interprétation de Freud escamote un conflit œdipien, une soumission homosexuelle et un fantasme de castration . Fixé et fermé dans son écriture, il reste intouchable à l’analyse, à la fin de l’épisode du rêve de l’injection faite à Irma, Freud nous a prévenu : " Que ceux qui seraient portés à me blâmer pour cette réserve essaient d’êtres eux-mêmes plus explicites ". On serait tenté de relever le défi si la documentation n’était pas incomplète car il faudrait connaître les écrits qui ne sont que mentionnés :
Lettre à Irma.
Ce n’est pas tant cette " solution ", que Freud à mise entre guillemet et dont, évidemment, il nous donne à entendre le double sens, qui pose une énigme, mais bien plutôt cette lettre d’Irma, car il n’en est plus question dans l’analyse écrite après le rêve. Le discours après le rêve présente une lacune : la lettre à Irma a disparu. Freud reprend " morceau par morceau " les éléments du rêve, il commence par " le hall, beaucoup d’invités, nous recevons ", puis continue par : " Je reproche à Irma de n’avoir pas encore accepté la solution… " Deux éléments du rêve sont gommés dans l’analyse : " Irma que je prends tout de suite à part ", et cette image est retrouvé un peu plus loin à propos de l’évocation d’un couple debout, près d’une fenêtre ; deuxième élément, celui-ci totalement occulté : " en réponse à sa lettre ".
Au milieu de tant d’écriture qui explicitent, élucident, analysent mais aussi construisent, colmatent et ferment : cet acte manqué dans l’analyse du rêve est surprenant et ne laisse pas indifférent amenant à se demander de quel refoulé cet oubli est le retour. Freud ayant emporté avec lui le bloc magique et ses inscriptions, publiant la feuille de cire, nous ne saurons jamais la signification de son acte manqué.
Tout peut servir à la résistance, l’écriture y compris et Freud n’en était dispensé. La parole peut être reprise, elle peut se permettre de vaciller, de bafouiller, de rester en suspens et sa réélaboration reste possible tant que le sujet parle et qu’un autre écoute, fusse un dialogue de sourds. A l’opposé l’écriture est un travail solitaire, qui suppose par définition l’absence de l’autre ; ensuite elle ira naviguer loin de son auteur. Celui-ci, seul créateur, s’expose toujours à la rature, à la perte d’un objet, objet partiel, de la consommation duquel il pourra se réjouir, mais sur lequel il n’aura plus de prise. Parler, associer, faire le travail du soin c’est rester dans le vivant, dans le mobile ; écrire c’est cheminer vers une conception singulière et laborieuse vers une dispersion imprévisible et incontrôlable. On peut toujours se contredire, on peut plus se contre-écrire.
Est-ce pour que l’écrit " dissimule " qu’on le fait souvent dans les dossiers de soins infirmier ressembler à une parole, sans gâcher pour autant la création interprétative dans le travail d’approche clinique. Le fait que l’écriture puisse servir de résistance à la relation rend suspect toute écritures dans et sur la psychanalyse ; tant mieux, dira-t-on, puisque l’analyse est l’analyse des résistances, mais cette résistance a ceci de particulier et de spécifique qu’elle défie l’approche analytique.
En envisageant ce en quoi le récit du rêve favorise l’élucidation de celui-ci mais aussi la résistance à son interprétation, le rêve se révèle comme l’accomplissement d’un désir. La tentative d’interprétation peut être bonne ou pas, elle peut " prendre " ou non. En utilisant les deux faces de l’écriture, celle qui comprend et celle qui camoufle, on peut aussi considérer que Freud s’est montré et auto-analysé publiquement , renvoyant dos à dos le travail de l’écriture et celui de l’analyse. Si la loi scientifique ne se raconte pas, elle se découvre et préexiste à son inventeur ; elle régnerait même si personne ne l’avait formulée ; elle ne peut pas se perdre, gravée ailleurs elle se moque même de l’autodafé des livres. Le blanc est rempli, la lacune est suturée, bien plus que par l’écriture, bien plus que par l’analyse : par la lettre ouverte d’une loi scientifique.
Le rêve de l’injection faite à Irma commence par une fête. La relation à l’autre en ce qu’elle a d’improvisation, d’explosions, de délire est aussi une fête, fête dont l’écriture garde la nostalgie mais dont elle sait éteindre les lampions pour en garder la trace.
On suppose savoir aujourd’hui qu’en ne nous dévoilant pas le contenu de la lettre à Irma, tout ce passe comme s’il existait un phénomène d’auto intimidation et d’auto censure, en rapport direct avec une idéologie médicale que l’infirmière en l’occurrence a plus ou moins intériorisé. Se poser des questions et émettre des hypothèses psycho-dynamique est encore trop rare et l’utilisation du cahier de rapport ou du dossier de soin est peut être impropre à simplement reconnaître l’autre comme sujet, le symptôme n’est pas la ressource et le soin revient toujours au soignant.
Si l’infirmière souhaite élaborer une pratique compatible avec l’évolution de la théorie psychanalytique, ou l’inconscient de Freud va de pair avec une forme narrative clair et distincte des personnages, une séparation du commentaire et de la description, du mot d’esprit de la conversation publique ou de la rumination intérieure elle peut s’enrichir d’une structure du récit transformé par l’écriture moderne, subverti par les contractions de temps, d’espace, de personnage, du dedans et du dehors.
Les comédiens du Grand-Magique Circus écrivaient leurs textes après le spectacle . Jérôme Savary précise : " C’est le spectacle qui fait l’écrit, lequel sans lui n’est plus qu’un oripeau mal taillé et fatigué, traînant dans la coulisse. " Entre la relation soignante et sa reprise en parole, je dirai que le Grand psychanalytique Circus peut continuer sans texte écrit…
Michel Foucher.
Bibliographie :
S. Freud, l’Interprétation des Rêves, Presses Universitaire de France.
S. Freud, Introduction à la Psychanalyse, Bibliothèque Payot.
M. Robert, La Révolution Psychanalytique, Bibliothèque Payot.
O. Mannoni, Clefs pour l’Imaginaire ou l’Autre Scène, édition du seuil.
J. Counut, " Lettre ouverte à Irma " Revue Française de Psychanalyse, presses Universitaires De France, 1973.